« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 14 juin 2014

#ChallengeAZ : M comme Mil cinq cent soixante dix

1570 est l’année de l’acte le plus ancien de ma généalogie retrouvé à ce jour.

Extrait de l'acte de naissance de Ryondel Jean (acte en latin), 
coll. communale Samoëns

C’est l’acte de naissance de Ryondel Jean, né à Samoëns (74).

1570 est situé dans ce que l'on appelle aujourd'hui l'époque moderne. Cette période de l'histoire s'étend de la fin du Moyen-Age à la Révolution Française (c'est-à-dire 1453 - fin de l'Empire byzantin avec la prise de Constantinople - ou 1492 - découverte de l'Amérique par Christophe Colomb - à 1789; les historiens n'étant pas tous d'accord sur les dates précises).

Si cette période s'inscrit dans la continuité du Moyen-Age, elle connaît néanmoins de profonds bouleversements, les progrès techniques marquant une rupture avec la période précédente. Les découvertes en matières d'armement (artillerie notamment) vont faire évoluer les guerres et les champs de bataille, l'invention de l'imprimerie permet la diffusion du savoir comme jamais auparavant, les famines sont en net recul grâce à la découverte et la diffusion de la pomme de terre venue d'Amérique, la vision du monde s'élargit avec la découverte de nouveaux territoires et continents, la société se transforme sous l'influence du protestantisme et de l'humanisme. Enfin on voit la montée d'une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie d'affaire.

Durant les trois siècles que dure cette période, on voit se succéder :
  • la Renaissance, courant artistique et intellectuel où les artistes ont introduit l'esthétique antique et où les humanistes se sont approprié le savoir antique déjà redécouvert au Moyen Âge. 
  • la Réforme protestante et la Contre-Réforme, dont les querelles religieuses vont aboutir aux guerres de religion.
  • l'émergence des Etats-nations, qui voient s'exacerber les rivalités nationales.
  • Les Lumières, dont les philosophes pointent les limites des monarchies absolues.

Jean Ryondel est né sous le règne du roi Charles IX, roi de France de 1560 à 1574 (branche des Valois). Sous son règne, le royaume est déchiré par les guerres de religion, malgré tous les efforts déployés par sa mère Catherine de Médicis pour les empêcher. Il déboucha sur le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572).
La colonisation américaine se poursuit, après sa récente découverte par Christophe Colomb (1492). Le protestantisme se développe, entraînant les guerres de religion.
La Renaissance, née en Italie, poursuit son développement.
En architecture, c'est l'époque des architectes Palladio (villa Rotonda), Pierre Lescot (aile du Louvre)...
C'est aussi celle du poète Pierre de Ronsard (1524/1585), des écrivains et dramaturges Montaigne (1533/1592), Cervantès (1547/1616), Shakespeare (1564/1615), des peintres Michel-Ange (1475/1564), Le Titien (1488/1576), du chirurgien Ambroise Paré (1509/1590)...

Autant de noms célèbres qui, aujourd'hui, nous évoquent (plus ou moins) quelque chose. Mais évidemment, pour Jean Ryondel cela devait être différent. Que savait-il de ces nouveaux courants artistiques, religieux et de pensée ? De ces bouleversements géographiques et techniques qui se faisaient sentir ? A-t-il même entendu prononcer ces noms immortels ? Impossible de le deviner, bien sûr.

Enfin, n'oublions pas que notre monde n'est pas celui de nos ancêtres. Ainsi Jean Ryondel n’était pas vraiment Français : Samoëns faisait alors partie du Duché de Savoie, qui ne sera réuni à la France qu’en 1860 (Traité de Turin).
Le 19 février 1416, l'empereur Sigismond Ier (empereur romain germanique) érige le comté de Savoie en duché de Savoie, lui offrant une autonomie politique sans précédent. Les ducs de Savoie vont ensuite devenir rois de Sicile, puis de Sardaigne au début du XVIIIe siècle. Les États de Savoie sont alors de plus en plus souvent appelés « États sardes » par les Français après 1718.
Les différents États, duchés ou royaumes d'Italie, n'ont été réunis qu'à partir de 1860. En 1860, la révolution italienne (Risorgimento) et les plébiscites pour l'unification en Italie fédèrent les différents États d'Italie et installent le roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II de Savoie sur le trône d'une monarchie constitutionnelle avec l'appui de l'empereur des Français Napoléon III.
Le 22 avril de la même année, lors de la ratification du Traité de Turin, à la suite d'un plébiscite (130 533 "Oui" / "Oui et zone" contre 235 "Non"), le duché de Savoie est cédé conditionnellement à la France, formant les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie.
Jean Ryondel naît donc sous le règne d’Emmanuel Philibert de Savoie, dit Tête de fer, époux de Marguerite de Valois (fille de François Ier).


vendredi 13 juin 2014

#Challenge AZ : L comme Liesse

Liesse, Fare, Macée pour les filles.
Premier, Catherin ou Mermet pour les garçons.
Les prénoms de nos ancêtres sont parfois originaux. 

Adélaïde, calligraphie personnelle

Je compte 516 prénoms différents dans ma généalogie, dont 213 ne sont portés que par un seul ancêtre.

Difficile de faire un choix, mais la palme revient sans doute à Helipx, prénom féminin rouergat, dont j’ignore même la prononciation ! On le trouve aussi sous la forme Hélix. Ce prénom aurait une origine liée au lierre grimpant dont le nom scientifique est Hedera helix. Pour d'autres, il viendrait du latin helix ou serait dérivé du grec ancien eilein et signifierait "qui tourne, s'enroule sur lui même, courbe, spirale". C'est pourquoi le mot désigne un genre d'escargot et une partie de l'oreille. A confirmer par un spécialiste.

Beaucoup  portent des prénoms de saints locaux (ce qui leur donne leur originalité lorsqu'on s'éloigne). J'ai déjà parlé de l'exemple de Fare (voir l'article K de ce challenge).

Le vocable de l'église influence aussi souvent le choix des prénoms : Les Symphorien et Symphorienne se trouvent présents en nombre à Bauné (49), dont l'église est dédiée au saint éponyme.

La période révolutionnaire a donné quelques créations intéressantes : Ildefonce (masculin), Euphénie ou Ismérie (féminins). 

Plus classiques, les prénoms qui reviennent les plus souvent sont Marie (939 porteuses dans ma généalogie), Jeanne (522) et Françoise (339) pour les filles ; Jean (609 porteurs), Pierre (554) et François (339) pour les garçons. A eux six, ils représentent 43,12 % du total des prénoms de mes aïeux.

Mes ancêtres ne dérogent pas aux habitudes anciennes concernant les prénoms; habitudes tombées en désuétudes qui nous paraissent aujourd'hui curieuses, sinon morbides :


  • Les prénoms qui se retrouvent de génération en génération : François, prénom donné à 5 générations de Roy. 
  • A Noël, on prénomme souvent son fils Noël : c’est le cas de deux enfants sur trois nés le 25 décembre. 
  • Si un fils naît le même jour que son père, on le prénomme de la même manière : Astié Daniel, né le 12 juin, prénomme son fils, né le 12 juin, Daniel. 
  • Lorsqu’un nouveau-né décède, on donne le même prénom au bébé suivant : le record est tenue par Paveau Jean qui nomme ses quatre fils Jean (les trois premiers étant décédés successivement en bas âge).
  • Quant à Germain François, sans doute en manque d’imagination, il nomme sa fille Françoise et ses 4 fils François ! 
Quant à mes parents, ils ont fait preuve d'originalité : je suis la seule Mélanie parmi les 7 656 ancêtres identifiés à ce jour.

jeudi 12 juin 2014

#ChallengeAZ : K comme kesako ?

Heureux de trouver un acte, le chemin n’est pas fini. Il faut encore pouvoir le déchiffrer. Et parfois on se trouve devant une véritable énigme. Impossible de devenir ce qui se cache derrière cet obscur gribouillis. Selon toute logique c’est le patronyme (ou d’autres fois le métier, la paroisse d’origine...). Quelle frustration alors ! Là, devant nos yeux, le passeport pour aller plus loin et impossible de l’utiliser. 

© PhotoPin

Bon, bien sûr, vous me répondrez « cours de paléographie ». Mais ce n’est pas toujours possible de suivre ces cours qui permettent de déchiffrer les écritures anciennes (pour des raisons multiples). Alors, on fait comme on peut.

Et parfois on ne peut pas ! C’est l’impasse. Impossible d’aller plus loin.

Miraculeusement l’inspiration vient parfois. A force de remettre l’ouvrage sur le métier et de s’user les yeux sur les registres, on parvient à déchiffrer ce qui restait une énigme il y a quelques jours encore. Personnellement, se familiariser avec l’écriture de l’auteur m’a sauvé bien des fois : on commence par lire plusieurs actes à la suite (même si on n'en comprend pas forcément le sens); puis on repère sa façon de former les lettres grâce à des mots ou des formules rituelles que l'on comprends dans d'autres actes; enfin on peut revenir à l'acte qui nous préoccupe et parfois, avec un peu de chance, lettre après lettre, on arrive à déchiffrer le sens caché des mots.

Évidemment, un petit coup de pouce n'est pas inutile : par exemple, connaître la géographie permet de "deviner" le nom de la paroisse/commune sur lequel on butte; en particulier au niveau local car on sait que, sauf exception, nos ancêtres évoluaient dans un périmètre restreint. Et là, tout s'éclaire : C’est la paroisse de Seiches (aujourd’hui Seiches sur le Loir, Maine et Loire), bien sûr ! Enfin, une nouvelle piste pour continuer le chemin.

D’autres fois encore, la lecture est parfaitement limpide, mais le sens du mot nous échappe : Jean Raouls exerce le métier de "sarger" vers 1744. Oui, ... mais encore ? Heureusement les blogs ou forums de généalogie viennent parfois résoudre le mystère. Ainsi le sarger est l’ouvrier fabriquant des étoffes ou tissus de laine, de la « serge ».

Parfois, l’énigme peut se résoudre par la connaissance de l’histoire locale. Le curieux prénom féminin Fare, retrouvé régulièrement en Seine et Marne (mais pas ailleurs) s’explique ainsi par l’histoire de sainte Fare, sainte du VIIème de la région de Meaux, qui a donné le nom de localité Faremoutiers - et le prénom de plusieurs de nos ancêtres. Au début, je doutais de ce que je lisais (le prénom Fare, ou sa variante masculine Faron, n'étant pas vraiment dans mon calendrier usuel des prénoms), mais grâce à la connaissance de cette sainte locale plus d'incertitude possible.

Et certaines mauvaises langues continuent de dire que nous, généalogistes, nous passons notre temps isolés, seuls avec des morts. Alors que curiosité, échanges, connaissances diverses et variées nous caractérisent bien souvent.

L'essentiel, en tout cas, c'est que « kesako » se transforme en « cebiensa » !