« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 30 décembre 2022

#52Ancestors - 52 - XXX

  - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 52 : Qu’attendez-vous avec impatience ?

 

J’ai hâte de découvrir XXX, le prochain ancêtre que je ne connais pas encore, de connaître son nom, son histoire, son métier. Combien a-t-il eu d’enfants (et son corollaire, bien souvent hélas : combien en a-t-il perdu ?). Éventuellement être transportée dans une nouvelle région, une nouvelle religion, bref un nouveau monde.

 

Mais je suis aussi très impatiente de découvrir de nouveau fonds, au gré des mises en ligne des sites des archives départementales.

J’espère me laisser emporter par un autre défi généalogique, à l’heure où celui-ci se termine. Je tiens d’ailleurs à remercier mes fidèles lecteurs après ces 52 articles. Ils n’ont peut-être pas toujours été d’une grande qualité et j’ai dû parfois en recycler quelques uns car le sujet de la semaine avait déjà été traité sur ce blog, mais je me suis bien amusée !

Mais ce n’est pas tout ! J’ai envie d’en savoir plus sur Justine Borrat-Michaud, la seule fille-mère de mon arbre (tout au moins la seule qui n’ait pas « régularisé » sa situation).

Et tan qu’à faire j’espère vraiment qu’un jour la visionneuse de l’Orne soit praticable, parce que là...


J’ai aussi tout un tas d’autres souhaits (profitons-en, c’est – presque encore – Noël) :

  • Je voudrai progresser en paléographie pour pouvoir lire plus aisément les documents que je découvre.
  • Je suis avide d’explorer enfin ma branche originaire du Valais suisse.
  • J’ai l’ardent désir (sic) que les archives départementales du Maine et Loire mettent en ligne les actes notariaux.
  • J’adorerai voir de visu une charte concernant mes ancêtres nobles de Haute-Savoie, du XIIIème sur parchemin, avec lettrines, seau, etc…
  • Je souhaiterai même consulter des fonds de notaires qui n’existent plus (sic !) mais dont j’ai connaissance par quelques autres biais.
  • Je voudrai résoudre enfin cette épine généalogique de la disparition des petits Antoine et Benoît Astié (racontée ici)
  • Je souhaiterai en savoir plus sur Benoît Mollie, originaire de l’Ain, qui était grenadier au 159e demi brigade, décoré par l’Empereur (mais je ne sais même pas où chercher…).
  • Je voudrai savoir s’il existe un dossier de naturalisation pour mon ancêtre Suisse ayant migré en France dans les années 1880.
  • Je suis aussi pressée de vous raconter comment j’ai résolu « l’affaire Macréau », au centre du polar généalogique déroulée lors du ChallengeAZ 2020 (voir ici). Et toutes les histoires que me murmurent mes ancêtres chaque jour.


Bref, je suis très impatiente de… continuer ma généalogie !

 

 

vendredi 23 décembre 2022

#52Ancestors - 51 - Michel Barré

   - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 51 : Sur quoi voulez-vous progresser ?

 

Sur la paléographie bien sûr !

 

S’il y a un fond que j’aime explorer, c’est le fond des notaires. Il révèle la vie de nos ancêtres : des événements importants, comme les contrats de mariage ou testaments, mais aussi des fragments d’existence aussi divers que variés. Ainsi au fil de mes recherches j’ai trouvé des achats, donations, baux, fondations de chapelle, réfections des murs du cimetière, comptes de fabriques. Mais aussi des actes plus mystérieux comme des remises en main, actes d’office ou lausimes*.

Pour les comprendre, il a fallu appréhender le vocabulaire notarial.

 

Mais bien sûr, avant cela, il faut pouvoir lire les documents !

 

C’est là que la paléographie intervient. Je n’ai jamais eu de formation en paléographie : tout ce que je sais je l’ai appris sur le tas. A force, je reconnais les formules notariales caractéristiques (comme « procedant de l’authorité avis et consentement », « a peine de tout damps » ou « une bonne parfaitte sante, mémoire de ses bons sens et entendement »).

Les documents de type testament obéissent à des structures identiques : date, protagonistes, état de santé, recommandation de son âme, dispositions, témoins, signatures. Bien des fois j’ai réussi à débloquer une transcription en retrouvant l’expression dans un autre document similaire dont le déchiffrement avait été plus facile.

Plus je lis un notaire, plus je me familiarise avec son écriture et plus il devient facile de comprendre son écriture.

Cette expérience me permet assez souvent de bien comprendre de quoi il s’agit. Mais parfois j’ai plus de mal à déterminer le sujet même du document.

 

Par exemple avec le document de Michel Barré.

Michel est mon ancêtre à la XIVème génération (sosa n°9158). Il a vécu au XVIIème siècle sans doute d’abord à La Ferté Macé puis à la Sauvagère (Orne). Il était clerc (de notaire ?). Je n’ai aucun acte paroissial le concernant. Tout ce que je sais de lui (et de son père, son épouse et ses filles) je l’ai appris dans les fonds notariaux.

Acte notarié Michel Barré, 1624 © AD61 via Geneanet


J’ai trouvé ce document grâce à l’indexation collaborative sur Geneanet (l’Orne n’a pas mis en ligne ses fonds notariés). La signature de Michel, aisément reconnaissable avec sa jolie ruche au bas de l’acte, confirme que cet acte concerne bien « mon » Michel.

D’ailleurs « Michel Barré fils de Léonard » sont les rares mots que je parviens à lire dans ce document.

 

La première ligne doit concerner la date (même jour et an que le document précédent ?).

Ligne 2 : Michel Barré fils de Léonard.

Ligne 3 Guillaume Nyault fils de ???

Ligne 4 : paroisse de la Ferté Macé

Un peu plus loin : la somme de soixante quatorze ???

 

C’est en gros à peu tout ce que je comprends.

 

On notera que ce n’est absolument pas une question de date : il est parfois plus facile de déchiffrer un document du XVIème qu’un autre du XVIIIème.

 

Les difficultés auxquelles on doit faire face ?

  • L’orthographe, bien sûr, qui n’est pas fixée – voir ici mes réflexions humoristiques à ce sujet. Mon truc à moi : lire à voix haute. Bien souvent le sens se révèle malgré mon cerveau strictement dressé à l’orthographe.
  • Les espacements entre les mots, qui ne sont pas toujours ceux auxquels nous sommes habitués aujourd’hui.
  • La forme des lettres qui, non seulement peuvent varier de celles que nous connaissons, mais qui en plus – les traîtresses – peuvent varier au sein d’un même mot ! La comparaison avec une lettre similaire dans le texte peut aider à déterminer de quelle lettre il s’agit. Conseil qui peut s’avérer aussi utile pour le point suivant.
  • Les caméléons : ces lettres qui se prennent pour une autre, comme le e/o, r/v ou p/x.

 

Mais bon, il faut bien l’avouer, ces trucs et astuces ne suffisent pas toujours. Et parfois, comme ici avec Michel, je reste dans l’ignorance la plus totale…

 

 

 

* Voir la page lexique de ce blog !

 

vendredi 16 décembre 2022

#52Ancestors - 50 - Jean Astié

   - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 50 : Traditions

 

Pour cette antépénultième semaine du challenge #52Ancestors (déjà !), je garderai le sujet au singulier : la tradition ; et plus particulièrement la tradition orale. Voici quelques fragments de vie recueillis auprès de mon oncle Jean.

 

Augustin Pierre Jean Astié est mon arrière-arrière-grand-père. Il est né 1851, a grandi en Corse, s’est installé en Maine et Loire, a fait des séjours en Aveyron et a fini sa fini en région parisienne en 1914. Je lui compte plus d’une vingtaine de domiciles. Mon oncle Jean m’en a fourni une probable explication : « Il était journalier dans une ferme. Quand il n'y avait plus de travail, on le renvoyait. Il mettait ses enfants et ses effets dans un coffre, le tout dans une charrette à bras, et partait avec toute la famille à pied à la recherche d'un nouvel emploi. Si une parente avait besoin d'une aide il lui laissait un enfant. C'est ainsi qu'Augustin Daniel [son fils, 1888/1974] s'est retrouvé commis boucher boulevard St Michel [à Angers, Maine et Loire]. Il allait chercher des quartiers de viande à l'abattoir d'Angers, situé dans [le quartier de] la Doutre, avec une charrette à bras et à l'occasion buvait un bol de sang frais pour se ravigoter. Vrai ou faux ces souvenirs dégoutaient ses petits-enfants quand il le leur racontait... »

Son fils Augustin Daniel « travaillait au cardage du chanvre à l'usine Bessonneau. Comme il était interdit de fumer il chiquait. Quand on lui offrait une cigarette il la mettait dans sa bouche avec le papier (la cigarette à bout filtre n'existait pas dans ma jeunesse) et la mastiquant avec plaisir à grands crachats de jets de salives par terre comme dans les films de cowboys. Au repas il plaçait sa chique dans la doublure de sa casquette ou sous la table ce qui rendait grand-mère furieuse. Il était payé à la semaine mais la paye finissait souvent au café du coin. Comme excuse il disait que son frère qui lui ressemblait s'était fait passer pour lui ou qu'il avait perdu son porte-monnaie. La grand-mère devait gérer la pénurie ce qui explique leur faible niveau de vie et le surnom donné à Augustin à la retraite de "grand-père pastis". Heureusement il avait un très bon côté. »

 

Augustin a épouse Louise Lejard en 1912 à Angers.
Jean se souvient des logements habités par trois générations de notre famille :

« Au début Augustin et son épouse Louise habitaient au dessus de la boucherie Frète, Faubourg St Michel ». Cette boucherie était tenue par l’oncle et la tante d’Augustin, Daniel Frète et Elisabeth Rols.

« Le bâtiment était en partie creusé dans l'ardoise. Le premier étage était réservé à la "grand-mère Frète" [Elisabeth Rols], c'est ainsi que nous l'appelions et nous ne la voyions que très rarement. L'étage au sommet du rocher était une petite cour avec le logement des grands-parents et un cabinet d'aisance. Dans ces vieux bâtiments les logements étaient imbriqués les uns dans les autres. L'escalier était taillé dans le rocher d'ardoise. L'appartement était petit et sombre. La cuisine donnait sur la cour et la chambre donnait sur la rue. Dans cette chambre une cloison séparait le lit de Daniel du lit des parents. La fosse du cabinet était creusée au deuxième étage dans le rocher, je te passe les détails quand il fallait la vider…

Quand le grand-père était en colère après l'un d'entre nous, il lançait sa casquette, en jurant d'un "Non d'une pipe de peau d'chien vert ! ".  C'était un signal d'un grand mécontentement et qu'il fallait se tenir à carreau. »

 

Augustin et Louise n’ont eu qu’un seul enfant, Daniel Augustin. En 1935, il épouse Marcelle Assumel-Lurdin.

« Militant populaire des familles, il prit avec son épouse, l'organisation et la gestion de la Maison Familiale de Vacances et de Repos des Travailleurs, située sur le domaine du Hutreau (de 1945 à 1952). »

Le Hutreau est un grand domaine situé près d’Angers. Ce n'était à l'origine qu'une modeste closerie, une petite exploitation rurale. Au XVIIème il est la propriété de familles de la bourgeoisie d’Angers, puis de familles nobles. Petit à petit le domaine est aménagé. Le château de style néo-Renaissance et le parc à l’anglaise datent du XIXème siècle. Le propriétaire est alors Armand Laity, préfet des Basses Pyrénées. Il meurt sans enfants. Divers propriétaires se succèdent alors jusqu'à l’installation des Ursulines en 1932 qui y établissent un pensionnat. En 1944 la Gestapo le réquisitionne. La Maison Familiale est installée après la guerre. Mais reprenons le cours des souvenirs de Jean :

« Le Hutreau était, dans les années d'avant la guerre 1939/45, un collège pour les filles des donateurs au financement du Bon Pasteur. La congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur est une institution de religieuses qui, ailleurs, rééduquait les "filles perdues" (voleuses et prostituées ou simplement "filles mères").

Ces demoiselles – les religieuses, pas les filles perdues – disposaient d'un parc de 8 hectares clos par un mur. Le château et l'annexe étaient équipés en salle de classe et en internat avec logement du personnel. La ferme était occupée par un couple qui entretenait le château. Au temps d’Armand Laity il y avait plein de personnel qu'il fallait loger près de leur lieu d'activité d'où cette profusion de logements indépendants, de combles pour les personnes de service. 

Après l'occupation par la Gestapo d'Angers et leur fuite précipitée [lors de la libération d’Angers], l'association "Mouvement Populaire des Familles" a loué le château, sauf la ferme, aux religieuses. Papa a été nommé directeur de la maison familiale de vacances. »

 

Mon père, aussi prénommé Daniel, est né en 1948 dans le château du Hutreau, au premier étage, où habitaient mes grands-parents.

 

« Quand notre famille est venue au Hutreau, les grands-parents leur ont succédé dans la location du 56 rue des Fours à Chaux. Il y avait un grand tennis désaffecté, un grand jardin entretenu avec soin et une ancienne loge de 3 pièces qui était destinée au concierge. Au sous sol il y avait les deux vestiaires destinés aux tennismans. Pendant les vacances scolaires les parents nous envoyaient en vacances dans leur ancienne maison chez les grands-parents. La loge, le tennis, et le jardin ont été rasés pour laisser la place à une maison médicale et son parking.

 

Quand l'association a cessé ses activités, en accord avec les religieuses, la famille a déménagé dans l'Annexe. C'était un grand bâtiment avec les pièces hautes de 3 mètres, cloisonnées et séparée du reste de l'espace, pour que toute la famille puisse y habiter dans une partie qui leur était réservée. A la retraite, grand-père Augustin et sa femme Louise ont rejoint Daniel et Marcelle au Hutreau. Ils habitaient deux pièces de l'Annexe avec une entrée autonome.

 


Quand nous avons tous quitté le Hutreau en 1954, ils ont habité le Frémureau, petite cité d'urgence d'après guerre, située à 500 mètres du Hutreau.

Le logement se composait de deux petites pièces de 9 m² chacune (la cuisine et la chambre) avec un petit jardin. Grand-père Augustin y avait construit une cabane pour y ranger ses outils de jardinage et de bricolage. La dizaine de petites maisons construites était sans eau courante : les habitants du hameau devaient de contenter d’un puits collectif desservant des robinets au dessus de bacs à laver en ciment, un bloc sanitaire de plusieurs cabinets mais pas de douche, dans un bâtiment commun à l’extérieur. Pour le chauffage chacun apportait sa cuisinière à charbon qui servait de chauffage l’hiver pour les deux pièces. Il y avait quand même un compteur électrique individuel pour l’éclairage.

 

Daniel et Marcelle ont fait construire une maison rue Auguste Blandeau. La famille devenait propriétaire d’une parcelle d’un petit terrain  triangulaire  situé dans un vieux quartier où il y avait de grandes surfaces de maraîchage que la ville grignotait progressivement. Il a dessiné un plan qui lui convenait (ses études de commis d'architecture lui ont bien servi) en fonction de sa famille de sept enfants. J’avais alors quinze ans. C'est ainsi que nous avons quitté le Hutreau pour habiter une maison pas encore finie (il fallait monter au premier étage par une échelle). Elle se situait à un carrefour de cinq rues au sud de la ville d’Angers.

Quand il a fallu la couvrir, la ville à imposé une toiture en tuile rouge pour éviter la trop grande monotonie des toitures d’ardoises bleues.

Mon grand-père, papa et moi avons hissé les tuiles plates dans les deux  greniers. Comme les escaliers n’étaient pas encore posés, c’était par des échelles qu’il a fallu transporter tout le stock de tuiles. Grand-père et papa se sont chargés de les poser puis de les fixer sur les liteaux de la toiture avec un fil de fer. Un couvreur est venu tout vérifier et a posé les tuiles faîtières collées avec un mortier.

Quand le menuisier eut posé l’escalier, tout le monde pris possession des chambres. Les parents avaient la chambre, au premier étage, donnant sur la rue. Notre chambre, celle des trois fils aînés, donnait sur le jardin. Il n’y avait de place que pour trois lits et trois chaises. Mes deux autres petits frères, avaient une chambre un peu moins grande. Un placard, sur le pallier permettait de ranger les vêtements des cinq garçons. Nos deux sœurs dormaient en bas dans la chambre donnant sur la rue. »

 

Merci à mon oncle Jean pour ses/ces souvenirs…