« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 8 juillet 2022

#52Ancestors - 27 - Jehan des Pradels

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 27 : Collatéraux

 

Aujourd’hui il est question d’une bénédiction.

Extrait registre paroissiaux de Conques 1649 © AD12

Le 29 Juillet 1649 a esté bénite la grande cloche
du chappittre par moy Jehan pradelz prestre et recteur
de Conques avec permission de Mr de patris
vicaire general de monseigneur de Perefixe
evesque de Rodez

 

Posons un peu le cadre. Nous sommes en 1649, au milieu de l’époque moderne, sous le règne de Louis XIV. Récemment monté sur le trône, nous sommes encore sous la régence de sa mère Anne d’Autriche.

Conques se situe en Rouergue (actuel département de l’Aveyron). Développée autour de son abbatiale, la ville est une importante destination de pèlerinage. On y vénère les reliques de Sainte Foy. C’est aussi une étape majeure sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle.

La ville a été construite par les moines. Elle était cernée de remparts, percés de portes fortifiées et flanqués de tours. Compte tenu du relief accidenté, la ville était constituée d’un réseau de ruelles étroites. Le commerce s’est développé autour de la halle médiévale. Hors les murs de la ville, se déployait l'unique faubourg où se concentraient les activités artisanales (moulins, tanneries) et les échoppes (drapiers, tailleurs, cordonniers). La communauté d'habitants s'est développée peu à peu, rassemblant marchands et artisans. Au XIVème siècle, la ville comptait environ 3 000 habitants, ce qui en faisait l’une des principales villes du Rouergue. Les laïcs se sont affranchis lentement de l'autorité religieuse en élisant tous les ans quatre consuls pour les représenter.

L’abbatiale des XI et XIIème siècles est une église typique de pèlerinage. Elle est restée célèbre, notamment, pour son tympan sculpté représentant une parousie (l'histoire du Salut et le Jugement dernier), son trésor dont la pièce maîtresse est la statue reliquaire de Sainte Foy et, plus récemment, ses vitraux modernes de Pierre Soulage. L’abbaye est d’abord placée sous les ordres bénédictins, avant d’être placée sous la responsabilité des chanoines séculiers de Saint Augustin au XVIème siècle. La nouvelle communauté bénéficie de moyens substantiels. Elle constitue une clientèle de choix pour les marchands et artisans conquois. Beaucoup de ces chanoines, d'ailleurs, désertent le monastère pour s'installer dans de belles demeures dans la cité. La ville connaît alors une période de prospérité. Mais les troubles liés aux guerres de religion (incendie) sont suivi d’épidémies (peste), de mauvaises récoltes et de famines. Conques se releva très mal de cette succession de calamités. La Révolution qui impose la dissolution de la communauté religieuse et la fermeture du monastère, marque la fin de la prospérité de la ville.

 

En 1649, période qui nous intéresse, les chanoines sont installés dans l’abbatiale depuis près d’un siècle. L’incendie allumé par les protestants en 1568 est un lointain souvenir. Mais la période reste précaire, émaillée de vagues de peste, comme en 1628, et de mauvaises récoltes.

Jehan des Pradels est prêtre et recteur de Conques. Le recteur est un prêtre desservant une église ni paroissiale, ni capitulaire, ni conventuelle.

C’est aussi un collatéral de ma famille : il est le frère d’Antoinette des Pradels, ma sosa n°2073 (ancêtre à la XIIème génération). Je n’en sais pas beaucoup plus sur lui : les registres paroissiaux de Conques sont lacunaires avant 1646 et 1668 pour Saint-Marcel, la paroisse voisine d’où il est vraisemblablement originaire (je ne sais donc pas quand il est né). Il meurt en 1675. Il a une très jolie signature.

Signature Jehan des Pradels 1646 © AD12

Il a donc béni la grande cloche « du chapitre ». Ledit chapitre désigne la communauté des chanoines. La différence entre des moines et des chanoines est que les premiers vivent retirés du monde dans leur abbaye, les seconds restent en contact avec le monde.

Pour cette bénédiction il a eu l’autorisation du vicaire général, c'est-à-dire le collaborateur immédiat de l’évêque, auquel celui-ci peut déléguer certains pouvoirs. Le nom du vicaire général est François Pons de Patris. Chanoine sacristain de l’église cathédrale de Rodez, il fut aussi conseiller du roi et magistrat de la sénéchaussée de Rodez. Désigné vicaire général du diocèse, il administra le territoire pendant la longue absence de l’évêque de Péréfixe, chargé de l’éducation du roi Louis XIV. Il décède en 1659.

En effet, l’évêque Hardoin de Péréfixe de Beaumont (cité par Jehan des Pradels sous le nom de « monseigneur de Perefixe ») a été appelé à Paris en 1644 pour devenir précepteur de Louis XIV. Il sera nommé ensuite évêque de Rodez en 1648 puis archevêque de Paris en 1662. Il est connu pour son intransigeance (il fut ainsi l’auteur de l’interdiction du Tartuffe de Molière dès le lendemain de sa première représentation publique).

Un entrefilet dans les registre paroissiaux et c'est un voile qui se soulève sur un personnage de ma généalogie...



 

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