Ma famille
paternelle a habité à Conques (12) pendant plus de deux cents ans. Pour
deux de ces générations, Pierre Astié, marié en 1726, et son fils Antoine,
marié en 1769, nous avons même l’adresse : rue du Palais (1775,
1776) ou « au Palais » (1809). Sur les hauts de Conques existe
toujours aujourd’hui une place, dite place du Palais. Une petite rue (une
ruelle !) en descend vers l’abbaye : elle s’appelle la rue du Palais.
Sur les traces
de mes ancêtres à Conques, j’avais adopté cette rue sans barguigner. Mais
restait à savoir quelle maison, dans cette rue ! Longtemps j’en suis
restée à cette question, n’étant pas sur place et ne pouvant pas percer
ce mystère à distance.
Et puis cette
année les archives départementales d’Aveyron ont mis en ligne le cadastre ;
plans et matrices comprises. Pour Conques, le cadastre a été établi dans les
années 1840. Ce sont donc les fils d’Antoine - Augustin, marié en
1805, et sa génération - qui ont été concerné. Il était temps : c’est son
fils Pierre Jean qui va être le premier Astié à quitter Conques en 1850.
J’espérais donc
trouver Augustin rue du Palais. Que nenni ! S’il apparaît bien dans les
matrices, Augustin ne demeure néanmoins plus à cette adresse. Possédant la parcelle
96, je l’ai retrouvé dans les bas de Conques. En superposant le plan
cadastral de la ville et celui de Google Maps, j’ai en effet localisé une
maison qui pourrait être la sienne. (*)
Chapellerie d’Augustin (parcelle 96)
?
Située dans la
rue montant à l’abbaye, la maison d’Augustin, nous dit le cadastre, a trois
« portes et fenêtres ». Pour l’identifier je pars des parcelles à
partir du haut de la rue, un vaste ensemble qui fait l’angle, et je compte en
descendant la rue.
En 1840
l’ensemble se partage en plusieurs propriétaires :
- parcelle 88
près de l’abbaye, François Nolorgues ;
- sur l’arrière
au 89 le rez-de-chaussée appartient à Germain Jeuliens, le premier
étage à Jean Louis Avalon, géomètre, et le « dessus » à
Joseph Combes et ses héritiers ;
- sur le devant
le 90 à Laurens Chivalier, tailleur d’habits ;
- le
rez-de-chaussée du 91 à André Besses tandis que les étages appartiennent au
Jean Louis Avalon cité plus haut.
Puis en
descendant la rue la parcelle 92, un espace non bâti (passage pour aller vers
la rue voisine sans doute), la 95 et ma fameuse parcelle paternelle, la 96.
Suivent la 97, un autre passage et, tout à fait en aval, la 98 qui fait l’angle
avec une rue montant sur les hauts de Conques.
En rédigeant
cet article, cet intitulé de découpage en étages m’interpelle. En
examinant mieux le parcellaire, je m’aperçois que j’ai fait une erreur :
la disposition des rues a changé et ce que je prenais pour la grande rue
montant à l’abbaye est aujourd’hui une rue secondaire. Du coup je tournai le
dos à la maison d’Augustin au lieu de lui faire face.
(nouvelle) Chapellerie
d’Augustin, vue d'en haut ?
Et là, le découpage en
étage s’explique aisément : ce sont des maisons en rez-de-jardin
car la pente, ici, est très prononcée. Les parties à l’étage (appartenant à
Jean Louis Avalon) correspondent aux entrées dans la rue actuelle, et les
rez-de-chaussée donnent sur la rue située en contrebas.
La maison
elle-même ne devait pas être un palais (sans mauvais jeu de mot) car elle est
classée en catégorie 9 (la plus basse). Ses voisines oscillent entre 8
et 9, mais on voit tout de même au bout de la rue une maison classée en 4. (**)
La maison de la parcelle 96 vue du bas © JP Barthe
Bref, Augustin
a déménagé ! Mais qu’est devenue la maison rue du palais ?
L’enquête
continue. Je ne trouve pas d’autre Astié dans les états des sections dressés en
1840. Augustin est le deuxième enfant (sur trois) d’Antoine.
- Pierre
est l’aîné. Il est décédé en 1836, son épouse Marianne Frances en 1840 :
c’est pourquoi ils n’apparaissent pas dans les états des sections.
- Marie Anne
est la sœur cadette. Elle est mariée à Jean Pierre Barbes. Mais ils
disparaissent des radars après leur mariage : je ne les retrouve pas non
plus dans le cadastre de Conques.
Il me faut
explorer la génération suivante.
- je sais déjà
que les 8 enfants d’Augustin ne sont pas héritiers de la maison du
Palais : ils appartiennent à ma branche directe, je les ai donc bien
étudiés et aucun acte ne les concernant ne mentionne la maison du Palais.
- je débusque Marie
Anne et son époux à Sénergues, une commune voisine : ils ont déménagés
et ne sont donc plus concernés.
- reste l’aîné Pierre.
C’est ma meilleure piste. Rapidement mon intuition se confirme : Pierre
est décédé en 1836 "à la survivance de son épouse en sa maison, en
son quartier du palais à Conques." Et sa veuve après lui (en 1840)
"est décédée en sa maison située au palais de cette ville".
C’était logique : il est l’aîné il a donc hérité de la maison paternelle.
Mais il y a un
point que j’ignore encore : où était située cette fameuse maison au
Palais ?
Dans la rue du
Palais, les maisons occupent les parcelles 183, 182, 181, 180, 179.
Elles appartiennent à Jean Dalmon (183), Antoine Lacombe (181 et
182), Georges Jordy (180), Jean Baptiste Ladrech (179). Je ne trouve aucun lien
entre ces personnes et ma famille.
Je poursuis
donc mes recherches en repartant de Pierre. En épluchant les registres
d’état civil, je découvre que Pierre a eu trois filles, toutes mariées à
Conques :
- la cadette Christine
déménage à Decazeville après son mariage : elle sort du jeu.
- les deux
aînées Marianne et Marie Jeanne se marient à Conques en 1827. Les
gendres, Jean Antoine Dujou et Jean Antoine Marty, apparaissent dans les
folios du cadastre : le premier est propriétaire des parcelles 138 et
141 et le second de la 135.
Plan cadastral de Conques © AD12
Si ces
parcelles viennent bien de l’héritage des épouses et non de leurs lignées
paternelles j’aurais localisé la maison du Palais. Les parents Dujou ont vécu
est sont décédé à Grand-Vabre (paroisse voisine) : les parcelles 138 et
141 ne proviennent donc pas d’un héritage paternel. Est-ce donc la maison transmise par le beau-père Astié ? La 141 est une toute petite bâtisse : un grenier ou un appentis peut-être ? La 138 serait donc la maison
Astié au Palais.
Conques © GoogleMaps
Ces maisons
sont bien dans le quartier du Palais, mais pas dans la rue du
même nom. Un mythe s’effondre. Un peu.
Hypothèse subsidiaire : mes ancêtres ont habité cette rue dans les années 1775 et ont
déménagé plus loin dans le quartier avant 1809. Ce qui ne change pas
grand-chose à la situation :
1) Je ne peux
pas identifier une éventuelle maison rue du Palais avant le cadastre (en l’état
actuel de mes connaissances)
2) La 138 reste
en lice pour une maison Astié « au Palais »
La maison de la parcelle 138 © JP Barthe
La 138 est une
bâtisse tout en longueur, à 4 portes et fenêtres selon le cadastre. La 141 en
compte seulement 2. Les deux sont transmises en 1874 à son fils Pierre Dujou.
La maison 135
(appartenant à Jean Antoine Marty) ne connaîtra pas une grande destinée : en 1855 elle subit un incendie.
Elle est transmise 10 ans plus tard en état de ruine à Henri Boudes et sort
ainsi de la famille. Aujourd’hui cette parcelle est non
bâtie : c'est un jardin.
Le jardin de la parcelle 135 © JP Barthe
Et que devient la parcelle 96, la maison d'Augustin, me direz-vous ? C'est l'histoire de Louis et Julie Astié, les petits-enfants d'Augustin : une histoire que je vous raconterai peut-être une autre fois...
Pour clore cette enquête il faudrait consulter l'enregistrement et voir si les maisons transmises sont minutieusement décrites. Mais en attendant j’ai la satisfaction d’avoir résolu une énigme en
identifiant (probablement) la parcelle où vécut une partie de mes ancêtres.
* Cet épisode a
été conté dans le récent #RDVAncestral : Le déménagement
** Pour mémoire
les parcelles de meilleure qualité sont classées 1 (et paient l’impôt le plus
élevé) ; plus on s’éloigne de ce score, moins bonne est la parcelle.