« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mercredi 27 novembre 2019

#ChallengeAZ : W comme waouh la jolie vaisselle

Dans l’inventaire de Jean Avalon, on trouve un certain nombre de pièces de vaisselle. Là aussi elles illustrent le paradoxe de cet homme, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler. 

Ainsi on recense de la vaisselle destinée à des personnes plutôt aisées :
- 2 aiguières en étain
- 14 assiettes dont 4 en étain
- 14 écuelles, dont 12 en étain
- 6 gobelets en étain
- des plats et pots en étain
- 1 étui de noix de muscade
- 1 salière
- 1 petit mortier à piler le sel et autres

Mais on compte aussi :
- 1 vieille bouteille
- 1 courge à tenir le vin
- 1 cuillère de fer
- 3 fourchettes de fer
- un vieux poêlon en fer et trois autres petits aussi en fer, usés
- 1 petite pelle en fer pour la poêle 
- des pots en fer
- 2 seaux de bois cerclés de fer
- 1 méchant et vieux soufflet pour le feu  
- 1 grande pierre à tenir l'huile (jarre ?)

L’éclairage était assez succinct : une vieille lanterne en fer blanc, deux lampes, un chandelier en fer blanc et deux autres en laiton et, plus curieusement, une "petite lampe d’église".

W. Willem Claesz Heda, Nature morte (détail) © hiveminer.com

La vaisselle d’étain est caractéristique des tables bourgeoise du XVIIème siècle. Or Jean possède presque le service complet. Évidemment on n’a pas de détail : ces pièces étaient-elles sculptées par exemple ou toutes simples ? Par contre, elle ne semble pas être en mauvais état, ou cabossées, parce qu’on ne trouve pas la précision usées ou vieillies pour les décrire (comme c'est le cas pour ne nombreuses autres objets de la maison).
La salière était souvent un objet ostentatoire, même si dans le cas présent on ne peut pas l’affirmer par manque de description de l’objet.
Par contre l’étui de noix de muscade est beaucoup plus rare : en effet les épices restent longtemps un produit de luxe et le fait que Jean en possède un « étui » peut laisser supposer qu’il en consomme régulièrement. Était-ce pour lui-même ou pour assaisonner les produits de boucherie ? L’histoire ne le dit pas.

Mais par ailleurs cela ne l’empêche pas d’avoir de la vaisselle en fer (moins chic) et surtout des pièces dites méchantes, usées ou vieilles.



mardi 26 novembre 2019

#ChallengeAZ : V comme vétilleux

Jean Avalon était vétilleux. C'est-à-dire minutieux ascendant procédurier si vous préférez. 

Car s’il n’hésitait pas à faire crédit à ses clients (cf. lettre B), le crédit n’est pas illimité. Ainsi, en 1694, il intente un procès aux héritiers d’un de ses débiteurs à présent décédé, à qui il a prêté « argent, viande de boucherie denrées, pain, vin et autres choses baillés en diverses fois [en 1692 et 1693] pour subvenir aux grandes et urgentes nécessités de la famille a cause du rigoureux temps ». Rappelons que cette époque est le temps des grands froids, des hivers rigoureux et des famines qui s’en suivent. Mais un sou est un sou : et hop, un procès !

Dans son inventaire il se trouve deux « liasses de procès » montrant que Jean a intenté des actions en justice à l’encontre des membres de la bonne société de sa ville d’Entraygues (un avocat par exemple). Il n’y a malheureusement aucun détail sur ces documents : ni date, ni cause, ni somme en jeu (si tel était le cas). On sait seulement que la première liasse contenait 8 pièces, la seconde 19.

Justice © freepik.com

On dénombre également une dizaine d’appointements de condamnation* en faveur de Jean, ou de son épouse, contre diverses personnes de la ville, dont des membres plus ou moins éloignés de sa famille (ou de la mienne !). Pour certaines les procédures sont faites contre les héritiers, les créanciers d’origine étant décédés sans avoir acquitté leurs dettes. Je n’ai hélas pas de détails sur ces affaires : elles sont simplement recensées comme les autres documents conservés par Jean.  Il faudrait que je déménage à Rodez pour aller explorer les séries judiciaires (séries B pour l’Ancien Régime, L pour la Révolution et U pour par la période post-révolutionnaire) afin d’en savoir davantage. Par contre les montants sont généralement indiqués : cela va de 4 livres, pour la plus petite somme due, à un ensemble de pièces qui s’élève à 599 livres à devoir « en argent ou blé ».

Cependant Jean pouvait aussi être visiblement très oublieux de la loi car parmi ses 400 actes, un document le met en cause, lui : c’est la protestation** en 1679. Le consul de la ville proteste contre le non paiement de la taille par Jean Avalon (épisode que j'ai raconté dans l'article A vendre !).

Procédurier comme il l’était, les archives judiciaires ont peut-être gardé d’autres affaires le condamnant lui… mais qui n’apparaissent pas dans son inventaire (et on peut le comprendre). Alors, voyons-nous un seul côté de la médaille ou Jean était-il simplement désireux de récupérer ce qui lui était dû, quitte à en passer par la justice s’il le fallait (ce qui peut être légitime) ?


* Appointement : Jugement qui met fin à un procès.
** Protestation : Déclaration formelle, juridique (devant notaire par exemple), par laquelle on s'élève contre quelque chose qu'on refuse d'accepter.


lundi 25 novembre 2019

#ChallengeAZ : U comme unique

Certains actes sont uniques… par :
  •  le type : on a vu hier à la lettre T que 64 actes sur les 400 trouvés n’apparaissent qu’une seule fois. Cela va d’une rétrocession à un cadastre ou une protestation à « un gros paquet ou liasse de papiers inutiles » (sic).
  • le plus long : celui qui bat tous les records c’est l’inventaire après décès : 64 pages, battant de loin le partage des biens (« seulement » 29 pages) et je ne parle même pas du testament (3 pages).
  • le plus court ne fait qu’une seule page : c’est l’affermage par Pierre Mommaton « d’une sienne boutique située dans la place publique » à Jean Avalon en 1678 pour une durée de deux ans et un montant de quatre livres.
  • le mois : juin 1694, Jean Avalon va huit fois chez le notaire (deux fois le dimanche 6 juin, une le 9, une le 10, une le 15, une le 21 et à nouveau 2 fois le dimanche 27).
  • la comtesse : Blanche de Castrevielhe, épouse De Montvallat, comtesse d’Entraygues et d’autres lieux signe un acte pour mon boucher (elle en signe plusieurs en fait, mais comme c’est la comtesse, elle est unique).
  • la ruche : la signature la plus joliment tournée, avec ruche à la clé, est celle de Me Carrie.
Signature de Me Carrie, obligation de Jean Avalon, 1694 © AD12
  • le fantôme : Jean Avalon, concerné par tant d’actes, est le fantôme de cette sélection car il ne sait pas signer. Jamais je ne le vois…

Enfin, Jean Avalon lui-même est unique ! car compter 400 actes à son actif c’est unique (en tout cas en ce qui me concerne). Unique est ce nombre de transcriptions que j’ai fait pour lui. Mais multiple est le nombre de tableaux que j’ai dû réaliser pour m’y retrouver (classement par dates, par notaires, par types d’actes, par ceux trouvés, ceux qui ne sont pas en ligne, etc…) !