J’ai découvert une nouvelle pépite dans un acte notarié. Elle concerne Jean Amagat mon ancêtre à la Xème génération (sosa 554). Il était tailleur d’habits à Conques (Aveyron) au XVIIIème siècle. En qualité de maître (comme on le qualifie au moins depuis 1701), il appartenait à la confrérie des tailleurs de la ville. Je n’ai malheureusement pas pu trouver l’acte d’admission dans ladite confrérie. Mais si je comprends bien l’acte qui nous intéresse aujourd’hui, il a détourné des fonds appartenant à la confrérie des tailleurs !
La scène se passe en l’an 1728 et le seizième jour du mois de décembre avant midy, régnant Louis Roy de France et de Navarre [il s’agit de Louis XV], dans la ville de Conques en Rouergue. Se trouvent assemblés par devant Me Flaugergues, notaire royal, Jean Carnus, Antoine Murater, Guillaume Vidal, Victor Lafon et Jean Laborie maitres tailheurs dudit Conques et composant avec Jean Amagat aussy tailheur l’entier corps des confrères de la confrérie de Sainte Lucie érigée en l’église de ladite ville.
Les maîtres tailleurs ici assemblés délibèrent sur le fait que Jean Amagat a joui et possédé en jouissance, depuis de longues années, les biens et revenus concernant ladite confrérie, qu’il affecte de retenir.
Mon ancêtre aurait-il détourné les biens de la confrérie ? C’est ce qu’il semble, d’après ce document.
Suivant l’ancien et louable usage et suivant les statuts de ladite confrérie, il a fait dire des messes à la chapelle de Sainte Lucie qui est dans la grande église dudit Conques.
Est-ce un reproche des confrères ? le texte n’est pas très clair à ce sujet. On ne saura pas davantage ce que l’on reproche à Jean Amagat, l’acte notarié ne s’étendant pas sur la question.
Néanmoins les confrères désirent remédier aux abus pratiqués par ledit Amagat. Ils souhaitent pourvoir un bon employ desdits revenus de la confrérie. A ces causes ils ont unanimement résolu et délibéré que ledit Lafon, en qualité de leur sindic nommé par présent acte, agisse incessamment contre ledit Amagat.
Le syndic est la personne élue ou désignée pour gérer les affaires et défendre les intérêts de la confrérie.
Les confrères décident de contraindre le fautif, par les voix et les rigueurs de la justice, de représenter et remettre entre les mains dudit Lafon tous les actes concernant ladite confrérie desquels ledit Amagat est détenteur. De même il doit rendre des comptes concernant les revenus et fruits qu’il a perçus. A ces fins ledit Lafon, en qualité de sindic, a fait tous les actes requis et nécessaires en jugement ou autrement, avec promesses d’avoir pour agréable tout ce qui doit être fait, requis et consenti. Les confrères l’approuvent et ratifient si besoin, avec pouvoirs audit Lafon, de constituer, procurer, élire domicile et autres clauses à ce requises et nécessaires. Les susdits délibérants ont requis le présent acte audit notaire pour servir en ce que de besoin. Le tout concédé, fait et récité en présence de témoins.
Ordre de rendre des comptes et de remettre toutes les pièces concernant la confrérie, menace de recours en justice : la réunion des confrères a dû être houleuse !
Cet acte notarié est une photographie à l’instant T. Il suscite autant de questions sans réponses. Que s’est-il passé vraiment avant cette délibération ? Et surtout que s’est-il passé après ? Jean Amagat a-t-il obéi aux injonctions des confrères ? A-t-il pu rester dans la confrérie ? Je ne lui retrouve pas ensuite le titre de « maître », mais cela ne signifie pas qu’il l’ait perdu (c’est peut-être juste un hasard). Socialement, il ne semble pas déclassé par cet épisode (deux de ses filles épousent des marchands par exemple).
Quoi qu'il en soit, cet acte soulève un coin de voile sur la vie de mon ancêtre qui m'a donné furieusement envie d'en savoir davantage. Un jour peut-être...