On peut sans conteste classer Jean Avalon parmi les notables de sa ville : il est marchand boucher, parfois élu consul de sa communauté, et brasse une certaine fortune comme le montre ses 400 actes notariés.
On peut facilement supposer qu’il a donc de l’instruction. D’ailleurs, dans son inventaire après décès on trouve :
- « vingt petits livres partie en latin et partie en françois»
- « trois écritoires [et un] cornet de poudre » (la poudre était appliquée pour absorber le surplus d’encre afin d’éviter les bavures malencontreuses).
En tant que marchand il sait compter (et les actes notariés prouvent qu’il tenait bien ses comptes, notamment quand il fallait recouvrer une créance impayée). Les livres nous laissent supposer qu’il sait lire non seulement le français mais aussi le latin. Enfin les écritoires indiqueraient qu’il sait aussi écrire.
Or Jean Avalon ne signe aucun des actes qu’il passe car, lorsqu’on vient son tour, il déclare « ne sachant [le faire] de ce requis ». Voici donc un joli paradoxe d’un homme qui a tout l’air d’être instruit mais ne sait pas signer.
Plume et papier © pixabay
Peut-on savoir écrire et ne pas savoir signer ? Cela m’étonne car une fois que l’on connaît ses lettres, on peut mettre son nom au bas d’un document, même si la signature est malhabile et sans ruche ou autre fioriture.
Autrefois on pouvait très bien être marchand sans savoir lire : compter suffisait. Beaucoup savaient établir des prix « de gros » en multipliant des prix unitaires. Ces marchands, gros ou menus, devaient tenir des livres de comptes car la plupart des achats ne se réglait pas comptant mais, au mieux, à la fin de l'année ou quand le compte du client s'allongeait par trop [1]. Est-ce le cas pour Jean ?
Mais alors que font les livres et les écritoires dans ses possessions ? Est-ce juste pour la galerie ? Est-ce que ce sont des cadeaux (on sait qu’il fait souvent affaire avec la comtesse), dont il n’a pas (ne peut pas) avoir l’usage ?
Son épouse ne sait pas signer non plus : ce n’est donc sans doute pas elle qui passe ses soirées au coin du feu à tourner délicatement les pages d’un des petits livres.
Cette histoire d’instruction reste donc un mystère.
[1] Source : Alain Derville, L'alphabétisation du peuple à la fin du Moyen Age
C'est en effet très paradoxal, j'avoue ne pas savoir quoi en penser...
RépondreSupprimerEtonnant en effet !
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