Mon arrière-grand-mère maternelle Flora Roy est née en 1900 tout rond, à Saint-Amand-sur-Sèvre (79). Son histoire est presque un roman et mériterait un article à part entière. Aujourd'hui néanmoins je vais me concentrer sur un document qui m'est parvenu : son brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
BCEP, coll. personnelle
Aux termes de l'article Ier de
 la loi du 16 juin 1881, nul ne peut, en France, exercer les fonctions 
d'instituteur ou d'institutrice, dans une 
école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour 
l'enseignement primaire. 
Il existe deux brevets de capacité pour l'enseignement primaire : le brevet élémentaire et le brevet supérieur. Le premier se passait à 16 ans, le second à 18.
Le premier est le seul titre requis pour enseigner dans un établissement quelconque d'enseignement primaire public ou privé. 
Le
 second confère aux maîtres et maîtresses qui en sont pourvus certains 
privilèges, tels que 
la nomination aux fonctions d'adjoint ou d'adjointe dans les écoles 
primaire, etc...
Les intitulés concernant cet examen sont si savoureux, que je ne résiste pas à vous les livrer [et à les commenter . . . ].
L'examen comprend trois séries d'épreuves :
Epreuves de la première série. —  
1°
 Une dictée d'orthographe d'une page environ, choisie dans nos meilleurs
 auteurs. [J'adore cette expression]
Des
 questions (cinq au maximum) relatives à l'intelligence du texte 
(définition du sens d'un mot, d'une expression ou d'une phrase ; analyse
 d'un mot ou d'une proposition). Il est accordé une demi-heure aux 
candidats pour revoir la dictée et pour répondre par écrit aux questions
 posées. 
Chacune des deux parties de l'épreuve est cotée de 0 à 10 ; 
2°
 Un exercice de composition française (lettre ou récit d'un genre très 
simple, explication d'un proverbe, d'une maxime, d'un précepte de morale
 ou d'éducation). 
Durée de l'épreuve : deux heures ; 
3°
 Une question d'arithmétique et de système métrique, et la solution 
raisonnée d'un problème comprenant l'application des quatre règles 
(nombres entiers, fractions, mesure des surfaces et des volumes 
simples). [Hum, hum . . . ça fait rêver la littéraire que je suis]
Durée de l'épreuve : deux heures. 
Epreuves de la deuxième série. — 
Les aspirants doivent : 
 1°
 Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros 
dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une
 ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de 
l'épreuve : trois quarts d'heure ; 
2°
 Exécuter à main levée un croquis côté d'un objet usuel de forme très 
simple (plan, coupe, élévation). 
Durée de l'épreuve : une heure et 
demie ; 
3° Exécuter les 
exercices les plus élémentaires de gymnastique prévus par le programme 
des écoles primaires. 
Durée de l'épreuve : dix minutes au maximum. 
Les aspirantes doivent : [les épreuves pour les garçons et pour les filles sont donc différentes : bonjour le sexisme]
1°
 Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros 
dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une
 ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de 
l'épreuve : trois quarts d'heure ; 
2° Exécuter un dessin au trait d'après un objet usuel. 
Durée de l'épreuve : une heure ; 
3°
 Exécuter, sous la surveillance de dames désignées à cet effet par le 
recteur, les travaux à l'aiguille prescrits par l'article 1er de la loi du 28 mars 1882. 
Durée de l'épreuve : une heure. [Ah, Ah, Ah, on comprend les épreuves différentes]
  
Epreuves de la troisième série. — 
1°
 Lecture expliquée ; la lecture se fera dans un recueil de morceaux 
choisis en prose et en vers ; des questions seront adressées aux 
candidats sur le sens des mots, la liaison des idées, la construction et
 la grammaire ; 
2° Questions d'arithmétique et de système métrique ; 
3°
 Questions sur les éléments de l'histoire nationale et de l'instruction 
civique ; sur la géographie de la France avec tracé au tableau noir ; 
4° Questions et exercices très élémentaires de solfège ; 
5°
 Questions sur les notions les plus élémentaires des sciences physiques 
et naturelles et sur les matières de l'enseignement agricole. 
Dix minutes au maximum sont consacrées à chacune de ces épreuves.
Nous rappelons aux candidats que :
 ART.
 1 et 2 : Toute fraude commise dans les 
examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une 
administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat
 constitue un délit. — Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, 
notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment avant 
l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte 
ou le sujet de 1 épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, 
telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou 
bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera 
condamné à un emprisonnement de un mois à trois ans et à une amende de 
100 francs à 10 000 francs, ou à l'une de ces peines seulement. *
 [Gloups !]
Je ne sais pas, hélas, quels étaient les intitulés exacts des épreuves que Flora a passées. Mais rien qu'au travers de ces quelques lignes on sent bien une autre époque (et je ne reviendrai même pas sur les travaux d'aiguilles).
Enfin, au cas où vous auriez été distrait pendant cette lecture de cet article (et surtout si vous n'avez pas examiné le brevet à la loupe), je vous rappelle que Flora a obtenu son brevet d'enseignement alors qu'elle n'était âgée que de 15 ans tout juste (tout de même). Elle a dû bénéficier d'une dispense pour pouvoir passer son examen.
Autre temps, autre époque.
Cet examen lui permis d'être institutrice primaire. Elle exerça notamment au pensionna du Sacré Cœur (avant de rejoindre son mari à la boucherie conjugale, changeant ainsi complètement de voie). 
Flora Roy, 1918, coll. personnelle
C'était mon arrière-grand-mère (on l'appelait la "petite mamie") et je l'ai connue.
(*Source : inrp.fr)