« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 29 juillet 2022

#52Ancestors - 30 - Noël et Nicolas Germain

Article disponible en podcast !


 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 30 : Des familles, des fratries vivant ensemble ? Des associations insolites dans votre généalogie ?

 

Je compte plusieurs associations familiales dans mon arbre. Je les connais grâce à l’acte fondateur, passé devant notaire. Elles sont appelées société de gains ou communautés. Elles sont toutes fondées par des paysans. Toute sauf une : celle de Noël et son fils Nicolas GERMAIN qui sont marchands. Installés à La Sauvagère (61), ils vivent au début du XVIIème siècle.

La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. Selon les cas, les parties y apportent de l’argent, des biens ou leur « industrie » (leur savoir-faire).

 

En 1643, Noël et son fils passent un accord de ce type devant notaire. « Quelque demeurance, frequentation & residence qu'ilz ayent faitte ensemble par le passé » ils décident désormais de s’associer « tenantz un seul feu, lieu et menage, boivant et mengeant ensemble ».

S’il n’y a pas de convention sur la durée de la société, elle est censée être contractée pour toute la vie des associés. Ici il est précisé qu’elle durera « tant qu'il plaira à Dieu les y maintenir ».

Noël et Nicolas attestent n’avoir acquis aucune autre société ou communauté de biens meubles en dehors de celle-ci.

Il est prévu que chacun d'eux jouira et disposera de ses biens, sans que l'un soit tenu de répondre des faits de l'autre ni de leurs « debtes, negosses et affaires ». C’est ici que l’on voit apparaître la nature de l’activité des Germain : ils font du négoce.

Pendant toute la durée de la communauté, Noël le père s’engage à ne « pretendre ny demander aucune chose, part ny portion aux biens meubles, mortz et vifz ». Les biens morts sont les biens qui ne peuvent se déplacer seuls (comme une table) ; les biens vifs, eux, se déplacent seuls (comme les animaux domestiques).

Sont également comprises dans l’accord les « espesses de marchandises apartenant audit Nicollas, de quelque qualité ou essence que ce soit, durant leur communauté en leur ditte maison ». Malheureusement le texte ne dit pas la nature des marchandises que vendent les Germain.

Ainsi que la « somme promise lors de son mariage et de son bon menage [par] ledit noel germain ».

En bref, le père ne pourra pas faire main basse sur l’apport du fils, meubles ou marchandises, ni sur sa dot.

Par contre, il est probable que chaque associé puisse se servir des choses appartenant à la société, pourvu qu’il les emploie à leur destination fixée par l’usage, car il n’y a pas de mention contraire dans le texte.

Noël reconnaît que son fils « a quitté la demeure et résidence qu’ils faisaient  personnellement luy et sa femme […] pour aller demeurer et resider aveq sondit père ».

On l’a vu, la société durera tant qu’il plaise à Dieu. Néanmoins, si l’un ou l’autre désire « dissoudre ladite communauté il pourra emporter ses meubles et marchandises » sans rien devoir à l’autre. Cette dissolution n’est possible que dans les sociétés illimitées dans le temps et à condition qu’elle ne porte pas tord à la société (en d’autres termes que l’associé qui souhaite la dissolution ne le fasse pas pour s’enrichir sur le dos des autres associés).

Il n’est rien stipulé concernant les épouses ou les héritiers des associés. Dans ce cas, ils ne sont pas considérés comme associés à part entière et n'auront droit qu’au partage de la société et de ses gains au moment du décès de l'un des associés. Pour faire partie intégrante de la société, ils devront passer un nouvel acte devant notaire.

Le notaire fait signer l’acte aux associés et à leurs témoins (bien sûr, l’acte se fait devant témoins). Comme le père et le fils ne savent pas signer, il leur fait mettre « leur marque ». Ce n’est pas n’importe quelle marque car elles sont uniques et propres à chaque individus (c’est d’ailleurs comme ça que je reconnaîtrais les Germain au fils des ans et des actes).

Marques de Noël et de Nicolas Germain, 1643 © AD61

On notera que l’on peut très bien être marchand sans savoir lire, compter suffit bien (ce n’est pas la première fois que je rencontre ce phénomène).

 

 

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