Blog généalogique, souvenirs d'aïeux de Conques (Rouergue) à Samoëns (Haute-Savoie), en passant par l'Anjou, la Bretagne, l'Ain, la Suisse . . .
« Un soir, sur un chemin familier qui
m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette
terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent,
rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure.
J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous
sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et
dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles,
autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur
accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité,
n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce
murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie
de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »
Pour sa première affectation, en 1915, Jean-François est envoyé au 23ème Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA). Il y restera jusqu’en septembre 1916 (20 mois), puis passera au 51ème jusqu’en juillet 1918 (21 mois) et enfin un court passage au 54èmejusqu’en septembre 1918 (2 mois). Il terminera la guerre dans un Régiment d’Artillerie Lourde, le 84ème (3 mois) ; première affectation hors du corps des Alpins.
Lors de leur création (cf. lettre A comme Alpins), les douze premiers bataillons alpins, issus des bataillons de chasseurs à pied, sont rattachés aux deux corps d'armée (chacun étant une grande unité militaire constituée de plusieurs divisions) qui défendent les Alpes, basés dans différentes garnisons :
Ils constituent les bataillons d’armée active. Mais il existe aussi des bataillons de réserve et des territoriaux :
Les bataillons de réserve sont constitués d'hommes âgés de 23 à35 ans. Le numéro du bataillon de réserve est obtenu en ajoutant le nombre 40 au numéro du bataillon d'active correspondant ; par exemple : le 46e BCA est le bataillon de réserve du 6e BCA. Ils sont donc 12, comme ceux d’active.
À ces bataillons s'ajoutent les bataillons de chasseurs alpins de l'armée territoriale (BCAT ) constitués d'hommes âgés de 35 à 45 ans. Il s'agit de sept bataillons, numérotés de 1 à 7.
En 1914, on compte désormais 31 bataillons d’active, chacun composé en général de 6 compagnies et d’une section de mitrailleuses, soit environ 1 700 hommes.
9 bataillons furent créés pendant la Grande Guerre, en complément de ceux déjà existants : les 32e, 102e, 106e, 107e, 114e, 115e, 116e, 120e et 121e.
Les bataillons sont divisés en compagnies, elles-mêmes subdivisées en 4 sections, chacune commandée par un capitaine et comptant 210 chasseurs, ainsi que le clairon, infirmier, sous-officiers, etc…. Les sections se décomposent en 4 escouades, commandées par un lieutenant, soit environ 65 soldats au total.
Chaque bataillon a un refrain qui lui est propre. En effet, à l'heure des combats d'infanterie sans moyen de transmission, le clairon sonnait son refrain au cor. Grâce à cela, les généraux supervisant les combats connaissaient la position de leurs troupes. La tradition veut que chaque numéro de jour corresponde à un refrain chasseur. C'est pour cette raison qu'il y a 31 refrains pour les 31 premiers bataillons. Par exemple, le refrain du 23ème est « V'la le vingt-troisième, nom de Dieu, ça va barder ! ».
Originaire de Haute-Savoie, Jean-François est presque naturellement affecté à un corps d’Alpins. On les appelle Bataillon de Chasseurs Alpins ou Bataillon de Chasseurs à Pied.
Les Chasseurs Alpins sont des soldats spécialisés dans le combat en milieu montagneux. Cette unité a été créée en 1888.
Dans les années 1830 une troupe d’élite à vocation temporaire est créée pour tester une nouvelle arme, la carabine Delvigne-Pontcharra : on la nommera bataillon provisoire de Chasseurs à pied. Mais, remplissant plusieurs missions avec succès (notamment la bataille de Sidi Brahim en 1845), on la fit perdurer plutôt que de la dissoudre. Le premier bataillon de Chasseurs à pied était né. Les Alpins constituent la plus ancienne subdivision de l’infanterie, après les régiments de ligne.
Parallèlement, à la fin des années 1850, les royaumes indépendants d’Italie (pas encore réunifiés) sont une menace à la frontière française. D’autant plus que les Italiens se sont dotés d’une troupe spécialisée dans le combat en milieux montagnard. Les Français se doivent de pouvoir répondre à une de leurs attaques : ils créent donc une troupe de montagne en 1888. 12 des 31 bataillons de Chasseurs à pied sont choisis pour assurer cette mission (en 1916 ils prennent l’appellation de bataillons de Chasseurs Alpins).
En général, ces bataillons agissent en tirailleurs à l’avant de l’infanterie. Profitant de leur expérience en milieu accidenté, ils se postent à couvert et peuvent viser l’ennemi, contrairement à l’infanterie de ligne qui attaque de matière compacte, en formation serrée.
Selon la tradition, au tout début, les chasseurs étaient les seuls soldats de l'armée française auxquels on demandait de savoir lire et écrire. On disait d’eux qu’ils étaient les meilleurs tireurs et les meilleurs sportifs.
1915 sera l’année la plus difficile pour les Alpins : regroupés au sein d’une « Armée des Vosges », ils mènent des attaques aussi héroïques que meurtrières sur les sommets vosgiens. Par exemple, le Braunkopf saigna le 11ème BCA, tandis que le Lingekopf sera le sinistre « Tombeau des Chasseurs » du 22ème BCA. Au total le conflit a fait plus de 80 000 morts dans leurs rangs.
Mais leur bravoure leur vaut le surnom de « Diables noirs » donné par les Allemands. Du côté français, on les surnomme plutôt les « Diables bleus » en raison de la couleur de leur uniforme.
La protestation des Chasseurs est le chant de base des Chasseurs à pied :
I.
Nous sommes trente mille braves,
Au képi sombre, au manteau bleu,
Et nous voyons même les Zouaves
Derrière nous courir au feu.
Vous qui voulez qu’on nous supprime,
Qu’avez-vous à nous reprocher ?
En guerre, en paix, notre seul crime
C’est d’avoir su trop bien marcher.
Ne touchez pas au Corps d’Elite,
Chasseurs, Chasseurs, pressons le pas,
Qu’on nous fasse marcher plus vite,
Mais qu’on ne nous supprime pas.
REFRAIN
Encore un carreau d’ cassé...
V’là l’ vitrier qui passe,
Encore un carreau d’ cassé
V’là l’ vitrier passé...
II.
Essayez de nous suivre au pas,
Voyez un peu notre démarche,
C’est notre Bataillon qui marche.
Allons, ne vous essoufflez pas ;
C’est le clairon qui nous entraîne,
Notre clairon, c’est notre amour.
Fi du Biffin qui lent se traîne,
Trébuchant derrière un tambour.
Place aux Chasseurs, la route est large,
La route qui mène au combat,
Vous les verrez pousser la charge,
Si vous ne les supprimez pas.
REFRAIN
III.
Visez-vous à l’économie
Des cinq milliards qu’on dût verser ?
Nous vous offrons tous notre vie
Pour vous les faire rembourser !
Si vous tenez au drap garance,
Qui coûte autant sans valoir mieux,
Notre sang versé pour la France
Rougira nos pantalons bleus.
A nous les coups de main dans l’ombre
Qu’il faut exécuter tout bas,
Notre tenue n’est pas trop sombre
Pour qu’on ne la supprime pas.
REFRAIN
IV.
Vous avez vu nos frères d’armes
Tomber au loin pour leur pays ;
Vous leur avez donné vos larmes,
Épargnez donc leurs vieux débris.
Serez-vous plus durs que la guerre ?
Ne voulez-vous pas ménager,
Aux Chasseurs dormant sous la pierre,
Quelques Chasseurs pour les venger ?
Que le canon Krupp nous décime,
Il a sur nous droit de trépas ;
Et, s’il le peut, qu’il nous supprime,
Mais vous, ne nous supprimez pas.
REFRAIN
V.
(Strophe d’après la Grande Guerre)
Vous avez vu la Grande Guerre
Faire de nous des Diables Bleus.
Ce nom, ceux qui le lui donnèrent,
Allez, s’y connaissaient un peu...
Sur tous les fronts, Verdun, la Somme,
Plus de cent fois renouvelés,
Nos Bataillons, comme un seul homme,
Devant la Mort se sont dressés...
Chez nous pas de paroles vaines,
Les Chasseurs de Driant sont là,
Qu’à leurs tombeaux on nous enchaîne,
Mais qu’on ne nous supprime pas...
REFRAIN
(Les strophes en italique ne sont pas chantées dans cet extrait).
Le refrain s’expliquerait par le fait que les « vitriers » dont il est question est le surnom donné aux chasseurs en raison du sac à dos en toile cirée qui brillait au soleil les faisant ressembler de loin à des vitriers.
Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.
Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.
Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___
1er octobre
Un nouveau docteur rejoint notre groupe pour remplacer l’ancien rappelé à l’intérieur. Le tube 476 de la 1ère batterie est échangé contre le tube 774.
2 octobre
Ordre du colonel : la colonne lourde fera manœuvre à 18h et la colonne légère à 5h pour Outrepont (région de Vitry le François).
Carte Rarecourt-Outrepont
3 octobre
Arrivée de la colonne lourde à 4h et de la colonne légère à 10h à Outrepont où nous cantonnons.
4 octobre
Les camarades me racontent les progrès fait par le régiment d’artillerie lourde depuis le début de la guerre : parti dès le premier jour de la mobilisation, il a constitué une arme nouvelle qui a réussi à participer à tous les grands combats sur les fronts de France, d’Italie ou d’Orient.
5 octobre
Se déplaçant fréquemment le RAL a été appelé là où les bombardements faisaient rage, là où il y avait besoin de la puissance et de la portée de ses canons et de la vaillance de ses soldats.
L’intelligence de tous, officiers et hommes de troupe, ont permis de perfectionner matériel méthodes. A tel point que le commandement décida la création d’unités analogues.
7 octobre
Si le RAL a subi de lourdes pertes, il a aussi mérité les honneurs, s’illustrant dans les grandes batailles de la guerre : Meuse, Yser, Champagne, Argonne, Verdun, Montdidier, etc…
8 octobre
Le RAL a aussi été récompensé par de nombreuses citations, palmes et étoiles. Sa fourragère verte et rouge restera, nous l’espérons, dans l’histoire comme le symbole du courage et de la vaillance du régiment.
9 octobre
L’ennemi est maintenant hors de portée. Le régiment est alors mis à la disposition de la Ière Armée dans la région de Saint-Quentin : nous reprenons la route.
10 octobre
Le Groupe envoie au PRA un avant train de la 1ère batterie l’affût 102 et la glissière 101 de la 2ème batterie qui vont être échangé contre un nouvel avant train l’affût 351 et la glissière 45.
11 octobre
Tout le régiment fait mouvement pour Sézanne. Nous cantonnons à Barbonne.
Carte Outrepont-Barbonne
12 octobre
Étape de Barbonne à Trocy où nous cantonnons.
13 octobre
Étape de Trocy à Tarlefesse où nous cantonnons 48h. Une reconnaissance est ordonnée pour le lendemain afin de déterminer les positions des batteries entre la côte 87 et la route de Marcy à Bernot.
Carte Barbonne-Bernot
14 octobre
Le chef d’escadron effectue sa reconnaissance avec les commandants de batteries.
15 octobre
A 5h30 départ d’une section par batterie pour les positions situées en bordure de la route de Regny à Seboncourt à 1 500 m au SE de Fontaine Notre Dame où s’installe le PC du chef d’escadron.
16 octobre
Le chef d’escadron prend pour trois jours, en l’absence du colonel, le commandement des groupes de G.P.F. du régiment.
17 octobre
Le groupe participe à une opération déclenchée à 5h30. 158 tirs sont exécutés.
Le groupe est chargé par le colonel d’assurer la liaison entre la 33ème DI et le régiment. Tirs exécutés par la 1ère batterie : 105 coups ; par la 2ème batterie : 60 coups.
20 octobre
Tirs exécutés : 120 coups.
21 octobre
Certains disent que c’est l’ultime bataille de la guerre. Pourvu que cela soit vrai !
22 octobre
Tirs exécutés : 62 coups.
23 octobre
Un de nos lieutenants est affecté à la mission française auprès de l’armée américaine. Tirs exécutés de nuit : 40 coups.
24 octobre
Évacuation du sous-lieutenant Monnet. Tirs exécutés : 65 coups et 10 de nuit.
25 octobre
Tirs exécutés : 373 coups.
26 octobre
Le groupe participe aux opérations de franchissement de l’Oise à 5h45 pour la 33ème DI et à 9h pour la 56ème DI. Tirs exécutés : 390 coups pour la 1ère batterie, 409 pour la 2ème batterie.
27 octobre
Reconnaissance des positions de batterie dans la région de Noyales. Tirs exécutés : 209 coups.
Dans la matinée mise hors batterie ; les pièces sont conduites aux nouvelles positions au sud (1ère batterie) et au Nord (2ème batterie) de Noyales. Trois pièces seulement par batterie, les quatrièmes restent à l’échelon. Le PC est installé à Noyales, l’échelon se transporte à Regny. Le tube 520 de la 2ème batterie est échangé contre le tube 759.
29 octobre
Le capitaine Daubon prend le commandement du groupe en l’absence du chef d’escadron parti en permission.
30 octobre
Le groupe participeà l’attaque menée par le 31ème CA dont la mission d’ensemble comporte le franchissement de l’Oise en aval et au SE de Guise. Tirs exécutés : 177 coups.