« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 20 mai 2017

#RDVAncestral : de cordonnier en cordonnier

Je pousse la porte de la boutique située place commune au bourg de Samoëns. Une bonne odeur de cuir m’envahit. J’admire sur les étagères en bois qui couvrent la totalité des murs les paires de souliers bien alignés ; d’un côté ceux qui sont usés et viennent d’être apportés par les clients, de l’autre ceux qui ont déjà été réparés et attendent leurs propriétaires. Il y a bien là plus d’une quinzaine de paires de souliers neufs pour différents particuliers. Le silence règne.

Comme je suis un peu en avance, je m’enhardis derrière le comptoir en bois : les outils s’étalent, bien rangés : je les effleure à peine du bout des doigts. Deux paires de pinces de cordonnier, trois marteaux de cordonnier, les formes et petits outils nécessaires à un cordonnier, un grand poids de coupe, des fers et barres, quinquaille et clous. Plus loin encore une paire de pince et un marteau. Trois tranchants de cordonnier sont côte à côte : l’acier en a été affûté de multiple fois rendant les lames plus fines qu’une feuille de papier, mais encore parfaitement coupantes. Quant aux manches, ils ont été polis par l’utilisation de plusieurs générations. Sur l’un d’eux on distingue à peine une initiale très vieille, à moitié effacée, J.M. (Jean, le grand-père de mon hôte). Quarante formes de souliers attendent qu’on les manie avec respect et amour du métier. Et dans le coin, tout au bout, s’entassent les peaux : cent seize livres de cuir [il s'agit de livres de poids, et non de monnaie] ainsi qu’un cuir fort, sans doute réservé à l’usage de la fabrication des semelles.

Outils de cordonnerie © ac-franchise.com

J’entends des pas dans l’escalier : je me dépêche de repasser derrière le comptoir. Pierre Joseph paraît. Il m’accueille à bras ouvert.
« Allons ! Montons à la maison. Laissons mon frère Jean François s’occuper de la boutique : c’est moi qui lui ai appris le travail, selon les dernières volontés de notre père : il sait donc tout ce qu’il y a à savoir sur métier. Pas d’inquiétude à avoir ! »
Je le suis dans l’escalier, regardant prudemment où je pose les pieds sur ces marches anciennes. Nous nous arrêtons au premier étage, bien que l’escalier se poursuive vers le grenier. Nous entrons dans la pièce principale.

« Louise, viens voir qui est arrivée ! » Pierre Joseph quitte la pièce, traverse le couloir et rejoint son épouse à la cuisine. Une porte est entrouverte, donnant sur la chambre. J’y entrevoie le lit à la chartreuse, garnis de ses linceuls et couvertes, tour de lit de toile avec ses pendants de filet et laine, et différents autres meubles. Pendant que je suis seule, je vais observer cette chambre d’un peu plus près. Peu de meubles, essentiellement des coffres en bois sapin, mais bien garnis : je reconnais une douzaine et demi de chemise de femme de toile de ritte presque neuves, six tabliers d’indienne, et une douzaine d’autres tabliers de toile de ritte, une douzaine de mouchoirs tant de soie que de mousseline, trois douzaines de coiffes tant dans la toile fine que de ritte, trois habits neufs complets de droguet d’Angleterre, cinq corps bas de drap de couleur avec leur jupes à tiers usés, une paire de manche de ratine presque neuve. Dans un autre coffre c’est un habit de serge, des chemises d’homme, trois habits de couleur, deux neufs et l'autre à moitié usé, plus les habits quotidiens et menus linges. Dans un dernier coffre, orné d’une belle serrure, enfin, ce sont les draps, les serviettes, les nappes, dont une de toile rayée rouge.

Je reviens discrètement dans la grande salle avant le retour de mes hôtes. Par la fenêtre, j’aperçois le petit jardin à l’arrière de la maison. Dans un coin de la salle il y a un tour à filer. J’admire la vaisselle d’étain exposée sur un vaisselier : pot, plats, assiette, cuillère, fourchette.
« Oh ! Ça c’est la belle vaisselle, me dit Pierre Joseph en revenant, mais d’habitude nous utilisons plutôt quelques écuelles et assiettes de terre de peu de valeur. Ces pièces là me viennent de mon père et mon grand-père avant lui. C’est comme les outils en bas, dans la boutique : tout ça j’en ai hérité d’eux. »

Louise nous rejoint par intermittence, partageant son temps entre la cuisine et nos bavardages tranquilles, assis autour de la table en sapin. Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’elle porte une croix d’or et une bague d’or à pierres fines. Je vois bien que Pierre Joseph a réussi. Reprenant le métier de son père et de son grand-père, héritant de la boutique, la maison, le savoir-faire. Sans compter les terres, le grangeage situé à Vallon qu’il doit faire fructifier autant que le commerce en ville.

Mais le temps passe et il faut déjà repartir. Je vais dire au revoir à Louise qui est de nouveau repartie à la cuisine. Elle règne au milieu des chaudrons, bassin d’eau, pots à feu de gueuse, chaudières de cuivre, poêlon et poêle à frire.

Traversant la boutique pour sortir, je profite une dernière fois de la bonne odeur du cuir avant de déboucher sur la place, dans le soir qui tombe.


Rencontre avec Pierre Joseph Moccand, cordonnier à Samoëns (Haute-Savoie), dans les années 1760, comme son père et son grand-père avant lui.
Tous les éléments cités proviennent des contrats de mariage, testaments et inventaires après décès que trois générations de cordonniers Moccand ont fait rédiger.





samedi 13 mai 2017

#Généathème : ils avaient un métier

Je compte 13 notaires parmi mes ancêtres. Ils sont tous situés en Haute-Savoie, sauf un qui est à Laguiole (Aveyron). En général ils sont notaires de père en fils, épousent (parfois) des filles de notaires (exemple : mariage Baud/Grorod)  et quand l’héritière est une fille, elle se marie avec un notaire (exemple : les Baud/Tavernier) !
Je les connais grâce aux actes d’état civil, quand leur profession y est signalée, ou par d’autres sources, plus ou moins directes, comme l’état des âmes de Morzine (le but de ce type de document était d’établir la liste de toutes les personnes -les âmes- qui dépendaient spirituellement du curé : il importait donc de procéder à la reconstitution des familles de la paroisse) ou la notice généalogique de John Baud (document réalisé par un descendant Baud au XXème, contenant divers citations d’actes, sceaux et arbres généalogiques des familles Baud et alliées). [*]

Rappelons que le notaire est un officier public chargé de rédiger ou de recevoir les actes et contrats auxquels les personnes doivent ou veulent faire donner un caractère d'authenticité, et particulièrement tous actes relatifs à la vente d'un immeuble, au règlement d'une succession. Contrairement à une idée reçue, nos ancêtres allaient très souvent chez le notaire, pour officialiser une quittance, un achat de terre, une vente, et bien sûr les contrats de mariage ou testaments qui étaient autrefois très courants.

On distingue différents types de notaires :
  • le notaire « simple ».
  • le notaire ducal.
  • le notaire royal.
  • le notaire collégié : notaire qui a fait ses études dans un collège de droit, probablement religieux, mais qui n’est point ecclésiastique ni astreint à l'habit ecclésiastique.
  • le notaire curial : clerc de justice qui possède une place prédominante, à l’échelon supérieur du notariat. Il « assiste le châtelain dans l’exercice de toutes ses fonctions dès qu’il peut y avoir lieu à la rédaction d’un procès verbal car c’est lui qui le rédigera et la signera. » (d’après  G. Pérouse via La Salévienne, revue d'histoire locale du Bas-Genevois, Gallica). Il joue le rôle de greffier de notre justice actuelle. Par conséquent deux missions complémentaires lui incombent : l’archivage des minutes et la délivrance d’expédition (c'est-à-dire les copies d’actes).

Ces notaires tiennent une place privilégiée dans leur communauté. On le voit car, en plus d’être lettrés, ils occupent souvent d’autres fonctions :
- BAUD Estienne (sosa n°6520), décédé avant 1617, Notaire ducal
Selon l'état des âmes de Morzine il était notaire ducal mais aussi greffier d'Aulps (Saint Jean d’Aulps) en 1604 et procureur du prince Henri 1er de Savoie, Duc de Nemours, Chartres et Genevois (1595-1632). Il a rempli d'importantes missions en Valais (1615).
Le prince Henri 1er de Savoie a hérité à la mort de son frère Charles-Emmanuel de Savoie-Nemours des duchés de Genève et de Nemours. Les titres de comte de Genève a été porté par les seigneurs ayant l'autorité sur le comté et sa ville principale, Genève. Il est ensuite entré dans les possessions de la maison de Savoie.
Le greffier est un fonctionnaire qui dirige les services du greffe et qui assiste le juge dans l'exercice de ses fonctions. Le rôle de procureur est celui d’un mandataire, fondé de pouvoir, doté d'un pouvoir de procuration pour agir au nom d'une autre personne ou d'une société. Le fait qu’Etienne Baud ait travaillé pour une maison aussi prestigieuse donne une idée de son statut.

- BAUD Jacques,  (sosa n°12928), milieu du XVIème siècle,  Notaire
"Une des familles les plus importantes de Morzine, tant par sa situation prépondérante aux XVI-XVIIème siècles que par sa nombreuse descendance actuelle, est celle des Baud de la Plagne (sans rapport, à priori avec le précédent).
Jacques Baud, notaire, fut chargé en 1548, par les Valaisans qui occupaient le pays, de délimiter la montagne de Nion avec les communiers de Samoëns.
Celui-ci eut deux fils, tous deux notaires : l'un, maître Garin, alla s'établir dans le pays de Gavot ; le second, maître Jean (mon ancêtre), qui prit l'étude de son père, à Morzine.
Maître Jacques Baud apparaît comme le plus important de l'histoire de la vallée. Il joua un grand rôle au temps où notre région faisait partie de la République du Valais." 
[Source : notice généalogique de John Baud] 
John Baud signale même que, parmi les différentes familles Baud, certaines possédaient leurs propres armoiries.  

- GROROD Pierre (sosa n°6522), décédé avant 1641, Notaire ducal, x PLAGNAT Claudine
Reçu confrère du Saint Sacrement en 1637 [selon la notice généalogique de John Baud].
La confrérie du très saint Sacrement est fort ancienne puisqu'il en est déjà fait mention dans la première visite de l’Église faite par monseigneur Jean François de Sales le 25 août 1624. La Confrérie est une association de laïcs fondée sur des principes religieux dans un but charitable ou de piété. Concernant celle du Saint Sacrement de Morzine, plusieurs confrères récitaient l’office les 3e dimanche de chaque mois, et les principales fêtes de l’année, assistaient aux processions et aux sépultures de leurs confrères. [**]

- TAVERNIER Jehan (sosa n°51728), fin du XVème siècle, Notaire ducal x (Personne inconnue) 
 En 1499, Me Jehan Tavernier était notaire ducal et syndic de la communauté de St Jean d'Aulps - le syndic étant la personne chargée de gérer les affaires, les intérêts communs d'une collectivité.
[notice généalogique de John Baud]


- VULLIEZ Garin François (sosa n°1612), °1657  †1728,  Notaire royal, Procureur d'office, Notaire ducal x BARDY Françoise Louise,  (1613), °~1667   †1714 
Dit "procureur d'office de la vallée d'aux [= d'Aulps]" et "notaire ducal" en 1697 et 1702.
Le procureur d'office est un officier nommé par le seigneur, chargé de conduire un justiciable devant la cours de justice seigneuriale (ministère public). Il pouvait et devait le faire s'il estimait défendre l'intérêt général, ou celui du seigneur. Par opposition, un simple procureur ne pouvait agir en justice qu'au nom d'un plaignant en qualité de représentant mandaté (avocat ou avoué).

- VULLIEZ Jean Pierre (sosa n°806), °~1690 †1745,  Notaire royal, x PERRIERE Peronne
Dans l'acte de décès de son épouse il est dit "Maître, châtelain de St Jean d'Aulps".

Ils portaient différents titres complémentaires :
  • noble (BAUD Estienne) : Noble souvent sans juridiction, parfois même sans fief. 
  • spectable (BAUD Estienne) : Titre donné aux docteurs en droit ou en médecine, dans le duché de Savoie (XVIII-XIX siècles).
  • « Maistre » (BAUD Charles Melchior, GROROD Pierre), « magister » (VULLIEZ Jean Pierre: Titre donné aux hommes de loi (procureurs, praticien, huissier...)
  • honorable (VULLIEZ Claude) : Titre que l'on donne à ceux qui n'en ont point d'autres, et qui n'ont ni charge ni seigneurie qui leur donne une distinction particulière, mais qui bénéficient d'une certaine aisance (donc élevés dans l'échelle sociale).
  • égrège (VULLIEZ Garin François) : Titre donné aux personnes exerçant des professions du droit telles que les notaires, surtout employé en Savoie du nord, presque jamais au sud, plus ou moins synonymes de sieur ou honorable (disparaît en principe à la fin du XVIIe). 

Ils possédaient :
  • des sceaux (les TAVERNIER). Le sceau est un cachet où sont gravés en creux des signes propres à une autorité souveraine, à un corps constitué ou à un simple particulier, et qu'on applique sur une matière molle, cire ou plomb, afin que l'empreinte en relief ainsi réalisée atteste l'authenticité, l'autorité, la validité des documents sur lesquels il est apposé, ou les close afin d'en tenir caché le contenu.
Sceau des Tavernier , reproduit sur l’État des âmes de Morzine

  • un seing manuel  (BAUD Jacques). Le seing manuel est une marque professionnelle apposée par les notaires aux fins de conférer l'authentique aux actes reçus par eux.

Seing manuel de Jacques Baud, reproduit sur l’État des âmes de Morzine

  • un cachet (GROROD Pierre). Cachet : Petit objet de métal ou de pierre fine, souvent monté sur un anneau ou un manche, gravé en creux ou en relief d'initiales, d'emblèmes ou d'armes, que l'on imprime sur de la cire (ou autre matière malléable) pour fermer une lettre ou servir de marque distinctive.

Cachet de Pierre Grorod, reproduit sur l’État des âmes de Morzine

Je n’ai retrouvé que 3 de ces notaires en activité (et leurs signatures au bas des actes), les autres étant trop anciens (en tout cas pour les documents en ligne).

Signature Garin François Vulliez , 1699 © AD74

Signature Jean Pierre  Vulliez , 1732 © AD74

Signature Brunel Antoine, 1666 © AD12


Notaires de mon arbre :

1. Branche 1
BAUD Amédé, Notaire x (Personne inconnue)
BAUD Estienne, Notaire ducal x DUBOIN Claudine, 
BAUD Charles Melchior, Notaire ducal x GROROD Claudine Françoise, 
BAUD Jean, Notaire x GARIN Jeanne Humberte

2. Branche 2
BAUD Jacques, Notaire x (Personne inconnue)
BAUD Jean, Notaire, Notaire ducal

3. Branche 3
BRUNEL Antoine, Notaire, Notaire royal x DE CHAUNET Jeanne

4. Branche 4
GROROD Pierre, Notaire ducal, Notaire curial x PLAGNAT Claudine

5. Branche 5
TAVERNIER Jehan, Notaire x (Personne inconnue)
TAVERNIER Antoine, x (Personne inconnue)
TAVERNIER Nicod, Notaire

6. Branche 6
VULLIEZ Claude, Notaire royal x TAVERNIER Noella
VULLIEZ Garin François, Notaire royal, Notaire ducal x BARDY Françoise
VULLIEZ Jean Pierre, Notaire royal x PERRIERE Peronne



[*] Ces deux documents ont été mis en ligne sur Geneanet par « fouderg ».
[**] Chronique de Morzine, Jean Christophe Richard,  citant les notes de l'abbé Grillet retrouvées à la cure de Morzine 


samedi 6 mai 2017

C'est ma cousine

En navigant sur Geneanet, j’ai trouvé un certain nombre d’arbres (ou de branches) qui correspondait à mes propres ancêtres [*]. On peut considérer que 90 ou 95% peut-être des déposants sont les descendants des personnes citées (le pourcentage restant concernant ceux qui dépouillent systématiquement leur village par exemple). Donc, tous ces descendants et moi-même entretenons un lien particulier : quelque part, à une époque donnée, nous avons eu un, ou des, ancêtres communs.
Logiquement, cela signifie que nous sommes de la même famille. 

Chanson Bonjour ma cousine © mespetitsbonheurs.com

Mais qu’est-ce que cela veut dire à ce niveau ? Quand l’ancêtre commun date du XVII ou XVIIIème siècle, que dix ou douze générations nous séparent ? Est-ce que cela a encore vraiment un sens ? Avec une grande majorité de ces déposants je n’ai pas eu de relation. Avec quelques uns, mes demandes de contact sont restées lettres mortes. Avec d’autres, je corresponds régulièrement, par différents biais.

Une seule d’entre elle, je crois, je tiens un blog de généalogie : c’est Françoise, alias Feuilles d’ardoise [**]. Ce qui me permet d’avoir de ses nouvelles régulièrement, et accessoirement, de nos ancêtres communs car il arrive couramment qu’elle fasse des articles sur eux. En effet, nous partageons 65 couples en commun : parfois il s’agit d’une seule paire de mariés, d’autres fois nous faisons un petit bout de chemin ensemble et nous nous suivons sur plusieurs générations. Pour moi, ce sont des ancêtres qui se situent plus ou moins autour de la Xème génération ; ce qui, vous en conviendrez, fait un peu ancien tout de même. Mais finalement, et irrémédiablement, nos arbres se séparent dans la seconde moitié du XVIIIème.

Techniquement ce n’est pas ma « cousine » (fille de mes oncles/tantes), ni ma « cousine issue de germain » - ou « remuée de germain », expression synonyme - (fille de mes cousins germains). Je l’appelle amicalement ma « multiple cousine », du fait de nos nombreux ancêtres communs, mais il n’y a pas, je crois, de mot officiel pour décrire notre degré de relation familial. D’ailleurs je ne la connais pas vraiment : hormis quelques détails qu’elle a laissé échapper sur les réseaux sociaux, je ne sais rien de sa vie privée. Elle n’en connait sans doute pas davantage sur moi d’ailleurs. Mais le hasard a fait qu’elle a pris un pseudo, « Feuilles d’ardoise », moi qui suis née à Trélazé, capitale des ardoisières d’Anjou… Hasard ou coïncidence ? Un point commun de plus en tout cas. Pourtant, malgré ces maigres informations dont je dispose, je la connais finalement mieux que certains de mes « véritables » cousins (ceux issus de germains, en particulier, qui sont pourtant plus proches « techniquement »). Paradoxe de la vie.

Françoise n’est pas un cas unique : grâce aux arbres en ligne j’en ai repéré plusieurs, de ces « multiples cousin(e)s ». Notamment une en Haute-Savoie qui la « bat » d’un cheveu avec 66 couples en commun et un en Anjou qui la laisse sur place avec 80 couples en commun. La palme revient à Bernadette, la cousine de mon père (la vraie : la « germaine » !) qui, elle, tient le record de la plus proche parente en ligne et du plus grand nombre d'ancêtres communs - logique - 165 couples ! Et même s’ils sont plus ou moins éloignés, j’ai toujours plaisir à lire les commentaires de M@g ou les mails de Jean-Pierre, comme lorsqu’on rentre chez soi après un long voyage et qu’on retrouve son univers familier. C’est normal, docteur ?

Et puis il y a tous les autres : ceux que je n’ai pas encore localisés et que je ne connaitrai jamais peut-être.

Est-ce que ce rapport particulier d’avoir un ancêtre commun qui nous lie fait de nous une famille ? Est-ce qu’il y a une différence avec mon boucher ou ma fleuriste ? (qui sont peut-être aussi de ma famille, sans que je ne le sache encore d’ailleurs…). Ou ces liens sont-ils une simple vue de l’esprit ? Est-ce qu’il y a un moment, officiel, où l’on décrète qu’on n’est plus de la même famille car trop de temps nous sépare ?
Et finalement, est-ce que ça a une importance ? Est-ce qu’on ne peut pas « choisir » sa famille ?


[*] Que les déposants soient d’ailleurs chaleureusement remerciés puisqu’ils m’ont permis de progresser dans mes recherches… enfin, pas tous, mais ça c’est une autre histoire (je ne remercie pas les « fantaisistes » qui y mettent n’importe quoi !).
[**] Mise à jour janvier 2018 : depuis j'en ai découvert d'autres, comme Raymond du blog L'arbre de nos ancêtres.