« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 15 juin 2015

#ChallengeAZ : M comme militaire

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous le savez ça tombe bien moi aussi, mais grâce aux fiches matricules on peut suivre le parcours militaire de son ancêtre, de façon plus ou moins précise.

Fiche matricule militaire de Jules Assumel Lurdin © AD01

Jules a tiré le n°46 dans le tirage du canton de Nantua. Suite au conseil de révision, il est inscrit dans la première partie de la liste de recrutement communal (bon au service).

La fiche détaille ensuite le service militaire du soldat. La recrue est d'abord envoyé dans l'armée active :
  • Jules est ainsi incorporé au 5ème régiment d'artillerie (à compter du 15/11/1897). Il est arrivé au corps ledit jour. 
  • Il obtient le grade de brigadier le 30/3/1899. 
  • Un certificat de bonne conduite lui a été accordé.

Deuxième temps : la disponibilité ou la réserve. Elle est composée d'hommes retournés à la vie civile. Devenu "réservistes", ils peuvent être rappelés en cas de mobilisation pour compléter les effectifs des unités d'active ou pour former une unité de réserve. La durée de passage dans cette réserve varie suivant la loi de recrutement : en 1889 elle est de 7 ans et passe à 11 ans en 1913, par exemple.
  • Jules est envoyé dans la disponibilité le 28/9/1900 en attendant son passage dans la réserve.
  • Il est envoyé dans la réserve de l'armée d'active le 1/11/1900.  
  • Sa fiche confirme également ses affectations comme garde communal : à Martignat (le 13/3/1909), puis à Condamine la Doye (le 4/3/1913). Et son reclassement à Angers (le 4/4/1921).
Son affectation dans la réserve ne signifie pas la fin de la vie militaire : il peut non seulement être mobilisé à nouveau, comme on l'a vu, mais il doit aussi accomplir trois périodes d'exercices officiellement appelées "appels périodiques en temps de paix". En effet, la réserve peut durer plus d'une dizaine d'années, donc il ne faut pas que le soldat "oublie son métier" et reste opérationnel. La durée de appels varient selon les époques (de 28 à 17 jours selon les lois de recrutement). 
  • La première période d'exercice se déroule théoriquement la deuxième année après le passage dans la réserve de l'armée d'active et s'effectue souvent en septembre. Elle dure 28 jours jusqu'en 1905, puis 23. Jules a accompli sa première période d'exercices dans le 5ème régiment d'artillerie du 18 novembre au 15 décembre 1903 (soit un peu plus tardivement que la "norme").
  • Il a été dispensé "6%" de la seconde en 1906 : cette dispense indique que 6% des réservistes de chaque corps d'armée pouvaient être dispensés d'une période d'exercices car "soutiens indispensables de famille". En effet Jules est père d'une petite fille âgée de 3 ans et déjà veuf pour la première fois (voir article G comme Gros).

Troisième temps de la vie militaire : l'armée territoriale. En cas de mobilisation, elle forme des unités destinées à tenir les places, rester en arrière.
  • Suite à la déclaration de guerre, Jules est mobilisé dans un bataillon de chasseurs le 2/8/1914 ; ce qui est logique puisque ce sont les forestiers eux-mêmes qui demandèrent leur intégration dans l’armée dans les années 1870, donnant naissance aux Chasseurs Forestiers. Ils obtinrent un statut militaire en temps de guerre (naturellement soumis aux lois militaires). En 1914, les chasseurs forestiers font partie des "troupes d'élites". En temps de paix, le personnel sert à assurer la continuité du service forestier et sa surveillance. En temps de guerre, les chasseurs forestiers sont alors intégrés dans les premières lignes, et servent de guides et d’informateurs de l’armée. 
  • Jules est renvoyé dans ses foyers comme inapte le 11/10/1915 (il a des problèmes de santé, comme nous le verrons plus tard).  
  • Il est définitivement libéré du service militaire le 10/11/1925.
Théoriquement, une dernière période d'exercices doit être effectuée pendant cette dernière phase de la vie militaire. Ce dernier appel se déroule trois ans après le passage des hommes dans l'infanterie territoriale. Celle de Jules n'est pas remplie; sans doute à cause de la mobilisation et de la Grande Guerre.

La fiche militaire comprend aussi d'autres mentions. Par exemple si votre ancêtre a un casier, ce "détail" sera mentionné. Il y a aussi d'autres trésors : on l'a vu avec l'article I comme instruction et on le verra encore un peu plus tard...

Bon, parfois vous aurez aussi sur la fiche une mention qui va rester totalement mystérieuse, du genre "29 PC / 8474 / B (ou 13 ?)", mais enfin...



Merci aux Archives Départementales de l’Ain pour cette trouvaille.
Source : fiche militaire, combattant.14-18.pagesperso-orange.fr


samedi 13 juin 2015

#ChallengeAZ : L comme lettre émouvante

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous ne le savez pas c’est fort dommage, mais Jules avait aussi un côté émouvant.

Ainsi en 1912 il prend la plume pour écrire au sénateur de sa circonscription, espérant obtenir son soutien dans sa demande de poste. Ce courrier est, en quelques sorte, une lettre de motivation, mais tout à fait différente de celle qu’on pourrait écrire aujourd'hui ; jugez-en vous-même :

Lettre Jules Assumel © AD01

"Martignat, le 10 janvier 1912
Monsieur le Sénateur
J’ai l’honneur de venir vous renouveller la demande que je vous ai fait il y a quelques temps pour me faire attribuer le poste de Brigadier de St Germain de Joux, j’ai appris que j’étais en ligne et que j’avais un petit espoir.
Je compte sur votre dévouement pour écarter un peu de moi ma mauvaise chance, car avec toutes les envies de bien faire je n’ai jamais pu réussir en rien : à 32 ans j’étais veuf pour la 2ème fois et aujourd’hui j’ai ma femme au lit malade de l’albumine [ 1 ]. Le médecin a déclaré que c’était très grave, on dirait que le destin s’acharne contre moi.
Veuillez donc s’il vous est possible me faire parvenir à ce poste qui améliorera sensiblement ma situation.
Vous pouvez persuader M. le Préfet qu’ayant été élevé dans un pays de forêts je peux mieux que personne apporter aux forêts les améliorations qu’elles ont besoin et que je resterai un serviteur fidèle et dévoué.
Dans l’espoir que vous ferez votre possible et en attendant que je vous prouve ma reconnaissance.
Veuillez agréer M. le Sénateur mes sentiments dévoués
Assumel garde des Eaux et forêts à Martignat" [ 2 ]

Le ton de cette lettre est bien triste et désespéré. Touchant. Pourtant, dans la famille, il avait plutôt la réputation d’être dur. Gare aux enfants s'ils ne filaient pas droit ! Comme quoi… Les archives permettent des découvertes surprenantes (et attendrissantes) parfois.


[ 1 ] L'albumine est la principale protéine du sang, soluble dans l'eau et fabriquée par le foie. Elle empêche la fuite de l'eau contenue dans le sang (plus précisément le plasma) vers les tissus, où elle est susceptible d'entraîner des œdèmes (collection d'eau dans les tissus). Un niveau inférieur à la normale d’albumine peut être un signe de maladie des reins ou du foie.
[ 2 ] L’orthographe d’origine a été retranscrite telle quelle.


Merci aux Archives Départementales de l’Ain pour cette trouvaille.
Sources : tradition orale familiale, état du personnel des eaux et forêts.

vendredi 12 juin 2015

#ChallengeAZ : K comme képi

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous le savez c’est tant mieux mais, étant donné que Jules est un employé officiel du Ministère de l’Agriculture, il doit porter l’uniforme réglementaire et adéquat.

Les uniformes des forestiers se sont, depuis l’origine, inspirés de ceux de l’Armée.

Dans le Code forestier de 1827 l’uniforme est ainsi détaillé : « Pour tous les agents, habit et pantalon de drap vert ; l’habit boutonné sur la poitrine ; le collet droit ; le gilet chamois ; les boutons de métal blanc, ayant un pourtour de feuilles de chêne et portant au milieu les mots Direction générale des forêts, avec une fleur de lys ; le chapeau français avec une ganse en argent et un bouton pareil à ceux de l’habit ; une épée. La broderie sera en argent et le dessin en feuilles de chêne. »

On notera qu’il n’est pas fait mention de képi ni d’aucun couvre-chef (malgré le titre de l’article du jour !).

Théoriquement, le képi des gardes des eaux et forêts des années 1920 devait ressembler à ça :

 Képi garde forestier années 1920 © ebay

Je ne sais pas si l’uniforme que Jules portait dans les années 1910/1920 était encore similaire à la description du Code forestier de 1827 ci-dessus. Je dispose de deux photos de lui, l’une (peut-être) datée de 1922, l’autre de 1928 environ. Sur les deux clichés il porte une veste à boutons et à collet droit, ainsi qu’une chemise (gilet ?) clair. Était-ce son uniforme officiel ? Je l’ignore. La qualité moyenne et les couleurs des photos (sépia pour l’une, noir et blanc pour l’autre) ne permettent pas de trancher de façon certaine.

Jules Assumel, 1922 ? © coll. personnelle

Sur aucune des deux il ne porte de képi ou de chapeau quel qu'il soit...

Le képi, aujourd'hui, "porte le sigle de l'Office national de la chasse et les revers un cor de chasse sur fond vert" (Arrêté du 6 décembre 1995 définissant l'uniforme des agents de l'Office national de la chasse commissionnés par arrêté ministériel au titre des eaux et forêts, version consolidée au 07 juin 2015, via Legifrance).



Merci à Gallica et Legifrance pour ces trouvailles.
Sources : photo coll. personnelle, code forestier 1827, arrêté 1995.