« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 20 juin 2014

#ChallengeAZ : R comme relis-le encore !

Comme Pénélope, cent fois sur le métier remettez votre ouvrage : lisez et relisez encore et encore !


Vase grec, Pénélope et Télémaque, © StudyBlue


Car on manque toujours quelque chose.

Récemment encore (mardi dernier, pour tout dire) je relisais les actes de mariages que j'avais récoltés, à la recherche des mentions de contrats de mariages - en vue d'un recensement exhaustif. Quand soudain, une phrase me saute aux yeux, dans l'acte de mariage de Théodore Macréau et Marie Louise Gibert (1866, La Chapelle sur Crécy, 77) : "Permission de mariage délivrée par le Général commandant la subdivision de Seine et Marne le 1er février."

Bon sang ! j'ai ce document depuis 2009 et je n'avais pas vu ça !

En plus, c'est la première fois que je rencontre ce type de mention au cours de mes recherches. C'est une mention un peu énigmatique, et je n'ai pour l'heure aucune idée de l'endroit où chercher des informations sur ce nouveau document. Mais cela ouvre de nouvelles pistes. Si j'ai bonne mémoire, je crois avoir lu que les soldats se devaient d'obtenir la permission de leurs supérieurs pour se marier. Cela signifie donc que Théodore était soldat en 1866. Né trop tôt (1840) pour apparaître dans les registres militaires en ligne, je n'avais pour l'heure aucune information sur sa vie de soldat (ou d'officier ?).

Ni une ni deux, je recherche ce point de droit sur internet : "Aucun militaire ou employé aux armées de terre et de mer ne peut se marier en France, et même hors de France, sans rapporter une autorisation spéciale de ses chefs. Aux termes des décrets en date des 16 juin, 3 et 28 août 1808, cette autorisation est accordée : par le Ministre de la guerre, aux officiers de tout genre en activité de service; par les conseils d'administrations des corps respectifs, aux sous-officiers et soldats (etc.)." Pourquoi, me direz-vous ? "Le motif de ce décret ( ... ) avait été d'empêcher que les officier ne pussent contracter des mariages inconvenants, susceptibles d’altérer la considération due à leur caractère." ( * )

Et voilà, au hasard d'une relecture, une nouvelle fenêtre s'ouvre, des questions fleurissent : quel type de document chercher ? où chercher ? ... (un arbre à questions vient de pousser subitement : voir l'article du challenge AZ sur ce blog Questions qui nous questionnent).

J'ai pris cet exemple parce qu'il est récent, mais je dois avouer que cet épisode m'est déjà arrivé : mention marginale oubliée dans le coin d'un page, acte trouvé après une deuxième ou troisième lecture des registres, blocage délié grâce à un témoin négligé... Bref, même si vous croyez avoir bien dépouillé tous vos actes, n'hésitez pas à relire, on ne sait jamais !
 

( * ) De l'état civil et des améliorations dont il est susceptible, M. Hutteau-D'Origny, 1823, consultable sur Gallica ici.




jeudi 19 juin 2014

#ChallengeAZ : Q comme questions qui nous questionnent

La généalogie c'est le jeu des mille questions.

Arbre à questions © FranceInter


La première d'entre elles : qui sont mes ancêtres ? C'est elle qui nous fait entreprendre cette aventure à travers les âges, les pages, les images...

Mais très vite, une question en amène une autre : Quel métier exerçaient-ils ? Quelle a été leur vie ? Où ont-ils vécu ? Où sont-ils passés (cf. article du présent Challenge AZ D comme disparu) ? ...

Questions qui restent parfois sans réponse.
Questions qui apportent leurs lots de surprises.
Questions sans fin (comme la généalogie).

Le manque d'archive se mêle à notre vision "moderne" :
Pourquoi Assumel Lurdin Louis Marie, tailleur d’habits, devient-il soudain cultivateur ?
Pourquoi les parents donnent-ils toujours les mêmes prénoms à plusieurs enfants de la même fratrie ?

Certaines questions se retrouvent sans doute chez tous les généalogistes : pourquoi une famille déménage-t-elle soudain ?
Par exemple, pourquoi Astié Augustin Pierre Jean déménage-t-il d’Aveyron en Anjou (dans les années 1870), avant de revenir en Aveyron (1882/1886) et de redéménager en Anjou (1888/1895), pour finir sa vie en région parisienne (1908/1914) ?

D'autres questions auront sans doute leurs réponses un jour, notamment lorsque je pourrai accéder aux archives correspondantes.
Par exemple, pourquoi le certificat de bonne conduite a-t-il été refusé à Roy Joseph Auguste lorsqu’il était dans l’armée ? Une simple consultation de son dossier militaire peut (ou pas... ) répondre à cette question.

Mais si ces questions peuvent paraître frustrantes (notamment lorsqu'elles restent sans réponse), elles sont le fruit de notre curiosité (et de notre imagination peut-être aussi parfois !). Elles sont surtout notre moteur : ce sont elles qui nous font avancer.

mercredi 18 juin 2014

#Challenge AZ : P comme préservez vos photos !

Mes photos les plus anciennes datent de 1871, soit une soixantaine d’années après le début des premières recherches sur la photographie par Niepce et une quarantaine d’années après l’invention « officielle » de la photographie (1839).

Photographe ambulant, © BM Lyon

Elle représente la famille Rols : Alexandre Rols, Marie-Anne Puissant son épouse et Élisabeth, leur fille aînée (alors âgée de trois ans). C'est un portrait fait en atelier. La famille est assise, devant une toile tendue (elle ne semble pas peinte). Le temps de pause est alors encore relativement long : près d'une minute. C'est sans doute pourquoi ils sont assis. Le plus souvent, un repose-tête était habilement dissimulé afin d'aider à tenir la pause. Chacun des deux parents tient fermement les bras de la petite fille afin qu'elle ne bouge pas et que le cliché soit net (cf. article Toile et balustrade sur ce blog). Ce cliché a sans doute été pris à Angers car le couple y habite, au moins depuis 1868.

Sur un certain nombre de clichés anciens faits en ateliers, on retrouve les accessoires classiques comme la toile peinte en arrière-plan, les fauteuils à accoudoirs ou fausses balustres qui sont un prétexte pour s’appuyer et tenir la pause sans bouger. Amusez-vous à les repérer !

Ces clichés anciens ouvrent une fenêtre sur époque très lointaine de la nôtre : cette époque où l'image était encore peu répandue. Cette époque où l'on se faisait beau pour figurer sur le cliché. Cette époque où on allait se faire photographier dans les ateliers ou, au contraire, les photographes ambulants venaient jusqu'à vous. Cette époque où les photos étaient aussi un vecteur d'information avec les clichés illustrant des événements, grands et petits (mariages, inondations, grandes expositions, fêtes locales... ). Cette époque où les clichés étaient édités en carte postale.

Les photos anciennes, c'est un moyen unique de mettre un visage sur ce qui n'était auparavant qu'une liasse d'archives ou une accumulation de dates. Soudain, ils sont là. Palpables. Presque réels. En l'absence d'information complémentaire, c'est aussi une façon d'en savoir plus sur la vie de nos ancêtres : la façon dont ils étaient habillés, les lieux où ils ont vécu, etc . . .

Parfois, on a la chance d'avoir l'histoire qui s'est transmise avec la photo. Je pense à ce portrait de Marcelle Assumel Lurdin, ma grand-mère, réalisé chez un photographe en 1934, qui la représente de trois quart dos. Cette photo fit, paraît-il, beaucoup parler car le haut du dos est dénudé : ô scandale !

Mais parfois les photos restent muettes : qui donc est ce moustachu à côté de Papy ? Et ce petit, là à gauche ? Silence. Alors, on ne le dira jamais assez : faites attention à vos photos anciennes. Si vous en avez, prenez en soin. Et, pendant qu'il est encore temps, interrogez vos anciens pour identifier les personnes en présence, les lieux, les événements photographiés. Car avoir une photo ancienne, c'est bien, savoir ce qu'elles racontent, c'est mieux.

Aujourd'hui nous pouvons prendre des dizaines de photos par jour (pour les plus addicts), presque sans y penser. Bien sûr, ce ne sont pas tous des chefs d’œuvre, mais elles reflètent notre vie quotidienne . . . Comme nos photos anciennes finalement.

Mais pensez à vos AAPE (arrière-arrière-petits-enfants), lorsqu'ils feront leur généalogie : classez et identifiez vos photos pour qu'ils ne galèrent pas comme nous aujourd'hui !

mardi 17 juin 2014

#ChallengeAZ : O comme où faut-il signer ?

Sur les 3 724 actes (naissances, mariages et décès) dont nous disposons à ce jour, 269 signatures ont été identifiées. Quelques actes portent d'autres signatures mais on ne sait pas à qui les attribuer : au marié ou au père du mariés, lorsqu'ils portent le même prénom, par exemple. 

Détail d'acte de mariage, AD79

Cela représente 7,22 %. Parmi elles, 50 sont des signatures féminines (soit 18,58 % des 269 signatures).

Bien sûr, nous aujourd'hui nous apposons nos signatures sur toutes sortes de documents, et sans même y penser, puisque l’illettrisme est devenu relativement rare dans nos sociétés modernes (7 % de la population française en 2013 tout de même). Mais pour nos ancêtres, il en allait tout autrement.

C'est l’ordonnance de Fontainebleau, en 1554, puis l’ordonnance civile d’avril 1667, qui vont rendre obligatoire l’apposition d’une marque autographe du nom propre d’abord sur les actes notariés, puis sur les actes des registres paroissiaux. Dès lors, c’est une nouvelle conception de l’individu et de son identité qui s’affirme : la reconnaissance d’un être singulier, unique, parfaitement identifiable.

La plus ancienne signature date de 1605 : François Legarré, signe l’acte de naissance de sa fille. Il habite Clefs (Maine et Loire). Il n’y a pas de mention de métier : on ne sait pas quelle profession il exerçait.

Par ailleurs, mon plus lointain ancêtre éponyme, Antoine Astié, signe son acte de mariage à Conques (Aveyron, en 1671), comme évoqué lors du premier article de ce challenge : A comme Astié).

Ces signatures sont toujours agréables à découvrir car elles rendent moins impersonnels les actes d'état civils : on a alors l'impression de rencontrer "vraiment" nos ancêtres. De plus, cela montre, ou plutôt laisse deviner, leur degré d'instruction : sait écrire, ou pas, manie facilement la plume, ou pas.

Ainsi certaines signatures sont tremblotantes (Goret Pierre en 1704 ou Baud Jean Marie en 1813), et on devine que la plume n’est pas un objet usuel chez quelques uns de nos ancêtres.

Dibon Pierre, signe son acte de mariage à Villevêque (Maine et Loire) en 1659 : il écrit son nom en majuscule d’imprimerie et inverse le N (И) comme le font parfois les enfants qui apprennent tout juste à écrire. Apportons d'ailleurs ici une nuance : celui qui signe ne sait pas forcément lire et écrire : il peut avoir simplement appris à écrire son nom et le reproduire, sans plus (en particulier lorsque l'écriture est malhabile).

Les illettrés signent aussi ! Plus rarement, il est vrai. Dans ma généalogie, seuls les curés de La Coulonche et La Sauvagère (Basse Normandie) font en effet apposer une marque à ceux qui ne savent pas écrire. Le curé note alors, à côté d’une croix : « la marque deladitte anne guibé » (acte de mariage, 1768).

Certains ancêtres signent un acte (par exemple le mariage), mais pas les suivants (par exemple les naissances de ses enfants), sans que l'on puisse l'expliquer. De même, on pourrait penser que lorsque le père signe, ses enfants le feront aussi; ce qui n'est pas toujours le cas : ce n'est pas parce qu'il est sensibilisé lui-même à l'écriture et l'instruction qu'il voudra (ou pourra) transmettre cela à ses enfants.

On ne signe pas forcément son nom exact (sans même parler de l'orthographe des patronymes qui évoluent) : Borrat-Michaud Joseph signe ses actes « Michaud Joseph ». Chaillou Cécile, épouse de Puissant Noël, signe « Cécille Chaious femme Puissant ». 

Aucun de mes aïeux n'accompagne, ou ne remplace, sa signature d'un signe distinctif, comme on peut en voir parfois (clé, ciseaux, encre de marine... ).

La signature de Guespin René, en 1653, est la plus alambiquée et décorée de fioritures; mais il est sergent royal et il a, lui, l’habitude de l’écrit de part sa fonction (on le voit d’ailleurs témoin dans de nombreux actes au fil des registres).


lundi 16 juin 2014

#ChallengeAZ : N comme noyés et/ou morts

La cause de la mort n’est pas toujours mentionnée dans les actes de décès. Toutefois le rédacteur de l’acte lève le voile sur ces circonstances malheureuses... et parfois même cocasses (pour apprécier ces mentions, voir l'article paru en mai à ce sujet sur ce blog). 

Loire © V. Brosseau

Mais concentrons-nous aujourd’hui sur le cas particulier des noyés. Deux de mes ancêtres sont mort noyés :
  • Gibert Pierre André est décédé par noyade en 1834 à La Chapelle sur Crécy (77) : "il a été noyé dans le Morin par accident au pont de Coude et n'a été retiré qu'hier". A noter, l'acte de mariage de son fils donne comme date de décès le 11 décembre 1833, mais l'acte de décès est daté du 22 avril 1834 : a-t-il disparu en décembre et retrouvé seulement en avril (ce que sous-entendrait la mention « n’a été retiré qu’hier ») ?
  • Pochet Jean Denis est décédé par noyade en 1792 à Guérard (77). Le rédacteur de l'acte de décès précise qu'il est autorisé à donner une sépulture ecclésiastique à la dépouille retrouvée le lendemain de sa noyade.
La proximité des cours d'eau ont toujours été un facteur de risque (quoique les populations riveraines soient en général plus averties, et prudentes, que les autres sur ce point).

"Les malheurs qui arrivent en se baignant ne sont que trop fréquents, surtout dans les villes où la jeunesse trop hardie s'expose aux dangers les plus grands ( ... ). Plusieurs personnes se sont imaginé qu'on mourrait dans l'eau, par le trop de boisson qu'on avalait; mais ce sentiment est totalement détruit par l’expérience, qui prouve, qu'après avoir ouvert les noyés, on ne trouve point d'eau dans leur estomac. Ce n'est donc que la suppression totale de la respiration, jointe au froid subit et à la peur, qui est la cause de la mort prompte et inévitable de ceux qui se noient ( ... )." - d'où l'expression "mort de peur" sans doute.

Selon ce "Dictionnaire portatif de santé" ( * ), il fallait porter une attention particulière aux noyés et je ne résiste pas à vous donner quelques recettes qui y sont inscrites (pour des commodités de lecture, j'ai retranscrit ces passages avec une graphie moderne) - et quelques réflexions personnelles aussi :

"Aussitôt que l'on tire quelqu'un de l'eau, la première précaution qu'on doit prendre, c'est de le transporter sur le champ dans un lieu chaud, de l'étendre sur une couverture en double, - j'aime le luxe de détail dans ce genre d'ouvrage - de l'approcher du feu pourvu qu'il ne soit pas trop fort, de lui faire des frictions sur le corps avec des flanelles et des serviettes chaudes, de lui faire respirer de la fumée de tabac, - oh  oui ! méfiez-vous, je pense que la recette a changé aujourd'hui et que les fumigations de tabac ne sont plus le premier remède préconisé par la faculté - et de lui donner des lavements avec la décoctions de cette plante, de lui mettre également sous le nez de l'eau de Luce, de l'esprit volatil, de sel d'Angleterre ou de corne-de-cerf; de le placer ensuite dans un lit bien bassiné et d'y exciter par degrés une chaleur plus forte ( ... ).

Si le noyé donne quelques signes de vie, - s'il ne s'est pas étouffé dans le tabac et les sels - il faut augmenter les frictions ( ... ) et lui faire prendre ensuite un bon verre de vin avec de la cannelle et du sucre, en continuant toujours de le tenir chaudement.
- vin et tabac : voilà les recettes miracles pour rester en bonne santé !

Le lendemain, s'il survient de la fièvre, on pratiquera une saignée. ( ... )
Et voici une autre méthode que l'on peut mettre en usage, pour sauver les noyés : il faut faire également le transporter, le plutôt qu'on peut, dans un endroit chaud, et faire, dans la chambre, un lit de cendre de genêt ou de sarment, sur lequel on le couchera, en enveloppant totalement leur corps de cendre, par-dessus laquelle on mettra des fers chauds, pour tâcher d'échauffer la cendre; et on laissera le noyé, de cette façon, jusqu'à ce qu'il donne quelques signes de vie; après quoi on le traitera comme ci-dessus.
L'ouvrage n'indique pas quelles sont les vertus et le pouvoir de la cendre pour faire renaître à la vie les pseudo-noyés.

Au reste, on ne doit tenter ces remèdes, que lorsqu'on est sûr que les noyés n'ont pas resté longtemps dans l'eau : tel est l'espace, depuis cinq ou six minutes, jusqu'à un quart d'heure. Quand ils sont livides, qu'ils ont le ventre gonflé, il est à propos de ne tenter aucun remède, parce qu'il serait inutile : ( ... ) il est impossible de sauver les pauvres malheureux qui ont été noyés. 

La suite ne doit être lue que si vous avez le cœur bien accroché.
Il ne faut pas non plus précipiter l'enterrement des noyés; et on doit se conduire dans ce cas, comme nous avons conseillé de le faire dans les morts subites, c'est-à-dire qu'il est important d'attendre des marques de putréfactions, et, en attendant, garder le cadavre, et employer tous les moyens que nous venons d'indiquer, et ceux dont il a été fait mention à l'article "mort subite".

Pourquoi la putréfaction ? Reportons-nous audit article :
Mort subite : il n'y a rien de plus certain que la mort; mais les signes de la mort sont incertains. Il faut donc, quand un personne passe, en peu d'instants, de la vie à la mort, ( ... ) être sur ses gardes, et mettre en œuvre tous les moyens imaginables, pour savoir si elle est réellement morte, ( ... ); car quel reproche n'a-t-on pas à se faire, si on a laissé enterrer comme mort quelqu'un qu'on trouvera, par la suite, dans son cercueil, débarrassé de son suaire, et avec les marques qui démontrent qu'il a vécu dans son tombeau ?
- tu m'étonnes ! -

Il ne faut donc pas se hâter de quitter un malade ( ... ) à la première nouvelle qu'on donne de sa mort, et cela doit être surtout observé pour les personnes qui meurent en peu de moment, et sans cause manifeste. On doit, dans ces cas, faire venir le médecin, malgré le proverbe; - j'ignore de quel proverbe il s'agit : si quelqu'un le connaît, qu'il n'hésite pas à le laisser en commentaire - et alors il fera garder le malade dans le lit, le fera frotter, chauffer : on appliquera des linges chauds; on pourra lui irriter le nez avec un crin ou un chalumeau
- gloups ! -

Suivent plusieurs actions à entreprendre pour s'assurer du décès de la personne, dont la suivante : la fumée de tabac, introduite dans l'anus, a réveillé le mouvement des intestins, et la machine a été remise en action plusieurs fois par ce moyen; peut-être même pourrait-on insinuer l'air dans la poitrine, par d'autres moyens.
- oui, il faudrait peut-être y penser... -

Si le sujet reste tranquille à tous ces remèdes, qu'il ne donne aucune marque de sentiment, il ne faudra pas, pour cela, se hâter de l'enterrer; on pourra ensuite tenter l'application d'un fer chaud à la plante de pieds, ou sur la poitrine, vers la pointe du cœur ( ... ); et il ne sera enfin enterré que quand il donnera des marques de putréfaction, seul signe certain d'une mort certaine, signe qu'il faut attendre dans les morts subites, si l'on ne veut pas avoir à se reprocher d'avoir enterré vivantes des personnes qu'on croyait mortes."

Ce dictionnaire date de 1777. On ne regrettera jamais les progrès de la médecine, n'est-ce pas ?


( * ) Ce Dictionnaire portatif de la santé est consultable en ligne, sur le site de Gallica : si vous êtes malade, à lire ici (articles Mort subite p132/605 et Noyés p144/605).



samedi 14 juin 2014

#ChallengeAZ : M comme Mil cinq cent soixante dix

1570 est l’année de l’acte le plus ancien de ma généalogie retrouvé à ce jour.

Extrait de l'acte de naissance de Ryondel Jean (acte en latin), 
coll. communale Samoëns

C’est l’acte de naissance de Ryondel Jean, né à Samoëns (74).

1570 est situé dans ce que l'on appelle aujourd'hui l'époque moderne. Cette période de l'histoire s'étend de la fin du Moyen-Age à la Révolution Française (c'est-à-dire 1453 - fin de l'Empire byzantin avec la prise de Constantinople - ou 1492 - découverte de l'Amérique par Christophe Colomb - à 1789; les historiens n'étant pas tous d'accord sur les dates précises).

Si cette période s'inscrit dans la continuité du Moyen-Age, elle connaît néanmoins de profonds bouleversements, les progrès techniques marquant une rupture avec la période précédente. Les découvertes en matières d'armement (artillerie notamment) vont faire évoluer les guerres et les champs de bataille, l'invention de l'imprimerie permet la diffusion du savoir comme jamais auparavant, les famines sont en net recul grâce à la découverte et la diffusion de la pomme de terre venue d'Amérique, la vision du monde s'élargit avec la découverte de nouveaux territoires et continents, la société se transforme sous l'influence du protestantisme et de l'humanisme. Enfin on voit la montée d'une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie d'affaire.

Durant les trois siècles que dure cette période, on voit se succéder :
  • la Renaissance, courant artistique et intellectuel où les artistes ont introduit l'esthétique antique et où les humanistes se sont approprié le savoir antique déjà redécouvert au Moyen Âge. 
  • la Réforme protestante et la Contre-Réforme, dont les querelles religieuses vont aboutir aux guerres de religion.
  • l'émergence des Etats-nations, qui voient s'exacerber les rivalités nationales.
  • Les Lumières, dont les philosophes pointent les limites des monarchies absolues.

Jean Ryondel est né sous le règne du roi Charles IX, roi de France de 1560 à 1574 (branche des Valois). Sous son règne, le royaume est déchiré par les guerres de religion, malgré tous les efforts déployés par sa mère Catherine de Médicis pour les empêcher. Il déboucha sur le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572).
La colonisation américaine se poursuit, après sa récente découverte par Christophe Colomb (1492). Le protestantisme se développe, entraînant les guerres de religion.
La Renaissance, née en Italie, poursuit son développement.
En architecture, c'est l'époque des architectes Palladio (villa Rotonda), Pierre Lescot (aile du Louvre)...
C'est aussi celle du poète Pierre de Ronsard (1524/1585), des écrivains et dramaturges Montaigne (1533/1592), Cervantès (1547/1616), Shakespeare (1564/1615), des peintres Michel-Ange (1475/1564), Le Titien (1488/1576), du chirurgien Ambroise Paré (1509/1590)...

Autant de noms célèbres qui, aujourd'hui, nous évoquent (plus ou moins) quelque chose. Mais évidemment, pour Jean Ryondel cela devait être différent. Que savait-il de ces nouveaux courants artistiques, religieux et de pensée ? De ces bouleversements géographiques et techniques qui se faisaient sentir ? A-t-il même entendu prononcer ces noms immortels ? Impossible de le deviner, bien sûr.

Enfin, n'oublions pas que notre monde n'est pas celui de nos ancêtres. Ainsi Jean Ryondel n’était pas vraiment Français : Samoëns faisait alors partie du Duché de Savoie, qui ne sera réuni à la France qu’en 1860 (Traité de Turin).
Le 19 février 1416, l'empereur Sigismond Ier (empereur romain germanique) érige le comté de Savoie en duché de Savoie, lui offrant une autonomie politique sans précédent. Les ducs de Savoie vont ensuite devenir rois de Sicile, puis de Sardaigne au début du XVIIIe siècle. Les États de Savoie sont alors de plus en plus souvent appelés « États sardes » par les Français après 1718.
Les différents États, duchés ou royaumes d'Italie, n'ont été réunis qu'à partir de 1860. En 1860, la révolution italienne (Risorgimento) et les plébiscites pour l'unification en Italie fédèrent les différents États d'Italie et installent le roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II de Savoie sur le trône d'une monarchie constitutionnelle avec l'appui de l'empereur des Français Napoléon III.
Le 22 avril de la même année, lors de la ratification du Traité de Turin, à la suite d'un plébiscite (130 533 "Oui" / "Oui et zone" contre 235 "Non"), le duché de Savoie est cédé conditionnellement à la France, formant les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie.
Jean Ryondel naît donc sous le règne d’Emmanuel Philibert de Savoie, dit Tête de fer, époux de Marguerite de Valois (fille de François Ier).


vendredi 13 juin 2014

#Challenge AZ : L comme Liesse

Liesse, Fare, Macée pour les filles.
Premier, Catherin ou Mermet pour les garçons.
Les prénoms de nos ancêtres sont parfois originaux. 

Adélaïde, calligraphie personnelle

Je compte 516 prénoms différents dans ma généalogie, dont 213 ne sont portés que par un seul ancêtre.

Difficile de faire un choix, mais la palme revient sans doute à Helipx, prénom féminin rouergat, dont j’ignore même la prononciation ! On le trouve aussi sous la forme Hélix. Ce prénom aurait une origine liée au lierre grimpant dont le nom scientifique est Hedera helix. Pour d'autres, il viendrait du latin helix ou serait dérivé du grec ancien eilein et signifierait "qui tourne, s'enroule sur lui même, courbe, spirale". C'est pourquoi le mot désigne un genre d'escargot et une partie de l'oreille. A confirmer par un spécialiste.

Beaucoup  portent des prénoms de saints locaux (ce qui leur donne leur originalité lorsqu'on s'éloigne). J'ai déjà parlé de l'exemple de Fare (voir l'article K de ce challenge).

Le vocable de l'église influence aussi souvent le choix des prénoms : Les Symphorien et Symphorienne se trouvent présents en nombre à Bauné (49), dont l'église est dédiée au saint éponyme.

La période révolutionnaire a donné quelques créations intéressantes : Ildefonce (masculin), Euphénie ou Ismérie (féminins). 

Plus classiques, les prénoms qui reviennent les plus souvent sont Marie (939 porteuses dans ma généalogie), Jeanne (522) et Françoise (339) pour les filles ; Jean (609 porteurs), Pierre (554) et François (339) pour les garçons. A eux six, ils représentent 43,12 % du total des prénoms de mes aïeux.

Mes ancêtres ne dérogent pas aux habitudes anciennes concernant les prénoms; habitudes tombées en désuétudes qui nous paraissent aujourd'hui curieuses, sinon morbides :


  • Les prénoms qui se retrouvent de génération en génération : François, prénom donné à 5 générations de Roy. 
  • A Noël, on prénomme souvent son fils Noël : c’est le cas de deux enfants sur trois nés le 25 décembre. 
  • Si un fils naît le même jour que son père, on le prénomme de la même manière : Astié Daniel, né le 12 juin, prénomme son fils, né le 12 juin, Daniel. 
  • Lorsqu’un nouveau-né décède, on donne le même prénom au bébé suivant : le record est tenue par Paveau Jean qui nomme ses quatre fils Jean (les trois premiers étant décédés successivement en bas âge).
  • Quant à Germain François, sans doute en manque d’imagination, il nomme sa fille Françoise et ses 4 fils François ! 
Quant à mes parents, ils ont fait preuve d'originalité : je suis la seule Mélanie parmi les 7 656 ancêtres identifiés à ce jour.