« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 2 décembre 2022

#52Ancestors - 48 - Augustin Pierre Jean Astié

  - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 48 : Les ombres de votre généalogie (ancêtres non encore explorés)

 

Dans mon arbre, il n’y a pas vraiment d’ancêtre non exploré (comment résister à la tentation d’en savoir plus dès qu’un nouvel ascendant est connu ? Impossible). Mais il y a des pistes de recherche que je n’ai pas travaillées. En général, c’est parce que je suis loin du dépôt d’archives qui pourrait me renseigner.

Ainsi Augustin Pierre Jean Astié et son passé de prisonnier de guerre.

Augustin est né en 1851 à Conques (Aveyron) mais c'est son grand-père maternel Jean Antoine Mas qui a déclaré sa naissance, son père étant dit "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio". J’ai déjà parlé sur ce blog des mes ancêtres soit disant Corses (voir ici).

Augustin grandit en Corse où son père est gendarme. Il est l’aîné de 6 enfants. Bien sûr, je n’ai pas de détails sur son enfance. Etait-elle heureuse ? Je l’ignore. Cependant, brusquement à 16 ans il décide de devancer l’appel et de s’engager dans l’armée. Qu’est-ce qui a provoqué cette décision ? Voulait-il juste « voir du pays » ? Y a-t-il eu un conflit qui a provoqué ce départ précipité du domicile familial ? En tout cas, s’il y a eu des désaccords avec ses parents, ils ont dû s’apaiser car ils ont eu de nombreuses relations par la suite.

 

Bref, il s’engage. En 1867. Sa fiche militaire a été trouvée en Aveyron avec la classe 1871.  Il y a là un mystère que je n’ai pas résolu pour l’instant : y a-t-il une trace de son engagement volontaire en Corse ? Avec une classe de 1867 ? Le Fil d'Ariane m'a dit qu'il n'y avait pas ce type de document pour cette période.

Sa fiche aveyronnaise m’apprend qu’il a les cheveux et les yeux châtains foncé, les sourcils noirs, le nez et le front ordinaire, le menton et le teint rond (sic), la bouche moyenne, le visage ovale. Cette fiche doit faire partie du recensement ordinaire des jeunes garçons à leurs 20 ans. Du coup elle comporte quelques curiosités : son métier est caporal au 32ème de ligne et son lieu de résidence est Kœnigsberg en Prusse – où il est prisonnier !

 

Fiche matricule d'Augustin (détail) © AD12
 

 

Comme il sera ensuite gendarme (à l’image de son père), je sais aussi par son dossier qu’il mesurait 1,71 m, qu’il est de culte catholique.

Il y est confirmé qu’il était engagé volontaire ; ce qui a été rendu possible par les lois du 21 mars 1832 et 1er février 1868.

 

Rappelons rapidement les étapes de la réquisition militaire auxquels sont soumis les jeunes hommes : la conscription (service militaire obligatoire) a été mise en place sous la Révolution ; tous les hommes de nationalité française âgés de 20 ans sont astreints à un service militaire obligatoire de cinq années. Selon différentes lois, des remplacements peuvent être possibles. A partir de 1818, l'armée se recrute désormais en priorité par engagements et tirages au sort, avec faculté de remplacement et de nombreuses exceptions (dispensés, soutiens de famille, ajournés ou réformés…). La durée du service militaire actif est de six années pour les appelés et de huit années pour les engagés volontaires.

 

La loi Soult du 21 mars 1832 (mentionnée plus haut dans le dossier d’Augustin) maintient ce système tout en réduisant de huit à sept ans la durée du service pour les engagés volontaires.

La seconde loi dont il est question dans le dossier, est la loi Niel du 1er février 1868 : elle supprime l’exonération (qui permet d'éviter le service militaire en versant à la Caisse de dotation de l'armée une somme servant à payer les rengagements d'anciens militaires) et rétablit le remplacement. Elle abaisse la durée du service de sept à cinq ans, mais maintient les soldats dans la réserve pendant quatre ans.

 

Donc Augustin s’est engagé pour 7 ans. Il est incorporé au 32ème régiment d’infanterie de ligne où il arrive le 3 octobre 1868 comme soldat de 2ème classe.

 

Le 7 juin 1870 Augustin est nommé caporal, de 2ème classe d’abord puis de 1ère classe en août. Le caporal est le plus haut grade militaire de la catégorie des hommes du rang (groupe de base de l’armée). Il commande une escouade, groupe variant entre une dizaine et une vingtaine d'hommes. Il est souvent l'adjoint du sergent et le remplace parfois. La classe n’est pas un grade mais une distinction. La première classe est de plus haute distinction que la seconde.

En octobre 1672 il est nommé sergent. C’est le premier grade de sous-officier de l’armée. Il est le plus souvent chef de groupe (une dizaine d’hommes), éventuellement secondé par le caporal.

 

En 1873 Augustin sera remis soldat 2ème classe par circulaire du 25 août (j’en ignore la raison). D’autant plus qu’il a eu un certificat de bonne conduite.

 

Il a fait campagne contre l'Allemagne, du 19 juillet 1870 au 19 juin 1871. Pas de blessure ni de décoration signalée.

 

La guerre de 1870 :

Cette guerre s’inscrit dans la montée des nationalismes, en particulier allemand, du XIXème siècle. Bismarck veut se débarrasser de ses ennemis, l’Autriche et la France. Pour provoquer les Français, il pousse le cousin du roi de Prusse à se porter candidat au trône d'Espagne. S'il était élu, la France serait cernée par une coalition ennemie, ce qu'elle veut absolument éviter. Elle s'oppose à cette candidature. Par une pernicieuse manipulation Bismarck transforme cette question diplomatique mineure en camouflet pour la France. Se sentant outragés, les Français déclarent la guerre à la Prusse 19 juillet 1870, bien que l'armée ne soit pas prête. L’armée allemande, mieux organisée et mieux entraînée, a permis la victoire de la Prusse et de l'Allemagne malgré un armement plus faible.  

La guerre de 1870 s'est déroulée autour d'étapes clés, comme la bataille de Sedan en septembre) ou le long siège de Paris. La bataille de Sedan conduit à la chute de Napoléon III, et à la proclamation de la République le 4 septembre. Le siège de Paris, quant à lui, dure du 20 septembre 1870 jusqu'à la fin de la guerre. Près de deux millions de Parisiens se voient alors pris au piège, pauvrement défendus par quelques dizaines de milliers de soldats, dans un siège très dur. Il s'achève le 28 janvier 1871 avec la signature de l'Armistice.

La défaite de la France lors de la guerre de 1870 peut s'expliquer par différents facteurs, notamment le manque d'organisation, l’excès de confiance des dirigeants militaires et le déséquilibre des forces militaires présentes. Outre la défaite de l’Alsace-Lorraine, une lourde dette de guerre, la défaite française marque aussi la chute du Premier Empire et la mise en place de la Troisième République et une grave animosité entre Français et Allemands, menant indirectement aux deux grands conflits mondiaux du XXème siècle.

 

Augustin a été fait prisonnier le 29 octobre 1870. J’en ignore les circonstances exactes. Peut-être était suite au siège de Metz qui a eu lieu du 20 au 28 (le 32e y a apparemment participé) ? En l’absence de dossier plus complet, difficile à dire. Les occasions ne manquaient pas hélas : près de 50 000 Français ont été faits prisonniers pendant ce conflit. Il est resté en détention jusqu’au 19 juin 1871, soit 8 mois.

 

Je ne peux qu’imaginer cette période de sa vie, la captivité : un voyage en train vers la Prusse sans doute pénible. Son arrivée à Kœnigsberg (ou Königsberg aujourd’hui Kaliningrad, situé dans une enclave Russe isolée entre Pologne et Lituanie), des infrastructures plus ou moins insalubres, le froid, la faim, les vermines et les maladies, sans oublier les exactions de leurs gardiens, les travaux forcés parfois.

 

L’armistice a été signé le 28 janvier mais Augustin est déclaré en campagne (et prisonnier) jusqu’au 19 juin 1871 : est-ce le temps qu’il a fallu pour rapatrier les détenus en France ?

 

Bref, sans dossier individuel, je n’en saurai pas plus. Peut-être pourrait-on le trouver dans une des listes et quelques dossiers individuels qui sont conservés dans la sous-série GR Yj Prisonniers de guerre français et étrangers, 1792-1874, au Service Historique de la Défense ? Pour le moment il n’y a pas d’inventaire en ligne sur les prisonniers de guerre. Habitant trop loin, je ne peux pas m’y rendre.

 

C’est la limite à mes recherches pour le moment. Bien sûr, si quelqu'un veut y aller pour moi, je ne dis pas non... ;-)

 

 

 

 

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