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- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre - Je compte plusieurs associations familiales dans mon arbre. Je
les connais grâce à l’acte fondateur, passé devant notaire. Elles sont appelées
société de gains ou communautés. Elles sont toutes fondées par des paysans.
Toute sauf une : celle de Noël et son fils Nicolas GERMAIN qui sont
marchands. Installés à La Sauvagère (61), ils vivent au début du XVIIème
siècle. La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs
personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de
partager le bénéfice qui pourra en résulter. Selon les cas, les parties y
apportent de l’argent, des biens ou leur « industrie » (leur
savoir-faire). En 1643, Noël et son fils passent un accord de ce type devant
notaire. « Quelque demeurance, frequentation & residence qu'ilz ayent
faitte ensemble par le passé » ils décident désormais de s’associer « tenantz
un seul feu, lieu et menage, boivant et mengeant ensemble ». S’il n’y a pas de convention sur la durée de la société, elle
est censée être contractée pour toute la vie des associés. Ici il est précisé qu’elle
durera « tant qu'il plaira à Dieu les y maintenir ». Noël et Nicolas attestent n’avoir acquis aucune autre société ou
communauté de biens meubles en dehors de celle-ci. Il est prévu que chacun d'eux jouira et disposera de ses
biens, sans que l'un soit tenu de répondre des faits de l'autre ni de leurs « debtes,
negosses et affaires ». C’est ici que l’on voit apparaître la nature de l’activité
des Germain : ils font du négoce. Pendant toute la durée de la communauté, Noël le père s’engage
à ne « pretendre ny demander aucune chose, part ny portion aux biens
meubles, mortz et vifz ». Les biens morts sont les biens qui ne peuvent se
déplacer seuls (comme une table) ; les biens vifs, eux, se déplacent seuls
(comme les animaux domestiques). Sont également comprises dans l’accord les « espesses
de marchandises apartenant audit Nicollas, de quelque qualité ou essence que ce
soit, durant leur communauté en leur ditte maison ». Malheureusement le
texte ne dit pas la nature des marchandises que vendent les Germain. Ainsi que la « somme promise lors de son mariage et de son
bon menage [par] ledit noel germain ». En bref, le père ne pourra pas faire main basse sur l’apport
du fils, meubles ou marchandises, ni sur sa dot. Par contre, il est probable que chaque associé puisse se
servir des choses appartenant à la société, pourvu qu’il les emploie à leur
destination fixée par l’usage, car il n’y a pas de mention contraire dans le texte. Noël reconnaît que son fils « a quitté la demeure et résidence
qu’ils faisaient personnellement luy et
sa femme […] pour aller demeurer et resider aveq sondit père ». On l’a vu, la société durera tant qu’il plaise à Dieu. Néanmoins,
si l’un ou l’autre désire « dissoudre ladite communauté il pourra emporter
ses meubles et marchandises » sans rien devoir à l’autre. Cette
dissolution n’est possible que dans les sociétés illimitées dans le temps et à
condition qu’elle ne porte pas tord à la société (en d’autres termes que l’associé
qui souhaite la dissolution ne le fasse pas pour s’enrichir sur le dos des
autres associés). Il n’est rien stipulé concernant les épouses ou les héritiers
des associés. Dans ce cas, ils ne sont pas considérés comme associés à part entière et n'auront droit qu’au partage de la société et de
ses gains au moment du décès de l'un des associés. Pour faire partie intégrante de la
société, ils devront passer un nouvel acte devant notaire. Le notaire fait signer l’acte aux associés et à leurs
témoins (bien sûr, l’acte se fait devant témoins). Comme le père et le fils ne
savent pas signer, il leur fait mettre « leur marque ». Ce n’est pas
n’importe quelle marque car elles sont uniques et propres à chaque individus (c’est
d’ailleurs comme ça que je reconnaîtrais les Germain au fils des ans et des
actes). On notera que l’on peut très bien être marchand sans savoir
lire, compter suffit bien (ce n’est pas la première fois que je rencontre ce phénomène).
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