« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 1 juin 2015

#ChallengeAZ : A comme Assumel-Lurdin

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous ne le savez pas ce n’est pas très grave, mais Jules Assumel Lurdin est donc le fil conducteur de ce ChallengeAZ.

Jules Assumel Lurdin, années 1920 © coll. personnelle


Il est né le 15 février 1876 au Poizat (Ain). Son père, François, est cultivateur. Il est alors âgé de 32 ans. Son épouse et mère de Jules, Marie Antoinette Zélia Berrod, est aussi dite cultivatrice. Quelques années plus tard, en 1896, François est dit meunier au Moulin Menant, hameau du Replat, commune du Poizat.

Moulin Meunant © coll. personnelle


Le couple a déjà trois enfants lorsque Jules voit le jour :
- Louis Xavier, né en 1867.
- François Emilien, né en 1870.
- Marie Justine, née en 1873.
A son baptême Jules porte aussi les prénoms de Joseph Eugène.
Un dernier enfant viendra compléter la famille : Joseph Eugène né en 1882.

Le Poizat est une petite commune de l’Ain, à une cinquantaine de kilomètres de Bourg en Bresse, haut perchée à un peu moins de 1200 m d’altitude. La commune est située sur un plateau incliné au Nord, largement boisé. Le lac de Silans forme sa limite Nord. On y cultive du blé, de l’orge, de l’avoine, du foin, un peu de chanvre. Le commerce de bois de sapin, de bois de chauffage et de construction occupe une place importante.
Les dictionnaires historiques étant précis, en 1907, « L’effectif moyen des animaux est d’à peu près 7 chevaux, 1 âne, 5 taureaux, 20 bœufs, 300 vaches, 70 élèves bovins, 4 béliers, 15 brebis, 10 moutons, 15 agneaux, 25 porcs, 15 chèvres. ». La commune comptait alors 519 habitants. Le bourg est dit « bien bâti ; l’église postérieure à la Révolution est belle, large et bien proportionnée. »

Jules a été principalement garde forestier. Il a vécu dans l’Ain jusqu’à l’âge de 45 ans, dans différentes communes, mais jamais guère éloignées de son lieu de naissance. Il se maria trois fois et aura sept enfants au total. Ensuite, il déménagera en Anjou  (on verra pourquoi dans des articles futurs) où il terminera sa vie, assez jeune, à 53 ans.

C’était mon arrière-grand-père.

Merci aux Archives Départementales de l’Ain pour ces trouvailles.
Sources : photo coll. personnelle, carte postale ancienne, dictionnaire historique Pommerol, état civil.


dimanche 31 mai 2015

#Centenaire1418 pas à pas : mai 1915

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de mai 1915 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er mai 

Séjour à Granges. 
Matin : exercice de combat de la Compagnie, déploiement, attaque d’une position, sous le feu de l’Infanterie ou de l’artillerie. 
Soir : exercices de détails.

2 mai
Séjour à Granges.
Matin et soir : repos.
Ordre de Bataillon n°38 : citation à l’ordre de la Brigade pour le sergent Ruffier d’Epernoux pour courage et énergie.

3 mai
Séjour à Granges.
Matin : marche de 20 km environ, sac et tenue de campagne complète. Soir : exercice de détail.

4 mai
Séjour à Granges.
Matin : service en campagne. Soir : exercice de détail.
Ordre de Bataillon n°39 : mutations.

"Au champ d'honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l'espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.


Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encor'
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici
Au champ d'honneur.


À vous jeunes désabusés
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur."


JohnMcCrae a écrit «Au champ d’honneur» il y a 100 ans, le 3 mai 1915 au cours de la Deuxième bataille d’Ypres

5 mai
Séjour à Granges.
Matin : exercice de Bataillon. Soir : travaux de propreté.
Ordre de Bataillon n°40 : décorations d’un caporal et deux chasseurs pour leurs belles conduites au feu et leurs graves blessures.

6 mai
Séjour à Granges.
Matin : service en campagne, installation d’une grand’garde, sentinelles. Soir : exercices de détail.

7 mai
Séjour à Granges.
Matin : déploiement de la Compagnie, marche d’approche, attaque d’une position ennemie sous les feux de l’infanterie et de l’artillerie combinés. Soir : exercice de détail.

8 mai
Séjour à Granges.
Matin : service en campagne, école de compagnie, déploiement, formations diverses d’approche. Soir : travaux de propreté.
Ça y est ! On repart au front !
Le Bataillon doit se tenir prêt à quitter Granges demain dans la journée ; des ordres ultérieurs seront donnés.

9 mai
Le Bataillon a quitté Granges et a été transporté en automobile au Collet. Départ : 15h30. Arrivée au Collet : 18h.
Le Bataillon, sous le Commandement du Capitaine Loire, est rassemblé dans une prairie à l’Est du Collet.
Trajet Granges / Le Collet
Relève du 297ème Régiment d’Infanterie au Sillackerwasen. Relève effectuée sans incident.
1ère et 2ème compagnies montent en première ligne.
3ème et P.M. en 2ème ligne.
4ème, 5ème et 6ème compagnies : nous restons en réserve.
Nous revoici sur les lieux des terribles combats de mars.
La disparition de mon ami Désiré me revient en pleine figure.
Je me décide à écrire à sa mère. Je lui dis qu’il n’a pas souffert. Je n’en sais rien, bien sûr, mais je ne peux pas lui raconter l’horrible réalité telle que je l’ai vécue.

10 mai
Le 23ème Bataillon de Chasseurs coopère à la défense du Sillacker.
Mêmes emplacements que la veille.

11 mai
La 6ème compagnie est détachée à Schiessloch.
Un peloton au Sud Ouest de Steinabruck, une section à Burgkoepfle, une section en réserve.
Pour les autres unités du Bataillon, mêmes emplacements.

12 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.

13 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
Ordres de Bataillon n°41 et 42 : promotion, mutation et nominations.

14 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
La 3ème Compagnie est désignée pour relever une compagnie du 63ème Bataillon de chasseurs sur les pentes de l’Altmattkopf (1 blessé).
Sommets autour de Metzeral © aak-ansichtskarten.de

15 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
1 blessé.

16 mai
Défense du Sillacker.
Relève des Compagnies.
Nous (ceux de la 5ème) nous relevons la 2ème Compagnie à 12h.
La 4ème compagnie relève la 1ère à 20h.
Relève effectuée sans incident.

17 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
Des tirs continus de mitrailleuses ou de canons ennemis.
Une grande attaque se prépare. Pour cela, on entreprend des travaux sur toute la ligne, du Braunkopf à l’Altmattkopf : parallèles de départ, boyaux, abris, etc.
C’est une tâche pénible, dangereuse, mais indispensable, malgré les pertes régulières. [ 1 ]
Cette nuit deux de nos camarades ont été tués.

18 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
Ordre de bataillon n°43 : décoration.
En venant ici, je croyais que je verrai des soldats en perpétuelle alerte…
Je ne vois en fait que des travailleurs, terrassiers, bûcherons, charpentiers, ne tirant que peu de coups de fusil.

19 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
Fureur des supérieurs qui ont surpris le chasseur 1ère classe Delord en train de dormir à son poste.

20 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. 1 blessé.
Ordre de bataillon n°44 : rétrogradation du chasseur Delord qui, étant guetteur, somnolait au lieu d’assurer rigoureusement son service.
La sanction ne s’est pas fait attendre !
Ordre de bataillon n°45 : nominations diverses. 

21 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements.
Ordre de bataillon n°46 : citation.
Entouré sur toute sa lisière par un important réseau de fils de fer, le bois très touffu dissimule entièrement les organisations ennemies.
D’après les observations faites de l’Altmattkopf, il est cloisonné intérieurement par d’autres réseaux et paraît insuffisamment organisé. [ 1 ]

22  mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. 1 blessé.

23 mai
Défense du Sillacker.
Relève des Compagnies.
La 1ère compagnie relève la 4ème à 20h.
La 2ème compagnie nous relève (ceux de la 5ème) à 12h.
Relève effectuée sans incident. Un blessé.

24 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. 

25 mai
Aucune note (jour non mentionné [ 2 ]).

26 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. Un blessé.
On nous a promis du réconfort :
"Un quart de pinard tous les jours pour soutenir le moral des troupes" qu'il a dit le capitaine ! 

27 mai
Défense du Sillacker.
La 4ème compagnie relève la 3ème à 20h. Relève effectuée sans incident.
Mêmes emplacements pour les autres unités.
Ordre de bataillon n°47 : promotions et mutations.

28 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. Un blessé.
Le courrier arrive. Le sait-il, ce soldat, qu'il porte dans sa sacoche le bien le plus précieux du champ de bataille ?
Bureau de poste sur le front champenois, 1915 © centenaire.org
29 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. Deux blessés.

30 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. Un tué, trois blessés.

31 mai
Défense du Sillacker.
Mêmes emplacements. Deux blessés, un tué.


[ 1 ] A. Bohly
[ 2 ] Dans le JMO du 23ème BCA



vendredi 22 mai 2015

Villevêque, d'hier à aujourd'hui

Si le berceau de mes ancêtres éponymes est à Conques (en Aveyron), le plus grand nombre d'ascendants a été trouvé à Villevêque, commune située à une quinzaine de kilomètres d'Angers (49).

Vue générale de Villevêque © cparama

38 branches différentes de mon arbre y ont vécu, soit environ 450 personnes. L'ancêtre le plus lointain y est né vers 1570; le dernier l'a quitté en 1891. J'y ai recensé 545 événements (dans le jargon généalogique, cela désigne les naissances, mariages et décès). Le premier acte trouvé date de 1617 : je n'ai pas pu remonter plus loin parce que... il n'y pas de registre antérieur à 1616 !
Autrement dit près de quatre siècles d'histoire.

Extrait registre mariage, 1616, AD49


Ces ancêtres exerçaient des professions agricoles en majorité (définitions à consulter sur le lexique de généalogie) :
  • laboureurs, cultivateurs, métayers, fermiers, marchands et/ou marchands fermiers, closiers, propriétaire
  • vignerons, 
  • poulailler
Mais aussi d'autres types de professions :
  • drapier
  • tissier en toile
  • tailleurs d'habits
  • maréchal en œuvres blanches
  • couvreur d'ardoise
  • charpentiers
  • boulanger
  • syndic, procureur marguillier

La plus longue lignée villevêquoise est celle des Saulnier : 6 générations, depuis les années 1600 jusqu'à la Révolution; suivies de deux autres générations avec changement de patronyme (mariage par les femmes), jusqu'en 1813.

Aujourd'hui Villevêque compte un peu mois de 3 000 habitants (1 600 en moyenne au XIXème). Située sur la rive gauche du Loir, elle doit son origine à la résidence des évêques d'Angers, surplombant la ville. Forteresse élevée au XIIème siècle, elle perd son aspect défensif au milieu du XVème pour devenir une agréable résidence.

 
Ancienne résidence des évêques à Villevêque © bartko-reher-cpa.fr

Le musée-château aujourd'hui © businesspme.com

Aujourd'hui elle abrite la collection de Daniel Duclaux, industriel et amateur d'art éclairé qui a réuni des pièces du Moyen-Age et de la Renaissance. Son épouse a légué le château et la collection à la ville d'Angers. On peut y voir des tapisseries, des émaux limousins, des céramiques, une riche bibliothèque, etc... [ 1 ]

Mes ancêtres ont donc dû connaître :

Il est amusant de constater que, si les échanges et les rencontres sont nombreux avec la paroisse voisine de Corzé (12 branches cumulent des événements à la fois à Corzé et à Villevêque), ils sont beaucoup plus rares avec Soucelles (2 branches seulement), autre paroisse voisine, mais située en rive droite : le passage du Loir devait donc être beaucoup plus rare que les échanges rive gauche.

Mes ancêtres habitaient le bourg ou des lieux-dits, comme Craon, La Joulainerie, Les Humeaux, Reugnier et surtout l'Hôpitaux (le plus souvent cité).

S'il n'est pas toujours facile d'imaginer la paroisse du XVIème siècle, par manque de source précise, on peut en revanche faire quelques comparaisons avec son état du XIXème. En effet, pour cette période, il existe plusieurs cartes postales qui nous permettent de "voir" le Villevêque qu'a connu une partie de mes ancêtres. Et, si l'on excepte les inévitables quartiers de pavillons qui fleurissent de nos jours à proximité des grandes villes, on peut s'apercevoir que le centre bourg n'a pas beaucoup changé.

Tâchons de mettre nos pas dans les leurs...
  • La Rue Principale : cœur du village, où se tenaient probablement les foires autrefois, comme la foire de la Pentecôte.
Rue Principale © bartko-reher-cpa.fr

Rue Principale © GoogleMaps

On reconnaît très facilement la grande bâtisse blanche qui ferme la place et le bâti sur la gauche qui n'a guère changé, notamment la grande maison dont l'emprise au sol est un peu de biais.
  • La Rue Neuve: on donnait souvent ce type de nom aux artères percées lors d'une période d'expansion de la cité, signe de vitalité économique.

Rue Neuve © notrefamille.com

Rue Neuve © GoogleMaps
  • La Grande Rue : nom donné à l'artère principale, bien sûr, et souvent la plus commerçante.
Grande Rue © bartko-reher-cpa.fr

Grande Rue © Google Maps
  • Les moulins : Il y avait trois moulins à Villevêque dépendant du domaine propre de l’Évêché : le Moulin de Froment, le Grand Moulin, nommé ainsi car il possédait deux roues situé à proximité d'une porte marinière (aujourd'hui disparue) permettant la navigation sur le Loir et enfin le Moulin de Guichet, à l'emplacement du port actuel et détruit depuis. Les activités des moulins de Villevêque étaient surtout céréalières, il y avait également un moulin à foulon ainsi que des meules à papier et huile.[ 2 ]

 Les Moulins © Mme Lemée

Les Moulins © panoramio
  • L'église : L’église St Pierre présente une nef unique du début du XIème siècle. Elle est couverte d’une voûte de lambris datée de 1771. La porte sud a été refaite au XIXème. Un beau et haut clocher fut accolé à la nef à la fin du XIème : trois étages dont deux décorés de fausses arcades, le troisième à baies géminées (doubles). Le chœur à chevet plat et à fenêtres ogivales est du XIIIème. L'église était entourée par une galerie extérieure sur deux côtés, au sud et à l’ouest, qui servait de porche à l’entrée principale et de lieu de rassemblement pour la "communauté des habitants" avant la Révolution. Celle-ci fut détruite en 1903 par le curé Budan avec l’accord de la municipalité de l’époque, afin d’en utiliser les matériaux pour la reconstruction des sacristies et la restauration du chœur. [ 1 ]
L'église © bartko-reher-cpa.fr

L'église © Google Maps

Cette église qui a vu le baptême de tant de mes ancêtres...

Villevêque aujourd'hui :

Vue générale de Villevêque © Mairie Villevêque

Peut-être qu'un jour j'irai moi aussi à Villevêque...


[ 1 ] Source : villeveque.fr 
[ 2 ] Source : moulindevilleveque.fr