En 1772 à Foudon (aujourd'hui Le Plessis Grammoire, 49) on procède à une "translation des reliques" entre les églises du Plessis Grammoire et celle de Foudon, pour être exposées à la vénération des fidèles :
Translation reliques, AD49
Le vingt cinquieme jour de juillet mil sept cent
soixante douze, en consequence de la
permission pour [?] nous accordée par Monseigneur
L’evesque
L'illustrissime et revérendissime evesque
d'angers d'exposer a la veneration publique
Les reliques des sts felicissime et prudence
comme il appert par la copie d'icelle
rapportée de l'autre [... ?] et pouvoir
par ledit Seigneur evesque d'enfaire la
translation solennelle de l'église du plessis
en cette église aussi accordé le dix huit
du présent et signé l'abbé de Mougon vic. gen.
nous nous sommes transportés processionellement
a huit heures du matin dans ladite eglise
dudit plessis au grammoire d'ou après
La grande messe des sts martyrs le lettré
par Messire françois rené Suchet curé
cardinal de la paroisse st Michel de
La palude d'angers, Lesdits stes reliques
a nous remises par messire rené bailli curé
dudit plessis ont étés par nous et tous nos confreres
Messieurs les curés et vicaires soussignés
après avoir observé la ceremonie accoutumée
rapportées processionellement dans cette eglise
et exposées a la veneration publique, a Laquelle
translation ont assisté nos peuples avec une
piété et un respect exemplaire qui nous donne
une joyeuse esperance des secours que
les saints Morts daigneront leur obtenir
ces faveurs Leur [?] foy vive de Leur ferme
sermon prononcé fort eloquemment ensuite
de ladite procession par Messire
fleury prêtre vicaire dudit plessis au grammoire
[suivent les signatures]
La translation des reliques est le déplacement des restes d'un saint ou d'objets saints depuis un lieu vers un autre. Elle donne lieu à une cérémonie solennelle d'autant plus fastueuse que la relique est jugée importante. C'est un moment privilégié (et relativement peu courant) dans la vie du chrétien.
Il semble que Sainte Félicissime soit, selon le martyrologe romain, martyrisée à Todi, Ombrie, en Italie (✝ 303). Ayant consacrée sa virginité à Jésus Christ, fut frappée à la bouche avec des cailloux et ensuite décapitée [ 1 ]. Prudence Castori rejoignit les ermites de saint Augustin à Milan. Elle
devint abbesse-fondatrice d'un nouveau couvent à Côme, en Italie (✝ 1492). Comment leurs reliques (si ce sont bien les leurs) sont arrivées au Plessis Grammoire avant d'être transférées à Foudon reste un mystère.
Certains
de mes ancêtres ont dû connaître cet événement, et peut-même y assister :
les familles Peullier, Moreau, le Tessier et Flon qui résident au Plessis et
à Foudon à cette époque.
On
remarque dans ce texte la phrase suivante, assez savoureuse : "nos
peuples (sic) [ont assisté à cette translation] avec une piété et un
respect exemplaire qui nous donne une joyeuse espérance du secours que
les saints morts daigneront leur obtenir".
Célestin
Port, dans son Dictionnaire historique de Maine et Loire, précise que
ces reliques ont été "apportées de Rome par Duret, de Foudon" (est-ce le Duret qui fait l'objet d'une notice dans le même dictionnaire, chirurgien de marine né à Montreuil Bellay ?).
L'église actuelle date de 1865. La paroisse de Foudon a été réunie à celle du Plessis en 1791.
Une
dizaine d'années plus tard, un autre événement majeur similaire a lieu
dans la même paroisse de Foudon, mais cette fois ce sont des reliques de
la Vraie Croix.
Translation reliques de la Vraie Croix, AD49
[Précédé d'un acte de décès]
Le quatorze septembre de la présente
année
mil sept cent quatre vingt trois, a été
faite solennellement
La translation de La vrays croix exposée
dans
cette eglise ; de La chapelle de La
bouteillere jour
de dimanche, a laquelle ont assistés
Messieurs
L’archyprêtre d’andard, les curés de
Corné, bauné
St Sylvain, du plessys, qui a prêché de
pellelouaille
de Ste croix d’angers qui a fait la
ceremonie
de Sarigné, et Messieurs Leurs vicaires,
et une
multitude de peuples des environs, qui
ont tous
contribués a rendre Ladite ceremonie
aussi celebre
qu’elle a été edifiante.
Ladite relique a été offerte a nôtre
eglise ainsi
que celle de L’hopital de beaufort et
celle de St
Laurent de la plenne, par messire jean
baptiste
charles de Meaussé commandeur de malthe
et dame Marie françoise pulcherie
Martineau
veuve de Messire
.
.
. .. de Meaussé
chevallier seigneur deft Laurent de La
plenne,
dame de foudon ; comme un monument
de leur
pieté et de Leur zele pour l’edification
du peuple
de cette paroisse et des environs ;
qui Leur merite
un droit imprescriptible à Leur
reconnaissance
et a Leur prières. trois mots rayés nuls
deux mots
interlignes approuvés. dinan curé de
Foudon
On le voit, cette translation a lieu sous l'impulsion de Charles de Meaussé, commandeur de Malte et Dame Marie Françoise Pulchérie Martineau, seigneurs locaux, afin d'y exprimer leur piété et leur zèle "pour l'édification du peuple".
L'événement
est visiblement plus important que la translation précédente : d'abord par la nature des reliques, puis par
les paroisses concernées (la Bouteillerie [ 2 ], paroisse d'origine de ces reliques, puis Foudon, Le Plessis Grammoire, Saint Sylvain, Andard,
Corné, Bauné, sainte Croix d'Angers, Sarrigné notamment sont citées).
La Vraie Croix, dite également Sainte Croix, serait la croix sur
laquelle Jésus-Christ a été crucifié. C'est l'une des principales
reliques de la chrétienté, faisant l'objet d'une vénération
particulière.
Authentification des reliques de la Vraie Croix, AD49
copie de l’ordonnance de Monseigneur
L’evesque
d’angers, concernant La translation d’une
relique de
La vraye croix deposée dans la chapelle
du château de
La bouteillerie paroisse de Brain sur
L’authion en l’eglise
paroissiale de foudon de ce diocèse.
Michel françois couet viviers de Lorry,
par La misericorde
de dieu et du St Siege apostolique,
evêque d’angers conseiller
du roy en tous ses Conseils et [ ?]
aux fideles et habitants de la
paroisse de foudon de notre diocese Salut
et benediction en notre
Seigneur jesus christ, crucifié et mort
pour notre redemption.
vu L’authentique que cy joint par
laquelle Mgr Le cardinal
corradin, atteste que La particule du
bois sacré de La croix
de notre Seigneur est veritable.
nous après avoir examiné attentivement La
boete et la croix
de chrystal dans lesquelles cette
precieuse relique êtoit
contenüe et l’ayant trouvée munie de ses
sceaux, qui ne
nous permettent pas de douter, qu’elle
nous soit parvenue
sans alteration, nous L’a vous avec Les
ceremonies accoutumées
retirée de ladite boete, placé et scellé
dans une croix d’argent
sciselée de La hauteur d’environ un pied,
pour être par le
Sieur curé de la paroisse de foudon,
transférée precessionelle-
ement de La chapelle du château de La
bouteillerie en son
eglise paroissiale, afin qu’elle soit
dans les tems par nous
indiqués exposées à la veneration des
fidels.
après la translation de La vraye croix de
La chapelle de la
bouteillerie en ladite eglise paroissiale
de foudon, qui se fera
avec La solennité requise par une
procession et Le sermon
ensuite, le jour de l’exaltation de Ste
croix, ou le dimanche
suivant qui sera libre, nous avons permis
et par les presentes
pemettons a perpetuité L’exposition de
ladite vraye croix
le dimanche de La passion, procession a
l’issue de vespres,
adoration et benedictions.
L’exposition et adoration Le matin du
jour du vendredy saint
Grâce à la
copie de l'ordonnance de l'évêque, on voit comment s'est déroulé
l'authentification des reliques ; comment l'évêque a retiré les
reliques de la boîte et croix de cristal où elles étaient conservées pour les placer
dans un reliquaire en argent ciselé; et enfin les dispositions prises pour les
offrir à la vénération des fidèles, exposées "à perpétuité".
L'authentification des reliques obéit à des rituels bien codifiés. On retrouve ce type de cérémonie aujourd'hui encore, lors des Ostensions limousines par exemple, où l'on ouvre les reliquaires afin de vérifier que les sceaux n'ont pas été brisés (garantissant ainsi cette identification) avant de les exposer aux fidèles.
On remarque que l'Anjou attire particulièrement les reliques de la Vraie Croix : en plus de celle du Plessis/Foudon, Bauné, Baugé et Villevêque en conservent aussi (voir les articles que Feuilles d'ardoise a consacré au sujet de la translation des reliques de la vraie croix de Villevêque ou à la vraie croix de Bauné).
[ 1 ] Vies des saintes femmes, des martyrs et des vierges
[ 2 ] Canton de Brain sur l'Authion, à 12 km du Plessis Grammoire.