« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 14 novembre 2019

#ChallengeAZ : L comme liasses

Si on considère les 400 actes notariés concernant Jean Avalon cela doit représenter quelques liasses d’archives. Et encore : je ne les ai pas tous trouvés, loin de là. Souvent je le regrette, parfois j’en suis heureuse parce que les chercher puis les transcrire n’a pas été une mince affaire et si j’avais trouvé les 400 j’y serai peut-être encore…

En bref, sont cités :
- 263 actes mentionnés dans l’inventaire (dont 189 le sont aussi dans le partage),
- 32 de plus cités uniquement dans le partage,

- par ailleurs, j’en ai trouvé 18 de plus, au hasard des dépouillements des registres (parce que oui, en plus de tout cela je me suis aussi amusée à feuilleter les minutes notariales !),
Soit 313 actes (première salve).

Sur ces 313 actes j’en ai véritablement déniché 53. Ces 53 actes m’ont cités 87 actes supplémentaires (deuxième salve) :
- 82 actes de « seconde main » - actes cités dans les 53 actes dépouillés – dont 4 seulement ont pu être trouvés et transcrits.
- 5 actes « troisième main » - cités dans les actes de seconde main-
Total : 400 actes cités. 57 trouvés et dépouillés.

Origine des actes

Ainsi sur les 400 actes cités, seuls 57 ont été réellement trouvés ; ce qui me laisse de la marge…

Synthèse des 400 actes

Jean avait une copie de la plupart de ces actes : j’aurais aimé savoir comment elles se présentaient, physiquement parlant je veux dire. Étaient-ce des papiers volants entassés en vrac ? Jean avait-il un système de classement (en tout cas l’inventaire après décès les présente sans ordre apparent : ni par date ni par notaire, ni par type, ni par somme) ? Les avait fait-il relier ? Étaient-ils en caisses, en « dossiers » ? Et la question essentielle : pourquoi a-t-il gardé toutes ces liasses d’archives (ou inversement pourquoi les autres ancêtres ne les ont-ils pas conservées eux aussi) ?


mercredi 13 novembre 2019

#ChallengeAZ : K comme kesaquo

Déchiffrer et transcrire 400 actes est un défi en soi. Il faut s’habituer à l’écriture d’un notaire (puis celle d’un autre et encore un autre…), les tournures de phrase, le vocabulaire « technique » propre aux actes notariés et enfin le parler local… de 1700. Tout cela fait beaucoup et si pour certains documents on peut se contenter d’en saisir l’idée, lorsqu’on transcrit un inventaire il est difficile de tricher.

C’est pourquoi je me retrouve avec un certain nombre de mot dont je ne comprends pas le sens. Alors ami(e) occitaniste (option rouergat appréciée), ou très intelligent(e), ou simplement habile de tes doigts pour trouver sur ton clavier magique des définitions cachées dans le grand internet, je fais appel à toi pour m’aider à deviner le sens obscur des mots suivants :

Mise à jour : grâce à vous quelques mots ont trouvé leur définition. J'en ai fait la mise à jour sur la page de mon lexique et ci-dessous en couleur.

- des panques d’étain
- une petite palastraque > serrure ? (à confirmer)
- une bourguignotte > OK !
- une balafre ou balafe
- une ruse ou rux de barrique > OK !
- une ruse sans bugadou > à affiner (voir les commentaires)
- une petasse de drap > OK !
- des conques de cuivre > OK !
- osque
- bouly
- greche
- poliace
- des poupils pour les tonneaux
- fouheyre
- baysset
- nogarette > OK !
- noguié > OK !
- deux petites vicquer
- bicque (et non il ne s’agit pas de chèvre… enfin, je ne crois pas) > Pièce de bois sur laquelle on pose une bûche pour la scier; aussi appelé chèvre (à confirmer).
- une espec


Bulles de questions © freepik.com

Merci de garder à l’esprit que j’ai pu me tromper dans la lecture de ces mots ou que le(s) notaire(s) a/ont une façon bien à lui/eux de les écrire (l’orthographe étant ce qu’elle était en 1700).

Toute aide sera la bienvenue.


mardi 12 novembre 2019

#ChallengeAZ : J comme justaucorps et chemisette

Un autre mystère concernant Jean Avalon (voir l’article d’hier déjà) : ses vêtements

Son inventaire après décès recense :
- un chapeau,
- des gamaches grises (guêtre ou jambières en étoffe ou en cuir qui enveloppait le pied et la jambe jusqu’au genou),
- dix chemises,
- deux caleçons de toile,
- deux paires de hauts de chausse dont une de couleur,
- deux manteaux,
- un justaucorps,
- une paire de bas blancs
- deux chemisettes blanches.

On remarque des vêtements correspondant à une classe de gens plutôt aisés, notamment le justaucorps et les bas blancs. Mais hormis les chemises qui se trouvent en quantité, Jean n'avait qu'un ou eux exemplaires de chaque : était-ce juste le "costume du dimanche" ?

Il nous manque par ailleurs les chaussures : Jean n'allait sûrement pieds nus, mais que portait-il : chaussures de cuir ? Bottillons ? Bottes ?... Sabots ?

Outre le fait que les armoires ne sont pas très garnies en linge pour un homme aisé qui est à la fin de sa vie, c’est l’état des vêtements qui surprend. En effet la plupart sont dit, au mieux, usés, au pire « vieux ».


Linge © Pixabay

Et madame ? Décédée seulement quelques mois plus tôt (en janvier 1700), on ne trouve cependant pas de linge de femme dans l'inventaire : robe, cotillon, coiffe n'apparaissent pas. Les a-t-on déjà donnés ? Aux filles du couple ? Aux pauvres ? Mystère.

Quand au linge de maison, il comprend une vieille nappe de table et du linge de literie (détaillé avec les lits dans la lettre M). Sans trop dévoiler de secret, on peux déjà dire que ce linge est généralement dit usé ou vieux.

Donc cet homme qui a plusieurs maisons et entrepôts, terres et domaines, argent qui dort (chez ses créanciers), va vêtu comme un pauvre hère et dort dans du vieux linge. Est-ce qu’il était pingre ? Était-ce une nécessité (c'est-à-dire n’avait-il véritablement pas d’argent pour s’acheter des vêtements malgré toutes ses possessions) ? Ou bien est qu’il se fichait bien de sa mise ?

Là encore, difficile de répondre à cette énigme.


lundi 11 novembre 2019

#ChallengeAZ : I comme instruction paradoxale

On peut sans conteste classer Jean Avalon parmi les notables de sa ville : il est marchand boucher, parfois élu consul de sa communauté, et brasse une certaine fortune comme le montre ses 400 actes notariés.

On peut facilement supposer qu’il a donc de l’instruction. D’ailleurs, dans son inventaire après décès on trouve :
- « vingt petits livres partie en latin et partie en françois»
- « trois écritoires [et un] cornet de poudre » (la poudre était appliquée pour absorber le surplus d’encre afin d’éviter les bavures malencontreuses).
En tant que marchand il sait compter (et les actes notariés prouvent qu’il tenait bien ses comptes, notamment quand il fallait recouvrer une créance impayée). Les livres nous laissent supposer qu’il sait lire non seulement le français mais aussi le latin. Enfin les écritoires indiqueraient qu’il sait aussi écrire.

Or Jean Avalon ne signe aucun des actes qu’il passe car, lorsqu’on vient son tour, il déclare « ne sachant [le faire] de ce requis ». Voici donc un joli paradoxe d’un homme qui a tout l’air d’être instruit mais ne sait pas signer.


Plume et papier © pixabay

Peut-on savoir écrire et ne pas savoir signer ? Cela m’étonne car une fois que l’on connaît ses lettres, on peut mettre son nom au bas d’un document, même si la signature est malhabile et sans ruche ou autre fioriture.

Autrefois on pouvait très bien être marchand sans savoir lire : compter suffisait. Beaucoup savaient établir des prix « de gros » en multipliant des prix unitaires. Ces marchands, gros ou menus, devaient tenir des livres de comptes car la plupart des achats ne se réglait pas comptant mais, au mieux, à la fin de l'année ou quand le compte du client s'allongeait par trop [1]. Est-ce le cas pour Jean ?

Mais alors que font les livres et les écritoires dans ses possessions ? Est-ce juste pour la galerie ? Est-ce que ce sont des cadeaux (on sait qu’il fait souvent affaire avec la comtesse), dont il n’a pas (ne peut pas) avoir l’usage ?

Son épouse ne sait pas signer non plus : ce n’est donc sans doute pas elle qui passe ses soirées au coin du feu à tourner délicatement les pages d’un des petits livres.

Cette histoire d’instruction reste donc un mystère.


[1] Source : Alain Derville, L'alphabétisation du peuple à la fin du Moyen Age