Blog généalogique, souvenirs d'aïeux de Conques (Rouergue) à Samoëns (Haute-Savoie), en passant par l'Anjou, la Bretagne, l'Ain, la Suisse . . .
« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »
- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches
samedi 7 octobre 2017
Projet Philomène #1 : Philomène Prost
samedi 18 février 2017
#RDVAncestral : Louise, mariée à 12 ans
Je regarde Louise. La nouvelle robe lui plaît, bien sûr. C'est pas tous les jours que sa mère lui confectionne une nouvelle robe. Mais en même temps elle a l'air un peu triste. Elle regarde le coffret en bois qui l'attend. C'est son père Benoît, laboureur, qui l'a fabriqué après ses journées de travail, dans le plus grand secret. Il est petit et ne contient que quelques rares effets : sa robe de tous les jours, une aune de toile et deux serviettes un peu usées. Mais c'est le sien. Ça lui a fait bien plaisir quand son père le lui a donné hier soir.
Mais ce coffre et cette robe, c'est aussi le signe du départ. Aujourd'hui Louise quitte sa famille. Elle va dans la vallée voisine, autant dire le bout du monde ! Reverra-t-elle ses proches ?
Et surtout... Ce voyage n'est pas ordinaire, comme quand on va à la foire ou dans un autre village pour une veillée. Non, cette fois Louise s'en va pour suivre son mari. Ce Claude qu'elle a épousé ce matin en l'église de Lantenay. Elle ne le connaît pas ce Claude. Elle sait juste qu'il est tailleur d'habits. En plus il est vieux ! Il a au moins 20 ans, voir plus ! Du haut de ses 12 ans, pour Louise, c'est un vieillard... Car, oui, Louise n'a que 12 ans et vient de se marier.
- Bon allez, ça suffit maintenant !
Clauda met fin au chahut des petites.
- Le charriot est prêt : c'est l'heure.
Louise sent les larmes lui monter aux yeux. Il faut dire que sa mère n'en mène pas large non plus. C'est sa petite qui la quitte aujourd'hui, tout de même. Je crois qu'au dernier moment, le courage lui manque. Je propose donc d'accompagner Louise : d'un signe de tête Clauda me remercie.
Je prends le coffret sous le bras et Louise par la main. Nous sortons de la maison sans un mot et nous nous dirigeons vers le charriot qui attend la jeune épousée.
J'essaie de la réconforter comme je peux, mais il est vrai qu'avec ma mentalité du XXIème siècle j'ai un peu de mal à me réjouir d'une mariée de 12 ans ! On dit en général que le mariage est le plus beau jour dans la vie d'une femme. Mais à 12 ans... Ces usages ne sont plus dans nos habitudes et sont presque devenus choquants pour nous. Cependant Louise tient fort ma main dans la sienne, accrochée à moi comme un noyé à une bouée. Alors j'essaie de lui parler, de la rassurer.
- Ne t'inquiète pas Louise : il n'est pas si vieux ce Claude. Il n'a que 21 ans [Bon, c'est le quasiment le double de ton âge, mais ça pourrait être pire... : décidément, il y a des choses qui ne sont pas bonnes à dire]. Tu vas avoir ta maison à toi. Et bientôt des enfants. Et puis Brenod, n'est pas si loin.
Nous sommes déjà arrivées au charriot. Je pose le coffret et j'installe confortablement Louise, une couverture autour des épaules : à près de 1 000 m d'altitude en plein mois de novembre il peut faire très froid sur les routes. Elle semble un peu réconfortée. Je sais que son inquiétude va passer avec le temps. Et puis, dès l'année prochaine elle mettra au monde un fils; suivi de trois autres enfants. Après le décès de Claude, elle se mariera à nouveau. Elle aura cette fois 27 ans et déjà presque toute une vie derrière elle. Encore deux enfants. La vie qui continue. Finalement Louise s'éteindra à 59 ans.
Louise Baland, mon ancêtre à la 13ème génération (sosa n°5371) est à ce jour la plus jeune épousée de ma généalogie : mariée le 13 novembre 1657 à Lantenay (Ain) à 12 ans seulement avec Claude Massonet (âge probable : 21 ans).
Pour les curieux : afin de se rappeler de la différence entre nubilité (âge à partir duquel on peut se marier) et majorité matrimoniale (âge à partir duquel on peut se marier sans le consentement parental ni celui d’un tuteur) au cours du temps, voir le récent article du blog de Stefieh Ils étaient une fois... bienvenue chez mes ancêtres "N comme nubilité et majorité matrimoniale").
samedi 4 février 2017
#Généathème : généalogie côté insolite
Non mais !
samedi 14 janvier 2017
#Généathème : paléographie mon amour
- Recensements,
- Listes électorales,
- Registres de succession,
- Cahiers de doléances,
- Registres militaires…
- Contrats de mariage,
- Testaments,
- Inventaire après décès,
- Ventes,
- Quittances,
- Affermages,
- etc…
- j’ai laissé l’orthographe d'origine
- quand je ne suis pas sûre d’un mot je le fais suivre d’un [ ?]
- quand je n’arrive pas à déchiffrer un mot (ou une suite de mots) je mets un [… ?]
- un mot rayé suivi d’un autre en gras est signe d’une seconde lecture corrigée aujourd’hui,
- un [ ?] ou un [… ?] rayés : de même.
- les « griffonnages » (sic) dans la marge n’ont pas été transcrits !
- avant ce contrat de mariage, les protagonistes étaient connus comme François Jannay et Andréanne (ou Andrianne, Andréaz, Andriaz) Buffard. Dans l’Ain les surnoms sont courants, d’où celui donné au père d’Andréanne « Bon garçon ».
- j’ai parfois ajouté un espace pour une meilleure compréhension du texte, symbolisé par un tiret bas _.
- à la relecture, je me suis aperçue que j’avais sauté une ligne (deux fois) et donc oublié une portion de phrase : texte retranscrit en gras.
vendredi 18 mars 2016
Laissons faire le hasard
Marie Victorine Cochet est originaire de l'Ain, dans la vallée de l'Ange. Elle est née à Martignat en 1820, sous l'époque de la Restauration, lorsque les Bourbons reviennent au pouvoir. Ses parents sont cultivateurs et travaillent une terre de basse montagne (entre 500 et 980 m), où l'on fait pousser du froment, du seigle, de l'orge, fait du commerce de bestiaux et de bois. Activités principales que l'on complète par la fabrication de soieries, du tissage à domicile et de petites fabriques de peignes. La commune compte alors un peu moins de 700 habitants.
D'après les actes officiels, il semble qu'on l'appelait usuellement Victorine : c'est le prénom que l'on gardera ici. Elle est restée fille unique après le décès de son seul frère, prénommé François Marie, décédé à l'âge de 7 mois, trois ans avant sa propre naissance.
Le père de Victorine, Claude (je vous épargne ses autres prénoms) tient une bonne place dans les records de ma généalogie : il a 62 ans lorsque naît sa fille. Il a aussi 21 ans de plus que son épouse Jeanne. Pourquoi a-t-il attendu l'âge de 57 ans pour se marier ? L'histoire ne le dit pas. Néanmoins il va vivre jusqu'en 1840, voyant sa fille grandir et se marier. Autre curiosité : Claude et Jeanne meurent à un mois d'intervalle en avril et mai 1840.
Claude apparaît dans les tables de succession d'Oyonnax : son héritière est sa fille Victorine. Il n'y a pas de détail sur la succession (les registres correspondant n'étant pas encore numérisés), néanmoins selon les biens déclarés, la valeur du mobilier, argent, rentes et créances s'élève à 107 francs et le revenu des immeubles situés à Martignat à 34 francs. Un mois plus tard, sa mère lègue à Victorine des biens dont la valeur du mobilier, argent, rentes et créances s'élève à 300 francs et le revenu des immeubles situés à Martignat à 14 francs 50 centimes. Grande différence de valeur en un mois seulement !
Juste avant le décès de ses parents, en février, Victorine a épousé Hippolyte Gros, un cultivateur de Groissiat. Elle déménage chez lui, dans sa ferme familiale (il est le seul fils de la fratrie) puisqu’on la retrouve ensuite dans cette petite commune voisine. Hippolyte a 9 ans de plus qu'elle. Ils auront deux enfants seulement. Mais le mariage ne va pas durer très longtemps car il décède 7 ans plus tard.
Bien que dit "propriétaire", on pourrait penser qu'Hippolyte une condition moins élevée que celle de Victorine car lors de son décès en avril 1847 les biens déclarés et le revenu des immeubles situés à Groissiat ne s'élèvent qu'à 25 francs 75 centimes. Ses héritiers sont ses enfants.
Sa veuve fera une demande d'inventaire des biens Gros en septembre 1848 (détails demandés encore en attente... affaire à suivre). Cette demande comprend les biens d'Hippolyte, mais aussi de ceux de son père Jean Antoine, décédé entre temps. On peut donc apporter une nuance dans le propos sur la condition sociale d'Hippolyte : le père, encore vivant lors du décès du fils, est lui beaucoup plus "riche" (la valeur du mobilier, argent, rentes et créances s’élevant à 782 francs et 78 centimes et le revenu des immeubles situés à Groissiat et Martignat à 157 francs). Hippolyte aurait sans doute hérité des biens de son père s'il ne l'avait pas précédé dans l'autre monde et aurait eu des biens à la valeur plus élevée.
Avec deux enfants de 6 et 4 ans, Victorine ne reste pas seule très longtemps : en 1851 elle épouse en secondes noces Jean Joseph Pesant; cultivateur lui aussi, originaire des environs, à Izernore. Un fils naîtra l'année suivante.
Lors de ce mariage elle est qualifiée de "dame", mais ce titre ne doit pas refléter son niveau social (comme on le verra plus bas). En 1866 elle marie sa fille, ouvrière en soie. Mais elle ne sera déjà plus là pour le mariage de son fils Elie (de son prénom usuel, mon ancêtre).
Elle quitte ce monde en 1872, à 51 ans seulement. Elle désigne pour héritiers ses enfants (Elie et Henriette, nés de son premier lit ; Eugène né du second). Par sa déclaration de succession, nous savons que la défunte "laisse meubles et immeubles". La valeur du mobilier, argent, rentes et créances s'élève à 107 francs et le revenu des immeubles à 123 francs 60 centimes. Les 107 francs correspondent à ceux figurant sur la succession de son père (mais où sont les 300 francs de feue sa mère ?). Le revenu des immeubles, lui, a nettement progressé. Rien à voir avec la succession de son premier époux. Elle ne semble pas avoir profité des richesses de son (premier) beau-père.
Mais la case "numéro de sommier douteux" est remplie : n°331. Sur ce sommier sont consignés l'existence de droits impayés ou fraudés (mais ces registres ne sont pas conservés aux archives). Quand le contrôleur a réuni les preuves de l'exigibilité d'un droit ou lorsque le contrevenant se reconnaissait débiteur de l'impôt, l'article était annulé et reporté sur le "sommier des droits certains". A l'inverse, si la réclamation est non fondée ou s'il n'y avait pas de preuves suffisantes pour engager des poursuites, l'article était annulé. La succession n'a donc pas été tout à fait ordinaire. Peut-être que le frais ont été un peu longs à régler...
Et voilà comment le hasard a fait "renaître" Marie Victorine. Une courte vie, mais bien remplie...
vendredi 16 octobre 2015
Les deux testaments d'Aimé
En 1700 il fait rédiger un testament par Me Vionnet, notaire à Saint Germain de Joux. Il est alors dans sa cuisine "couché tout proche du feu [...] destenu dans une certaine maladie depuis quelques temps". Rappelons qu'il a environ une soixantaine d'années. Dans ce document il est prénommé Neymod, qui serait une variante du prénom Aimé/Aymé (tout comme Nayme, Amed, Amod, Neymod, Neymoz, Neyme, Nayme).
On retrouve dans ce testament les éléments traditionnels de ce type de document :
- le titre
- la date
- la présentation du notaire
- la personne et le lieu
- la raison du testament
- la recommandation
- le lieu de la sépulture
- les dons à l'église
Il souhaite également donner "a leglise dudit laleyria la somme de trente livres pour estre employé aux reparations que ledit sieur curé trouverat plus appropos estre necessaire faire dans laditte eglise de laleyria payables pour une fois [en une fois] par ses heritiers cy bas nommes". Tout cela fait "pour le sallue et repos de son ame".
- les legs
A sa fille Françoise, épouse de Jacques Lhiardet, il donne "la somme de cent livres, une vache, un veau dun an, un habit de bon drap de nopce".
A ses autres filles Marie (épouse de Pierre Pernod Melod), Anne (épouse de Pierre Pernod Denisa) et Jeanne (épouse Jean Baptiste Buffard) il donne la même chose. A Bernarde (non encore mariée), il promet 150 livres, une vache, un veau et habit de bon drapt de couleur payable trois ans après son mariage "et jusqua ce que son party se presente en loyal mariage elle aurat sa demeurance avec sa mere, et heritieres avec lesquels elle serat norrie vestue et entretenue honnestement".
Enfin "il a fait crée nommé de sa propre bouche nomme et institue pour ses heritiers universels et particulliers chascuns pour esgalle part et portion a scavoir joseph, françois et claude" ses trois fils (non encore mariés).
- les témoins et signatures
Cependant, malgré la maladie, Aimé va survivre. Et on le retrouve dix ans plus tard, mettant à jour son testament, devant le même notaire. Voyons les différences entre les deux documents :
- le titre
- la date et la présentation du notaire
- la personne, le lieu et la raison du testament
- la recommandation, le lieu de la sépulture et les dons à l'église
- les legs
Concernant sa fille Françoise, le testateur "dict et declare avoir dejat cy devant donné dotté [...] la somme de cent livres, une vache, un veau dun an, un habit de bon drapt de colleur que le tout leurs auroit esté payé". Le legs ayant déjà été reçu, elle n'a plus rien à attendre ni espérer de ce nouveau testament.
Même chose pour Marie, Anne et Jeanne. Pour Bernarde, le notaire commence par reproduire le passage la citant dans le premier testament. Se rendant compte de son erreur, il raye le paragraphe et en rédige un nouveau, similaire à ceux concernant ses sœurs. Or, Bernarde est morte de suites de couches depuis 7 ans déjà ! Il n'est fait aucune mention de legs au fils de ladite Bernarde, ni aucun de ses autres petits-enfants.
Il est plus prolixe pour son fils aîné Joseph à qui il lègue "la somme de quattres cent livres [...] et cest outtre auttres somme de seize livres, trois vingt et douze mesure [= 72] de bleds tant orge, avoine que legume, un pot a feut de fert valliant trois livres, un chauderon dairin de la valleur de six livres, une poille affrire de fert, trois tasseaud servant au labourages, une achon [= petite hache], une caugnye [= cognée = hache], un goy [= serpe], un pert [= une paire] danchapplat [outil agricole ou servant à la maçonnerie peut-être], un[e] faux avec sa garniture, cinq lineaux [= pièces de lin, draps], une couverte [= couverture] moitie laine et fillet, deux serres propres à serrer le bois une grande et lauttres petitte, trois vaches, une genisse de deux ans, deux veaux de laict, et deux chevrot de laict, avec touttes la vesselles de bois, et meubles de bois pour servir à manger". Les maigres possessions d'un laboureur de montagne du Jura Sud.
Le notaire revient ensuite sur la dot de Bernarde, précisant qu'elle a déjà été payée. Beaucoup de confusion autour de la cinquième fille d'Aimé. On ignore cependant si elle vient d'Aimé ou du notaire (ou les deux !). Je ne connais pas l'âge du notaire, mais il est actif de 1676 à 1718 : il ne doit pas être tout jeune non plus...
Plus loin, ce sont des renvois et répétitions de mots : il "fait, cree, cree [sic] de sa propre bouche nomme et institue pour pour [sic] ses deux heritiers universel et particulliers chascuns pour esgalle part et portion a scavoir françois et claude janney" ses deux autres fils.
Comme dans le premier document, le testateur précise qu'il "veut entend et ordonne que tous ses debtes legats et œuvres pies soyent paye [...] incontinant appres son deces" et que au cas où "advenant que lun ou lauttre desdits deux heritiers ne veuille bien sacomoder avec lauttre et que icelluy qui portent quelque conteste et dificulte contraire" ses biens soient partagés entre ses héritiers ou leurs proches parents avec le consentement de leur mère "sans figure de proces".
- les témoins et signatures
Une mention a été ajoutée, naturellement, ce nouveau testament "cassant revocquant et annullant tous auttres testament codicille ou donnation quil porroit avoir cy devant faict" notamment celui fait en 1700.
Le document se termine par les renvois et oublis faits dans le corps du texte, dont celui-ci : "♯ approuvant la ratture de quinze lignes".
Les deux documents sont donc assez similaires, hormis la mise à jour des dots des filles qui ont été payées et le legs de Joseph qui est davantage détaillé; traces fugaces d'une existence qui a continué à s'écouler. Mais Aimé n'a pas varié dans ses intentions globales.
Malgré sa vieillesse, la vie va continuer pour Aimé, jusqu'à atteindre "environ quatre vingt huit années" : il décède en mars 1728.