« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 18 février 2022

#52Ancestors - 7 - Jean Claude Assumel Lurdin

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 7 : Cadastre


La famille agnatique de ma grand-mère paternelle est originaire des hauts plateaux de l’Ain. Ils se nomment Assumel Lurdin (ou Lourdin parfois, comme ici dans les matrices cadastrales). D’aussi loin que je remonte (c'est-à-dire au milieu du XVIIème siècle), ils ont toujours habité le hameau du Poizat, commune de Lalleyriat. Le Poizat est situé sur le Plateau de Retord au cœur du Haut-Bugey.

Au XIXème siècle le Bugey, assez peuplé, est plutôt pauvre. En dehors des plaines et des vallons, seules quelques enclaves fertiles au cœur de la montagne sont cultivées. Les Bugistes, sont régulièrement confrontés aux intempéries et aux disettes. Dans le Haut-Bugey, terres froides, les cultures de type alpin produisent des céréales dites « pauvres » : orge, seigle, avoine, méteil (seigle et froment mêlés semés et récoltés ensemble)… qui assurent à peine les besoins alimentaires. C’est là que l’élevage va s’intensifier avec la création des fromageries ou « fruitières » qui apporteront une source de revenus.*

C’est donc naturellement qu’on retrouve les Assumel Lurdin dans le hameau du Poizat lors de la création du cadastre dit « napoléonien » en 1827.

Jean Claude Assumel Lurdin (1758/1836) est journalier (en 1786, 1789) ou cultivateur (1801, 1836).

Au début du XIXème siècle, vaches et bœufs de race locale rustique « rudes à la tâche et se nourrissant de peu » sont utilisés pour le travail de la terre. Les chevaux, peu nombreux, fournissent force de traction et engrais. Le paysan veut avant tout du grain, à côté de l’huile et du chanvre qui constituent l’essentiel de sa production. Bovins, ovins et caprins sont élevés principalement pour produire le cuir, l’os, la corne, la laine... et accessoirement la viande et le fromage (le gruyère apparaît vers 1820).*

Jean Claude et sa femme ont eu sept enfants. L’ainé est probablement décédé en bas âge car je ne le retrouve pas ensuite. Il reste donc trois fils et trois filles.

Jean Claude possède  28 parcelles dans la commune : 2 jardins, 1 maison et cour, 1 pâture, 7 prés, 16 terres et 1 [terrain] vague en copropriété avec la veuve Beroud Maure Pierre; pour un total de 33,6 francs (n'oublions pas que le but du cadastre est d'être un document à vocation fiscale). Sa maison, située parcelle 1004, n'a qu'une porte et une fenêtre, elle est classée dans la 5ème catégorie (la dernière), 3ème du revenu non imposable (elle vaut 88 centimes).

 

Possessions Jean Claude Assumel Lurdin © AD01

 

Pourquoi Jean Claude possède une parcelle en copropriété avec « la veuve Beroud Maure Pierre » ? Je n’en sais rien. Cette veuve se nomme en fait Claudine Assumel. Son mari était Pierre Beroud Maure (ou Mouroz) décédé en 1790. Ils ne semblent pas apparentés à mon ancêtre.

Les parcelles possédées par Jean Claude sont disséminées dans la commune. La plupart sont de fines et longues lamelles. Et on comprend pourquoi quand on regarde les courbes de niveaux d’une carte topographique : le relief est très accidenté. Le village du Poizat est situé sur un replat à environ 850 m d’altitude, dominé par un massif montagneux culminant à plus de 1 100 m.


Carte topographique du Poizat


Aujourd’hui la maison de Jean Claude n’existe plus. Une nouvelle route, toute droite, a quelque peu modifié le paysage.


Le Poizat aujourd’hui – possessions de Jean Claude Assumel Lurdin

 

Le jardin de Jean Claude a laissé place à une maison et la maison de Jean Claude a laissé place à un jardin.


Emplacement de la maison de Jean Claude Assumel Lurdin


A l’arrière plan, le pignon de la maison construite sur la parcelle de jardin et au premier plan l’emplacement de la maison disparue de Jean Claude. Entre les deux, la nouvelle route.

Après la mort de Jean Claude, en 1836, c’est son fils Pierre qui hérite de la maison. Pierre est le fils aîné, si l’on considère que le premier-né Joseph est décédé en bas âge. Il est cultivateur, comme son père.

Pour l’anecdote Pierre aura une fille en 1833 prénommée Mélanie – l’une des trois collatérales de mon arbre portant ce prénom qui est le mien aujourd’hui (aucune ancêtre directe n'est prénommée comme moi).


Possessions de Pierre Assumel Lurdin © AD01


Simon, le deuxième fils, lui aussi cultivateur, reçoit plusieurs terres (pas de maison; il demeure dans un autre hameau, nommé Le Replat).

 

Possessions de Simon Assumel Lurdin © AD01

 

Le dernier fils, Louis Marie (de qui je descends) en reçoit d’autres. Il s’éloigne un peu de la tradition familiale puisqu’il est dit tailleur d’habit en 1838 et 1839. Puis il semble revenir dans la lignée de ses pères en étant qualifié de cultivateur (en 1842, 1844, 1866, 1870) et même propriétaire (en 1857 et 1859).


Possessions de Louis Marie Assumel Lurdin © AD01


Certaines de ces terres sont héritées à plusieurs. Ainsi les parcelles 375 et 376 (une terre et un pré) sont échues à la fois aux trois frères.

Plus tard, Louis Marie fera construire une maison sur la parcelle 1099 héritée de son père. C’est ce qu’indique le cadastre. Toutefois la parcelle 1099 est longue est fine, bien fine pour y construire une maison. Juste à côté néanmoins, il y a une maison, qui existe toujours aujourd’hui : est-ce la maison de Louis Marie ?


Détail parcelle 1099


Cette « maison 1099 » passera en héritage à son fils aîné Emile (frère de mon ancêtre François).

Quand à l’antique maison familiale, parcelle 1004, elle a en effet disparu comme on l’a vu plus haut : dans le folio de Pierre, il est noté qu’elle a été détruite lors d’un incendie en 1855. La partie « sol et cour » est transmise quelques années après sa mort, en 1867,  à son gendre Jean Antoine Jacquiot (le mari de Mélanie) puis finalement incluse dans la nouvelle voirie en 1870.

 

* patrimoines.ain.fr


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