« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 14 avril 2018

#Généathème : J'ai fait parler une carte postale

Élise a ses « invisibles », moi j’ai mes « fantômes ». Les invisibles, ce sont ces ancêtres dont on ne sait presque rien (une mention, un acte…). Les fantômes, c’est l’inverse : j’ai pour eux des photographies, des cartes postales et même des témoignages directes de personnes qui les ont connus et côtoyés. Mais je n’ai les ai jamais trouvés dans aucun document « officiel » (état civil, recensement, acte notarié…). Ils font partie du fameux « trou noir de la généalogie » : trop anciens pour s’en souvenir, trop récents pour que les documents les concernant soient librement communicables.

J’avais déjà eu l’occasion, l’année dernière, de raconter comment j’avais hérité d’un gros tas de cartes postales (182 exactement) écrites à mon arrière-grand-mère paternelle Marcelle Macréau, l’épouse de Jean-François Borrat-Michaud - que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Entre temps, j’ai aussi numérisé l’album de photographies reçu dans les mêmes conditions. Je profite donc de ce généathème « cartes postales » pour tenter de donner corps à mes fantômes, en espérant l’aide de l’album familial, et faire parler, non pas une, mais un tas de cartes postales...
Rappelons que le couple demeure après-guerre à Eaubonne (Val d’Oise). Lui est originaire de Samoëns (Haute-Savoie) et elle du Sud-Ouest de la Seine et Marne (nombreux déménagements entre Meaux et Coulommiers). Je ne sais pas quand et comment ils se sont rencontrés mais au moment de leur mariage en 1920 ils sont tous deux domiciliés à Eaubonne, dans la même rue, précisément au 29 et au 35.

En comparant les cartes postales et les photographies, je m’aperçois que des personnes figurent dans ces deux sources. Me voici donc partie à la chasse aux infos.

- la famille Greff :
Marie-Louise, la sœur de Jean-François, épouse Joseph Greff. Partie de Haute-Savoie comme son frère, elle demeure entre Paris et la Seine et Marne, mais elle revient ensuite à Samoëns, ce que je sais grâce à la correspondance des cartes postales de la fin des années 1960, le décès de son mari en 1972 et son domicile indiqué lors de son propre décès en 1976, bien que celui-ci ait lieu à Levallois-Perret (Hauts de Seine) sans que je ne sache pourquoi. Je lui ai trouvé une fille, Denise. Une homonyme de Denise Greff habite aujourd’hui Samoëns : je lui ai écrit pour savoir si elle était « ma »Denise, ou une de ses descendantes… Elle ne m’a jamais répondu.

Famille Greff, date inconnue © Coll. personnelle

J’ai 4 cartes postales signées d’une Denise, écrite dans les années 1960/1970, adressée à « ma chère tante » : je retrouve donc là sans doute Denise Greff.
Par ailleurs, il y a aussi dans l’histoire un Richard (évoqué par ma grand-mère, mais je ne l’ai pas trouvé). Or une autre carte est signée de la même Denise mais aussi de Richard : voici un fantôme qui prend corps, même si je ne peux pas encore le situer précisément dans l’arbre généalogique : Peut-être est-ce son époux (la carte est écrite en 1966, Denise est née en 1921) ou bien son fils ? (en 1964 elle écrit « Je rentre d’ici [Italie] par Samoëns et ramènerai Richard »). Je n’ai pas de photo de lui – ou bien il fait partie du tas de clichés dont les personnes ne sont pas identifiées. Mystère.

Enfin je dispose d’une dernière carte de la famille, signée « J. Greff » et, si je lis correctement, « Louise ». Il s’agit donc sans doute de Marie Louise. Mais eux ne font que signer la carte : son auteur est Huguette, nièce de Marcelle (comme l’indique l’en-tête « ma tante »). Or j’ai, dans l’album familial, la photo d’une petite fille légendée Huguette que je ne parvenais pas à rattacher à une famille précise. Si j’en crois cette carte, Huguette serait peut-être la fille de Marie-Louise et Joseph Greff ; mais je n’en ai aucune preuve. Encore un fantôme.

Huguette, date inconnue © Coll. personnelle

Signatures des cartes postales des Greff :

- la famille Davy :
Marcelle a plusieurs sœurs dont Germaine. Celle-ci a épousé Roger Davy, dont ils ont eu un fils, Jacky. La famille est très prolixe en écriture, du moins d’après les cartes dont j’ai hérité : 25 cartes ; soit 11 cartes de Germaine, 7 de Roger et 5 signées des deux. Deux autres cartes restent mystérieuses : l’une est signée de Roger et Valentine, l’autre Germaine et Bernadette… mais je ne sais pas qui sont Valentine et Bernadette !

Famille Davy, date inconnue © Coll. personnelle

La plupart des cartes étaient envoyées sous enveloppe car elles sont écrites sur absolument toute la surface et le texte se poursuit même parfois dans les (petites) marges, à la manière d’un escargot, ce qui fait qu’il faut tourner la carte pour poursuivre la lecture et que la signature se retrouve en général à l’envers par rapport au début du texte.
Plusieurs de ces cartes sont écrites de Hauteville-Lompnes (Ain), ce qui me fait dire qu’ils y ont sans doute déménagé, alors que je ne leur connaissais qu’une adresse jusqu’à présent : Mortcerf (Seine et Marne).
De nombreuses cartes sont envoyées par Roger seul dans les années 1970, car il semble être séparé momentanément de son épouse Germaine. La raison en est peut-être sa santé : il y parle en effet de maladie. Ces cartes sont écrites de Bretagne (de Plumelec, Morbihan) : est-il aller là-bas se faire soigner ? Ou bien y habite-il car sur certaines cartes il parle des légumes de son potager et des lapins qu’il élève (et qui feront de bons civets rapportés à Marcelle !). J’apprends aussi que Germaine lui rends des visites régulières, en particulier le week-end, puis repart « pour reprendre son travail » (j’ignore où, mais probablement à Paris, ou en région parisienne, plutôt que dans l’Ain car le voyage d’un week-end serait sans doute trop compliqué). Enfin, sur l’une des cartes, Roger dit s’apprêter à rejoindre Paris pour le « banquet des NMPP » (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, fondées en 1947 ; aujourd’hui nommées Presstalis, société chargée de distribuer la presse écrite. Roger y a-t-il travaillé ?). Germaine, de son côté, parle de vacances en Bretagne tandis que « Roger [y] reste encore ». Mystère.

Signatures de Germaine et Roger Davy :
- la famille Le Tourneau :
Paulette, autre sœur de Marcelle, a épousé Camille Le Tourneau. C’est la plus fantôme de mes fantômes car je n’ai même pas trouvé sa naissance. Mais outre ses cartes postales  (25 tout de même) et des photographies, son mari est le parrain de ma mère : difficile de nier son existence !
Une légende au dos d’une photo signale qu’elle est la sœur aînée de Marcelle. Or leurs parents se sont mariés en 1900, ont eu un fils en 1901 puis Marcelle en 1902 : j’avais donc écarté l’hypothèse que Paulette soit l’aînée : la légende tardive de la photo n’étant pas très fiable. Cependant, dans une de ses cartes Paulette appelle Marcelle « ma petite sœur » : est-ce un petit nom affectueux ou est-elle vraiment plus âgée ? Mais, contredisant cela, Paulette signe une autre carte « ta petite sœur » ! Le dépouillement (ou plutôt les dépouillements successifs) des registres d’état civil n’ont rien donné. Par ailleurs, elle n’apparaît jamais avec ses parents dans les listes de recensements.
Donc pour l’heure j’ignore donc toujours quand et où elle est née (sans doute en Seine et Marne car ses parents y ont toujours résidé mais ont déménagé dans plusieurs localités), ni quand et où elle s’est mariée. J’ignore d’où vient son époux. Je ne lui connais qu’un seul fils, Jean, sans savoir où ni quand il est né (ce qui ne signifie pas qu’il est fils unique puisque j’ignore à peu près tout de cette famille). Enfin, j’ignore résidences, lieux et décès à tous. De Camille, je n’ai même pas une photo. Par contre je connais le visage de Paulette (très jeune et très vieille) et de son fils Jean.

Marcelle et sa sœur Paulette, date inconnue © Coll. personnelle
(elles se ressemblent beaucoup, n'est-ce pas ?)

Dès 1963 certaines cartes sont signées Paulette Yvonnet. Beaucoup, ensuite, porteront cette double signature. Ce second patronyme m’intrigue. Il éveille quelques souvenirs dans la mémoire de ma mère, sans plus de précision : un remariage peut-être ? Mais l’une des cartes est clairement signée « Paulette et Yvonnet »,  une autre « grosse bise de nous deux, Paulette Yvonnet » et enfin une troisième « je prenais le train pour retrouver Yvonnet qui m’attendait tout heureux » : Yvonnet n’est donc pas un nom mais un prénom ; ce qui n’exclut pas l’hypothèse d’un second mariage.

Signatures de Paulette et Yvonnet :
En 1966 Paulette est en vacances à Cherbourg et annonce son prochain retour à Barneville (aujourd’hui Barneville-Carteret, situé à 37 km de distance). On retrouve cette localité citée sur plusieurs cartes : elle semble être un lieu de villégiature régulier. Ce n’est donc pas ici que je trouverais un indice sur son lieu d’habitation.
Quelques cartes sont adressées par Paulette depuis Plumelec, de chez Germaine et Roger.

Mise à jour, janvier 2019 :
J'ai enfin trouvé Paulette et Yvonnet, son second mari : je vous raconte toute l'aventure dans cet article "Comment trouver la tante Paulette ?"

La dernière sœur de Marcelle, Lucienne, n’a fait que signer une carte écrite par Paulette : aucune carte d’elle, ni de leurs trois frères, n’a été conservée.

Les cartes mentionnent ou sont signées par d’autres personnes qui semblent proches de la famille, comme Guy ou Alice, mais je ne peux replacer sur l’échiquier familial.
De même, dans l’album j’ai aussi des photos légendées Raymonde et Jeanne « cousines d’André » (mon grand-père) ; mais je ne sais pas à qui les rattacher…

Bref, même le rapprochement des cartes et des photographies n’a pas réussi à apporter toutes les réponses que je me posais. On peut même dire qu’il a soulevé un certain nombre de questions qui viennent épaissir le mystère. Les fantômes sont toujours là…


2 commentaires:

  1. Passionnant ☺️ beaucoup de questions qui amèneront beaucoup de réponses j'espère.
    Je ne sais pas pourquoi mai j'ai l'impression que beaucoup de déductions peuvent être faites.
    As-tu essayé de faire des lignes de vies que tu mets côte à côte sur un papier ? Je dis ça parce que cela m'a servi une fois.
    Et puis parfois tu ne peux simplement pas deviner. Quand tu as un prénom usité inconnu de l'état civil par exemple. Bien compliqué de faire le lien.
    Tiens nous au courant 😉😋

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    1. Hélas, cela fait longtemps que je suis ce dossier, avec de nombreuses techniques différentes, sans beaucoup de progrès. Si quelqu'un a des infos sur Paulette je suis preneuse !
      Bien sûr, si un jour je trouve sa piste, je ferais un nouveau billet ;-)
      Mélanie - Murmures d'ancêtres

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