« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

Affichage des articles dont le libellé est Histoire d'une vie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Histoire d'une vie. Afficher tous les articles

samedi 6 mai 2017

C'est ma cousine

En navigant sur Geneanet, j’ai trouvé un certain nombre d’arbres (ou de branches) qui correspondait à mes propres ancêtres [*]. On peut considérer que 90 ou 95% peut-être des déposants sont les descendants des personnes citées (le pourcentage restant concernant ceux qui dépouillent systématiquement leur village par exemple). Donc, tous ces descendants et moi-même entretenons un lien particulier : quelque part, à une époque donnée, nous avons eu un, ou des, ancêtres communs.
Logiquement, cela signifie que nous sommes de la même famille. 

Chanson Bonjour ma cousine © mespetitsbonheurs.com

Mais qu’est-ce que cela veut dire à ce niveau ? Quand l’ancêtre commun date du XVII ou XVIIIème siècle, que dix ou douze générations nous séparent ? Est-ce que cela a encore vraiment un sens ? Avec une grande majorité de ces déposants je n’ai pas eu de relation. Avec quelques uns, mes demandes de contact sont restées lettres mortes. Avec d’autres, je corresponds régulièrement, par différents biais.

Une seule d’entre elle, je crois, je tiens un blog de généalogie : c’est Françoise, alias Feuilles d’ardoise [**]. Ce qui me permet d’avoir de ses nouvelles régulièrement, et accessoirement, de nos ancêtres communs car il arrive couramment qu’elle fasse des articles sur eux. En effet, nous partageons 65 couples en commun : parfois il s’agit d’une seule paire de mariés, d’autres fois nous faisons un petit bout de chemin ensemble et nous nous suivons sur plusieurs générations. Pour moi, ce sont des ancêtres qui se situent plus ou moins autour de la Xème génération ; ce qui, vous en conviendrez, fait un peu ancien tout de même. Mais finalement, et irrémédiablement, nos arbres se séparent dans la seconde moitié du XVIIIème.

Techniquement ce n’est pas ma « cousine » (fille de mes oncles/tantes), ni ma « cousine issue de germain » - ou « remuée de germain », expression synonyme - (fille de mes cousins germains). Je l’appelle amicalement ma « multiple cousine », du fait de nos nombreux ancêtres communs, mais il n’y a pas, je crois, de mot officiel pour décrire notre degré de relation familial. D’ailleurs je ne la connais pas vraiment : hormis quelques détails qu’elle a laissé échapper sur les réseaux sociaux, je ne sais rien de sa vie privée. Elle n’en connait sans doute pas davantage sur moi d’ailleurs. Mais le hasard a fait qu’elle a pris un pseudo, « Feuilles d’ardoise », moi qui suis née à Trélazé, capitale des ardoisières d’Anjou… Hasard ou coïncidence ? Un point commun de plus en tout cas. Pourtant, malgré ces maigres informations dont je dispose, je la connais finalement mieux que certains de mes « véritables » cousins (ceux issus de germains, en particulier, qui sont pourtant plus proches « techniquement »). Paradoxe de la vie.

Françoise n’est pas un cas unique : grâce aux arbres en ligne j’en ai repéré plusieurs, de ces « multiples cousin(e)s ». Notamment une en Haute-Savoie qui la « bat » d’un cheveu avec 66 couples en commun et un en Anjou qui la laisse sur place avec 80 couples en commun. La palme revient à Bernadette, la cousine de mon père (la vraie : la « germaine » !) qui, elle, tient le record de la plus proche parente en ligne et du plus grand nombre d'ancêtres communs - logique - 165 couples ! Et même s’ils sont plus ou moins éloignés, j’ai toujours plaisir à lire les commentaires de M@g ou les mails de Jean-Pierre, comme lorsqu’on rentre chez soi après un long voyage et qu’on retrouve son univers familier. C’est normal, docteur ?

Et puis il y a tous les autres : ceux que je n’ai pas encore localisés et que je ne connaitrai jamais peut-être.

Est-ce que ce rapport particulier d’avoir un ancêtre commun qui nous lie fait de nous une famille ? Est-ce qu’il y a une différence avec mon boucher ou ma fleuriste ? (qui sont peut-être aussi de ma famille, sans que je ne le sache encore d’ailleurs…). Ou ces liens sont-ils une simple vue de l’esprit ? Est-ce qu’il y a un moment, officiel, où l’on décrète qu’on n’est plus de la même famille car trop de temps nous sépare ?
Et finalement, est-ce que ça a une importance ? Est-ce qu’on ne peut pas « choisir » sa famille ?


[*] Que les déposants soient d’ailleurs chaleureusement remerciés puisqu’ils m’ont permis de progresser dans mes recherches… enfin, pas tous, mais ça c’est une autre histoire (je ne remercie pas les « fantaisistes » qui y mettent n’importe quoi !).
[**] Mise à jour janvier 2018 : depuis j'en ai découvert d'autres, comme Raymond du blog L'arbre de nos ancêtres.


samedi 4 mars 2017

Les oubliés

De retour d’un voyage dans sa famille (et belle-famille), ma mère m'a rapporté un certain nombre de documents généalogiques : 
  • Des photos (dont l’album de mariage de sa mère),
  • Des cartes postales écrites à sa grand-mère paternelle Marcelle,
  • Des cartes postales vierges, signe indéniable de la collectionnite aigüe de feue ma grand-mère maternelle (voir l’article « Défi 3 mois : le livre d'or »),
  • Une lettre manuscrite de mon grand-père paternel racontant sa jeunesse,
  • Des cartes de communion (vierges),
  • Mes lettres d’enfant écrites à mes grands-parents paternels.

Voyons d’un peu plus près tout cela :
  • Les documents connus :
Pour la plupart, je connaissais déjà ces documents : je possède l’album de mariage de ma grand-mère en trois exemplaires ( !), la lettre de mon grand-père, un certain nombre de photos...
J’ai eu un bref moment de nostalgie en relisant mes lettres d’enfants.
  • Les cartes postales :
Il y en a 182 ! Certaines ont dû être envoyées sous enveloppe, ce qui fait qu’elles ne sont pas toutes timbrées et oblitérées – donc datées. Mais pour celles qui le sont, elles ont été écrites entre 1945 et 1978, avec un gros contingent dans les années 60/70.

Cartes postales adressées à Marcelle Macréau, épouse Borrat-Michaud © coll. personnelle

Certaines ne sont pas signées. Quelques auteurs sont identifiés néanmoins : les sœurs de Marcelle, Paulette et Germaine; les petits-enfants de Marcelle (dont ma mère); la famille chez qui elle travaillait (elle était domestique); les enfants de cette famille (qu’elle a quasiment élevés et qui l’appelaient « mémère », comme ses propres petits-enfants). Quelques unes sont adressées à « ma chère sœur » mais ne comportent pas de signature : je ne sais donc pas laquelle des trois sœurs de Marcelle les a écrites.
D’une manière générale, ces cartes ne m’apprennent pas grand-chose : quelques changements d’adresse successifs, de la Seine et Marne à la Seine et Oise (aujourd’hui Val d’Oise notamment), des problèmes de santé à un moment donné. La plupart des messages sont du type : « nous avons fait un bon voyage », « j’espère que tu vas bien », « je te souhaite une bonne année ».
Cela me fait penser à cette chanson chantée par Yves Montand, intitulée «  Je me souviens » : « Quand la nostalgie a retrouvé de veilles cartes postales où le ciel est toujours bleu, l’arbre toujours vert, la mer est calme. […] Je suis seul à savoir ce que l’écriture au dos signifie. Les diminutifs, les phrases banales : poignée de main de Castelnaudary, bons baisers du Mont Blanc, un bonjour de Saint-Jean-de-Luz… ».

Je me souviens, Yves Montand

Personnellement, j’aimerai bien savoir « ce que l’écriture au dos signifie », et qui en sont les auteurs, mais bon…

Deux cartes ont attirées mon attention, mentionnant une tombe à Angers (Maine et Loire). Voici un extrait de l’une d’elle : « Ma chère Marcelle [...] Nous avons été à Angers fleurir la tombe. Nous y avons mis des fleurs artificielles puisque l'on ne peut arroser et la tombe est très propre [...]. Cela m'a fait beaucoup de bien au moral de faire cette visite pour te remplacer. ». A noter : la carte devait se poursuivre sur du papier libre car elle s'arrête en pleine phrase - et n'est donc pas signée et son auteur inconnu. Je me suis demandée un moment quel était le rapport entre cette tombe si éloignée de la région parisienne où a vécu Marcelle, puis je me suis rappelée qu’il s’agissait de la tombe de son fils unique, André, mon grand-père décédé en 1963.
  • Les photos :
Hormis quelques rares exemplaires connus (ma famille proche, même avec 30, 40 ou 50 ans en arrière), la plupart ne sont pas identifiés : c’est une succession de bébés, communiant(e)s, couples posant en studio

Photos non identifiées © coll. personnelle

J’ignore totalement qui ils sont : peut-être sont-ils des cousins éloignés, ou tout simplement les enfants du boucher d’en face ! Même si ces clichés sont très beaux, réalisés en atelier pour la plupart (de toute évidence), quelle valeur ont-ils aujourd’hui alors qu’on a oublié qui sont ces visages ? Et que faire de ces photos ? Les jeter me crève le cœur, mais les garder : à quoi bon ?

Lorsqu’ils ont été écrits, donnés, reçus, ces documents étaient « vivants », ils avaient une signification pour ceux qui les possédaient. Un caractère sentimental bien souvent.
Puis, petit à petit, avec le temps, ils ont pris un intérêt patrimonial, sociologique (ou ici en l’occurrence généalogique), témoins de modes diverses : vestimentaires, mais aussi relationnelles, scripturales, etc…
Mais avec le temps qui va s’écouler encore, ils vont pénétrer peu à peu dans le brouillard : on ne sait plus qui est qui et ça n’a plus d’intérêt pour personne. Ils entrent dans « une petite mort ». Ce ne sont que des vieux papiers sentant la poussière. C’est l’heure fatidique où, s’ils sont encore dans les greniers, on les jette par poignées.
Pourtant, dans deux ou trois siècles, ces « vieux papiers sans intérêt » regagneront leurs galons : devenus Historiques (avec un grand H), ils seront les incunables ou les parchemins d’aujourd’hui. Mais la question qui reste en suspens : les aura-t-on gardé assez longtemps pour cela ?

dimanche 8 janvier 2017

Allons au cimetière

On le sait, la période qui précède la Révolution française est une période de calamités agricoles : mauvaises récoltes, faim, froid, disettes… puis Révolution. Bien peu ont échappé à ces fléaux (en général, ils seront bientôt rattrapés et auront des ennuis jusqu’au cou…).
A Conques (12), si je n’ai pas de détails particuliers sur cette période, je vois bien que les registres paroissiaux débordent d’actes de sépultures.

Est-ce que la configuration du village a beaucoup changé par rapport à aujourd’hui ? Je l’ignore. Cependant aujourd’hui le cimetière est coincé entre l’abbaye et… le vide. Conques est en effet un village niché à mi-pente d’une grande colline (petite montagne ?) au cœur d’une vallée encaissée [*]. Il n’est pas très grand. Entouré d’un petit muret ; paisible lieu de repos et d’éternité.

Vue aérienne de Conques © B.Rousset via survoldefrance.fr

Lieu que la famille Mas a fréquenté de (trop) nombreuses fois. Antoine Mas (mon sosa n°132) a épousé Françoise Pradel - ou Pradellis/Pradelly - (sosa n°271) en 1775. Il est couvreur (il est même dit « Maître couvreur » en 1789 ; ce qui me fait penser qu’il ne devait pas être le plus pauvre parmi les plus pauvres), demeurant à Conques, rue des Rocs [**]. Ensemble ils ont eu 9 enfants… Et ils en ont enterré 8 ! Presque aussi régulièrement que Françoise mettait des enfants au monde (soit à peu près tous les deux ans), Antoine allait ensuite les enterrer au cimetière !
Le plus jeune a vécu 13 jours, le plus vieux 87 ans (mais il est resté célibataire). Seul mon ancêtre directe, Jean Antoine a survécu à cette hécatombe et a eu une descendance.

Antoine a donc accompagné ses enfants au cimetière en :
  • 1781 : décès de Françoise (âge inconnu)
  • 1783 : décès d’Antoine âgé de 2 semaines
  • 1785 : décès de Catherine âgée de 11 mois
  • 1789 : décès d’Antoine âgé de 13 jours
  • 1792 : décès d’Anne âgée de 13 ans
  • 1794 : décès de Marie âgée de 4 semaines
  • 1818 : décès de Marie Jeanne âgée de 31 ans
  • 1883 : décès d’Antoine âgé de 87 ans

Deux parviendront  tout de même à l’âge adulte mais, restés célibataires, ils ne donneront pas de descendance. A vrai dire, Antoine père ne connaîtra pas le décès de son (troisième) fils Antoine, car il meurt avant lui et avant son épouse, décédés respectivement en 1883 et 1833.

Le paradoxe de l’histoire est que j’ignore quand exactement Antoine père est décédé : je perds sa trace entre le décès de Marie Jeanne en 1818, où il est présent, et celui de son épouse en 1833, où il est dit décédé. Le voir si souvent au cimetière pour les autres et ne pas le trouver lui…

Si autrefois la mortalité infantile était courante, et si aujourd’hui elle est effrayante, comment ces parents ont-ils vécu le décès de la quasi-totalité de leurs enfants ? C’est une chose que nous ne pouvons imaginer à leur place, à leur époque. Mais la tristesse a bien dû habiter dans une maison de la rue des Rocs à Conques…


[*] Ce qui explique l’origine de son nom : la conque.
[**] Du moins je le suppose : l’adresse donnée est en partie sous une tâche d’encre !

vendredi 18 mars 2016

Laissons faire le hasard

Un peu en panne d'inspiration, je ne sais pas sur quel sujet/ancêtre écrire un nouveau billet. Alors je laisse faire le hasard : je lance les dés et c'est le n°45 qui sort. Je vais donc vous parler de mon sosa n°45; ou plutôt "ma" sosa, car c'est une femme (numéro impair oblige).

Marie Victorine Cochet est originaire de l'Ain, dans la vallée de l'Ange. Elle est née à Martignat en 1820, sous l'époque de la Restauration, lorsque les Bourbons reviennent au pouvoir. Ses parents sont cultivateurs et travaillent une terre de basse montagne (entre 500 et 980 m), où l'on fait pousser du froment, du seigle, de l'orge, fait du commerce de bestiaux et de bois. Activités principales que l'on complète par la fabrication de soieries, du tissage à domicile et de petites fabriques de peignes. La commune compte alors un peu moins de 700 habitants.

Martignat © Delcampe


D'après les actes officiels, il semble qu'on l'appelait usuellement Victorine : c'est le prénom que l'on gardera ici. Elle est restée fille unique après le décès de son seul frère, prénommé François Marie, décédé à l'âge de 7 mois, trois ans avant sa propre naissance.

Le père de Victorine, Claude (je vous épargne ses autres prénoms) tient une bonne place dans les records de ma généalogie : il a 62 ans lorsque naît sa fille. Il a aussi 21 ans de plus que son épouse Jeanne. Pourquoi a-t-il attendu l'âge de 57 ans pour se marier ? L'histoire ne le dit pas. Néanmoins il va vivre jusqu'en 1840, voyant sa fille grandir et se marier. Autre curiosité : Claude et Jeanne meurent à un mois d'intervalle en avril et mai 1840.

Claude apparaît dans les tables de succession d'Oyonnax : son héritière est sa fille Victorine. Il n'y a pas de détail sur la succession (les registres correspondant n'étant pas encore numérisés), néanmoins selon les biens déclarés, la valeur du mobilier, argent, rentes et créances s'élève à 107 francs et le revenu des immeubles situés à Martignat à 34 francs. Un mois plus tard, sa mère lègue à Victorine des biens dont la valeur du mobilier, argent, rentes et créances s'élève à 300 francs et le revenu des immeubles situés à Martignat à 14 francs 50 centimes. Grande différence de valeur en un mois seulement !

Juste avant le décès de ses parents, en février, Victorine a épousé Hippolyte Gros, un cultivateur de Groissiat. Elle déménage chez lui, dans sa ferme familiale (il est le seul fils de la fratrie) puisqu’on la retrouve ensuite dans cette petite commune voisine. Hippolyte a 9 ans de plus qu'elle. Ils auront deux enfants seulement. Mais le mariage ne va pas durer très longtemps car il décède 7 ans plus tard.

Bien que dit "propriétaire", on pourrait penser qu'Hippolyte une condition moins élevée que celle de Victorine car lors de son décès en avril 1847 les biens déclarés et le revenu des immeubles situés à Groissiat ne s'élèvent qu'à 25 francs 75 centimes. Ses héritiers sont ses enfants.

Sa veuve fera une demande d'inventaire des biens Gros en septembre 1848 (détails demandés encore en attente... affaire à suivre). Cette demande comprend les biens d'Hippolyte, mais aussi de ceux de son père Jean Antoine, décédé entre temps. On peut donc apporter une nuance dans le propos sur la condition sociale d'Hippolyte : le père, encore vivant lors du décès du fils, est lui beaucoup plus "riche" (la valeur du mobilier, argent, rentes et créances s’élevant à 782 francs et 78 centimes et le revenu des immeubles situés à Groissiat et Martignat à 157 francs). Hippolyte aurait sans doute hérité des biens de son père s'il ne l'avait pas précédé dans l'autre monde et aurait eu des biens à la valeur plus élevée.

Avec deux enfants de 6 et 4 ans, Victorine ne reste pas seule très longtemps : en 1851 elle épouse en secondes noces Jean Joseph Pesant; cultivateur lui aussi, originaire des environs, à Izernore. Un fils naîtra l'année suivante.

Lors de ce mariage elle est qualifiée de "dame", mais ce titre ne doit pas refléter son niveau social (comme on le verra plus bas). En 1866 elle marie sa fille, ouvrière en soie. Mais elle ne sera déjà plus là pour le mariage de son fils Elie (de son prénom usuel, mon ancêtre).

Elle quitte ce monde en 1872, à 51 ans seulement. Elle désigne pour héritiers ses enfants (Elie et Henriette, nés de son premier lit ; Eugène né du second). Par sa déclaration de succession, nous savons que la défunte "laisse meubles et immeubles". La valeur du mobilier, argent, rentes et créances s'élève à 107 francs et le revenu des immeubles à 123 francs 60 centimes. Les 107 francs correspondent à ceux figurant sur la succession de son père (mais où sont les 300 francs de feue sa mère ?). Le revenu des immeubles, lui, a nettement progressé. Rien à voir avec la succession de son premier époux. Elle ne semble pas avoir profité des richesses de son (premier) beau-père.

Mais la case "numéro de sommier douteux" est remplie : n°331. Sur ce sommier sont consignés l'existence de droits impayés ou fraudés (mais ces registres ne sont pas conservés aux archives). Quand le contrôleur a réuni les preuves de l'exigibilité d'un droit ou lorsque le contrevenant se reconnaissait débiteur de l'impôt, l'article était annulé et reporté sur le "sommier des droits certains". A l'inverse, si la réclamation est non fondée ou s'il n'y avait pas de preuves suffisantes pour engager des poursuites, l'article était annulé. La succession n'a donc pas été tout à fait ordinaire. Peut-être que le frais ont été un peu longs à régler...

Et voilà comment le hasard a fait "renaître" Marie Victorine. Une courte vie, mais bien remplie...


vendredi 22 janvier 2016

Le sieur Estienne

C'est étonnant de constater combien un ancêtre peut garder ses zones d'ombre alors même qu'on le retrouve si souvent dans les archives. Estienne Regourd est mon ancêtre à la douzième génération (sosa n°2221). Il a vécu à Conques (12) au XVIIème siècle.

Je sais qu'il est originaire de Varen (Tarn et Garonne) mais j'ignore quand il est né à cause de lacunes des registres paroissiaux. Quand et pourquoi est-il arrivé à Conques (distant d'une centaine de kilomètres) ? Cela reste un mystère.

Fils de praticien, il est praticien lui-même en 1672, l'année de son mariage. On le désigne ensuite sous le terme de marchand, sans que la nature des marchandises ne soit jamais révélée. Dans les documents il est distingué par les titres de "maître" (lorsqu'il est praticien) ou de "sieur" (titre donné, notamment, aux marchands aisés). Il épouse Marie Benavent, fille d'apothicaire; ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'ils devaient fréquenter les mêmes cercles, facilitant leur rapprochement. Les témoins de son mariage sont procureur d'office ou notaire. Tous signent. Estienne évolue donc dans un milieu favorisé, parmi les notables de la ville de Conques.

Grâce à cela, je peux le suivre aisément à travers les documents d'archives. Je retrouve sa belle signature au bas de nombreux actes, paroissiaux ou notariés : comme témoin du  mariage d'Issanjou Amans et Avalon Antoinette à Conques en 1693 (par ailleurs mes ancêtres à la onzième génération), du décès du chanoine Benoit du Moulin en 1694, ou de nombreux documents de son ami et témoin de son mariage Me Flaugergues de 1688 à 1702 (et sans doute plus loin encore, mais les recherches sont encore en cours). On le voit apparaître aussi comme parrain, rôle essentiel dans la vie religieuse de l'époque : il est celui d'Issanjou Etienne (fils d'Amans et d'Antoinette) né en 1700, par exemple.

Signature Estienne Regourd, 1701 © AD12

Estienne est sans doute proche de la famille Issanjou : Amans est marchand lui aussi et on le retrouve témoin de plusieurs baptêmes d'enfants Issanjou répartis sur deux générations.

Lors du mariage de sa fille Marie en 1701, il lui offre une dot assez conséquente, reflet de son aisance matérielle : deux paires de linceaux (draps), une nappe, une douzaine de serviettes, un chaudron, un pot, deux plats, deux assiettes, deux écuelles, une bague d'or et la somme de 650 livres.

Ce notable a aussi un rôle conséquent dans la cité : on le retrouve "second consul" de la ville de Conques en 1692 [*]. Cette fonction de consul n'est pas toujours facile à déterminer car elle évolue selon les époques et les régions. D'une manière générale, le consul s'occupe de la gestion des affaires publiques : il peut percevoir les taxes, réglementer les transactions commerciales ou s'occuper de justice... Il est l'ancêtre du conseiller municipal. Dans cet acte notarié de 1692 il organise le "bail de la regence des escolles de conques a Mres Geraud Cantaloube pretre et antoine Labro accolyte dudit Conques".

Au fil des ans, je le vois marier ses filles : Hélène, Marie Anne, Antoinette. Pour cette dernière (en 1716) il n'est pas présent mais il a envoyé son consentement, "habitant présentement Lieucamp" (paroisse de Sonnac). Or il n'y a pas de registre antérieur à 1737 pour Lieucamp. Je ne sais donc pas quand (ni où) il est décédé. J'attends de voir s'il a laissé un testament auprès de son ami le notaire Pierre Flaugergues (mais je n'en suis qu'à l'année 1702 : il me reste encore quelques belles années à éplucher...).

En bref, je ne connais ni le début ni la fin de l'histoire... mais le milieu reste riche d'informations.



[*] Information trouvée grâce à la récente mise en ligne des minutes notariales par les AD12.




vendredi 8 janvier 2016

#Généathème : je prépare mon année généalogique

Ce mois-ci je me permets de faire une (légère) entorse à la règle des généathèmes (un mois/une idée) : je mixe en effet le généathème de décembre ("je prépare mon année généalogique") - en janvier ! - et le nouveau défi 3 mois pour ma généalogie. En fait je prépare mon année depuis le mois de novembre et cela va durer beaucoup plus que trois mois, j'espère :

Mon année sera marquée par des arbres de vie, armoiries et autres sautoirs généalogiques. En effet, grande nouveauté : je m'installe comme émailleuse d'art sur métaux. Créatrice de bijoux, tableaux ou objets de décoration, je n'oublie pour autant pas ma passion : je prévoie donc de créer des collections de pendentifs "arbre de vie", des "sautoirs généalogiques" et, pourquoi pas, à la demande, des tableaux représentant des armoiries. Je ne néglige pas les Poilus, bien sûr, c'est pourquoi une collection de bleuets viendra compléter mon catalogue.

Pour le reste, j'aime m'inspirer des motifs anciens (médiévaux, art déco, japonais...) et les retravailler pour en faire des pièces modernes.
Pour le moment, je me débats avec les formalités administratives d'installation; ce que je raconte sur le blog Chemin d'émail.

J'aurai peut-être un peu moins de temps à consacrer à ce blog généalogique mais j'espère pouvoir garder les liens avec vous, notamment via les réseaux sociaux et la lecture de vos blogs.

Si vous ne connaissez pas, je vous invite à découvrir l'émail, matière vivante et magique qui se transforme sous l'effet du feu grâce à différentes techniques.

J'ai choisi, comme symbole de ma nouvelle activité, cette pièce réalisée il y a une dizaine d'années :


Elle symbolise ma démarche aujourd'hui : réaliser une pièce selon une technique ancestrale (en l'occurrence ici l'émail "champlevé" où on creuse la pièce de cuivre pour aménager des cavités que l'on remplit de poudre d'émail), mais avec une démarche plus moderne (un motif abstrait et un mélange de couleurs dans la même cavité). En outre, les cloisons de cuivre tracent, dans l'émail, un chemin : celui que je me propose de suivre aujourd'hui...

Si vous voulez prendre une bonne résolution, suivez-moi donc tout au long de mon aventure :
Page Facebook : facebook.com/chemindemail
Twitter : twitter.com/chemindemail
Instagram : instagram.com/chemindemail
et bien sûr le blog... D'ailleurs, à ce propos, si vous voulez m'aider à choisir un visuel pour ma future carte de visite : votez sur le blog !

Au plaisir de vous y voir !




vendredi 20 novembre 2015

#Généathème : je rédige la biographie d'un ancêtre

Tout commença par un souffle. Un premier souffle de vie. Plus fragile et plus fin qu'un fil de la Vierge. Si ténu que le curé de Taninges lui-même n'osa baptiser officiellement le nouveau-né. Il coucha néanmoins sur le papier une courte note :

Le 11 avril est née et le lendemain baptisée à la maison  ... demors

Pourtant le nourrisson n'est pas mort. Deux mois plus tard, il fallu bien se rendre à l'évidence : accroché à la vie, il a repris des forces. Et c'est presque à la surprise de tous que "le 29 juin [1684] a été présentée à l'église une fille née le 11 d'avril d'honorable Jean Claude Perret et de Maurise Deleschaux mariés". C'est un chanoine de Saint Pierre de Genève qui lui a été choisi pour parrain. Lui et Demoiselle Humberte, sa marraine, "ont assisté aux cérémonies du baptême" qui ont été conférées à l'enfant miraculé, celui que l'ont avait "baptisé à la maison le jour de sa naissance à cause du péril" qu'il encourrait.


Le curé, perturbé par ce prodige, rajouta in extremis une mention dans la marge du registre : "on lui a imposé  le nom de Marie Humberte".

C'est ainsi que Marie Humberte entra dans la vie. Sur la pointe des pieds, mais entourée de l'amour et des soins attentifs de sa mère. Et la vie reprit son cours, les saisons succédant aux saisons. Au fil des années la fratrie s'est agrandie : sept enfants au total ont égayés le foyer, dont les venues au monde furent beaucoup plus calmes et moins éprouvantes pour les parents.

Le père, Jean Claude, s'est assuré une belle réputation de Maître chirurgien, et le respect de sa communauté : on ne croise jamais ce fier bourgeois savoyard sans lui donner le titre de "Sieur" ou  de "Maître".

A force de faire de menues courses pour son père chirurgien, Marie Humberte rencontra le fils d'un apothicaire d'une paroisse voisine, Bogève. Après de patientes discussions, un contrat de mariage fut dûment établi. Pour cela on fit venir Maître Cullaz, notaire à Cluses, au domicile de Jean Claude Perret, entouré d'un bel aréopage de bourgeois pour témoins. Tombent dans l'escarcelle du futur couple : "une montagne située au Plumey rière [banlieue ?] la paroisse de Fleyrier et 3000 florins" (de la part de Pierre Bel, le père du futur), 500 florins (promis par le testament de son aïeul François Bel), 3000 florins et un beau coffre de noyer contenant le trousseau de la future, à savoir "deux habits complets, l'un de serge de Londres et l'autre à la Dauphine, deux douzaines de linge de ritte, trois lots de serviette à la Venise (de 9 aulnes chacun), douze aulnes de nappe, deux douzaines de chemises et deux douzaines de tabliers de toile, les rideaux de lit garni, le menu linge et les habits quotidiens". Deux vaches, deux brebis mères et deux chevreaux complètent la dot (de la part de Jean Claude Perret, le père de la future).

Taninges © Delcampe

La noce peut avoir lieu et le jeune couple s'installe à Taninges. Un premier-né voit le jour dès l'année suivante, porté sur les fonds baptismaux par ses grands-parents maternels désignés comme parrain et marraine. Six autres bambins vont ensuite venir agrandir la famille.

Comme pour tous, les joies de la vie s'assombrissent de temps en temps. C'est le cas lorsque Jean Claude Perret quitte ce monde un jour de février 1718. Une belle cérémonie est organisée pour lui dire adieu. Marie Humberte réconforte sa mère Maurise. Aujourd'hui encore, elle savoure le bonheur d'avoir pu la garder auprès d'elle une quinzaine d'années supplémentaires.

Un soir de 1725, alors que les enfants sont couchés, François appelle son épouse. Auprès du feu, il lui explique qu'on lui propose d'ouvrir une officine à Bogève. Rapidement la décision est prise : la famille va déménager. François devient apothicaire. L'affaire est florissante et lui permet de passer sa maîtrise. Marie Humberte donne encore naissance à trois enfants.

Finalement, le couple revient à Taninges pour ouvrir une apothicairerie encore plus belle. François et Marie Humberte font partie des notables de la ville à part entière.

Alors que ses tempes commencent à peine à grisonner, Marie Humberte voit son fils François se rapprocher discrètement de la fille du noble Louis Aymé Marin. Peut-être qu'une union pourrait s'envisager : cela ferait un beau mariage... La nuit était tombée depuis longtemps en ce soir de janvier 1739. François était encore à l'apothicairerie à préparer des potions et des onguents, les enfants déjà couchés. Soudain la pièce se mit à tourner. Lentement, comme au ralenti, Marie Humberte s'affaissa sur le tapis de la chambre. Elle exhala un souffle. Un dernier souffle de vie. Plus fragile et plus fin qu'un fil de la Vierge.

Du neuf janvier 1739 a 20h du matin est morte et le lendemain a été enterrée honorable marie humberte perret femme de maître françois Bel Apothicaire aiant reçu les sacrement agée de 53 ans
J. Favre curé


Marie Humberte Perret est mon ancêtre à la dixième génération (sosa n°821). Née à Taninges (74) le 11 avril 1684, mariée à François Bel en 1710 (contrat de mariage du 11 février 1710 - acte de mariage non trouvé), décédée à Taninges le 9 janvier 1739.



vendredi 6 novembre 2015

"L'ancêtre Corse" : début de l'enquête

"On a un ancêtre Corse" disait-on dans ma famille, du temps où notre généalogie n'avait pas été vraiment explorée. J'ai mené l'enquête, bien sûr...

Tout commence avec une mention sur un acte de naissance, celui d'Augustin Astié  (mon AAGP, sosa n°16), en juin 1851 à Conques (12) : c'est l'oncle maternel qui déclare la naissance de l'enfant car son père est "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio (Corse)".

Les parents, Pierre Jean Astié et Geneviève Mas, se sont mariés en août de l'année précédente. Pierre Jean est issus d'une longue lignée de Astié vivant et demeurant à Conques, dont la plupart étaient vignerons. Lui-même était cultivateur l'année de son mariage. Avec cette mention de 1851, c'est la première fois que l'on voit un Astié quitter Conques. Et que commence la légende du Corse.
Ensuite je perds la trace du couple : sans doute Geneviève a-t-elle rejoint son mari sur l'île de beauté. D'après les premières recherches généalogiques de mon grand-père, je sais néanmoins que Pierre Jean est revenu prendre sa retraite à Conque où il a fini ses jours.

Grâce aux CD-Rom d'état civil (autre temps, autres mœurs...) de l'Aveyron, je retrouve en effet les actes de décès de Pierre Jean et Geneviève, non pas à Conques comme l'avait dit mon grand-père mais non loin de là : à Aubin près de Decazeville - respectivement en 1883 et 1897.

C'est alors que je suis contactée par un lointain cousin, Jean-Pierre, qui m'apprend la naissance de quatre enfants du couple, en Corse : Adrien, Jean François, Louis et Antoine, tous nés à Appietto entre 1853 et 1859. Jean-Pierre est le descendant du deuxième de ces enfants. Régulièrement, nous allons correspondre pour tenter de retracer le parcours de la famille "Corse". Car bien sûr il s'agit d'eux. De mon côté je peux donc dire que je n'ai point d'ancêtre Corse; du côté de Jean-Pierre... mais sans doute n'a-t-il pas la même légende familiale !

C'est la fin du suspens corse, mais le début d'une enquête au long cours.


  • Pierre Jean disparaît
J'ai fait là un résumé des recherches qui durèrent plusieurs mois, voire plusieurs années. Car nous avons un "trou" de plus d'une décennie que nous cherchons à combler : où est passé la famille entre 1859 (naissance de leur dernier enfant connu en Corse) et 1875 (mariage de leur fils Augustin qui confirme la résidence des parents à Aubin). Soit un manque de 16 ans. Nous pistons les enfants à la recherche du moindre indice. Pour cela nous explorons l'état civil de plusieurs départements, les recensements, les archives militaires (d'ailleurs merci à Jean-Pierre de passer ses vacances aux archives pour pallier des mises en ligne aveyronnaises assez pauvres). Les déplacements, voire même les allers-retours, des enfants Astié dans différentes régions ne facilitent pas les recherches (19 adresses connues pour Augustin !).

  • Louis, cet inconnu
Mais chaque découverte soulève des questions sans réponse. Par exemple en 1881 Pierre Jean et Geneviève (dont les patronymes sont orthographiés de façon plus ou moins fantaisiste) résident à Aubin avec un petit garçon de 4 ans dont le patronyme est Astié, prénommé Louis et qui est dit "fils". Mais s'ils ont bien un fils appelé Louis, il est alors âgé de 24 ans et il est caporal moniteur d'escrime au 9ème RI, probablement basé à Bourges (pas de recensement en 1881 dans la capitale du Cher pour le confirmer). Et un petit-fils qui a bien 4 ans, mais dont les parents vivent en Anjou (prouvé par deux actes de décès de jeunes enfants en 1881). Est-ce une erreur de saisie sur l'âge ? sur la parenté ? Qui est ce petit Louis ? Pour le moment nous pensons qu'il s'agit plutôt du petit-fils, mais pourquoi est-il sans ses parents ?

  • Les surprises du recensement
Plusieurs fois les recensements (quand ils existent : nous faisons face à plusieurs lacunes dans plusieurs communes) ont fait apparaître un enfant resté jusque là inconnu. Comme Alexandre, fils surprise d'Augustin. D'où l'intérêt d'explorer toutes les sources à disposition (mais ça, je l'ai déjà dit...).

Grâce à Brigitte (du blog Chroniques d'antan et d'ailleurs - merci à elle encore une fois), j'apprends que Pierre Jean a été muté à Peri (toujours en Corse) après son premier poste à Appietto : le créneau se resserre. Je le retrouve sans difficulté dans les recensements de Peri en 1861 et 1866; et là, surprise, la présence d'un nouvel enfant dont nous ne soupçonnions pas l'existence, né en 1861 à Peri ! La famille n'apparaît plus dans le recensement suivant en 1872. Pierre Jean a sans doute déménagé suite à sa demande de mise à la retraite faite en 1870. Mais pour où ? A nouveau il disparaît.

Par la fiche militaire de son fils Adrien, nous savons que Pierre Jean et Geneviève résident à Aubin en 1873. L'éclipse familiale a donc été réduite à 1871/1872.

  • Les enfants ont disparu à leur tour
Par contre, nous ne retrouvons plus trace d'Antoine et Benoît, les deux derniers enfants de la fratrie : après le recensement de Peri en 1866 (où ils sont âgés de 7 et 5 ans), on les voit plus ni dans les registres d'état civil des domiciles connus, ni dans les recensements postérieurs ou les registres matricules de leurs années de recrutement.

Il reste donc quelques mystères à éclaircir...



vendredi 25 septembre 2015

Pierre, mon grand frère

Devant le poulailler, le dos légèrement courbé par le poids des ans, affairée à mes tâches quotidiennes, je regarde mon grand frère. Pierre. Assis au soleil sur le banc devant la maison, appuyé sur sa canne, il semble perdu dans ses pensées. Nos jeunes années me reviennent à l'esprit.

Le frère © Cliché d'origine Delcampe

Des années plutôt heureuses, à l'ombre du château de Préciat, en la paroisse de Villevêque, où notre père était laboureur et vigneron. Il avait déjà 9 ans quand je suis née, en 1674. Nous avons grandi ensemble, lui presque en haut de la fratrie et moi presque en bas. Nous étions 8 enfants, puisque une sœur aînée, Jeanne, n'avait vécu que 4 mois. L'insouciance de la jeunesse a été ternie par la mort de notre mère, Jeanne Vaugoyau, un jour de juillet 1682. Elle avait 47 ans. Nous nous sommes retrouvés démunis sans elle. Elle était le pilier de notre famille. Lui il avait déjà 17 ans, mais moi je n'en n'avais que 8. Malgré la douleur de cette disparition, le temps a continué à s'écouler. Il a aidé notre père et nous a accompagné, mes frères, ma sœur et moi, du mieux qu'il a pu. Nous sommes restés très proches.

On appelait Pierre "le Jeune" car il avait le même prénom que notre père, grand-père, arrière-grand-père et peut-être même leurs pères avant eux ! Pierre s'est marié un beau jour de juillet 1685, avec Marguerite Ouvrard la fille d'un marchand de la ville d'Angers. Ils avaient 20 ans tous les deux. Comme ils étaient beaux !

Pourtant l'avenir leur réservait de sombres jours. Je n'avais que 13 ans lorsque leur premier enfant, une fille prénommée Jeanne, est née. Mais la naissance a été difficile et le prêtre vicaire a dû faire une cérémonie de baptême simplifiée en attendant l'autorisation de l’Évêque de faire le supplément des cérémonies du baptême [ 1 ]. Malgré une entrée dans le monde un peu difficile, elle s'est accrochée et a survécu... une douzaine d'années seulement car hélas elle nous a quittés en 1699. Des 7 enfants qu'ils ont eu ensemble, deux autres n'ont malheureusement pas vécu. Le premier, né chez eux à Villevêque, a été ondoyé deux jours plus tard en l'église de Pellouailles [ 2 ] (avec la permission du curé de Villevêque et de Monseigneur l’Évêque) et finalement ensépulturé à Villevêque trois semaines après. La dernière naissance s'est terminée plus mal encore puisqu'elle a coûté la vie à Marguerite et à l'enfant qui l'a suivie aussitôt dans l'autre monde. Marguerite avait 34 ans seulement.

Mon courageux grand frère se retrouvait, seul, à la tête d'une famille de 4 enfants encore vivants, âgés de 11 à 2 ans.

Toujours proche de mon frère, il m'a demandé d'être la marraine du premier fils qui a vécu et qui a été prénommé... Pierre, bien sûr ! J'ai accompagné sa famille du mieux que j'ai pu.

Même si nous n'habitons pas la même paroisse, il a pu me rendre visite régulièrement. Rapidement il m'a annoncé son désir de se remarier. 9 mois après le décès de Marguerite, Pierre a épousé en secondes noces une autre Marguerite, fille de Guillaume Roger, un laboureur de Pellouailles.

Ensemble, ils eurent 5 enfants, dont deux encore décédés en bas âge. Sur les 12 enfants que Pierre a eu au total, seuls 7 sont parvenus à l'âge adulte. Quelle tristesse.

Les années ont passé. Les enfants, qui ont survécu, ont grandi, puis se sont mariés; comme Marguerite qui a épousé Jérôme Hervé en 1714. Pour pouvoir se marier, ils ont dû obtenir une dispense de deux bans signée du vicaire général de Monseigneur l’Évêque. Et il a même fallu que la tante et le cousin dudit Jérôme témoignent pour dire qu'il n'était engagé dans aucune autre relation. Et puis Jacques, Jean, Marie...

Même quand la famille a déménagé à Saint Sylvain, nous avons continué de nous voir. Il a abandonné la vigne pour le travail de la terre, mais au fond il est resté le même.

Malgré les difficultés, les joies et les peines, nous avons traversé la vie.
Une vie simple, de modestes laboureurs et vignerons de l'Anjou. Notre vie.


[ 1 ] Suppléer les cérémonies du baptême : Faire à l'église le supplément des prières et des cérémonies omises lors de l'ondoiement.
[ 2 ] Habitant La Gilberdière, hameau plus proche géographiquement du bourg de Pellouailles les Vignes que de celui de Villevêque, plusieurs de leurs enfants ont été baptisés en l’église de Pellouailles.


Pierre Dibon est mon sosa n°1194, ancêtre à la 11ème génération. Né le 8 juin 1665 à Villevêque, marié le 4 juillet 1685 à Villevêque avec Marguerite Ouvrad, puis le 30 juin 1700 à Pellouailles les Vignes avec Marguerite Roger. Apparemment décédé entre 1739 et 1741, mais malgré de longues et patientes recherches, je n'ai pas (encore) trouvé son acte de décès... Je descends aussi de sa fille Marguerite (sosa n°597) épouse de Jérôme Hervé (sosa n°596).
Sa sœur Perrine Dibon est aussi mon ancêtre, sosa n°1227.

Ce récit est basé sur ses actes de naissance et mariages, ainsi que sur les actes de naissances et mariage de ses enfants.


Pour voir Perrine avec les yeux de son frère Pierre, cliquez ici.

© Delcampe



vendredi 18 septembre 2015

Perrine, ma petite soeur

Assis au soleil sur le banc devant la maison, je regarde ma petite sœur. Perrine. Devant le poulailler, le dos légèrement courbé par le poids des ans, elle s'affaire à ses tâches quotidiennes. Appuyé sur ma canne, je repense à nos jeunes années.

La sœur © Cliché d'origine Delcampe

Des années plutôt heureuses, à l'ombre du château de Préciat, en la paroisse de Villevêque, où notre père était laboureur et vigneron. J'avais déjà 9 ans quand Perrine est née, en 1674. Je l'ai vue grandir, moi presque en haut de la fratrie et elle presque en bas. Nous étions 8 enfants, puisque ma sœur aînée Jeanne n'a vécu que 4 mois. L'insouciance de la jeunesse a été ternie par la mort de notre mère, Jeanne Vaugoyau, un jour de juillet 1682. Elle avait 47 ans. Nous nous sommes retrouvés démunis sans elle. Elle était le pilier de notre famille. Si j'avais déjà 17 ans, Perrine n'en n'avait que 8. Mais malgré la douleur de cette disparition, le temps a continué de s'écouler. J'ai essayé d'aider notre père et d'accompagner mes frères et sœurs du mieux que j'ai pu. Nous sommes restés très proches.

J'étais là le jour du mariage de Perrine, en 1696, en l'église d'Andard. Elle, si heureuse, aux côtés de Jean Launay, son époux, un marchand vigneron. A 21 ans elle quittait la fratrie pour s'installer à la Roche Tinard avec lui. Les années se sont écoulées, rythmées par les naissances et les déménagements.

Les quatre premières années de leur mariage, Perrine a donné naissance à quatre enfants. A chaque fois Jean était absent. Mais il était là pour déclarer le décès du troisième, prénommé Jean comme lui, et qui n'a vécu qu'un seul jour.
Ensuite la famille a déménagé à Sarrigné. Entre 1701 et 1710, Perrine a donné naissance à 5 enfants supplémentaires.
Puis ils se sont installés à Bauné, à la ferme de Saint Victor.

C'est là que Jean nous a brutalement quitté, à l'âge de 42 ans seulement. J'étais là pour assister ma sœur lors de l'enterrement de son époux en l'église de Bauné, ce jour froid de janvier 1713. Perrine était alors en fin de sa dixième grossesse. Marguerite est née un mois plus tard, une nuit de février. Fille posthume, elle ne connaîtra jamais son père.

Ma courageuse petite sœur se retrouvait, seule, à la tête d'une famille de 9 enfants, âgés de 16 ans à quelques heures. Je l'ai accompagnée du mieux que j'ai pu.

Ainsi j'étais présent en 1716 lorsque Perrine, sa fille aînée âgée de 18 ans, a épousé Pierre Basset, un fermier de la paroisse. Bien qu'il soit âgé de dix ans de plus, j'espère qu'ils connaîtront un heureux mariage.

Même si nous n'habitons pas la même paroisse, j'ai heureusement pu lui rendre visite régulièrement. C'est pour cela que j'ai rapidement deviné qu'elle projetait de se remarier. Son choix s'était porté sur Jacques Le Breton, un jeune laboureur de la paroisse âgé de 26 ans. Et visiblement il n'avait pas peur d'épouser une veuve, mère de 9 enfants encore vivants (même si tous n'habitaient plus le foyer) et de 17 ans son aînée. Le mariage a eu lieu en décembre 1718. Pourtant ce mariage a failli ne pas se faire : il a fallu obtenir, non seulement, une dispense de deux bans (puisque seul le premier ban a été officiellement publié, sans opposition connue) par Monseigneur l'évêque d'Angers, mais encore une dispense de parenté du deux au troisième degré (à cause d'ancêtres communs) accordée par notre Saint Père Clément XI lui-même. Celle-ci, il a fallu l'anticiper : elle a été signée par le Saint Père en août et vérifiée au greffe des insinuations seulement sept jours avant la noce !

Ensemble, ils eurent un fils, prénommé Jacques - comme son père - né en 1720. Perrine avait alors 45 ans pour cette onzième grossesse.

Les années ont passé. Les enfants ont grandi, puis se sont mariés : Nicole en 1731, Marie en 1734, Michel en 1735, Marguerite en 1737. On a connu des deuils aussi, comme le décès de Laurent en 1719 qui n'avait que 16 ans.

Malgré les difficultés, les joies et les peines, nous avons traversé la vie.
Une vie simple, de modestes laboureurs et vignerons de l'Anjou. Notre vie.


Perrine Dibon est mon sosa n°1227, ancêtre à la 11ème génération. Née le 28 décembre 1674 à Villevêque, mariée le 7 mai 1696 à Andard avec Jean Launay, puis le 13 décembre 1718 à Bauné avec Jacques Le Breton. Je perds sa trace après 1737 : malgré de longues et patientes recherches, je n'ai pas (encore) trouvé son acte de décès... Je descends ensuite de sa fille Perrine (sosa n°613), épouse de Pierre Basset (sosa n°612).
Son frère Pierre Dibon est aussi mon ancêtre, sosa n°1194.

Ce récit est basé sur ses actes de naissance et mariages, ainsi que sur les actes de naissances et mariage de ses enfants.


Pour voir Pierre avec les yeux de sa sœur Perrine, cliquez ici.

© Delcampe


vendredi 7 août 2015

Je me souviens

Je me souviens de mes trois sœurs, de leurs babillements, cris et rires qui ont peuplé et égayé la maisonnée. Marie, de dix ans mon aînée, aidant notre mère dans ses tâches quotidiennes.
Je me souviens du trajet entre notre maison à La Gidalière et l'école du village. Les 4 kilomètres à parcourir sous tous les temps me paraissaient parfois bien longs pour mes petites jambes.
Je me souviens des bêtes que je gardais, plus tard, dans le Pré Bas. Je préférais cela à l'école parce qu'au moins j'étais dehors.
Je me souviens que mon père me racontait cette grande Révolution qui a bouleversé notre temps. Commencée par des révoltes contre les seigneurs locaux ici, elle a fini par couper la tête du roi là-bas, à Paris.
Je me souviens des troubles qui ne tardèrent pas ensuite, ravageant le pays et divisant les familles. J'avais une quinzaine d'années et la violence des querelles opposant Bleus et Blancs me fascinait pourtant.
Je me souviens de la paix revenue. Mais rien n'était plus vraiment comme avant.
Je me souviens de ce triste jour d'hiver où j'ai enterré mon père Jacques. Ce sentiment de solitude soudain qui vous envahit. Et qui n'est rien à côté de celui que je lisais sur le visage d'Anne, née Gobin, ma mère.
Je me souviens du jour où j'ai repris la métairie de mon père : 36 hectares dépendants du château du Puy Jourdain. J'avais alors 22 ans.
Je me souviens de Françoise Paineau, venant vers moi qui l'attends devant l'autel de l'église de Saint-Amand. Cette église où j'ai été baptisé et où seront baptisés mes enfants.

Église de Saint-Amand-sur-Sèvre

Je me souviens de notre première-née Marianne Françoise l'année suivante. De sa naissance un jour d’août et de celle de nos 9 autres enfants ensuite.
Je me souviens du petit Pierre qui n'a vécu que 15 mois. Le premier de nos trois enfants que j'ai dû accompagner dans le tombeau familial.
Je me souviens du regret que j'ai ressenti de n'avoir pas eu le temps de mener mes filles à l'autel avant de disparaître. Mais je sais que mon épouse aura cette joie pour nous deux.
Je me souviens de ce jour de mai où je me suis sentir partir. Dire que je n'avais même pas 50 ans. Mon épouse devra assumer la métairie seule ainsi que nos sept enfants restants, âgés de 17 à 1 an. Je ne les verrai pas grandir. Puissent-ils connaître une belle vie.

Je me souviens de tout cela... mais qui s'en souviendra après moi ?


Jacques Gabard et Anne Gobin sont nos plus anciens ancêtres Gabard connus. L'absence des registres anté-révolutionnaires à St Amand (79) ne nous permettant pas de remonter cette branche plus loin. La ferme de la Gidalière restera dans notre famille jusque dans les années 1920.


vendredi 20 décembre 2013

Capable d'enseigner

Mon arrière-grand-mère maternelle Flora Roy est née en 1900 tout rond, à Saint-Amand-sur-Sèvre (79). Son histoire est presque un roman et mériterait un article à part entière. Aujourd'hui néanmoins je vais me concentrer sur un document qui m'est parvenu : son brevet de capacité pour l'enseignement primaire.

BCEP, coll. personnelle

Aux termes de l'article Ier de la loi du 16 juin 1881, nul ne peut, en France, exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
Il existe deux brevets de capacité pour l'enseignement primaire : le brevet élémentaire et le brevet supérieur. Le premier se passait à 16 ans, le second à 18.
Le premier est le seul titre requis pour enseigner dans un établissement quelconque d'enseignement primaire public ou privé.
Le second confère aux maîtres et maîtresses qui en sont pourvus certains privilèges, tels que la nomination aux fonctions d'adjoint ou d'adjointe dans les écoles primaire, etc...

Les intitulés concernant cet examen sont si savoureux, que je ne résiste pas à vous les livrer [et à les commenter . . . ].

L'examen comprend trois séries d'épreuves :

Epreuves de la première série. —  

1° Une dictée d'orthographe d'une page environ, choisie dans nos meilleurs auteurs. [J'adore cette expression]
Des questions (cinq au maximum) relatives à l'intelligence du texte (définition du sens d'un mot, d'une expression ou d'une phrase ; analyse d'un mot ou d'une proposition). Il est accordé une demi-heure aux candidats pour revoir la dictée et pour répondre par écrit aux questions posées.
Chacune des deux parties de l'épreuve est cotée de 0 à 10 ;
2° Un exercice de composition française (lettre ou récit d'un genre très simple, explication d'un proverbe, d'une maxime, d'un précepte de morale ou d'éducation). 
Durée de l'épreuve : deux heures ;
3° Une question d'arithmétique et de système métrique, et la solution raisonnée d'un problème comprenant l'application des quatre règles (nombres entiers, fractions, mesure des surfaces et des volumes simples). [Hum, hum . . . ça fait rêver la littéraire que je suis]
Durée de l'épreuve : deux heures. 

Epreuves de la deuxième série. — 

Les aspirants doivent : 
 1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
2° Exécuter à main levée un croquis côté d'un objet usuel de forme très simple (plan, coupe, élévation). 
Durée de l'épreuve : une heure et demie ;
3° Exécuter les exercices les plus élémentaires de gymnastique prévus par le programme des écoles primaires. 
Durée de l'épreuve : dix minutes au maximum. 

Les aspirantes doivent : [les épreuves pour les garçons et pour les filles sont donc différentes : bonjour le sexisme]
1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
2° Exécuter un dessin au trait d'après un objet usuel. 
Durée de l'épreuve : une heure ;
3° Exécuter, sous la surveillance de dames désignées à cet effet par le recteur, les travaux à l'aiguille prescrits par l'article 1er de la loi du 28 mars 1882. 
Durée de l'épreuve : une heure. [Ah, Ah, Ah, on comprend les épreuves différentes]
 
Epreuves de la troisième série.

1° Lecture expliquée ; la lecture se fera dans un recueil de morceaux choisis en prose et en vers ; des questions seront adressées aux candidats sur le sens des mots, la liaison des idées, la construction et la grammaire ;
2° Questions d'arithmétique et de système métrique ;
3° Questions sur les éléments de l'histoire nationale et de l'instruction civique ; sur la géographie de la France avec tracé au tableau noir ;
4° Questions et exercices très élémentaires de solfège ;
5° Questions sur les notions les plus élémentaires des sciences physiques et naturelles et sur les matières de l'enseignement agricole.
Dix minutes au maximum sont consacrées à chacune de ces épreuves.

Nous rappelons aux candidats que :

ART. 1 et 2 : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat constitue un délit. — Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de 1 épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera condamné à un emprisonnement de un mois à trois ans et à une amende de 100 francs à 10 000 francs, ou à l'une de ces peines seulement. *

 [Gloups !]

Je ne sais pas, hélas, quels étaient les intitulés exacts des épreuves que Flora a passées. Mais rien qu'au travers de ces quelques lignes on sent bien une autre époque (et je ne reviendrai même pas sur les travaux d'aiguilles).

Enfin, au cas où vous auriez été distrait pendant cette lecture de cet article (et surtout si vous n'avez pas examiné le brevet à la loupe), je vous rappelle que Flora a obtenu son brevet d'enseignement alors qu'elle n'était âgée que de 15 ans tout juste (tout de même). Elle a dû bénéficier d'une dispense pour pouvoir passer son examen.
Autre temps, autre époque.

Cet examen lui permis d'être institutrice primaire. Elle exerça notamment au pensionna du Sacré Cœur (avant de rejoindre son mari à la boucherie conjugale, changeant ainsi complètement de voie).

Flora Roy, 1918, coll. personnelle

C'était mon arrière-grand-mère (on l'appelait la "petite mamie") et je l'ai connue.

(*Source : inrp.fr)

lundi 9 décembre 2013

Sévère ou touchant ?

Article disponible en podcast !


 

Sur l'unique cliché que je possédais de mon arrière-grand-père, il paraissait très austère, avec sa moustache bien droite, le regard vous transperçant.

Jules Assumel-Lurdin, 1922, coll. personnelle

Puis j'ai découvert une autre facette de sa personnalité, grâce à un dossier le concernant conservé aux archives de l'Ain [ * ].
En effet, il était garde forestier et les correspondances entre lui et l'administration ont été conservées (28 documents sont parvenus en notre possession).

Le premier document date de 1904 : c'est une recommandation du Maire Bondet adressée au député Chanal afin qu'il appuie sa candidature au poste de garde forestier.

Le préfet accepte ces recommandations et nomme, par arrêté du 31 octobre 1905, "le sieur Assumel, ancien brigadier d’artillerie", cultivateur au Poizat (Ain), garde forestier à Samognat ; son traitement annuel est fixé à 500 francs.


Au travers des différents courriers envoyés à l'administration, on suit sa carrière :

- en 1907, il souhaite sa mutation à Apremont ; ce qui lui est refusé car il n'a pas assez d'ancienneté : "Le poste d’Apremont auquel est affecté un traitement de 700 francs n’est pas un poste de début. Sous peine de décourager le personnel forestier communal, il importe qu’un pareil emploi soit attribué à un garde déjà en fonctions et méritant de l’avancement."
- en 1908 il est nommé à Martignat, après recommandation du Conservateur des Eaux et Forêts. 
- en 1910 il souhaite être muté à Saint-Germain de Joux ; mais laissons-le parler, puisqu'une lettre écrite de sa main nous est parvenue :


Lettre de Jules Assumel-Lurdin, Archives de l'Ain


Martignat, le 10 janvier 1912
Monsieur le Sénateur
J’ai l’honneur de venir vous renouveler la demande que je vous ai fait il y a quelques temps pour me faire attribuer le poste de Brigadier de St Germain de Joux, j’ai appris que j’étais en ligne et que j’avais un petit espoir.
Je compte sur votre dévouement pour écarter un peu de moi ma mauvaise chance, car avec toutes les envies de bien faire je n’ai jamais pu réussir en rien : à 32 ans j’étais veuf pour la 2ème fois et aujourd’hui j’ai ma femme au lit malade de l’albumine. Le médecin a déclaré que c’était très grave, on dirait que 

le destin s’acharne contre moi.
Veuillez donc s’il vous est possible me faire parvenir à ce poste qui améliorera sensiblement ma situation.
Vous pouvez persuader M. le Préfet qu’ayant été élevé dans un pays de forêts je peux mieux que personne apporter aux forêts les améliorations qu’elles ont besoin et que je resterai un serviteur fidèle et dévoué.
Dans l’espoir que vous ferez votre possible et en attendant que je vous prouve ma reconnaissance.
Veuillez agréer M. le Sénateur mes sentiments dévoués
Assumel garde des Eaux et forêts à Martignat

Et soudain le roide personnage laisse place à quelqu'un de plus touchant, criant son désespoir, le mauvais sort s'acharnant sur lui.

Puis viennent plusieurs documents qui sont des recommandations signée du sénateur Baudin pour qu'il obtienne le grade de brigadier.
Ces demandes multiples seront systématiquement refusées : d'abord parce qu'il n'a pas encore assez d'ancienneté, puis parce qu'il est en compétition avec d'autres agents "plus méritants". Enfin pour raisons de santé : il n'est "pas en état de supporter les fatigues inhérentes aux fonctions de brigadier, car un chef de brigade doit fournir de longs trajets pour visiter et contrôler les divers triages de sa circonscription." (le conservateur des Eaux et forêts, 7 septembre 1916).

Pourtant, il semble rendre un service satisfaisant :

- "Ce préposé est un bon garde, actif et zélé et sera probablement susceptible de devenir ultérieurement brigadier, bien que son instruction soit un peu faible."  (rapport Le Clerc, 21 septembre 1910) 

- "J’ai l’honneur de vous faire connaitre que M. Assumel s’acquitte de ses fonctions d’une manière très satisfaisante et que ses chefs estiment qu’il pourra très probablement accéder au grade de chef de brigade." (lettre au sénateur Baudin, le 28 septembre 1910)

Cependant, d'autres causes, plus politiques, semblent influencer ces refus multiples : 
-  "C'est un agent clérical accompli, parlant toujours contre le gouvernement." (lettre du maire de Martignat, 30 mai 1912)
- " Ce dernier fait partie de l’Action Libérale. [ . . . ] Nous vous prions de bien vouloir nommer à Apremont en remplacement du garde Humbert un fonctionnaire dont on ne puisse suspecter les opinions républicaines." (lettre du maire d'Apremont, 16 août 1912)

De toute évidence, c'était un homme de conviction, quelles qu’en soient les conséquences.

Finalement, il sera transféré en Anjou en 1921. Le relief plus plat lui convient mieux (c'est moins fatigant pour lui). Il finira sa carrière aux Ponts de Cé, à côté d'Angers, et s'éteindra en 1929 à l'âge de 53 ans.

C'était mon arrière-grand-père. Je ne l'ai pas connu.

 
 [ * ] Merci à B. Boisard pour ces documents

jeudi 28 novembre 2013

JF Borrat-Michaud, soldat 2ème classe (n°3)

"Bon chasseur, brave et courageux." C'est ainsi que Jean-François Borrat-Michaud est qualifié sur sa fiche militaire.
Peu après la bataille qui lui a valu la croix de guerre (cf. épisode n°2), le 27 février 1918, Jean-François est évacué du front et conduit à l'hôpital . . . pour une bronchite. Alors que les projectiles pleuvent de partout, que le fer et le sang se mélangent, il est transféré pour une inflammation des bronches. Bon, tant mieux pour lui, il a dû bien apprécier ce repos après les flammes. En tout cas, il n'a pas été gazé (m'a mère l'a connu), ce qui lui a permis de devenir déménageur après la guerre.
Il rejoint l'armée en avril 1918 après son passage à l'hôpital.
Le 10 juillet 1918, il est affecté au 54ème bataillon de chasseurs alpins (immatriculé sous le numéro 9952). Mais il n'y reste pas longtemps puisqu'en août il est proposé pour un changement d'armée : ce sera l'artillerie de campagne à tracteurs. 
Il passe ensuite dans la disponibilité/réserve où il est affecté dans le 84ème régiment d'artillerie lourde, le 9 septembre 1918. Le certificat de bonne conduite lui a été accordé. Enfin, il est mis en congé illimité de démobilisation par le 13ème régiment d'artillerie de campagne le 13 septembre 1919.

Il a survécu à la guerre.

Jean-François Borrat-Michaud entouré de sa famille, coll. personnelle

De retour de guerre, il pose fièrement avec sa famille en costume militaire, la croix de guerre ornant son revers. Ce cliché est une "photo-carte postale" comme cela se faisait autrefois. Malheureusement le verso est trop dégradé pour y lire la correspondance qui s'y trouvait.
Après la guerre, il s'installe à Eaubonne (Val d'Oise), où il occupe plusieurs appartement situés rue de Paris (aux n°29, 35, 14 et 27). En 1920 il épouse Marcelle Ursule Macréau. Ils n'auront qu'un seul enfant, André René Édouard mon grand-père.
Ils auront 5 petits-enfants, 14 petits-enfants . . . et cela continue, de génération en génération.

Il meurt le premier mars 1959. Je ne l'ai pas connu.

C'était mon arrière-grand-père.

[Merci à ma tante Nicole pour ce cliché photographique]