« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 17 juin 2014

#ChallengeAZ : O comme où faut-il signer ?

Sur les 3 724 actes (naissances, mariages et décès) dont nous disposons à ce jour, 269 signatures ont été identifiées. Quelques actes portent d'autres signatures mais on ne sait pas à qui les attribuer : au marié ou au père du mariés, lorsqu'ils portent le même prénom, par exemple. 

Détail d'acte de mariage, AD79

Cela représente 7,22 %. Parmi elles, 50 sont des signatures féminines (soit 18,58 % des 269 signatures).

Bien sûr, nous aujourd'hui nous apposons nos signatures sur toutes sortes de documents, et sans même y penser, puisque l’illettrisme est devenu relativement rare dans nos sociétés modernes (7 % de la population française en 2013 tout de même). Mais pour nos ancêtres, il en allait tout autrement.

C'est l’ordonnance de Fontainebleau, en 1554, puis l’ordonnance civile d’avril 1667, qui vont rendre obligatoire l’apposition d’une marque autographe du nom propre d’abord sur les actes notariés, puis sur les actes des registres paroissiaux. Dès lors, c’est une nouvelle conception de l’individu et de son identité qui s’affirme : la reconnaissance d’un être singulier, unique, parfaitement identifiable.

La plus ancienne signature date de 1605 : François Legarré, signe l’acte de naissance de sa fille. Il habite Clefs (Maine et Loire). Il n’y a pas de mention de métier : on ne sait pas quelle profession il exerçait.

Par ailleurs, mon plus lointain ancêtre éponyme, Antoine Astié, signe son acte de mariage à Conques (Aveyron, en 1671), comme évoqué lors du premier article de ce challenge : A comme Astié).

Ces signatures sont toujours agréables à découvrir car elles rendent moins impersonnels les actes d'état civils : on a alors l'impression de rencontrer "vraiment" nos ancêtres. De plus, cela montre, ou plutôt laisse deviner, leur degré d'instruction : sait écrire, ou pas, manie facilement la plume, ou pas.

Ainsi certaines signatures sont tremblotantes (Goret Pierre en 1704 ou Baud Jean Marie en 1813), et on devine que la plume n’est pas un objet usuel chez quelques uns de nos ancêtres.

Dibon Pierre, signe son acte de mariage à Villevêque (Maine et Loire) en 1659 : il écrit son nom en majuscule d’imprimerie et inverse le N (И) comme le font parfois les enfants qui apprennent tout juste à écrire. Apportons d'ailleurs ici une nuance : celui qui signe ne sait pas forcément lire et écrire : il peut avoir simplement appris à écrire son nom et le reproduire, sans plus (en particulier lorsque l'écriture est malhabile).

Les illettrés signent aussi ! Plus rarement, il est vrai. Dans ma généalogie, seuls les curés de La Coulonche et La Sauvagère (Basse Normandie) font en effet apposer une marque à ceux qui ne savent pas écrire. Le curé note alors, à côté d’une croix : « la marque deladitte anne guibé » (acte de mariage, 1768).

Certains ancêtres signent un acte (par exemple le mariage), mais pas les suivants (par exemple les naissances de ses enfants), sans que l'on puisse l'expliquer. De même, on pourrait penser que lorsque le père signe, ses enfants le feront aussi; ce qui n'est pas toujours le cas : ce n'est pas parce qu'il est sensibilisé lui-même à l'écriture et l'instruction qu'il voudra (ou pourra) transmettre cela à ses enfants.

On ne signe pas forcément son nom exact (sans même parler de l'orthographe des patronymes qui évoluent) : Borrat-Michaud Joseph signe ses actes « Michaud Joseph ». Chaillou Cécile, épouse de Puissant Noël, signe « Cécille Chaious femme Puissant ». 

Aucun de mes aïeux n'accompagne, ou ne remplace, sa signature d'un signe distinctif, comme on peut en voir parfois (clé, ciseaux, encre de marine... ).

La signature de Guespin René, en 1653, est la plus alambiquée et décorée de fioritures; mais il est sergent royal et il a, lui, l’habitude de l’écrit de part sa fonction (on le voit d’ailleurs témoin dans de nombreux actes au fil des registres).


lundi 16 juin 2014

#ChallengeAZ : N comme noyés et/ou morts

La cause de la mort n’est pas toujours mentionnée dans les actes de décès. Toutefois le rédacteur de l’acte lève le voile sur ces circonstances malheureuses... et parfois même cocasses (pour apprécier ces mentions, voir l'article paru en mai à ce sujet sur ce blog). 

Loire © V. Brosseau

Mais concentrons-nous aujourd’hui sur le cas particulier des noyés. Deux de mes ancêtres sont mort noyés :
  • Gibert Pierre André est décédé par noyade en 1834 à La Chapelle sur Crécy (77) : "il a été noyé dans le Morin par accident au pont de Coude et n'a été retiré qu'hier". A noter, l'acte de mariage de son fils donne comme date de décès le 11 décembre 1833, mais l'acte de décès est daté du 22 avril 1834 : a-t-il disparu en décembre et retrouvé seulement en avril (ce que sous-entendrait la mention « n’a été retiré qu’hier ») ?
  • Pochet Jean Denis est décédé par noyade en 1792 à Guérard (77). Le rédacteur de l'acte de décès précise qu'il est autorisé à donner une sépulture ecclésiastique à la dépouille retrouvée le lendemain de sa noyade.
La proximité des cours d'eau ont toujours été un facteur de risque (quoique les populations riveraines soient en général plus averties, et prudentes, que les autres sur ce point).

"Les malheurs qui arrivent en se baignant ne sont que trop fréquents, surtout dans les villes où la jeunesse trop hardie s'expose aux dangers les plus grands ( ... ). Plusieurs personnes se sont imaginé qu'on mourrait dans l'eau, par le trop de boisson qu'on avalait; mais ce sentiment est totalement détruit par l’expérience, qui prouve, qu'après avoir ouvert les noyés, on ne trouve point d'eau dans leur estomac. Ce n'est donc que la suppression totale de la respiration, jointe au froid subit et à la peur, qui est la cause de la mort prompte et inévitable de ceux qui se noient ( ... )." - d'où l'expression "mort de peur" sans doute.

Selon ce "Dictionnaire portatif de santé" ( * ), il fallait porter une attention particulière aux noyés et je ne résiste pas à vous donner quelques recettes qui y sont inscrites (pour des commodités de lecture, j'ai retranscrit ces passages avec une graphie moderne) - et quelques réflexions personnelles aussi :

"Aussitôt que l'on tire quelqu'un de l'eau, la première précaution qu'on doit prendre, c'est de le transporter sur le champ dans un lieu chaud, de l'étendre sur une couverture en double, - j'aime le luxe de détail dans ce genre d'ouvrage - de l'approcher du feu pourvu qu'il ne soit pas trop fort, de lui faire des frictions sur le corps avec des flanelles et des serviettes chaudes, de lui faire respirer de la fumée de tabac, - oh  oui ! méfiez-vous, je pense que la recette a changé aujourd'hui et que les fumigations de tabac ne sont plus le premier remède préconisé par la faculté - et de lui donner des lavements avec la décoctions de cette plante, de lui mettre également sous le nez de l'eau de Luce, de l'esprit volatil, de sel d'Angleterre ou de corne-de-cerf; de le placer ensuite dans un lit bien bassiné et d'y exciter par degrés une chaleur plus forte ( ... ).

Si le noyé donne quelques signes de vie, - s'il ne s'est pas étouffé dans le tabac et les sels - il faut augmenter les frictions ( ... ) et lui faire prendre ensuite un bon verre de vin avec de la cannelle et du sucre, en continuant toujours de le tenir chaudement.
- vin et tabac : voilà les recettes miracles pour rester en bonne santé !

Le lendemain, s'il survient de la fièvre, on pratiquera une saignée. ( ... )
Et voici une autre méthode que l'on peut mettre en usage, pour sauver les noyés : il faut faire également le transporter, le plutôt qu'on peut, dans un endroit chaud, et faire, dans la chambre, un lit de cendre de genêt ou de sarment, sur lequel on le couchera, en enveloppant totalement leur corps de cendre, par-dessus laquelle on mettra des fers chauds, pour tâcher d'échauffer la cendre; et on laissera le noyé, de cette façon, jusqu'à ce qu'il donne quelques signes de vie; après quoi on le traitera comme ci-dessus.
L'ouvrage n'indique pas quelles sont les vertus et le pouvoir de la cendre pour faire renaître à la vie les pseudo-noyés.

Au reste, on ne doit tenter ces remèdes, que lorsqu'on est sûr que les noyés n'ont pas resté longtemps dans l'eau : tel est l'espace, depuis cinq ou six minutes, jusqu'à un quart d'heure. Quand ils sont livides, qu'ils ont le ventre gonflé, il est à propos de ne tenter aucun remède, parce qu'il serait inutile : ( ... ) il est impossible de sauver les pauvres malheureux qui ont été noyés. 

La suite ne doit être lue que si vous avez le cœur bien accroché.
Il ne faut pas non plus précipiter l'enterrement des noyés; et on doit se conduire dans ce cas, comme nous avons conseillé de le faire dans les morts subites, c'est-à-dire qu'il est important d'attendre des marques de putréfactions, et, en attendant, garder le cadavre, et employer tous les moyens que nous venons d'indiquer, et ceux dont il a été fait mention à l'article "mort subite".

Pourquoi la putréfaction ? Reportons-nous audit article :
Mort subite : il n'y a rien de plus certain que la mort; mais les signes de la mort sont incertains. Il faut donc, quand un personne passe, en peu d'instants, de la vie à la mort, ( ... ) être sur ses gardes, et mettre en œuvre tous les moyens imaginables, pour savoir si elle est réellement morte, ( ... ); car quel reproche n'a-t-on pas à se faire, si on a laissé enterrer comme mort quelqu'un qu'on trouvera, par la suite, dans son cercueil, débarrassé de son suaire, et avec les marques qui démontrent qu'il a vécu dans son tombeau ?
- tu m'étonnes ! -

Il ne faut donc pas se hâter de quitter un malade ( ... ) à la première nouvelle qu'on donne de sa mort, et cela doit être surtout observé pour les personnes qui meurent en peu de moment, et sans cause manifeste. On doit, dans ces cas, faire venir le médecin, malgré le proverbe; - j'ignore de quel proverbe il s'agit : si quelqu'un le connaît, qu'il n'hésite pas à le laisser en commentaire - et alors il fera garder le malade dans le lit, le fera frotter, chauffer : on appliquera des linges chauds; on pourra lui irriter le nez avec un crin ou un chalumeau
- gloups ! -

Suivent plusieurs actions à entreprendre pour s'assurer du décès de la personne, dont la suivante : la fumée de tabac, introduite dans l'anus, a réveillé le mouvement des intestins, et la machine a été remise en action plusieurs fois par ce moyen; peut-être même pourrait-on insinuer l'air dans la poitrine, par d'autres moyens.
- oui, il faudrait peut-être y penser... -

Si le sujet reste tranquille à tous ces remèdes, qu'il ne donne aucune marque de sentiment, il ne faudra pas, pour cela, se hâter de l'enterrer; on pourra ensuite tenter l'application d'un fer chaud à la plante de pieds, ou sur la poitrine, vers la pointe du cœur ( ... ); et il ne sera enfin enterré que quand il donnera des marques de putréfaction, seul signe certain d'une mort certaine, signe qu'il faut attendre dans les morts subites, si l'on ne veut pas avoir à se reprocher d'avoir enterré vivantes des personnes qu'on croyait mortes."

Ce dictionnaire date de 1777. On ne regrettera jamais les progrès de la médecine, n'est-ce pas ?


( * ) Ce Dictionnaire portatif de la santé est consultable en ligne, sur le site de Gallica : si vous êtes malade, à lire ici (articles Mort subite p132/605 et Noyés p144/605).



samedi 14 juin 2014

#ChallengeAZ : M comme Mil cinq cent soixante dix

1570 est l’année de l’acte le plus ancien de ma généalogie retrouvé à ce jour.

Extrait de l'acte de naissance de Ryondel Jean (acte en latin), 
coll. communale Samoëns

C’est l’acte de naissance de Ryondel Jean, né à Samoëns (74).

1570 est situé dans ce que l'on appelle aujourd'hui l'époque moderne. Cette période de l'histoire s'étend de la fin du Moyen-Age à la Révolution Française (c'est-à-dire 1453 - fin de l'Empire byzantin avec la prise de Constantinople - ou 1492 - découverte de l'Amérique par Christophe Colomb - à 1789; les historiens n'étant pas tous d'accord sur les dates précises).

Si cette période s'inscrit dans la continuité du Moyen-Age, elle connaît néanmoins de profonds bouleversements, les progrès techniques marquant une rupture avec la période précédente. Les découvertes en matières d'armement (artillerie notamment) vont faire évoluer les guerres et les champs de bataille, l'invention de l'imprimerie permet la diffusion du savoir comme jamais auparavant, les famines sont en net recul grâce à la découverte et la diffusion de la pomme de terre venue d'Amérique, la vision du monde s'élargit avec la découverte de nouveaux territoires et continents, la société se transforme sous l'influence du protestantisme et de l'humanisme. Enfin on voit la montée d'une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie d'affaire.

Durant les trois siècles que dure cette période, on voit se succéder :
  • la Renaissance, courant artistique et intellectuel où les artistes ont introduit l'esthétique antique et où les humanistes se sont approprié le savoir antique déjà redécouvert au Moyen Âge. 
  • la Réforme protestante et la Contre-Réforme, dont les querelles religieuses vont aboutir aux guerres de religion.
  • l'émergence des Etats-nations, qui voient s'exacerber les rivalités nationales.
  • Les Lumières, dont les philosophes pointent les limites des monarchies absolues.

Jean Ryondel est né sous le règne du roi Charles IX, roi de France de 1560 à 1574 (branche des Valois). Sous son règne, le royaume est déchiré par les guerres de religion, malgré tous les efforts déployés par sa mère Catherine de Médicis pour les empêcher. Il déboucha sur le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572).
La colonisation américaine se poursuit, après sa récente découverte par Christophe Colomb (1492). Le protestantisme se développe, entraînant les guerres de religion.
La Renaissance, née en Italie, poursuit son développement.
En architecture, c'est l'époque des architectes Palladio (villa Rotonda), Pierre Lescot (aile du Louvre)...
C'est aussi celle du poète Pierre de Ronsard (1524/1585), des écrivains et dramaturges Montaigne (1533/1592), Cervantès (1547/1616), Shakespeare (1564/1615), des peintres Michel-Ange (1475/1564), Le Titien (1488/1576), du chirurgien Ambroise Paré (1509/1590)...

Autant de noms célèbres qui, aujourd'hui, nous évoquent (plus ou moins) quelque chose. Mais évidemment, pour Jean Ryondel cela devait être différent. Que savait-il de ces nouveaux courants artistiques, religieux et de pensée ? De ces bouleversements géographiques et techniques qui se faisaient sentir ? A-t-il même entendu prononcer ces noms immortels ? Impossible de le deviner, bien sûr.

Enfin, n'oublions pas que notre monde n'est pas celui de nos ancêtres. Ainsi Jean Ryondel n’était pas vraiment Français : Samoëns faisait alors partie du Duché de Savoie, qui ne sera réuni à la France qu’en 1860 (Traité de Turin).
Le 19 février 1416, l'empereur Sigismond Ier (empereur romain germanique) érige le comté de Savoie en duché de Savoie, lui offrant une autonomie politique sans précédent. Les ducs de Savoie vont ensuite devenir rois de Sicile, puis de Sardaigne au début du XVIIIe siècle. Les États de Savoie sont alors de plus en plus souvent appelés « États sardes » par les Français après 1718.
Les différents États, duchés ou royaumes d'Italie, n'ont été réunis qu'à partir de 1860. En 1860, la révolution italienne (Risorgimento) et les plébiscites pour l'unification en Italie fédèrent les différents États d'Italie et installent le roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II de Savoie sur le trône d'une monarchie constitutionnelle avec l'appui de l'empereur des Français Napoléon III.
Le 22 avril de la même année, lors de la ratification du Traité de Turin, à la suite d'un plébiscite (130 533 "Oui" / "Oui et zone" contre 235 "Non"), le duché de Savoie est cédé conditionnellement à la France, formant les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie.
Jean Ryondel naît donc sous le règne d’Emmanuel Philibert de Savoie, dit Tête de fer, époux de Marguerite de Valois (fille de François Ier).


vendredi 13 juin 2014

#Challenge AZ : L comme Liesse

Liesse, Fare, Macée pour les filles.
Premier, Catherin ou Mermet pour les garçons.
Les prénoms de nos ancêtres sont parfois originaux. 

Adélaïde, calligraphie personnelle

Je compte 516 prénoms différents dans ma généalogie, dont 213 ne sont portés que par un seul ancêtre.

Difficile de faire un choix, mais la palme revient sans doute à Helipx, prénom féminin rouergat, dont j’ignore même la prononciation ! On le trouve aussi sous la forme Hélix. Ce prénom aurait une origine liée au lierre grimpant dont le nom scientifique est Hedera helix. Pour d'autres, il viendrait du latin helix ou serait dérivé du grec ancien eilein et signifierait "qui tourne, s'enroule sur lui même, courbe, spirale". C'est pourquoi le mot désigne un genre d'escargot et une partie de l'oreille. A confirmer par un spécialiste.

Beaucoup  portent des prénoms de saints locaux (ce qui leur donne leur originalité lorsqu'on s'éloigne). J'ai déjà parlé de l'exemple de Fare (voir l'article K de ce challenge).

Le vocable de l'église influence aussi souvent le choix des prénoms : Les Symphorien et Symphorienne se trouvent présents en nombre à Bauné (49), dont l'église est dédiée au saint éponyme.

La période révolutionnaire a donné quelques créations intéressantes : Ildefonce (masculin), Euphénie ou Ismérie (féminins). 

Plus classiques, les prénoms qui reviennent les plus souvent sont Marie (939 porteuses dans ma généalogie), Jeanne (522) et Françoise (339) pour les filles ; Jean (609 porteurs), Pierre (554) et François (339) pour les garçons. A eux six, ils représentent 43,12 % du total des prénoms de mes aïeux.

Mes ancêtres ne dérogent pas aux habitudes anciennes concernant les prénoms; habitudes tombées en désuétudes qui nous paraissent aujourd'hui curieuses, sinon morbides :


  • Les prénoms qui se retrouvent de génération en génération : François, prénom donné à 5 générations de Roy. 
  • A Noël, on prénomme souvent son fils Noël : c’est le cas de deux enfants sur trois nés le 25 décembre. 
  • Si un fils naît le même jour que son père, on le prénomme de la même manière : Astié Daniel, né le 12 juin, prénomme son fils, né le 12 juin, Daniel. 
  • Lorsqu’un nouveau-né décède, on donne le même prénom au bébé suivant : le record est tenue par Paveau Jean qui nomme ses quatre fils Jean (les trois premiers étant décédés successivement en bas âge).
  • Quant à Germain François, sans doute en manque d’imagination, il nomme sa fille Françoise et ses 4 fils François ! 
Quant à mes parents, ils ont fait preuve d'originalité : je suis la seule Mélanie parmi les 7 656 ancêtres identifiés à ce jour.

jeudi 12 juin 2014

#ChallengeAZ : K comme kesako ?

Heureux de trouver un acte, le chemin n’est pas fini. Il faut encore pouvoir le déchiffrer. Et parfois on se trouve devant une véritable énigme. Impossible de devenir ce qui se cache derrière cet obscur gribouillis. Selon toute logique c’est le patronyme (ou d’autres fois le métier, la paroisse d’origine...). Quelle frustration alors ! Là, devant nos yeux, le passeport pour aller plus loin et impossible de l’utiliser. 

© PhotoPin

Bon, bien sûr, vous me répondrez « cours de paléographie ». Mais ce n’est pas toujours possible de suivre ces cours qui permettent de déchiffrer les écritures anciennes (pour des raisons multiples). Alors, on fait comme on peut.

Et parfois on ne peut pas ! C’est l’impasse. Impossible d’aller plus loin.

Miraculeusement l’inspiration vient parfois. A force de remettre l’ouvrage sur le métier et de s’user les yeux sur les registres, on parvient à déchiffrer ce qui restait une énigme il y a quelques jours encore. Personnellement, se familiariser avec l’écriture de l’auteur m’a sauvé bien des fois : on commence par lire plusieurs actes à la suite (même si on n'en comprend pas forcément le sens); puis on repère sa façon de former les lettres grâce à des mots ou des formules rituelles que l'on comprends dans d'autres actes; enfin on peut revenir à l'acte qui nous préoccupe et parfois, avec un peu de chance, lettre après lettre, on arrive à déchiffrer le sens caché des mots.

Évidemment, un petit coup de pouce n'est pas inutile : par exemple, connaître la géographie permet de "deviner" le nom de la paroisse/commune sur lequel on butte; en particulier au niveau local car on sait que, sauf exception, nos ancêtres évoluaient dans un périmètre restreint. Et là, tout s'éclaire : C’est la paroisse de Seiches (aujourd’hui Seiches sur le Loir, Maine et Loire), bien sûr ! Enfin, une nouvelle piste pour continuer le chemin.

D’autres fois encore, la lecture est parfaitement limpide, mais le sens du mot nous échappe : Jean Raouls exerce le métier de "sarger" vers 1744. Oui, ... mais encore ? Heureusement les blogs ou forums de généalogie viennent parfois résoudre le mystère. Ainsi le sarger est l’ouvrier fabriquant des étoffes ou tissus de laine, de la « serge ».

Parfois, l’énigme peut se résoudre par la connaissance de l’histoire locale. Le curieux prénom féminin Fare, retrouvé régulièrement en Seine et Marne (mais pas ailleurs) s’explique ainsi par l’histoire de sainte Fare, sainte du VIIème de la région de Meaux, qui a donné le nom de localité Faremoutiers - et le prénom de plusieurs de nos ancêtres. Au début, je doutais de ce que je lisais (le prénom Fare, ou sa variante masculine Faron, n'étant pas vraiment dans mon calendrier usuel des prénoms), mais grâce à la connaissance de cette sainte locale plus d'incertitude possible.

Et certaines mauvaises langues continuent de dire que nous, généalogistes, nous passons notre temps isolés, seuls avec des morts. Alors que curiosité, échanges, connaissances diverses et variées nous caractérisent bien souvent.

L'essentiel, en tout cas, c'est que « kesako » se transforme en « cebiensa » !

mercredi 11 juin 2014

#ChallengeAZ : J comme jumeaux

Je compte 8 paires de jumeaux parmi mes ancêtres directs (dont 2 paires mixtes garçons/filles). Ce qui n’est pas énorme pour 3 201 aïeux : 0,24 %. J'en compte 52 paires sur la totalité de ma généalogie (7 656 personnes), soit 0,67 %. 

Jumeaux © A.Geddes

On reste néanmoins en-dessous de la moyenne nationale. Historiquement, en effet, environ 1 grossesse sur 80 donne naissance à des jumeaux, soit 1,25 % (1).

Sur les 52 paires, 24 sont des jumelles (filles/filles), 9 sont des jumeaux (garçons/garçons) et 19 sont mixtes (garçons/filles).

Bien sûr, on connaît tous la distinction entre vrais et faux jumeaux : les premiers sont issus d'un seul et même œuf, tandis que les seconds proviennent d’une gestation identique, mais de deux ovules fécondés par deux spermatozoïdes.
Chez ces derniers, les jumeaux « dizygotes », il n’y a entre eux que les similitudes que l'on peut rencontrer entre n'importe quels frères et sœurs. Du fait qu’ils se développent grâce à deux placentas séparés, comme deux enfants nés de deux grossesses différentes, ils peuvent être de sexes différents. La prédisposition génétique qui favorise leur venue est à rechercher du côté maternel, puisque le père n'influence en rien la double ovulation originelle.
Chez les vrais jumeaux, « monozygotes », c’est la cellule œuf qui se sépare en deux, formant ainsi deux embryons qui ont le même patrimoine génétique. Si l'ovule se divise moins de trois jours après la fécondation, les jumeaux se ressembleront davantage à la naissance (poids et taille) que si l'ovule fécondé se divise plus tard. Les jumeaux monozygotes sont souvent très ressemblant physiquement. Mais en prenant de l'âge, ils peuvent se différencier, à la suite des choix personnels comme la nourriture, les activités physiques et intellectuelles... ainsi que des expériences de vie.

Dans nos sociétés modernes, on voit augmenter le nombre des grossesses multiples, notamment à cause de l'utilisation à grande échelle des médicaments pour lutter contre l’infertilité.

Les causes de la gémellité sont encore mal connues aujourd'hui (hormis ce phénomène moderne) ; en particulier pour les jumeaux monozygotes.

Enfin, littéralement, le terme jumeau se réfère à tous les individus (ou l'un de ceux-ci) qui ont partagé le même utérus au cours d'une même gestation. Les triplés (ou quadruplés) sont donc 3 (ou 4) jumeaux. Je n’ai pas encore trouvé de grossesse triple (ou davantage) dans ma généalogie.

En généalogie, il est difficile de distinguer, d'après les actes d'état-civil, les faux des vrais jumeaux ; hormis les grossesses mixtes, qui sont obligatoirement des faux jumeaux.

Chez moi, on naît jumeaux majoritairement en automne et hiver : 6 paires de jumeaux nés en septembre, novembre, décembre et 7 en janvier. Avril, juin et août ne sont pas propices : seulement 2 paires pour chacun de ces mois.
Lorsqu’on connaît leur âge, les mères ont le plus souvent la trentaine (19 cas). Les plus jeunes ont 21 ans et la plus âgée 45.
C’est en Maine et Loire qu’il y a le plus de jumeaux : 24 paires (mais c’est le département où j’ai retrouvé le plus d’ancêtres ; ce n’est donc pas très significatif) ; suivi, très loin derrière, par les Côtes d’Armor : 7 paires.
C’est au XVIIème que les jumeaux sont les plus nombreux chez moi (28 paires). Seulement 2 paires au XIXème. Le Floch Ursule (née en 1874) est mon ancêtre jumelle la plus proche de moi : c’est mon AAGM.

Rares sont les jumeaux qui ont eu des jumeaux : Sur les huit paires de jumeaux (chez mes ancêtres directs), on compte à nouveau des jumeaux dans la descendance de Rattier Françoise (elle a eu des jumelles) et de Bouguié Joseph et Quero Marie (à la deuxième génération : leurs petits-fils donnant eux-mêmes naissance à des jumeaux).
Rattier Laurent et Barbot Jacquine ont deux paires de jumeaux : dans la première paire on compte notre ancêtre Françoise (citée ci-dessus) ; dans la seconde paire l’un des deux enfants décède 11 jours plus tard.
Ces Rattier sont prospères en matière de gémellité : après les deux paires citées ci-dessus, notre ancêtre Françoise donne elle-même naissance à des jumeaux, ainsi que la sœur de Laurent (une fille baptisée par la sage-femme en péril de mort, décédée le lendemain et un fils est mort-né non prénommé). Soit 4 paires en deux générations.

René et Jacques Girard, nés en 1682 à Nueil les Aubiers (79), sont qualifiés de frère « gemeaux ». Le rédacteur de l’acte a aussi ajouté un « S » au patronyme (« Girards ») et il précise qu’ils sont nés le même jour (heureusement, du reste, notamment pour la mère !).

Les grossesses gémellaires restes des grossesses à risques et la mortalité infantile des jumeaux est aussi importante : sur les 52 paires, une voit les deux bébés mort-nées (elles ne seront d’ailleurs pas prénommées), trois autres voient l’un des deux bébés aussi mort-nés, et une douzaine de bébés meurent en bas âge (mais tous ces enfants n'ont pas été suivis systématiquement : d'autres sont peut-être aussi décédés en bas âge sans que je ne le sache). Par contre, aucune de nos mères de jumeaux n’est décédée des suites de couches gémellaires.

Les jumeaux décédés ne dérogent pas à la règle des prénoms (comme les enfants uniques) : Maugars René et Le Bouvier Urbanne donnent naissance à des jumelles, Renée et Jeanne, nées en 1654 ; elles décèdent toutes les deux quinze jours plus tard. Deux ans après ils donnent naissance à une fille, à nouveau prénommée Jeanne (notre ancêtre).
Après trois enfants uniques, Le Mercier Etienne et Goguelet Jacquine donnent naissance à des jumelles Marguerite et Catherine en 1679 : elles décèdent rapidement (6 semaines). La naissance suivante est à nouveau gémellaire : Jean et Catherine nés en 1682 (Catherine décède à 6 mois). Suivront deux enfants uniques nées en 1684 et 1686, Catherine (la troisième donc), notre ancêtre, et Magdelaine.

Cinq couples ont deux paires de jumeaux parmi leurs enfants, dont Boissinot François et Albert François qui donnent naissance à deux paires de jumeaux successives, à deux ans d’intervalle. Un seul de ces enfants survivra. Neuf enfants (uniques) suivront ensuite.
Picard Pierre et Babin Fare ont cinq enfants, dont deux paires de jumeaux nés après notre ancêtre Marie Anne.

Bref, si j'avais voulu une grossesse multiple, les chances auraient été assez minces (moins que la moyenne nationale). Néanmoins j'aurai probablement donné naissance à une - seule - paire de filles, en hiver, dans ma décennie d'âge qui est en train de se terminer. Peut-être qu'elles et moi on aurait survécu. Mais surtout j'aurais dû vivre au XVIIème siècle en Maine et Loire.
En gros, c'est raté !


(1) Mathieu Vidard, Les jumeaux, émission La tête au carré sur France Inter, 31 mars 2011

mardi 10 juin 2014

#ChallengeAZ : I comme images de successions

Sur les sites des archives départementales, sont parfois publiés en ligne les tables ou les registres de successions. 
A partir de 1791, les bureaux de l’Enregistrement recensent tous les décès qui ont lieu dans le département. Ainsi chaque bureau, dont la circonscription sera généralement le canton, dresse des séries de tables de décès et de successions acquittées; remplacées en 1825 par des tables de déclarations de successions. La déclaration de succession et l’acte de mutation après décès, sont dressés dans les six mois - en moyenne - suivant le décès d’un individu laissant un actif successoral (des biens meubles ou immeubles).


Déclaration de mutation, Roy François, 1817, AD85
(cf. transcription plus bas)

Pour les généalogistes, ils permettent de rentrer dans l’intimité de nos ancêtres et de toucher du doigt leurs conditions de vie, au travers de leur patrimoine.

Prenons ici l'exemple des successions récoltées aux archives de Vendée, dont j'ai dressé un bref inventaire. Ils sont constitués de deux types de documents : les tables, d'une part et les registres eux-mêmes. 
Les tables comprennent :
- des détails sur le défunt (nom, prénom, profession, domicile et date de décès), 
- des détails sur la succession (biens meubles et immeubles, héritiers et valeurs des biens), 
- la date d'enregistrement de la mutation (par laquelle on retrouve le détail de la succession dans les registres). 
En fonction des années, on peut aussi avoir des renseignements complémentaires :
- sur d'éventuels scellés et tutelles, 
- des observations diverses. 
Les registres, quant à eux, mentionnent :
- la date d'enregistrement, 
- la personne déclarante, 
- les autres personnes au nom de qui elle agit (s'il y a plusieurs héritiers), 
- le nom du défunt et la date de son décès, 
- les détails de la succession et leur valeur, 
- les droits à payer pour ladite succession
- la confirmation "sincère" du déclarant
- son éventuelle signature (ou la formule rituelle qui l'en déclare incapable).

Exemple : Registre de déclaration de mutation, suite au décès de Roy François, 1817 (photo plus haut) :
« Du 24 juillet 1817
Est comparu françois Roy, Métayer, demeurant commune de la pommeraye
Faisant tant pour lui que pour jean Mathurin Roy, son frère, Lequel
Déclaré que par le décès de françois Roy, Leur père, décidé susdite commune
Le 9 Fer 1817, il leur est échu des meubles, effets et bestiaux estimés
Suivant L’état remis quatre cent cinquante trois francs cinquante Cmes 453.50
Droit à 25 fcs Reçu un franc quinze Centimes……………………………1.15
Point d’ymmeubles
Ce que le comparant a affirmé sincère aux peines des droits et a dit ne savoir
Signer »   

Les détails contenus dans les registres sont assez succincts en général (du moins pour ce qui concernent mes ancêtres vendéens) : les meubles ou bestiaux sont rarement listés précisément. Le plus prolixe en la matière est celui de Jeanne Robin en 1840 : "la succession est composée du mobilier propre, à savoir :
1) un lit composé de son bois, paillasse, coëte, traversin, matelas, estimé à 20 francs.
2) un coffre estimé à 3 francs.
3) deux draps estimés à 4 francs.

Total 27 francs"

On notera tout de même quelques successions particulières :
  • celle de Pierre Coutand en 1815. La case Observation porte la mention suivante : par acte du 18/8/1809, passé devant Chenuau, notaire aux Epesses, "ledit Coutand a tout abandonné à ses enfants à la charge de le nourrir". Le détail de ce legs n'a pas été trouvé sur les registres de déclaration de mutation (Pouzauges). 
Par contre l'acte de cession figure bien parmi les minutes notariales ( * ) : "comme son grand äge ne lui permet plus de s'occuper de son travail ordinaire et que [ses enfants] pierre et jeanne coutand sont ses deux apuis [ ?] ayant déjà beaucoup aidé a sa subsistance et entretien par le fruit de leur labeur, il a par ces presentes de sa libre volonté, du consantement et agrément formel [ ?] des dits françois et henri coutand ses deux autres enfants, ( ... ) declare leur cedder et abandonner entout droit de propriété, le tiers pour lequel il étoit fondé dans la communauté générale qui a existé entreux jusqu'à ce jour, et généralement cedder et abandonner auxdits pierre et jeanne coutand et par moitié entreux tous ces biens meubles et effet mobilier de quelque ( ... ) quil soient qui sont tant dans sa demeure que partout ailleurs, que lesdits pierre et jeanne coutand declarent bien connoitre sans qu'il soit besoin d'en faire plus ample designation, lequel tiers du mobilier cidessus ceddé est estimé en temts que de besoin seroit soixante francs."

  •  celle  de François Coutand (fils du précédent) en 1843 : Il n'y a pas de détail sur les héritiers et la succession, mais la case "Numéro du sommier douteux sous lequel l'article a été relevé" est remplie avec le n°944. 
Sur ce sommier sont consignés l'existence de droits impayés ou fraudés (mais ces registres ne sont pas conservés aux archives). Quand le contrôleur a réuni les preuves de l'exigibilité d'un droit ou lorsque le contrevenant se reconnaissait débiteur de l'impôt, l'article était annulé et reporté sur le "sommier des droits certains". A l'inverse, si la réclamation est non fondée ou s'il n'y avait pas de preuves suffisantes pour engager des poursuites, l'article était annulé.
  • celle de Louise Poisbleau en 1839 : un certificat d'indigence a été délivré le 29/1/1840; de ce fait il semble qu'il n'y ait pas d'héritage, et donc pas de déclaration sur le registre de mutation : à la date de la déclaration des successions est apposé la mention "néant". La case des biens déclarés est laissée vierge.  

Sur la quinzaine de successions vendéennes identifiées, le montant des successions va de . . . rien (certificat d'indigence de Louise Poisbleau) à 1 740 francs : Rose Godet déclare en effet 340 francs de biens meubles et une borderie valant 1400 francs. Elle qui n'était que domestique lors de son mariage en 1782 ! On remarquera que son époux, décédé 13 ans auparavant, ne déclarait que des biens meubles (pas d'immeuble), pour une valeur de 430 francs (pourtant dit "feu propriétaire" lors du mariage de son fils en 1824).

( * ) Vive les archives "multi-séries" en ligne !