« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

dimanche 21 décembre 2025

Origine de la bûche de Noël

De nos jours on se régale de bûche à Noël, mais connaissez-vous l'origine de cette tradition ? La bûche n'a pas toujours été un gâteau : il s'agissait bien d'une bûche en bois à l'origine.

Bûche, image générée par l'IA
 

Autrefois dans les campagnes la période de Noël était vue comme une période religieuse, bien sûr, mais aussi magique (on pourrait dire magico-religieuse). C’était un moment spécial où une grande puissance magique se déversait sur le monde et qui englobait toute la période de l’Avent et se poursuivait 12 jours après Noël, le pic étant atteint à minuit le 24 décembre.

L’Avent, c’est la période où les rêves sont les plus prémonitoires, signe qu’on est dans une grande période de magie. Mais la période la plus magique est celle qui est marquée par les douze coups de minuit le soir du 24 décembre. 

Minuit c’est un entre-deux chronologique : plus le 24, pas tout à fait encore le 25*. C’est là où il y a le maximum de magie. Autre grand entre-deux : minuit du jour de l’an. C’est pour cela qu’on se souhaite la bonne santé à minuit : on récolte la magie du moment pour se la garantir toute l’année. C’est une formule magique de captation de la puissance de l’entre-deux qui se déverse sur nous, même si on l’a oublié aujourd’hui.

Minuit c’est le moment où des chose très étranges se passent : les rochers s’ouvrent, révélant leurs richesses, uniquement pendant les douze coups de minuit, se parlent et vont même parfois boire à l’eau de la rivière.

On sait bien en Limousin par exemple qu’à minuit le bœuf et l’âne se parlent dans le langage des hommes, mais nul ne sait ce qu’ils se disent car il est interdit d’aller les écouter. Une année, un homme, passablement ivre, a tenté de braver cette interdiction et que n’a-t-il pas entendu ? L’âne disait au bœuf « ah ! c’est un grand malheur que nous devions enterrer notre bon maitre dans deux jours ! ». Entendant cela, pris de colère, l’homme prit aussitôt une fourche pour châtier l’insolent. Mais, ivre comme il l’était, il trébucha et s’embrocha sur la fourche. Deux jours plus tard l’âne tirait une charrette sur laquelle reposait le cercueil de son maître qui avait bravé l’interdit.

 

Mais revenons à notre bûche. À minuit il y a une ouverture, un passage, entre le monde des vivants et le monde des morts. Les défunts de la famille viennent s’assoir près de la bûche ; mais aussi la Vierge ou le Petit Jésus. Un ouverture par le haut (des personnages célestes) mais aussi par le bas : c’est le moment où les démons, lutins ou gobelins profitent de l’absence de la famille, partie à la messe de minuit, pour attaquer les maisons. Tous les rites cherchent à capter cette magie, si ponctuelle, et à la stocker pour pouvoir l’utiliser toute l’année. C’est là que la bûche entre en jeu.

La bûche est un objet magique extrêmement puissant, pour se soigner et se protéger tout au long de l’année. Autrefois, donc, il était d’usage de placer une bûche dans la cheminée la nuit de Noël. Plus qu’une simple bûche, c’était en fait une souche, un tronc d’où partait des branches, symbole de vie. Et ce n’était pas n’importe quel bois : des arbres dont l’homme peut tirer son alimentation (arbres fruitiers, chêne ou châtaignier par exemple). Jamais de sapin bien sûr, qui ne nourrit pas. Cette souche était soigneusement choisie, la plus grosse possible, durant la période de l’Avent, voire même plus tôt encore et mise à sécher. Le soir de Noël on l’amenait dans la maison, le père de famille l’a bénissait avec du sel, du vin ou de l’huile, parfois en prononçant quelques prières, sur l’idée que la bûche va apporter du bonheur et de la prospérité. On la plaçait dans la cheminée avant d’aller à la messe de minuit. Si elle s’éteignait pendant l’absence de la famille, cela signifiait que le maître de maison allait mourir dans l’année. Le but de la faire brûler à minuit, c’est bien sûr pour récolter le maximum de magie qui se diffuse à ce moment-là. Ensuite on recueillait précieusement les cendres, chargées de magie, qui serviront à soigner les hommes et les bêtes, à protéger les récoltes des champs tout au long de l'année.

On faisait brûler la bûche le plus longtemps possible, parfois jusqu’à trois jours, mais on ne la laissait jamais se consumer complètement : on l’éteignait manuellement, avec de l’eau et on la gardait semi-brûlée, dans un entre-deux (encore cette idée d'entre-deux). On récupérait les morceaux qui étaient ensuite placés sous le lit du maître de maison. En cas de problème (grosse tempête par exemple) on les ressortira et les fera brûler à nouveau pour protéger la maison. Là, la bûche redéversera sa magie.

Le lieu même où la bûche se consume, la cheminée, c’est un lieu de transition, un entre-deux par excellence. Entre-deux entre le foyer familial et le monde extérieur, mais aussi entre le sol et le ciel. C’est le lieu de passage entre deux mondes. Et cela n’a pas complètement disparu : le Père-Noël ne passe-t-il pas par la cheminée ?

 

Mais en fait l’important n’est pas tant l’idée de bois ou de cendre, mais l’idée de transformation. C’est la transformation de l’état primitif qui permet à l’objet de s’ouvrir, de prendre la magie qui est autour et une fois qu’on a stoppé la transformation il la conserve à l’intérieur. Ainsi, dans certaines régions, on fait cuire une pâte qui, en se transformant en pain, récolte la magie et a les mêmes pouvoirs que la bûche. Un œuf pondu par une poule la nuit de Noël a aussi ce pouvoir car il s’est transformé en sortant de la poule. En Italie on fait cuire un bouillon de chapon sur la bûche et on le laisse reposer : le gras qui s’est figé à la surface est récupéré ensuite et soigne toutes les maladies.

Mais comment est-on passé de cette souche à notre gâteau au beurre (ou glacé) ? Au XIXème, avec l’exode rural et l’augmentation des populations en ville, difficile d’obtenir une immense souche, voire même d’avoir une cheminée pour la mettre. Par ailleurs, la bûche est un symbole agraire, qui n’a plus lieu d’être en ville. Donc, petit à petit, la bûche est devenue symbolique : un petit coffret en forme de bûche dans lequel on plaçait des bijoux pour les dames. Ou une boîte en carton en forme de bûche renfermant des soldats de plomb pour les enfants. Cela permet, notamment aux anciens campagnards, de garder un lien avec leurs traditions ancestrales. Puis un (des ?) pâtissier(s) a/ont eu l’idée de la transformer en gâteau. Difficile à dire quel est le premier qui a eu l’idée, mais elle se généralise rapidement et devient un succès commercial. On est alors dans les années 1870/80. C’est ainsi que nous mangeons aujourd’hui des bûches gâteaux à Noël.

 

 

* Comme un carrefour qui est un entre-deux géographique, propice à l’apparition du Diable ; c’est pourquoi on y place des croix pour conjurer le mauvais sort.

 

 

D’après une émission du Cours de l’histoire sur France Culture.

 

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