Mais lors de la rédaction du contrat de mariage deux mois avec la noce (en avril 1744), quelques mentions sortent de l'ordinaire et m'ont fait suspecter une situation peu commune.
- Les lieux :
- les protagonistes :
- la famille de la future : la fiancée se nomme Marie Raouls. Elle est née en 1719 à Conques. Ses parents sont Jean Raouls et Margueritte Valette; cette dernière est peut-être la fille Jean Valette, un notable de Conques (mais sa parenté n'a pas encore été formellement prouvée). Jean Raouls est tisserand puis sarger. Il se sont mariés en 1716, ont eu trois enfants, puis Margueritte est morte en couches suite à la naissance du dernier en 1721. Jean se remarie deux ans plus tard avec Anne Durieu (la fille du maître organiste de Conques), dont il aura 6 enfants. Il meurt en 1738, soit 6 ans avant le mariage de nos fiancés. Il ne reste donc que la belle-mère, Anne. Marie a 14 ans de moins que son fiancé.
- les témoins : classiquement, dans les contrats de mariage, les fiancés sont assistés de leurs parents. S'ils sont orphelins de père, de mère, ou des deux, ils peuvent se doter eux-même, éventuellement selon les instructions du/des testaments des parents s'il y en a eu. Ici, le fiancé (dont les deux parents sont encore vivants, rappelons-le, même s’ils habitent un peu loin et sont déjà âgés) est assisté de François son frère et Guillaume, un ami. Ses parents ne sont pas présents. La fiancée (qui n'a plus que sa belle-mère) est entourée de son jeune frère Pierre, garçon cordonnier (en apprentissage donc), et Joseph un cousin vigneron de Conques. Anne Durieu n'est pas présente.
- les faits :
- Orpheline de ses deux parents, Marie constitue sa dot elle-même, autorisée par son frère présent, Pierre. Elle apporte dans la corbeille 200 livres ! Rien à voir avec son futur époux. Le niveau de vie de sa famille est clairement plus élevé. Est-ce de là que vient le malaise que j'ai ressenti lors de la transcription du contrat de mariage ?
Sont aussi détaillées des dispositions pour Pierre, le jeune frère : les futurs époux devront lui assurer le payement de 200 livres (en plusieurs termes, dont le premier est prévu lorsqu'il aura atteint sa majorité).
La fiancée obtient aussi la maison de sa mère, Margueritte Valete, même si celle-ci n'est pas en bon état, comme il a été constaté par des hommes de l'art : "apres prealable appretiation faitte par prudhommes cognoisseurs testal de la maison de lheredite de ladite feue valette leur commune mere qui menace de ruines imminentes requerant de reparations ugeantes, de meme que les planches en entier". Et elle est en droit d'exiger les meubles de feue sa mère, même ceux dont sa belle-mère "peut etre detentrisse comme sestant emparee apres le deces dudit raouls son mari". Il est donné pleins pouvoirs aux futurs mariés pour intenter une action en justice contre ladite Anne si celle-ci s'oppose à ces clauses. Ambiance...
Ce n'est donc pas la différence sociale des deux familles qui est à l'origine du malaise, mais plus probablement les relations de Marie et de sa belle-mère Anne.
Après la mariage, la nouvelle famille Banide s'installera à Conques et si Pierre Raouls restera fidèle aux côtés de sa sœur (témoin d'acte la concernant et parrain d'une de ses filles), on n'entendra plus parler d'Anne Durieu...
* Remarquons au passage l'originalité des prénoms entre les parents et les enfants...