« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 16 décembre 2022

#52Ancestors - 50 - Jean Astié

   - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 50 : Traditions

 

Pour cette antépénultième semaine du challenge #52Ancestors (déjà !), je garderai le sujet au singulier : la tradition ; et plus particulièrement la tradition orale. Voici quelques fragments de vie recueillis auprès de mon oncle Jean.

 

Augustin Pierre Jean Astié est mon arrière-arrière-grand-père. Il est né 1851, a grandi en Corse, s’est installé en Maine et Loire, a fait des séjours en Aveyron et a fini sa fini en région parisienne en 1914. Je lui compte plus d’une vingtaine de domiciles. Mon oncle Jean m’en a fourni une probable explication : « Il était journalier dans une ferme. Quand il n'y avait plus de travail, on le renvoyait. Il mettait ses enfants et ses effets dans un coffre, le tout dans une charrette à bras, et partait avec toute la famille à pied à la recherche d'un nouvel emploi. Si une parente avait besoin d'une aide il lui laissait un enfant. C'est ainsi qu'Augustin Daniel [son fils, 1888/1974] s'est retrouvé commis boucher boulevard St Michel [à Angers, Maine et Loire]. Il allait chercher des quartiers de viande à l'abattoir d'Angers, situé dans [le quartier de] la Doutre, avec une charrette à bras et à l'occasion buvait un bol de sang frais pour se ravigoter. Vrai ou faux ces souvenirs dégoutaient ses petits-enfants quand il le leur racontait... »

Son fils Augustin Daniel « travaillait au cardage du chanvre à l'usine Bessonneau. Comme il était interdit de fumer il chiquait. Quand on lui offrait une cigarette il la mettait dans sa bouche avec le papier (la cigarette à bout filtre n'existait pas dans ma jeunesse) et la mastiquant avec plaisir à grands crachats de jets de salives par terre comme dans les films de cowboys. Au repas il plaçait sa chique dans la doublure de sa casquette ou sous la table ce qui rendait grand-mère furieuse. Il était payé à la semaine mais la paye finissait souvent au café du coin. Comme excuse il disait que son frère qui lui ressemblait s'était fait passer pour lui ou qu'il avait perdu son porte-monnaie. La grand-mère devait gérer la pénurie ce qui explique leur faible niveau de vie et le surnom donné à Augustin à la retraite de "grand-père pastis". Heureusement il avait un très bon côté. »

 

Augustin a épouse Louise Lejard en 1912 à Angers.
Jean se souvient des logements habités par trois générations de notre famille :

« Au début Augustin et son épouse Louise habitaient au dessus de la boucherie Frète, Faubourg St Michel ». Cette boucherie était tenue par l’oncle et la tante d’Augustin, Daniel Frète et Elisabeth Rols.

« Le bâtiment était en partie creusé dans l'ardoise. Le premier étage était réservé à la "grand-mère Frète" [Elisabeth Rols], c'est ainsi que nous l'appelions et nous ne la voyions que très rarement. L'étage au sommet du rocher était une petite cour avec le logement des grands-parents et un cabinet d'aisance. Dans ces vieux bâtiments les logements étaient imbriqués les uns dans les autres. L'escalier était taillé dans le rocher d'ardoise. L'appartement était petit et sombre. La cuisine donnait sur la cour et la chambre donnait sur la rue. Dans cette chambre une cloison séparait le lit de Daniel du lit des parents. La fosse du cabinet était creusée au deuxième étage dans le rocher, je te passe les détails quand il fallait la vider…

Quand le grand-père était en colère après l'un d'entre nous, il lançait sa casquette, en jurant d'un "Non d'une pipe de peau d'chien vert ! ".  C'était un signal d'un grand mécontentement et qu'il fallait se tenir à carreau. »

 

Augustin et Louise n’ont eu qu’un seul enfant, Daniel Augustin. En 1935, il épouse Marcelle Assumel-Lurdin.

« Militant populaire des familles, il prit avec son épouse, l'organisation et la gestion de la Maison Familiale de Vacances et de Repos des Travailleurs, située sur le domaine du Hutreau (de 1945 à 1952). »

Le Hutreau est un grand domaine situé près d’Angers. Ce n'était à l'origine qu'une modeste closerie, une petite exploitation rurale. Au XVIIème il est la propriété de familles de la bourgeoisie d’Angers, puis de familles nobles. Petit à petit le domaine est aménagé. Le château de style néo-Renaissance et le parc à l’anglaise datent du XIXème siècle. Le propriétaire est alors Armand Laity, préfet des Basses Pyrénées. Il meurt sans enfants. Divers propriétaires se succèdent alors jusqu'à l’installation des Ursulines en 1932 qui y établissent un pensionnat. En 1944 la Gestapo le réquisitionne. La Maison Familiale est installée après la guerre. Mais reprenons le cours des souvenirs de Jean :

« Le Hutreau était, dans les années d'avant la guerre 1939/45, un collège pour les filles des donateurs au financement du Bon Pasteur. La congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur est une institution de religieuses qui, ailleurs, rééduquait les "filles perdues" (voleuses et prostituées ou simplement "filles mères").

Ces demoiselles – les religieuses, pas les filles perdues – disposaient d'un parc de 8 hectares clos par un mur. Le château et l'annexe étaient équipés en salle de classe et en internat avec logement du personnel. La ferme était occupée par un couple qui entretenait le château. Au temps d’Armand Laity il y avait plein de personnel qu'il fallait loger près de leur lieu d'activité d'où cette profusion de logements indépendants, de combles pour les personnes de service. 

Après l'occupation par la Gestapo d'Angers et leur fuite précipitée [lors de la libération d’Angers], l'association "Mouvement Populaire des Familles" a loué le château, sauf la ferme, aux religieuses. Papa a été nommé directeur de la maison familiale de vacances. »

 

Mon père, aussi prénommé Daniel, est né en 1948 dans le château du Hutreau, au premier étage, où habitaient mes grands-parents.

 

« Quand notre famille est venue au Hutreau, les grands-parents leur ont succédé dans la location du 56 rue des Fours à Chaux. Il y avait un grand tennis désaffecté, un grand jardin entretenu avec soin et une ancienne loge de 3 pièces qui était destinée au concierge. Au sous sol il y avait les deux vestiaires destinés aux tennismans. Pendant les vacances scolaires les parents nous envoyaient en vacances dans leur ancienne maison chez les grands-parents. La loge, le tennis, et le jardin ont été rasés pour laisser la place à une maison médicale et son parking.

 

Quand l'association a cessé ses activités, en accord avec les religieuses, la famille a déménagé dans l'Annexe. C'était un grand bâtiment avec les pièces hautes de 3 mètres, cloisonnées et séparée du reste de l'espace, pour que toute la famille puisse y habiter dans une partie qui leur était réservée. A la retraite, grand-père Augustin et sa femme Louise ont rejoint Daniel et Marcelle au Hutreau. Ils habitaient deux pièces de l'Annexe avec une entrée autonome.

 


Quand nous avons tous quitté le Hutreau en 1954, ils ont habité le Frémureau, petite cité d'urgence d'après guerre, située à 500 mètres du Hutreau.

Le logement se composait de deux petites pièces de 9 m² chacune (la cuisine et la chambre) avec un petit jardin. Grand-père Augustin y avait construit une cabane pour y ranger ses outils de jardinage et de bricolage. La dizaine de petites maisons construites était sans eau courante : les habitants du hameau devaient de contenter d’un puits collectif desservant des robinets au dessus de bacs à laver en ciment, un bloc sanitaire de plusieurs cabinets mais pas de douche, dans un bâtiment commun à l’extérieur. Pour le chauffage chacun apportait sa cuisinière à charbon qui servait de chauffage l’hiver pour les deux pièces. Il y avait quand même un compteur électrique individuel pour l’éclairage.

 

Daniel et Marcelle ont fait construire une maison rue Auguste Blandeau. La famille devenait propriétaire d’une parcelle d’un petit terrain  triangulaire  situé dans un vieux quartier où il y avait de grandes surfaces de maraîchage que la ville grignotait progressivement. Il a dessiné un plan qui lui convenait (ses études de commis d'architecture lui ont bien servi) en fonction de sa famille de sept enfants. J’avais alors quinze ans. C'est ainsi que nous avons quitté le Hutreau pour habiter une maison pas encore finie (il fallait monter au premier étage par une échelle). Elle se situait à un carrefour de cinq rues au sud de la ville d’Angers.

Quand il a fallu la couvrir, la ville à imposé une toiture en tuile rouge pour éviter la trop grande monotonie des toitures d’ardoises bleues.

Mon grand-père, papa et moi avons hissé les tuiles plates dans les deux  greniers. Comme les escaliers n’étaient pas encore posés, c’était par des échelles qu’il a fallu transporter tout le stock de tuiles. Grand-père et papa se sont chargés de les poser puis de les fixer sur les liteaux de la toiture avec un fil de fer. Un couvreur est venu tout vérifier et a posé les tuiles faîtières collées avec un mortier.

Quand le menuisier eut posé l’escalier, tout le monde pris possession des chambres. Les parents avaient la chambre, au premier étage, donnant sur la rue. Notre chambre, celle des trois fils aînés, donnait sur le jardin. Il n’y avait de place que pour trois lits et trois chaises. Mes deux autres petits frères, avaient une chambre un peu moins grande. Un placard, sur le pallier permettait de ranger les vêtements des cinq garçons. Nos deux sœurs dormaient en bas dans la chambre donnant sur la rue. »

 

Merci à mon oncle Jean pour ses/ces souvenirs…

 

 

 

vendredi 9 décembre 2022

#52Ancestors - 49 - François Assumel Lurdin

   - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 49 : Vos prochaines recherches

 

Comme je l’ai dit récemment lors du #ChallengeAZ (voir article Z), je n’ai jamais véritablement exploré les archives des hypothèques.

Au début je pensais que cela ne concernait que les hypothèques dans le sens d’une garantie par lequel un emprunteur s'engage à remettre un bien à son créancier, en cas de défaut de paiement. Je ne voyais pas beaucoup l’intérêt en généalogie, considérant qu’il y a tant d’autres sources à exploiter.

Mais en me promenant sur les différents sites des archives, je me suis aperçue de définitions différentes, plus complètes… et qui m’ont donné envie. En effet, dans les hypothèques il y a aussi les transcriptions de tous les actes de mutation des propriétés (ventes d’immeubles, donations, partages…).

 

La recherche est fastidieuse car elle se fait en plusieurs temps (je prends ici le mode d’emploi des archives de l’Ain) :

1)       Identifier le bureau de la Conservation des hypothèques, chaque bureau ayant pour ressort un arrondissement. Pour mes ancêtres, c’est le Bureau de Nantua.

2)      Consulter le registre indicateur de la table alphabétique du répertoire des formalités (4 Q 2). On y trouve la mention d'un nommé ASSUMEL et le renvoi aux numéros du Volume (3) et du folio (8) de la table alphabétique du répertoire des formalités.

3)      Se reporter au volume 3 de la table alphabétique du répertoire des formalités (4 Q 36). Au folio 8, on trouve bien ASSUMEL LOURDIN François, propriétaire cultivateur, fils de Louis Marie, ainsi que les références au répertoire des formalités : volume 53, case 173.

4)      Consulter le répertoire des formalités hypothécaires, volume 53 (4 Q 108). La case 173 porte effectivement le compte de François ASSUMEL LOURDIN qui mentionne 18 transactions : 13 acquisitions, 4 ventes et 1 échange, datés entre 1845 et 1921, pour une valeur totale de 16 941 francs. 10 créances ont été inscrites, entre 1847 et 1894 pour une valeur totale de 18 425 francs.

5)      Muni des références trouvées dans le répertoire des formalités hypothécaires, on pourra consulter en salle de lecture le registre des transcriptions.

 

Répertoire des formalités hypothécaire de François Assumel Lourdin (Lurdin), détail © AD01


Et c’est là que les ennuis commencent : habitant à 400 km, ça coince un peu pur la consultation en salle de lecture. Mais dans son mode d’emploi, les archives de l’Ain précisent : « Vous pouvez aussi demander une copie de la transcription par courrier ou courriel en indiquant précisément les numéros de volume et d'article ainsi que les nom et prénom. » Chic ! Tant qu’à faire j’ai aussi demandé celles de son épouse Marie Antoinette Zélia BERROD (1 acquisition, 2 ventes et 1 donation).

Hélas, c’était trop beau. Les archives m’ont répondu : « Il n’est pas possible pour nos services de tout numériser car la reproduction ou numérisation de transcription(s) a un coût (forfait de 15 euros dans la limite de 30 pages à régler à réception d’une facture). »

Je me disais aussi… Bon, qu’il y ait un coût, je peux comprendre, mais autant le dire tout de suite, comme ça on sait à quoi s’attendre.

J’ai laissé tomber cette option là. Oui, parce qu’il n’y a pas que ce couple qui est concerné par les hypothèques : j’y ai trouvé 22 ancêtres, soit 64 transcriptions et 43 inscriptions.

La transcription est la formalité consistant dans le dépôt, au bureau de la conservation des hypothèques, d'un exemplaire de tous les actes translatifs, déclaratifs ou modificatifs de propriété, entre vifs ou par décès, soumis à la publicité.

L’inscription est la mention effectuée sur un registre tenu à la Conservation des hypothèques et qui signale qu'une propriété est hypothéquée.

De l’aveu des archives, « il est rare que nous numérisions les inscriptions car celles-ci n’apportent que très peu d’éléments ». Mais puisqu’on y est, autant être complète.

Donc 107 documents à consulter. Si toutefois j’avais envie d’aller en salle de lecture, seulement 5 cotes peuvent être demandées simultanément pour un nombre total de 20 communiqués dans une journée (s’il y a un peu d’affluence). Elle n’est ouverte que 3 jours par semaine.
Et tant qu’à faire d’y être, autant consulter les archives notariales qui ne sont pas en ligne (161 documents). Et je ne compte pas les dossiers personnels dont j’ai connaissance (un instituteur par exemple…).

Il me faudrait donc environ 13 jours ½, ou un peu moins de 5 semaines.

 

Comment dire…

Disons que pour le moment je vais me contenter des informations fournies par les répertoires des formalités hypothécaires.

 


vendredi 2 décembre 2022

#52Ancestors - 48 - Augustin Pierre Jean Astié

  - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 48 : Les ombres de votre généalogie (ancêtres non encore explorés)

 

Dans mon arbre, il n’y a pas vraiment d’ancêtre non exploré (comment résister à la tentation d’en savoir plus dès qu’un nouvel ascendant est connu ? Impossible). Mais il y a des pistes de recherche que je n’ai pas travaillées. En général, c’est parce que je suis loin du dépôt d’archives qui pourrait me renseigner.

Ainsi Augustin Pierre Jean Astié et son passé de prisonnier de guerre.

Augustin est né en 1851 à Conques (Aveyron) mais c'est son grand-père maternel Jean Antoine Mas qui a déclaré sa naissance, son père étant dit "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio". J’ai déjà parlé sur ce blog des mes ancêtres soit disant Corses (voir ici).

Augustin grandit en Corse où son père est gendarme. Il est l’aîné de 6 enfants. Bien sûr, je n’ai pas de détails sur son enfance. Etait-elle heureuse ? Je l’ignore. Cependant, brusquement à 16 ans il décide de devancer l’appel et de s’engager dans l’armée. Qu’est-ce qui a provoqué cette décision ? Voulait-il juste « voir du pays » ? Y a-t-il eu un conflit qui a provoqué ce départ précipité du domicile familial ? En tout cas, s’il y a eu des désaccords avec ses parents, ils ont dû s’apaiser car ils ont eu de nombreuses relations par la suite.

 

Bref, il s’engage. En 1867. Sa fiche militaire a été trouvée en Aveyron avec la classe 1871.  Il y a là un mystère que je n’ai pas résolu pour l’instant : y a-t-il une trace de son engagement volontaire en Corse ? Avec une classe de 1867 ? Le Fil d'Ariane m'a dit qu'il n'y avait pas ce type de document pour cette période.

Sa fiche aveyronnaise m’apprend qu’il a les cheveux et les yeux châtains foncé, les sourcils noirs, le nez et le front ordinaire, le menton et le teint rond (sic), la bouche moyenne, le visage ovale. Cette fiche doit faire partie du recensement ordinaire des jeunes garçons à leurs 20 ans. Du coup elle comporte quelques curiosités : son métier est caporal au 32ème de ligne et son lieu de résidence est Kœnigsberg en Prusse – où il est prisonnier !

 

Fiche matricule d'Augustin (détail) © AD12
 

 

Comme il sera ensuite gendarme (à l’image de son père), je sais aussi par son dossier qu’il mesurait 1,71 m, qu’il est de culte catholique.

Il y est confirmé qu’il était engagé volontaire ; ce qui a été rendu possible par les lois du 21 mars 1832 et 1er février 1868.

 

Rappelons rapidement les étapes de la réquisition militaire auxquels sont soumis les jeunes hommes : la conscription (service militaire obligatoire) a été mise en place sous la Révolution ; tous les hommes de nationalité française âgés de 20 ans sont astreints à un service militaire obligatoire de cinq années. Selon différentes lois, des remplacements peuvent être possibles. A partir de 1818, l'armée se recrute désormais en priorité par engagements et tirages au sort, avec faculté de remplacement et de nombreuses exceptions (dispensés, soutiens de famille, ajournés ou réformés…). La durée du service militaire actif est de six années pour les appelés et de huit années pour les engagés volontaires.

 

La loi Soult du 21 mars 1832 (mentionnée plus haut dans le dossier d’Augustin) maintient ce système tout en réduisant de huit à sept ans la durée du service pour les engagés volontaires.

La seconde loi dont il est question dans le dossier, est la loi Niel du 1er février 1868 : elle supprime l’exonération (qui permet d'éviter le service militaire en versant à la Caisse de dotation de l'armée une somme servant à payer les rengagements d'anciens militaires) et rétablit le remplacement. Elle abaisse la durée du service de sept à cinq ans, mais maintient les soldats dans la réserve pendant quatre ans.

 

Donc Augustin s’est engagé pour 7 ans. Il est incorporé au 32ème régiment d’infanterie de ligne où il arrive le 3 octobre 1868 comme soldat de 2ème classe.

 

Le 7 juin 1870 Augustin est nommé caporal, de 2ème classe d’abord puis de 1ère classe en août. Le caporal est le plus haut grade militaire de la catégorie des hommes du rang (groupe de base de l’armée). Il commande une escouade, groupe variant entre une dizaine et une vingtaine d'hommes. Il est souvent l'adjoint du sergent et le remplace parfois. La classe n’est pas un grade mais une distinction. La première classe est de plus haute distinction que la seconde.

En octobre 1672 il est nommé sergent. C’est le premier grade de sous-officier de l’armée. Il est le plus souvent chef de groupe (une dizaine d’hommes), éventuellement secondé par le caporal.

 

En 1873 Augustin sera remis soldat 2ème classe par circulaire du 25 août (j’en ignore la raison). D’autant plus qu’il a eu un certificat de bonne conduite.

 

Il a fait campagne contre l'Allemagne, du 19 juillet 1870 au 19 juin 1871. Pas de blessure ni de décoration signalée.

 

La guerre de 1870 :

Cette guerre s’inscrit dans la montée des nationalismes, en particulier allemand, du XIXème siècle. Bismarck veut se débarrasser de ses ennemis, l’Autriche et la France. Pour provoquer les Français, il pousse le cousin du roi de Prusse à se porter candidat au trône d'Espagne. S'il était élu, la France serait cernée par une coalition ennemie, ce qu'elle veut absolument éviter. Elle s'oppose à cette candidature. Par une pernicieuse manipulation Bismarck transforme cette question diplomatique mineure en camouflet pour la France. Se sentant outragés, les Français déclarent la guerre à la Prusse 19 juillet 1870, bien que l'armée ne soit pas prête. L’armée allemande, mieux organisée et mieux entraînée, a permis la victoire de la Prusse et de l'Allemagne malgré un armement plus faible.  

La guerre de 1870 s'est déroulée autour d'étapes clés, comme la bataille de Sedan en septembre) ou le long siège de Paris. La bataille de Sedan conduit à la chute de Napoléon III, et à la proclamation de la République le 4 septembre. Le siège de Paris, quant à lui, dure du 20 septembre 1870 jusqu'à la fin de la guerre. Près de deux millions de Parisiens se voient alors pris au piège, pauvrement défendus par quelques dizaines de milliers de soldats, dans un siège très dur. Il s'achève le 28 janvier 1871 avec la signature de l'Armistice.

La défaite de la France lors de la guerre de 1870 peut s'expliquer par différents facteurs, notamment le manque d'organisation, l’excès de confiance des dirigeants militaires et le déséquilibre des forces militaires présentes. Outre la défaite de l’Alsace-Lorraine, une lourde dette de guerre, la défaite française marque aussi la chute du Premier Empire et la mise en place de la Troisième République et une grave animosité entre Français et Allemands, menant indirectement aux deux grands conflits mondiaux du XXème siècle.

 

Augustin a été fait prisonnier le 29 octobre 1870. J’en ignore les circonstances exactes. Peut-être était suite au siège de Metz qui a eu lieu du 20 au 28 (le 32e y a apparemment participé) ? En l’absence de dossier plus complet, difficile à dire. Les occasions ne manquaient pas hélas : près de 50 000 Français ont été faits prisonniers pendant ce conflit. Il est resté en détention jusqu’au 19 juin 1871, soit 8 mois.

 

Je ne peux qu’imaginer cette période de sa vie, la captivité : un voyage en train vers la Prusse sans doute pénible. Son arrivée à Kœnigsberg (ou Königsberg aujourd’hui Kaliningrad, situé dans une enclave Russe isolée entre Pologne et Lituanie), des infrastructures plus ou moins insalubres, le froid, la faim, les vermines et les maladies, sans oublier les exactions de leurs gardiens, les travaux forcés parfois.

 

L’armistice a été signé le 28 janvier mais Augustin est déclaré en campagne (et prisonnier) jusqu’au 19 juin 1871 : est-ce le temps qu’il a fallu pour rapatrier les détenus en France ?

 

Bref, sans dossier individuel, je n’en saurai pas plus. Peut-être pourrait-on le trouver dans une des listes et quelques dossiers individuels qui sont conservés dans la sous-série GR Yj Prisonniers de guerre français et étrangers, 1792-1874, au Service Historique de la Défense ? Pour le moment il n’y a pas d’inventaire en ligne sur les prisonniers de guerre. Habitant trop loin, je ne peux pas m’y rendre.

 

C’est la limite à mes recherches pour le moment. Bien sûr, si quelqu'un veut y aller pour moi, je ne dis pas non... ;-)