Mais concentrons-nous aujourd’hui sur le cas particulier des noyés. Deux de mes ancêtres sont mort noyés :
- Gibert Pierre André est décédé par noyade en 1834 à La Chapelle sur Crécy (77) : "il a été noyé dans le Morin par accident au pont de Coude et n'a été retiré qu'hier". A noter, l'acte de mariage de son fils donne comme date de décès le 11 décembre 1833, mais l'acte de décès est daté du 22 avril 1834 : a-t-il disparu en décembre et retrouvé seulement en avril (ce que sous-entendrait la mention « n’a été retiré qu’hier ») ?
- Pochet Jean Denis est décédé par noyade en 1792 à Guérard (77). Le rédacteur de l'acte de décès précise qu'il est autorisé à donner une sépulture ecclésiastique à la dépouille retrouvée le lendemain de sa noyade.
"Les malheurs qui arrivent en se baignant ne sont que trop fréquents, surtout dans les villes où la jeunesse trop hardie s'expose aux dangers les plus grands ( ... ). Plusieurs personnes se sont imaginé qu'on mourrait dans l'eau, par le trop de boisson qu'on avalait; mais ce sentiment est totalement détruit par l’expérience, qui prouve, qu'après avoir ouvert les noyés, on ne trouve point d'eau dans leur estomac. Ce n'est donc que la suppression totale de la respiration, jointe au froid subit et à la peur, qui est la cause de la mort prompte et inévitable de ceux qui se noient ( ... )." - d'où l'expression "mort de peur" sans doute.
Selon ce "Dictionnaire portatif de santé" ( * ), il fallait porter une attention particulière aux noyés et je ne résiste pas à vous donner quelques recettes qui y sont inscrites (pour des commodités de lecture, j'ai retranscrit ces passages avec une graphie moderne) - et quelques réflexions personnelles aussi :
"Aussitôt que l'on tire quelqu'un de l'eau, la première précaution qu'on doit prendre, c'est de le transporter sur le champ dans un lieu chaud, de l'étendre sur une couverture en double, - j'aime le luxe de détail dans ce genre d'ouvrage - de l'approcher du feu pourvu qu'il ne soit pas trop fort, de lui faire des frictions sur le corps avec des flanelles et des serviettes chaudes, de lui faire respirer de la fumée de tabac, - oh oui ! méfiez-vous, je pense que la recette a changé aujourd'hui et que les fumigations de tabac ne sont plus le premier remède préconisé par la faculté - et de lui donner des lavements avec la décoctions de cette plante, de lui mettre également sous le nez de l'eau de Luce, de l'esprit volatil, de sel d'Angleterre ou de corne-de-cerf; de le placer ensuite dans un lit bien bassiné et d'y exciter par degrés une chaleur plus forte ( ... ).
Si le noyé donne quelques signes de vie, - s'il ne s'est pas étouffé dans le tabac et les sels - il faut augmenter les frictions ( ... ) et lui faire prendre ensuite un bon verre de vin avec de la cannelle et du sucre, en continuant toujours de le tenir chaudement.
- vin et tabac : voilà les recettes miracles pour rester en bonne santé !
Le lendemain, s'il survient de la fièvre, on pratiquera une saignée. ( ... )
Et voici une autre méthode que l'on peut mettre en usage, pour sauver les noyés : il faut faire également le transporter, le plutôt qu'on peut, dans un endroit chaud, et faire, dans la chambre, un lit de cendre de genêt ou de sarment, sur lequel on le couchera, en enveloppant totalement leur corps de cendre, par-dessus laquelle on mettra des fers chauds, pour tâcher d'échauffer la cendre; et on laissera le noyé, de cette façon, jusqu'à ce qu'il donne quelques signes de vie; après quoi on le traitera comme ci-dessus.
L'ouvrage n'indique pas quelles sont les vertus et le pouvoir de la cendre pour faire renaître à la vie les pseudo-noyés.
Au reste, on ne doit tenter ces remèdes, que lorsqu'on est sûr que les noyés n'ont pas resté longtemps dans l'eau : tel est l'espace, depuis cinq ou six minutes, jusqu'à un quart d'heure. Quand ils sont livides, qu'ils ont le ventre gonflé, il est à propos de ne tenter aucun remède, parce qu'il serait inutile : ( ... ) il est impossible de sauver les pauvres malheureux qui ont été noyés.
La suite ne doit être lue que si vous avez le cœur bien accroché.
Il ne faut pas non plus précipiter l'enterrement des noyés; et on doit se conduire dans ce cas, comme nous avons conseillé de le faire dans les morts subites, c'est-à-dire qu'il est important d'attendre des marques de putréfactions, et, en attendant, garder le cadavre, et employer tous les moyens que nous venons d'indiquer, et ceux dont il a été fait mention à l'article "mort subite".
Pourquoi la putréfaction ? Reportons-nous audit article :
Mort subite : il n'y a rien de plus certain que la mort; mais les signes de la mort sont incertains. Il faut donc, quand un personne passe, en peu d'instants, de la vie à la mort, ( ... ) être sur ses gardes, et mettre en œuvre tous les moyens imaginables, pour savoir si elle est réellement morte, ( ... ); car quel reproche n'a-t-on pas à se faire, si on a laissé enterrer comme mort quelqu'un qu'on trouvera, par la suite, dans son cercueil, débarrassé de son suaire, et avec les marques qui démontrent qu'il a vécu dans son tombeau ?
- tu m'étonnes ! -
Il ne faut donc pas se hâter de quitter un malade ( ... ) à la première nouvelle qu'on donne de sa mort, et cela doit être surtout observé pour les personnes qui meurent en peu de moment, et sans cause manifeste. On doit, dans ces cas, faire venir le médecin, malgré le proverbe; - j'ignore de quel proverbe il s'agit : si quelqu'un le connaît, qu'il n'hésite pas à le laisser en commentaire - et alors il fera garder le malade dans le lit, le fera frotter, chauffer : on appliquera des linges chauds; on pourra lui irriter le nez avec un crin ou un chalumeau
- gloups ! -
Suivent plusieurs actions à entreprendre pour s'assurer du décès de la personne, dont la suivante : la fumée de tabac, introduite dans l'anus, a réveillé le mouvement des intestins, et la machine a été remise en action plusieurs fois par ce moyen; peut-être même pourrait-on insinuer l'air dans la poitrine, par d'autres moyens.
- oui, il faudrait peut-être y penser... -
Si le sujet reste tranquille à tous ces remèdes, qu'il ne donne aucune marque de sentiment, il ne faudra pas, pour cela, se hâter de l'enterrer; on pourra ensuite tenter l'application d'un fer chaud à la plante de pieds, ou sur la poitrine, vers la pointe du cœur ( ... ); et il ne sera enfin enterré que quand il donnera des marques de putréfaction, seul signe certain d'une mort certaine, signe qu'il faut attendre dans les morts subites, si l'on ne veut pas avoir à se reprocher d'avoir enterré vivantes des personnes qu'on croyait mortes."
Ce dictionnaire date de 1777. On ne regrettera jamais les progrès de la médecine, n'est-ce pas ?
( * ) Ce Dictionnaire portatif de la santé est consultable en ligne, sur le site de Gallica : si vous êtes malade, à lire ici (articles Mort subite p132/605 et Noyés p144/605).
Peut-être peux-tu ajouter les ancêtres dont je parle justement aujourd'hui dans mon "N comme Noyade" ????
RépondreSupprimerOui, les grands esprits se rencontrent (en toute modestie !).
SupprimerMais pour une fois, ceux que tu citent ne sont pas dans mon arbre. Sauf peut-être Roland Tiberge (mais qui est toujours nommé Laurent Thiberge dans les actes de sa filles : c'est pourquoi je doute encore de son identité).