« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 13 juin 2014

#Challenge AZ : L comme Liesse

Liesse, Fare, Macée pour les filles.
Premier, Catherin ou Mermet pour les garçons.
Les prénoms de nos ancêtres sont parfois originaux. 

Adélaïde, calligraphie personnelle

Je compte 516 prénoms différents dans ma généalogie, dont 213 ne sont portés que par un seul ancêtre.

Difficile de faire un choix, mais la palme revient sans doute à Helipx, prénom féminin rouergat, dont j’ignore même la prononciation ! On le trouve aussi sous la forme Hélix. Ce prénom aurait une origine liée au lierre grimpant dont le nom scientifique est Hedera helix. Pour d'autres, il viendrait du latin helix ou serait dérivé du grec ancien eilein et signifierait "qui tourne, s'enroule sur lui même, courbe, spirale". C'est pourquoi le mot désigne un genre d'escargot et une partie de l'oreille. A confirmer par un spécialiste.

Beaucoup  portent des prénoms de saints locaux (ce qui leur donne leur originalité lorsqu'on s'éloigne). J'ai déjà parlé de l'exemple de Fare (voir l'article K de ce challenge).

Le vocable de l'église influence aussi souvent le choix des prénoms : Les Symphorien et Symphorienne se trouvent présents en nombre à Bauné (49), dont l'église est dédiée au saint éponyme.

La période révolutionnaire a donné quelques créations intéressantes : Ildefonce (masculin), Euphénie ou Ismérie (féminins). 

Plus classiques, les prénoms qui reviennent les plus souvent sont Marie (939 porteuses dans ma généalogie), Jeanne (522) et Françoise (339) pour les filles ; Jean (609 porteurs), Pierre (554) et François (339) pour les garçons. A eux six, ils représentent 43,12 % du total des prénoms de mes aïeux.

Mes ancêtres ne dérogent pas aux habitudes anciennes concernant les prénoms; habitudes tombées en désuétudes qui nous paraissent aujourd'hui curieuses, sinon morbides :


  • Les prénoms qui se retrouvent de génération en génération : François, prénom donné à 5 générations de Roy. 
  • A Noël, on prénomme souvent son fils Noël : c’est le cas de deux enfants sur trois nés le 25 décembre. 
  • Si un fils naît le même jour que son père, on le prénomme de la même manière : Astié Daniel, né le 12 juin, prénomme son fils, né le 12 juin, Daniel. 
  • Lorsqu’un nouveau-né décède, on donne le même prénom au bébé suivant : le record est tenue par Paveau Jean qui nomme ses quatre fils Jean (les trois premiers étant décédés successivement en bas âge).
  • Quant à Germain François, sans doute en manque d’imagination, il nomme sa fille Françoise et ses 4 fils François ! 
Quant à mes parents, ils ont fait preuve d'originalité : je suis la seule Mélanie parmi les 7 656 ancêtres identifiés à ce jour.

jeudi 12 juin 2014

#ChallengeAZ : K comme kesako ?

Heureux de trouver un acte, le chemin n’est pas fini. Il faut encore pouvoir le déchiffrer. Et parfois on se trouve devant une véritable énigme. Impossible de devenir ce qui se cache derrière cet obscur gribouillis. Selon toute logique c’est le patronyme (ou d’autres fois le métier, la paroisse d’origine...). Quelle frustration alors ! Là, devant nos yeux, le passeport pour aller plus loin et impossible de l’utiliser. 

© PhotoPin

Bon, bien sûr, vous me répondrez « cours de paléographie ». Mais ce n’est pas toujours possible de suivre ces cours qui permettent de déchiffrer les écritures anciennes (pour des raisons multiples). Alors, on fait comme on peut.

Et parfois on ne peut pas ! C’est l’impasse. Impossible d’aller plus loin.

Miraculeusement l’inspiration vient parfois. A force de remettre l’ouvrage sur le métier et de s’user les yeux sur les registres, on parvient à déchiffrer ce qui restait une énigme il y a quelques jours encore. Personnellement, se familiariser avec l’écriture de l’auteur m’a sauvé bien des fois : on commence par lire plusieurs actes à la suite (même si on n'en comprend pas forcément le sens); puis on repère sa façon de former les lettres grâce à des mots ou des formules rituelles que l'on comprends dans d'autres actes; enfin on peut revenir à l'acte qui nous préoccupe et parfois, avec un peu de chance, lettre après lettre, on arrive à déchiffrer le sens caché des mots.

Évidemment, un petit coup de pouce n'est pas inutile : par exemple, connaître la géographie permet de "deviner" le nom de la paroisse/commune sur lequel on butte; en particulier au niveau local car on sait que, sauf exception, nos ancêtres évoluaient dans un périmètre restreint. Et là, tout s'éclaire : C’est la paroisse de Seiches (aujourd’hui Seiches sur le Loir, Maine et Loire), bien sûr ! Enfin, une nouvelle piste pour continuer le chemin.

D’autres fois encore, la lecture est parfaitement limpide, mais le sens du mot nous échappe : Jean Raouls exerce le métier de "sarger" vers 1744. Oui, ... mais encore ? Heureusement les blogs ou forums de généalogie viennent parfois résoudre le mystère. Ainsi le sarger est l’ouvrier fabriquant des étoffes ou tissus de laine, de la « serge ».

Parfois, l’énigme peut se résoudre par la connaissance de l’histoire locale. Le curieux prénom féminin Fare, retrouvé régulièrement en Seine et Marne (mais pas ailleurs) s’explique ainsi par l’histoire de sainte Fare, sainte du VIIème de la région de Meaux, qui a donné le nom de localité Faremoutiers - et le prénom de plusieurs de nos ancêtres. Au début, je doutais de ce que je lisais (le prénom Fare, ou sa variante masculine Faron, n'étant pas vraiment dans mon calendrier usuel des prénoms), mais grâce à la connaissance de cette sainte locale plus d'incertitude possible.

Et certaines mauvaises langues continuent de dire que nous, généalogistes, nous passons notre temps isolés, seuls avec des morts. Alors que curiosité, échanges, connaissances diverses et variées nous caractérisent bien souvent.

L'essentiel, en tout cas, c'est que « kesako » se transforme en « cebiensa » !

mercredi 11 juin 2014

#ChallengeAZ : J comme jumeaux

Je compte 8 paires de jumeaux parmi mes ancêtres directs (dont 2 paires mixtes garçons/filles). Ce qui n’est pas énorme pour 3 201 aïeux : 0,24 %. J'en compte 52 paires sur la totalité de ma généalogie (7 656 personnes), soit 0,67 %. 

Jumeaux © A.Geddes

On reste néanmoins en-dessous de la moyenne nationale. Historiquement, en effet, environ 1 grossesse sur 80 donne naissance à des jumeaux, soit 1,25 % (1).

Sur les 52 paires, 24 sont des jumelles (filles/filles), 9 sont des jumeaux (garçons/garçons) et 19 sont mixtes (garçons/filles).

Bien sûr, on connaît tous la distinction entre vrais et faux jumeaux : les premiers sont issus d'un seul et même œuf, tandis que les seconds proviennent d’une gestation identique, mais de deux ovules fécondés par deux spermatozoïdes.
Chez ces derniers, les jumeaux « dizygotes », il n’y a entre eux que les similitudes que l'on peut rencontrer entre n'importe quels frères et sœurs. Du fait qu’ils se développent grâce à deux placentas séparés, comme deux enfants nés de deux grossesses différentes, ils peuvent être de sexes différents. La prédisposition génétique qui favorise leur venue est à rechercher du côté maternel, puisque le père n'influence en rien la double ovulation originelle.
Chez les vrais jumeaux, « monozygotes », c’est la cellule œuf qui se sépare en deux, formant ainsi deux embryons qui ont le même patrimoine génétique. Si l'ovule se divise moins de trois jours après la fécondation, les jumeaux se ressembleront davantage à la naissance (poids et taille) que si l'ovule fécondé se divise plus tard. Les jumeaux monozygotes sont souvent très ressemblant physiquement. Mais en prenant de l'âge, ils peuvent se différencier, à la suite des choix personnels comme la nourriture, les activités physiques et intellectuelles... ainsi que des expériences de vie.

Dans nos sociétés modernes, on voit augmenter le nombre des grossesses multiples, notamment à cause de l'utilisation à grande échelle des médicaments pour lutter contre l’infertilité.

Les causes de la gémellité sont encore mal connues aujourd'hui (hormis ce phénomène moderne) ; en particulier pour les jumeaux monozygotes.

Enfin, littéralement, le terme jumeau se réfère à tous les individus (ou l'un de ceux-ci) qui ont partagé le même utérus au cours d'une même gestation. Les triplés (ou quadruplés) sont donc 3 (ou 4) jumeaux. Je n’ai pas encore trouvé de grossesse triple (ou davantage) dans ma généalogie.

En généalogie, il est difficile de distinguer, d'après les actes d'état-civil, les faux des vrais jumeaux ; hormis les grossesses mixtes, qui sont obligatoirement des faux jumeaux.

Chez moi, on naît jumeaux majoritairement en automne et hiver : 6 paires de jumeaux nés en septembre, novembre, décembre et 7 en janvier. Avril, juin et août ne sont pas propices : seulement 2 paires pour chacun de ces mois.
Lorsqu’on connaît leur âge, les mères ont le plus souvent la trentaine (19 cas). Les plus jeunes ont 21 ans et la plus âgée 45.
C’est en Maine et Loire qu’il y a le plus de jumeaux : 24 paires (mais c’est le département où j’ai retrouvé le plus d’ancêtres ; ce n’est donc pas très significatif) ; suivi, très loin derrière, par les Côtes d’Armor : 7 paires.
C’est au XVIIème que les jumeaux sont les plus nombreux chez moi (28 paires). Seulement 2 paires au XIXème. Le Floch Ursule (née en 1874) est mon ancêtre jumelle la plus proche de moi : c’est mon AAGM.

Rares sont les jumeaux qui ont eu des jumeaux : Sur les huit paires de jumeaux (chez mes ancêtres directs), on compte à nouveau des jumeaux dans la descendance de Rattier Françoise (elle a eu des jumelles) et de Bouguié Joseph et Quero Marie (à la deuxième génération : leurs petits-fils donnant eux-mêmes naissance à des jumeaux).
Rattier Laurent et Barbot Jacquine ont deux paires de jumeaux : dans la première paire on compte notre ancêtre Françoise (citée ci-dessus) ; dans la seconde paire l’un des deux enfants décède 11 jours plus tard.
Ces Rattier sont prospères en matière de gémellité : après les deux paires citées ci-dessus, notre ancêtre Françoise donne elle-même naissance à des jumeaux, ainsi que la sœur de Laurent (une fille baptisée par la sage-femme en péril de mort, décédée le lendemain et un fils est mort-né non prénommé). Soit 4 paires en deux générations.

René et Jacques Girard, nés en 1682 à Nueil les Aubiers (79), sont qualifiés de frère « gemeaux ». Le rédacteur de l’acte a aussi ajouté un « S » au patronyme (« Girards ») et il précise qu’ils sont nés le même jour (heureusement, du reste, notamment pour la mère !).

Les grossesses gémellaires restes des grossesses à risques et la mortalité infantile des jumeaux est aussi importante : sur les 52 paires, une voit les deux bébés mort-nées (elles ne seront d’ailleurs pas prénommées), trois autres voient l’un des deux bébés aussi mort-nés, et une douzaine de bébés meurent en bas âge (mais tous ces enfants n'ont pas été suivis systématiquement : d'autres sont peut-être aussi décédés en bas âge sans que je ne le sache). Par contre, aucune de nos mères de jumeaux n’est décédée des suites de couches gémellaires.

Les jumeaux décédés ne dérogent pas à la règle des prénoms (comme les enfants uniques) : Maugars René et Le Bouvier Urbanne donnent naissance à des jumelles, Renée et Jeanne, nées en 1654 ; elles décèdent toutes les deux quinze jours plus tard. Deux ans après ils donnent naissance à une fille, à nouveau prénommée Jeanne (notre ancêtre).
Après trois enfants uniques, Le Mercier Etienne et Goguelet Jacquine donnent naissance à des jumelles Marguerite et Catherine en 1679 : elles décèdent rapidement (6 semaines). La naissance suivante est à nouveau gémellaire : Jean et Catherine nés en 1682 (Catherine décède à 6 mois). Suivront deux enfants uniques nées en 1684 et 1686, Catherine (la troisième donc), notre ancêtre, et Magdelaine.

Cinq couples ont deux paires de jumeaux parmi leurs enfants, dont Boissinot François et Albert François qui donnent naissance à deux paires de jumeaux successives, à deux ans d’intervalle. Un seul de ces enfants survivra. Neuf enfants (uniques) suivront ensuite.
Picard Pierre et Babin Fare ont cinq enfants, dont deux paires de jumeaux nés après notre ancêtre Marie Anne.

Bref, si j'avais voulu une grossesse multiple, les chances auraient été assez minces (moins que la moyenne nationale). Néanmoins j'aurai probablement donné naissance à une - seule - paire de filles, en hiver, dans ma décennie d'âge qui est en train de se terminer. Peut-être qu'elles et moi on aurait survécu. Mais surtout j'aurais dû vivre au XVIIème siècle en Maine et Loire.
En gros, c'est raté !


(1) Mathieu Vidard, Les jumeaux, émission La tête au carré sur France Inter, 31 mars 2011