« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mercredi 8 novembre 2023

G comme Griffe

Les signatures sont nombreuses sur les registres de Conques. La noblesse, les gens du droit et les clercs signent bien sûr, mais aussi :

- des  maçons, charpentiers, menuisiers, sabotiers

Signature Pierre Doumergue, garçon charpentier, 1789 © AD12


- des vignerons, fermiers, cultivateurs

- des brigadiers, employés

- des chapeliers, tailleurs, 

- des aubergistes, marchands

- des domestiques

- des sages femmes

Signature Magdalene Vernhes, 1787 © AD12


Des signatures qui nous tiennent à cœur : celles de nos ancêtres.

Signature François Rols, sosa 136, 1787 © AD12


Signature Pierre Jean Martin, sosa 138, 1787 © AD12


Signature Antoine Mas, sosa 132, 1780 © AD12

Un autre type de signatures émouvantes : celle où l’on devine une écriture laborieuse.


Signature Joseph Carles, vigneron, 1781 © AD12


Signature Jean Fabre, employé, 1780 (signe Faure) © AD12

 

Les femmes sont beaucoup moins nombreuses à signer.

Signature Elisabeth Ytié, 1781 © AD12

 

Les mariages contiennent parfois plusieurs signatures :


Mariage Antoine Lagarrigue et Marianne Cussac, 1781 © AD12
Signatures  du marié, cordonnier ; François Rols mon sosa 136, propriétaire ; Jean Antoine Raynal, aubergiste ; Jean Benoit, le vicaire de Conques ; et d’autres témoins non listés : Pradels, Raynal, Anterrieux.

 

C’est en particulier le cas lorsqu’un avocat en parlement, fils d’un autre avocat en parlement, épouse une fille d’avocat et notaire royal, la bénédiction étant donnée par un doyen du chapitre de Conques, en présence d’un autre avocat en parlement, d’un conseiller du roi, d’un juge, et d’un notaire.



Mariage de Joachim d’Albusquier et Françoise Garrigue, 1782 © AD12

 
"L'an mil sept cent quatre vingt deux et le seizième jour du mois d'octobre après la publication d'un banc de mariage entre Mr Antoine Joachim d'Albusquier avocat en parlement habitant de la ville d'Entraygues fils légitime à feu Mr Henri Antoine d'Albusquier aussi avocat au parlement de ladite ville d'Entraygues et à dame Elizabeth de Julien mariés de ladite ville d'une part, et demoiselle Françoise Garrigue fille légitime à feu Mr Jean Baptiste Garrigue, avocat et notaire royal, et à demoiselle Marie Girou, mariés du lieu de Bournazel, ladite demoiselle Garrigue résidant actuellement en la présente ville, ladite publication ayant été faite tant au prône de notre messe de paroisse qu'à celle d'Entraygues comme il conste par le certificat de Mr le prieur en date du 14 octobre Palangié prieur curé d'Entraygues signé, et à celle de Bournazel comme il conste aussi par le certificat de Mr le curé dudit lieu daté aussi du 14 dudit mois Moysset curé signé, et les parties ayant obtenu la dispense de deux bancs en date du 15 octobre 1782 Frijol vicaire général signé, contresigné par le secrétaire de l'évêché signé Dajol, dûment insinué le jour et en que la date de la dispense sans qu'il soit venu à notre connaissance aucun empêchement civil ni canonique non plus qu'à celle de Monsieur le prieur d'Entraygues et de Mr le curé de Bournazel comme il conste par leur certificat ci-dessus mentionnés ; la bénédiction nuptiale leur a été donnée par Mr Jeanne Marie Joseph Louis Philippe Nicolas de Thurine prévôt du chapitre de Conques délégué par nous curés dudit Conques tant de notre chef que du chef de Mr le prieur d'Entraygues et de Mr le curé de Bournazel, en présence de nous susdit curé de Conques, de Mr Me Antoine Flaugergues avocat en parlement curateur de ladite demoiselle Garrigue, de messire François […] de Baldit conseiller du roi et son assesseur civil et criminel au sénéchal et présidial de Rodez, de Mr Joseph Adrien Ferrières juge de Conques, de Jean Benazech notaire, et de Mr Joseph Flaugergues avocat en parlement soussigné avec l'époux et l'épouse"

 

 

 

 

mardi 7 novembre 2023

F comme Feu

Les vicaires et curés de Conques sont assez avares en mentions complémentaires au décès.

 

HFE Philippoteaux, Enterrement en Bretagne © Louvre


Sépulture Pierre Astié, 1786 © AD12

"Pierre Astié veuf de Catherine Soutouly âgé d’environ 90 ans est décédé le jour d’hier, a été inhumé ce 12 mai 1786…"

Bon, en fait mon sosa 256 avait 85 ans, mais peu importe...

 

"Le 13 de novembre mourut et le 14 fut ensevelie Jeanne Bousquet épouse de Rols de Conques âgée d’environ 68 ans…"

Le prénom de mon sosa 272 n’est même pas mentionné dans l'acte de décès de son épouse en 1781, tout aussi lapidaire.

 

De même, les lieux de décès, sont très rarement mentionnés.

Si on a de la chance, le village est nommé.

 

"Jean Clerc […] mourut au village de la Crousette présente paroisse"

 

Il y a à Conques en ces temps de misère, comme on le verra plus tard, de nombreux enfants exposés. Mais ces enfants sont tous élevés à l’hospice. Je n’en ai trouvé qu’un seul décédé en dehors : a-t-il été mis en nourrice ? Est-ce que ses parents seraient revenus le chercher, de manière officieuse puisqu’il n’a pas été reconnu ? Quoi qu’il en soit, cela ne lui a guère porté chance : il est décédé à l’âge de 5 mois.

 

Sépulture Jacques, 1788 © AD12

"L'an 1788 et le 13ème juillet est décédé Jacques, fils à père et mère inconnus, au village de Lapade paroisse de Montignac âgé d'environ cinq mois, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse en présence de Jacques Alran et de Joseph Delannes qui n'a su signer"

 

"François Contour du village del Cade paroisse de St Cyprien âgé d'environ soixante trois ans décédé le jour d'hier dans la maison de Bernard Rouannes charpentier le vingt neuf mars mil sept cent quatre vingt cinq, a été inhumé ce jourd'huy trente mars, présents Antoine Puech gendre du défunt, Jacques Alran soussigné"

 

Je n’ai pas retrouvé l’histoire de ces personnes : qui était Bernard Rouannes par rapport à François Contour ? Pourquoi était-il chez lui ? Mystère.

 

Petits ou grands, si les paroissiens ne sont pas décédés chez eux, ils sont décédés à l’hôpital.

 

"Marie Ourgouilloux… âgée d’environ 66 ans décédée le jour d'hier à l'hôpital de Conques…"

"… a été inhumé Jacques Carles … décédé de la veille à l’hôpital de cette ville…"

 

Sépulture Jeanne Labro, 1781 © AD12
 

"… est décédée à l’hôpital de Conques Jeanne Marty fille légitime à Pierre Marty et à Anne Labro… âgée d’environ 2 ans…"

 

Je compte 67 mentionnés morts à l’hôpital, soit 19% des décès sur la décennie.

 

 

lundi 6 novembre 2023

E comme Edit d'Henri II

Le roi Henri II institue, par un édit de février 1556, la déclaration de grossesse obligatoire. Ce premier édit est reconduit sous Henri III (en 1585) puis confirmé par une déclaration de Louis XIV (26 février 1708). La réglementation restera en vigueur jusque dans les années 1830. 

 

La déclaration vise à lutter contre les avortements et les infanticides et à réduire les cas d’abandon d’enfants.

La déclaration de grossesse est donc l’acte par lequel les femmes célibataires ou veuves font savoir à l’autorité judiciaire – le greffe de la haute justice seigneuriale ou celui de la prévôté royale – qu’elles sont enceintes. Le défaut de déclaration peut entraîner la peine de mort.

Cet édit doit être lu tous les trois mois par le prêtre, dans chaque paroisse de France, aux prônes des messes paroissiales.

 

Les curés de Conque se sont non seulement acquittés de cette obligation, mais en ont consciencieusement rédigé la preuve, tous les ans, dans les registres paroissiaux (sauf 1780 et 1781).

 

Certificat signé Verdier, 1783 © AD12

"Nous soussigné curé de la ville de Conques certifions que nous avons publié cette année au prône de notre messe de paroisse l'édit d'Henri Second concernant les femmes et filles qui cachent leurs grossesses comme il est ord porté par les édits et ordonnances. à Conques ce 2 janvier 1783. Verdier curé"


"J'ai l'honneur d'assurer de notre respect monsieur le juge mage de Villefranche de lui certifier que je lui fais passer un double des registres de ma paroisse et que j'ai publié l'édit d'Henri deux concernant les filles et femmes qui cachent leurs grossesses pendant tous les trois mois ainsi qu'il nous est prescrit par les ordonnances royaux [sic] à Conques ce 1er de l'an 1788. Aymé curé de Conques"

 

Certificat Aymé, 1790 © AD12

"J'ai l'honneur de certifier a messieurs les juges du district d'Aubin que je publie pendant le cours de l'année l'édit d'Henri deux concernant les femmes enceinte qui recèlent leur grossesse et leur part et que je leur ai fait remettre ledit registre de 1790. A Conques ce 2 de l'an 1791. Aymé curé"

 

Dans la décennie précédente, l’édit n’est signalé qu’à la fin de l’année 1775 seulement.

 

Pour les curieux, voici le texte complet de l'édit :


Édit d'Henri II, 1556 © Gallica

"Édit du roi Henri II contre les femmes qui scellent leur grossesse donnée à Paris au mois de février 1556

Henri, par la grâce de Dieu, roi de France ; à tous présents et à venir, salut. Comme nos prédécesseurs et progéniteurs très chrétiens rois de France ayant par actes vertueux et catholiques, chacun a son endroit, montré par leur très louables effets, qu’à droit et bonne raison ledit nom de très chrétien, comme à eux propre et péculier, leur en avoit été attribué : en quoi les voulant imiter et suivre, et ayant par plusieurs bons et salutaires exemples témoigné la dévotion qu’avons à conserver et gardé ce temps céleste et excellent titre, duquel les principaux effets sont de faire initier les créatures que Dieu envoie sur terre en notre Royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance aux sacrements par lui ordonnés : et quand il lui plaît les rappeler à soi, leur procurer curieusement les autres sacrements pour ce institués, avec les derniers honneurs de sépulture. En étant dûment averti d’un crime très énorme et exécrable, fréquent en notre Royaume qui est que plusieurs femmes ayant conçu enfants par moyens déshonnêtes ou autrement, persuadées par mauvais vouloir et conseil, déguise, occulte et cachent leurs grossesses sans en rien découvrir et déclarer. Et advenant le temps de leur part et délivrance de leur fruit, occultement s’en délivre ; puis le suffoquent, meurtrissent et autrement suppriment, sans leur avoir fait impartir le saint sacrement de baptême. Ce fait les jette en lieux secrets et immondes, ou enfouissent en terre profane, les privant par tel moyen de la sépulture coutumière des chrétiens. De quoi étant prévenues et accusées par devant nos juges, s’excusent, disant avoir eu honte de déclarer leur vice, et que leurs enfants sont sortis de leur ventre morts et sans aucune apparence ou espérance de vie : tellement que par faute d’autre preuve, les gens tenant tant nos cours de Parlement, qu’autres nos juges, voulant procéder au jugement des procès criminels faits à l’encontre de telles femmes sont tombés et entrés en diverses opinions : les uns concluant au supplice de mort, les autres à question extraordinaire, afin de savoir et entendre par leur bouche, si à la vérité le fruit issu de leur ventre était mort ou vif. Après laquelle question endurée, pour n’avoir aucune chose voulue confesser, leurs sont les prisons le plus souvent ouvertes, qui a été et cause de les faire retomber, récidiver et commettre tels et semblables délits, à notre très grand regret et scandale de nos sujets. A quoi pour l’avenir nous avons bien voulu pourvoir.

Savoir faisons, que nous désirant extirper et du tout faire cesser lesdits exécrables et énormes crimes, vices, iniquités et délits qui se commettent en notredit Royaume et ôtez les occasions et racines d’iceux dorénavant commettre, avons (pour ce obvier) dit, statué et ordonné ; et par édit perpétuel, loi générale et irrévocable, de notre propre mouvement pleine puissance et autorité royale, disons, flattons, voulons, ordonnons et nous plaît, que toute femme qui se trouvera dûment atteinte et convaincue d’avoir scellé, couvert et occulté tant sa grossesse, que son enfantement, sans avoir déclaré l’un ou l’autre, et avoir prit de l’un ou l’autre témoignage suffisant même de la vie ou mort de son enfant lors de l’issue de son ventre et après se trouve l’enfant avoir été privé, tant du saint sacrement de baptême, que sépulture publique et accoutumée, sont telles femme tenue et réputée d’avoir homicidé son enfant. Et pour réparation, punie de mort et dernier supplice, et de telle rigueur que la qualité particulière du cas le méritera : afin que ce soit exemple à tous, et que si après n’y soit fait aucune doute ni difficulté.

Si donnons en mandement par ces présentes à nos âmes et féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, prévôt de Paris, baillifs, sénéchaux et autres nos officiers et justiciers, ou à leurs lieutenants, et à chacun d’eux, que cette présente ordonnance, édit, loi et statut, il fasse, chacun en droit soi, lire, publier et registrer ; et incontinent après la réception d’icelui, publier à son de trompe et cri public par les carrefours et lieux publics ; à faire cris et proclamation, tant de notre ville de Paris, que autre lieu de notre Royaume et aussi par les officiers des seigneurs aux justiciers en leurs seigneuries et justices, en manière que chacun n’en puisse prétendre cause d’ignorance, et ce de trois mois en trois mois. En outre, qu’il soit lu et publié aux prônes des messes paroissiales desdites villes, pays, terres et seigneuries de notre obéissance par les curés ou vicaires d’icelles, et icelui édit garde et observe, et fasse garder et observer de point en point selon sa forme et teneur, sans y contrevenir. Et pour ce que de cesdites présentes l’on pourra avoir affaire en plusieurs lieux, nous voulons que aux vidimus d’icelles fait sous sceau Royal, foi soit ajoutée comme au présent original : auquel en témoin de ce, afin que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre sceau.

Donné à Paris, au mois de février, l’an de grâce mil cinq cent cinquante six ; et de notre règne le dixième. Ainsi signé sur le repli, par le roi en son conseil, Clause."