Grâce aux recherches effectuées aux archives de Rodez j’ai trouvé des informations complémentaires.
Rappel des protagonistes :
- Pierre Astié (1772/1836), marié en 1797 avec Marianne Frances (1772/1840), dont :
- Marianne Astié (1800/1847) mariée en 1827 avec Jean Antoine Dujou (1800/1872)
- Marie Jeanne Astié (1802/1840) mariée en 1827 avec Jean Antoine Marty (1800/1882)
- Christine (1804/1853) mariée en 1833 avec Geraud Roux (1809/1881)
- Augustin Astié, mon sosa 64 (1774/1861), marié en 1805 avec Catherine Chivalié (1784/1866)
- Marie Anne Astié (1776/1843), mariée en 1799 avec Jean Pierre Barbes (1772/1836)
Arbre Antoine Astié et ses enfants
Lors de la création du cadastre napoléonien dans les années 1840 Antoine Astié et son épouse sont décédés, de même que Pierre (le fils aîné) et son épouse Marianne. Comme expliqué dans l’article précédent, la fille cadette d’Antoine, Marie Anne, quitte Conques avec son mari et n’est donc plus concernée par le patrimoine conquois. Christine, la fille cadette de Pierre, fait de même dans les années 1830. Sur le cadastre apparaissent donc les deux premiers gendres de Pierre, Jean Antoine Dujou et Jean Antoine Marty, ainsi que mon ancêtre Augustin Astié.
Le premier possède les parcelles 138 et 141, le second la 135 et mon ancêtre la 96.
J’avais émis l’hypothèse que Jean Antoine Dujou avait hérité sa maison (et des terres) de son beau-père puisqu’il était originaire d’une autre paroisse.
Ce patrimoine se trouvait-il déjà en possession des Astié lors de la génération d’Antoine ?
J’ai d’abord trouvé aux archives une donation passée le 1er fructidor an XIII (19/8/1805) devant Me Pierre Paul Flaugergues, notaire à Conques (3E31246) entre les époux Astié et leur fils aîné Pierre : les premiers "voulant donner à pierre Astié leur fils ayné des marques de leur affection" donnent "purement et simplement par donation entre vifs a jamais valable et irrevocable audit Pierre Astié ici présent et acceptant, le quart de la totalité de leurs biens meubles, immeubles présents [...] par preciput* avantage avec dispense de toute imputation sous la réserve de l'usufruit leur vie durant".
Lesdits biens sont situés en totalité dans la commune de Conques. Le document les détaille : "scavoir ceux dudit Astié en maison, jardin, vignes, prés, nogaretes**, terres, bois dans toute leur contenance, évalué le tout quatre mille francs, et revenant pour le quart à mille francs". 4 000 francs, c’est tout de même une certaine somme : les Astié étaient aisés.
La donation comprend en outre "le quart du mobilier dont le détail suit : deux tonneaux, deux cuves vinaires, deux barriques, une grande chaudiere et deux autres moyennes, une conche***, un seau, une marmite le tout cuivre, douze assiettes, trois plats, dix ecuelles, dix cuillères à bouche, deux pots le tout étain, douze serviettes, quatre nappes, quatre linceuls****, trois armoires et autres meubles ordinaires". La présence des cuves et tonneaux s’expliquent par le fait qu’Antoine et Pierre étaient vignerons. On remarque que le mobilier ordinaire (table, lit…) n’est pas détaillé précisément.
Enfin, la donation concerne aussi les biens de Marguerite Paul, qui est "expressement autorisée » par son mari à donner à son fils « le quart [de ses] biens consistant aux reprises**** qu'elle a sur les biens dudit Astié son mari à deux cents francs".
Pourquoi cette donation très privilégiée au fils aîné au détriment du cadet (et de la fille) ? Est-ce juste au nom du droit d’aînesse ou y avait-il un attachement particulier des parents à ce fils ? Impossible de répondre à cette question, bien sûr. Quoi qu’il en soit, cet acte donne un premier aperçu du patrimoine familial, qui est plutôt confortable.
La succession d’Antoine en 1809 (tables de succession du bureau de Conques 50Q252 et registres de mutation 50Q139), trouvée elle aussi aux archives, est très précise puisque ses biens sont inventoriés.
Pierre Astié, propriétaire, comparait tant pour lui que pour Augustin et Marie Anne Astié ses frère et sœur. Il déclare que son père est décédé dans sa maison de Conques (sans préciser le lieu de cette maison, hélas pour moi, mais son acte de décès dit qu’elle est située « Au Palais »). Une autre donation au comparant est citée dans ce document, faite à l’occasion de son contrat de mariage en date du 6 germinal an VII - 26/3/1799 (ce qui est curieux car le mariage de Pierre est daté, lui, du 28 prairial an V, soit deux ans auparavant) ; je n’ai pas encore pu vérifier s’il y a bien un document à cette date. Cette donation était composée d'un tiers des biens du défunt. Ce qui signifierait que Pierre a reçu un tiers des biens parentaux lors de son mariage puis un quart 6 ans plus tard.
Selon la succession il est échu aux trois enfants les terres suivantes :
"-
une châtaigneraie et bois taillis dit de feifreley de 10 sétérées; revenu 10
[?] fcs, capital 400 fcs
- un pré à la Salesse, 1 sétérée 29 quarte; revenu 30 fcs, capital 600 fcs.
- un lopin de terre dite canteserp, contenance 2 premires [ ?]; revenu 50 fcs;
capital 10 fcs.
- terre et vigne au terroir de las combes, 1 sétérée; revenu 10 fcs, valeur 200
fcs.
- autre vigne las combes, 15 journées; revenu 40 fcs, valeur 800 fcs.
- une nogarete* à las combes, 1 quarte; revenu 7,50 fcs, valeur 150 fcs.
- un petit jardin audit lieu, 2 premières; revenu 6 fcs, valeur 120 fcs.
- terre rocher et brassier à rocassou, 6 sétérées; revenu 15 fcs, valeur 300 fcs.
- châtaigneraie et bois à catet, 14 sétérées; revenu 40 fcs, valeur en capital
800 fcs.
- autre châtaigneraie au méja, 8 sétérées; revenu 10 fcs et valeur au capital 200
fcs".
Le capital c'est ce que l’on touche si on vend (ou paye si on achète), le revenu c'est ce que cela rapporte (par an le plus souvent) – merci à @cecile_kza pour cette précision.
J’ai pu situer la majorité de ces terres sur une carte. Et je les ai retrouvées (toutes sauf deux) dans les possessions des héritiers probables d’Antoine sur le cadastre napoléonien : son fils Augustin et ses gendres Dujou et Marty.
Reste la question de la maison. La succession mentionne "une petite maison-séchoir à Conques non affermée, d'un revenu de 25 fcs et valeur en capital de 500 fcs". Le quartier n’est pas mentionné. Parmi les maisons des héritiers, j’écarte celle d’Augustin, située dans le bas de Conques et non « Au Palais » comme le précise l'acte de décès d'Antoine.
Dans le cadastre napoléonien, Augustin possède bien une petite maison et un séchoir, mais ces bâtiments sont situés près du pont romain, sur le Dourdou (en fond de vallée) et il ne les obtient qu’en 1911 : ce ne peut absolument pas être la maison d’Antoine.
Dans mon article précédent j’avais émis l’hypothèse que cette maison était la parcelle 138, appartenant à Jean Antoine Dujou. Mais elle fait 1,40 are et compte 4 portes et fenêtres : c’est la plus grande de toutes les maisons familiales. Dujou dispose aussi de la parcelle 141 qui mesure 27 centiares (soit 27m²) et n’a que 2 portes et fenêtres. Elle est donc beaucoup plus petite. Elle est qualifiée de maison en 1840, mais il n’y a pas de séchoir. Le seul séchoir du quartier est situé en bas de la rue du Palais, parcelle 143. Il appartient à Jean Pierre Servieres (folio 501).
Le
qualificatif de "petite" maison dans la succession me ferait
pencher vers la 141 plutôt que la 138 comme maison d’Antoine. Mais après tout
cet adjectif n’est-il pas subjectif ? Ou était-elle réellement petite ?
Comment savoir ? Antoine habitait-il une maison de 27m² ? Ou est-ce en fait le séchoir, plus tard qualifié de maison ?
"Les meubles existants dans sa maison, effets et cabaux*****" sont évalués à 300 francs.
Le document précise : "le tout étant détaillé article par article dans un état estimatif certifié par le comparant joint à ladite présente déclaration". Hélas cet état ne nous est pas parvenu.
Le total de la succession s’élève à 4 080 francs (soit un montant équivalent à celui évalué lors du partage en 1805). Lors du décès de Marguerite Paul, l’épouse d’Antoine, en 1816 il est échu aux trois enfants 750 francs, montant des reprises que la défunte avait sur les biens de feu Antoine Astié son mari, plus son linge et habits déclaré d'une valeur de 30 francs.
Je n’ai pas trouvé la succession d’Augustin (la page du registre étant déchirée), mais celle de son épouse Catherine Chivalié a été déclarée en 1866 par leur fils Louis Etienne. Celui est le troisième fils dans l’ordre de la fratrie, mais le premier survivant (ses deux frères aînés étant décédés en 1850 et 1864). Il a bénéficié lui aussi d’une donation d’un quart des biens parentaux, en 1859.
On notera que l’un des fils d’Augustin, qui se fit ouvrier d’usine a Cransac (à 22 km de Conques), n’avait pas d’actif lors de sa succession : trois générations après Antoine, le patrimoine familial a nettement fondu !
Bon, je n’ai pas résolu de façon absolue la question de la maison d’Antoine, mais grâce à mes recherches aux archives j’en sais un peu plus sur son patrimoine et la façon dont il a été distribué.
* Preciput = Désigne une disposition successorale
avantageant l'un des héritiers en excluant sa part de la succession du défunt.
** Nogarette = Noyeraie.
*** Conche = Sans doute une bassine.
**** Linceul = Drap de lit, généralement en lin.
***** Reprise = Opération par laquelle, à la dissolution de
la communauté, chaque époux reprend ses biens propres en nature ou en argent.
****** Cabau = Avoir, ce que l'on possède, bien, fortune,
cheptel.
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