« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mercredi 30 septembre 2015

#Centenaire1418 pas à pas : septembre 1915

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de septembre 1915 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 


1er septembre
Vers 4h30 on entend le bruit d’une fusillade et d’une canonnade dans la direction du Linge.
Bombardement du Combekopf de 5h à 6h30.
Bombardement sans rien d’anormal pendant la matinée.
Bombardement du Barrenkopf par nos 22. L’ennemi répond par quelques 210, de 16h à 18h.
Ordre de bataillon n°38 : citations à l’Ordre du Bataillon de 7 Chasseurs pour leur belle conduite pendant les bombardements des 13 et 15 août.
Nuit du 1er au 2 septembre
La 6ème Compagnie nous relève enfin. Nous retournons à Ste Barbe.
La 2ème relève la 3ème qui vient à la Crête Rocheuse.
Pertes : 2 blessés.

2 septembre
Travaux de réfection des tranchées et des boyaux.
Léger bombardement du Combekopf à 9h30.
Pertes : 1 tué, 1 blessé.
Les pentes de la colline du Lingekopf qui, avant la guerre, étaient recouvertes de sapins ne sont plus que terres pulvérisées jonchées de cadavres, d’abris effondrés, de terrains défoncés d’où émergent encore quelques troncs d’arbres rongés par la mitraille.
Reichackerkopf © alsace.lib-expression.fr

3 septembre
Canonnade intermittente.
Réfection des boyaux et des tranchées.
Nuit calme.
Pertes : 3 blessés.
Ordres de bataillon n°39 et 40 : nominations et affectations.
Réception dans la nuit de l’ordre de relève.

4 septembre
Les fourriers vont reconnaître le cantonnement de Mulwenwald.
Dans la journée le Commandant du 54ème Bataillon et ses officiers viennent reconnaître les positions occupées par notre Bataillon.
Vers 10h30 bombardement par du petit calibre (77).
La relève commence à 23h. Le 54ème nous remplace sur le Barrenkopf, Combekopf et la Crête Rocheuse.
Ordre de bataillon n°41 : affectation.

5 septembre
La relève se termine à la pointe du jour sans incident.
Les unités se rendent séparément au camp de Mulwenwald ; sauf notre Compagnie, laissée en garnison dans les tranchées des Trois Pitons.
Les casques de tranchées, les lunettes contre les gaz asphyxiant sont versés au 54ème Bataillon.

6 septembre
Départ vers le Camp d’Haeslen où nous retrouvons les autres Compagnies.
Travaux de propreté. Fanfare.
Enfin nous soufflons un peu !
Tiens ! Cela fait presque un an que j’ai été mobilisé.
Un an. Une éternité.

7 septembre
Le Bataillon quitte Haelsen à 3h30 et gagne le Collet sans incident.
Embarquement en auto. Arrivée à Gerbépal à 9h30.
Installation dans les cantonnements.
Fanfare à 3h30.
Ordre de bataillon n°42 : affectations et mutations.
En 36 jours, nous avons perdu 9 600 Chasseurs. Et probablement autant du côté adverse.
Quelques mètres à peine séparaient les lignes françaises des lignes allemandes. Quelques mètres pour lesquels sont morts des milliers de soldats.
Nous apprendrons plus tard que début octobre une dernière offensive allemande rétablira en 15 jours le front tel qu'il se présentait avant l'offensive française.
Plus question de prendre Munster.
Les décisions du Haut Commandement auront coûté des milliers de vies.
Le silence se referme sur le "Tombeau des Chasseurs".
Stèle Linge © belgian-navy.be

8 septembre
Séjour à Gerbépal.
Echange d’effets. Nettoyage… Fanfare.
Ordre de bataillon n°43 : nominations et mutations de 55 Chasseurs.

9 septembre
Séjour à Gerbépal.
Continuation des échanges d’effets et des travaux de propreté. Fanfare.
Ordre de bataillon n°44 : cassation d’un caporal pour avoir souri à un ordre de son chef de corps.
Maman m’a écrit : Cette année, pendant les battages, on n'a pas entendu ces éclats de rire ou ces cris enjoués des années passées…
Des gamins ou des vieillards, que l'on ne voyait pas sur ce type de travaux, tiennent la place occupée auparavant par des hommes vigoureux.

LE FAUCHEUR:

Voilà, c’est fait.
Une fois de plus, la claire campagne
A nourri l’instrument du faucheur.

Tout est silence,
Le chaume au repos
Est couvert de coquelicots rouge sang.

« Où sont mes fils? », la mère pleure,
« Des gamins encore, déjà disparus. »
« Morts, morts », soupire le faucheur,
« Comme le blé à la fauche descendus. »

Et donc une fois de plus
La semence de la vie est répandue
Dans la terre qui la couve elle est déposée.

Mais ce n’est jamais terminé.
Une fois encore, les jeunes hommes tous
Du faucheur doivent nourrir le cruel instrument.
 Bill Caddick

10 septembre
Séjour à Gerbépal.
Le Chef de Bataillon Rosset partant en permission, le commandement provisoire du Bataillon sera exercé par le Capitaine Vergez.
Inutile de dire que ces instants de repos sont bien appréciés !
Repos 23è BCA, août 1915 ? © Chtimiste

11 septembre
Séjour à Gerbépal.
Distribution d’effets et de vivres de réserve.
Réception de l’ordre de relève : nous repartons déjà !
Le Bataillon devra se rendre le 13 et le 14 septembre au Lac Noir pour y relever le 244e RI à Noirrupt et Blancrupt.
Fanfare.

12 septembre
Séjour à Gerbépal.
Préparatifs de départ. Le repos aura été de courte durée.
Fanfare.

13 septembre
A 6h le demi-Bataillon de droite qui Gerbépal en auto. Il est transporté au Rudlin.
Etape du Rudlin au Lac Noir avec grand’halte au Richeperck.
Quelques obus au moment du passage du Bataillon devant l’hôtel du Lac Blanc. Pas de perte.
Arrivée vers 14h. Bivouac dans les baraques du camp du Lac Noir.
Le demi-Bataillon de gauche et le P.M. fait étape de Gerbépal à Fraize après la soupe du matin.
Il cantonne aux casernes de Fraize d’où il doit repartir le lendemain matin.
Carte Gerbepal-Lac Noir
14 septembre
Le demi-Bataillon de droite au camp du Lac Noir. Le commandement fait la reconnaissance du sous-secteur de Noirrupt.
Le demi-Bataillon de gauche fait étape de Fraize au Lac Noir. Il arrive à 14h.
La relève, terminée à minuit, s’est effectuée sans incident.

15 septembre
A 6h, reconnaissance du sous-secteur de Blancrupt.
Le Capitaine Vergez est désigné pour remplir provisoirement les fonctions d’Adjudant Major.
Avec les 4è, 6è et une section du P.M. nous relevons le 244è RI, dans le sous-secteur de Blancrupt.
Relève terminée sans incident, le 16 à 2h.
Dispositif des compagnies :
4è Cie Centre de résistance de Creux d’Argent/ la Beu.
5è Cie (la nôtre) Centre de résistance de Jeunes Champs.
6è Cie Centre de résistance de Bois Scheffer Neurgey
Quelques obus sur le village de Pairis et sur les cuisines du Creux d’Argent.

16 septembre
Vers 8h l’ennemi bombarde la ferme Cyrille et y fait 2 blessés.
De 9h à 11h bombardement du camp du Lac Noir. Un homme du 244è RI est blessé.
Ordre de bataillon n°45 : promotion.

17 septembre
Basses Huttes : bombardement des cuisines entre 15 et 17h par des petits calibres ; pas de pertes.
Des sentinelles de la 2è compagnie ont entendu pendant la nuit le bruit produit par l’aiguisement d’une faux qui semblait venir des pentes du Col de Mossure. Au matin on a constaté en effet qu’il existait quelques tas de foin.
La 5ème Brigade donne l’ordre de provoquer dans la nuit du 17 au 18 un tir de barrage.
Le résultat est des plus médiocres (difficulté et longueur des communications).
Bombardement par obus de petit et de gros calibre du Creux d’Argent, du Mamelon boisé et du poste Miclos.
Ordre de bataillon n°46 : promotion dans l’armée active.

18 septembre
Journée et nuit calmes.
Continuation des travaux en cours.
Quelques obus sur le Creux d’Argent et sur Scheffer.
Ordre de bataillon n°47 : affectation.
Le ravitaillement se fait comme on peut. Le relief n’arrange pas les choses.
Ravitaillement munitions chasseurs Vosges 1915©  Gallica
Les muletiers du train de combat nous apportent des matériaux à travers les montagnes et souvent en sous-bois.
Nous allons, en corvée, recevoir ces matériaux (sacs de ciment, bobines de fils de fer barbelé, munitions…) et les porter dans les boyaux amenant en ligne sur plusieurs kilomètres.
Ces corvées se répètent plusieurs fois de suite et sont très pénibles.

19 septembre
Continuation des travaux en cours.
Dans la nuit les sentinelles de Noirmont entendent vers 22h le bruit d’un train dans la direction d’Orbey.
Une patrouille boche s’est avancée à quelques mètres de notre petit poste de gauche de Hauteroche.
Elle a été mise en fuite par les feux de ce poste.

20 septembre
Basses Huttes : bombardement des cuisines.
Pairis : à 15h50 rafale de trois obus de 77 sur les travailleurs de la tranchée au NO de la ferme Claude Pierre ; pas d’accident de personne.
Scheffer : vers 12h30 tir de repérage par les Boches.
Bruits de trains en direction d’Orbey, dans la journée et dans la nuit.
Continuation des travaux en cours.

21 septembre
Quelques coups de feu sur nos sentinelles du Bois de Neurgey.
Les Boches envoient à 10h des 105 sur Pairis. Un tir de représailles sur Orbey les fait taire.
Approfondissement des boyaux et tranchées, confirmation des blockhaus, entretien des haies artificielles.
A 19h bombardement des cuisines des Basses Huttes.
Dans la nuit du 21 au 22 vers 24h. Quelques obus sur le camp du Lac Noir ; pas de perte.
Ordre de bataillon n°48 : citations à l’ordre de l’armée.

22 septembre
Passage de plusieurs avions allemands.
La mitrailleuse de Scheffer tire sur une sentinelle double boche dont l’emplacement avait été repéré.
Les Boches envoient dix bombes sur les Carpathes.
Bruit de train dans Orbey pendant la nuit.
Une patrouille fouille le « Bois Neutre » situé entre la route de Basses Huttes et le Rain des Chênes. Rien à signaler.
Des civils viennent faucher devant le front de la 2ème compagnie. On leur tire dessus.
Ordre de bataillon n°49 : citations à l’ordre de la division.

23 septembre
Les Boches ont creusé des trous de tirailleurs pendant la nuit aux environs de la ferme n°6.
Coups de mines dans la nuit. Des voitures arrivent à 19h dans Orbey, qu’elles quittent à 20h (ravitaillement sans doute).
Nuit du 23 au 24 septembre
Une patrouille de la 2ème compagnie s’est installée à la ferme F.
Elle a cherché à tendre une embuscade à une patrouille ennemie (venue quelques jours auparavant dans ce secteur).
La patrouille est rentrée à minuit sans avoir vu personne.
Ordre de bataillon n°50 : nomination.
Ordre de bataillon n°51 : citations à l’ordre de la division.

24 septembre
Pendant la matinée, croisière ininterrompue d’un avion boche.
Envoi de 6 crapouillots sur le poste de Haute Roche.
Un avion survole l’Arbre Blanc et laisse tomber des fléchettes.
Bruit de train dans la direction d’Orbey vers 23h. Notre artillerie envoie 27 obus de 75 sur le ravitaillement boche dans Orbey.
Bombardement du camp du Lac Noir de 9h à 11h30 par des obus de gros calibre. Un projectile atteint l’hôtellerie : dégâts matériels peu considérables, mais hélas 3 Chasseurs du 22ème sont tués et d’autres blessés.
Ordre de bataillon n°52 : nomination.
Ordre de bataillon n°53 : décorations.

25 septembre
Sous-secteur de Blancrupt : 2 de nos sentinelles sont enlevées à la faveur de la nuit après une attaque de l’ennemi par grenades à main.
Sous-secteur de Noirrupt : une femme qui ramassait du foin dans un champ voisinant sa maison a été blessée par un de nos coups de feu.
Une patrouille envoyée vers cette maison y a tendu une embuscade et y a fait un prisonnier.
Pertes : 1 Chasseur blessé, 2 Chasseurs disparus.
Ordre de bataillon n°54 : citations.

26 septembre
Sous-secteur de Blancrupt : dans la journée quelques civils sont dispersés autour des fermes d’Orbey par plusieurs coups de fusil.
Sous-secteur de Noirrupt : une patrouille à la nuit est envoyée à la ferme où hier un prisonnier a été fait, avec mission de s’emparer des civils qui y habitent.
En arrivant sur les lieux, la patrouille essuie le feu nourri d’une fusillade qui part de la ferme et de ses abords.
L’opération échoue  mais sans aucun accident pour nos patrouilleurs.

27 septembre
Journée calme dans les deux sous-secteurs.
Perte : un Chasseur blessé.

28 septembre
Sous-secteur de Blancrupt : quelques bombes ennemies sont lancées dans la journée à plusieurs reprises sur les Carpathes et Haute-Roche.
Sous-secteur de Noirrupt : journée calme.
Ordre de bataillon n°55 : citations à l’ordre de la brigade.

29 septembre
Sous-secteur de Blancrupt : à 17h action vive des minenwerfers [ 1 ] en réponse à nos chants de la Marseillaise entonnés sur toute la ligne pour célébrer nos succès en Champagne.
Sous-secteur de Noirrupt : bombardement ennemi sur le Bois de la Carrière.
Perte : 1 sergent blessé.

30 septembre
Mêmes emplacements.
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs.
Pertes : 1 caporal et 1 chasseur blessé.



[ * ] Le minenwerfer (lance-mine) est un mortier léger de 76 mm tirant un projectile de 4,5 kg, dont la portée optimale était comprise entre 300 et 1 000 mètres.



Sources complémentaires :
http://www.alsace.lib-expression.fr/site/site_alsacien.php?pSitId=FRAL68LING&pSitLib=Le%20Linge
http://www.linge1915.com/fr/historique/



 

vendredi 25 septembre 2015

Pierre, mon grand frère

Devant le poulailler, le dos légèrement courbé par le poids des ans, affairée à mes tâches quotidiennes, je regarde mon grand frère. Pierre. Assis au soleil sur le banc devant la maison, appuyé sur sa canne, il semble perdu dans ses pensées. Nos jeunes années me reviennent à l'esprit.

Le frère © Cliché d'origine Delcampe

Des années plutôt heureuses, à l'ombre du château de Préciat, en la paroisse de Villevêque, où notre père était laboureur et vigneron. Il avait déjà 9 ans quand je suis née, en 1674. Nous avons grandi ensemble, lui presque en haut de la fratrie et moi presque en bas. Nous étions 8 enfants, puisque une sœur aînée, Jeanne, n'avait vécu que 4 mois. L'insouciance de la jeunesse a été ternie par la mort de notre mère, Jeanne Vaugoyau, un jour de juillet 1682. Elle avait 47 ans. Nous nous sommes retrouvés démunis sans elle. Elle était le pilier de notre famille. Lui il avait déjà 17 ans, mais moi je n'en n'avais que 8. Malgré la douleur de cette disparition, le temps a continué à s'écouler. Il a aidé notre père et nous a accompagné, mes frères, ma sœur et moi, du mieux qu'il a pu. Nous sommes restés très proches.

On appelait Pierre "le Jeune" car il avait le même prénom que notre père, grand-père, arrière-grand-père et peut-être même leurs pères avant eux ! Pierre s'est marié un beau jour de juillet 1685, avec Marguerite Ouvrard la fille d'un marchand de la ville d'Angers. Ils avaient 20 ans tous les deux. Comme ils étaient beaux !

Pourtant l'avenir leur réservait de sombres jours. Je n'avais que 13 ans lorsque leur premier enfant, une fille prénommée Jeanne, est née. Mais la naissance a été difficile et le prêtre vicaire a dû faire une cérémonie de baptême simplifiée en attendant l'autorisation de l’Évêque de faire le supplément des cérémonies du baptême [ 1 ]. Malgré une entrée dans le monde un peu difficile, elle s'est accrochée et a survécu... une douzaine d'années seulement car hélas elle nous a quittés en 1699. Des 7 enfants qu'ils ont eu ensemble, deux autres n'ont malheureusement pas vécu. Le premier, né chez eux à Villevêque, a été ondoyé deux jours plus tard en l'église de Pellouailles [ 2 ] (avec la permission du curé de Villevêque et de Monseigneur l’Évêque) et finalement ensépulturé à Villevêque trois semaines après. La dernière naissance s'est terminée plus mal encore puisqu'elle a coûté la vie à Marguerite et à l'enfant qui l'a suivie aussitôt dans l'autre monde. Marguerite avait 34 ans seulement.

Mon courageux grand frère se retrouvait, seul, à la tête d'une famille de 4 enfants encore vivants, âgés de 11 à 2 ans.

Toujours proche de mon frère, il m'a demandé d'être la marraine du premier fils qui a vécu et qui a été prénommé... Pierre, bien sûr ! J'ai accompagné sa famille du mieux que j'ai pu.

Même si nous n'habitons pas la même paroisse, il a pu me rendre visite régulièrement. Rapidement il m'a annoncé son désir de se remarier. 9 mois après le décès de Marguerite, Pierre a épousé en secondes noces une autre Marguerite, fille de Guillaume Roger, un laboureur de Pellouailles.

Ensemble, ils eurent 5 enfants, dont deux encore décédés en bas âge. Sur les 12 enfants que Pierre a eu au total, seuls 7 sont parvenus à l'âge adulte. Quelle tristesse.

Les années ont passé. Les enfants, qui ont survécu, ont grandi, puis se sont mariés; comme Marguerite qui a épousé Jérôme Hervé en 1714. Pour pouvoir se marier, ils ont dû obtenir une dispense de deux bans signée du vicaire général de Monseigneur l’Évêque. Et il a même fallu que la tante et le cousin dudit Jérôme témoignent pour dire qu'il n'était engagé dans aucune autre relation. Et puis Jacques, Jean, Marie...

Même quand la famille a déménagé à Saint Sylvain, nous avons continué de nous voir. Il a abandonné la vigne pour le travail de la terre, mais au fond il est resté le même.

Malgré les difficultés, les joies et les peines, nous avons traversé la vie.
Une vie simple, de modestes laboureurs et vignerons de l'Anjou. Notre vie.


[ 1 ] Suppléer les cérémonies du baptême : Faire à l'église le supplément des prières et des cérémonies omises lors de l'ondoiement.
[ 2 ] Habitant La Gilberdière, hameau plus proche géographiquement du bourg de Pellouailles les Vignes que de celui de Villevêque, plusieurs de leurs enfants ont été baptisés en l’église de Pellouailles.


Pierre Dibon est mon sosa n°1194, ancêtre à la 11ème génération. Né le 8 juin 1665 à Villevêque, marié le 4 juillet 1685 à Villevêque avec Marguerite Ouvrad, puis le 30 juin 1700 à Pellouailles les Vignes avec Marguerite Roger. Apparemment décédé entre 1739 et 1741, mais malgré de longues et patientes recherches, je n'ai pas (encore) trouvé son acte de décès... Je descends aussi de sa fille Marguerite (sosa n°597) épouse de Jérôme Hervé (sosa n°596).
Sa sœur Perrine Dibon est aussi mon ancêtre, sosa n°1227.

Ce récit est basé sur ses actes de naissance et mariages, ainsi que sur les actes de naissances et mariage de ses enfants.


Pour voir Perrine avec les yeux de son frère Pierre, cliquez ici.

© Delcampe



vendredi 18 septembre 2015

Perrine, ma petite soeur

Assis au soleil sur le banc devant la maison, je regarde ma petite sœur. Perrine. Devant le poulailler, le dos légèrement courbé par le poids des ans, elle s'affaire à ses tâches quotidiennes. Appuyé sur ma canne, je repense à nos jeunes années.

La sœur © Cliché d'origine Delcampe

Des années plutôt heureuses, à l'ombre du château de Préciat, en la paroisse de Villevêque, où notre père était laboureur et vigneron. J'avais déjà 9 ans quand Perrine est née, en 1674. Je l'ai vue grandir, moi presque en haut de la fratrie et elle presque en bas. Nous étions 8 enfants, puisque ma sœur aînée Jeanne n'a vécu que 4 mois. L'insouciance de la jeunesse a été ternie par la mort de notre mère, Jeanne Vaugoyau, un jour de juillet 1682. Elle avait 47 ans. Nous nous sommes retrouvés démunis sans elle. Elle était le pilier de notre famille. Si j'avais déjà 17 ans, Perrine n'en n'avait que 8. Mais malgré la douleur de cette disparition, le temps a continué de s'écouler. J'ai essayé d'aider notre père et d'accompagner mes frères et sœurs du mieux que j'ai pu. Nous sommes restés très proches.

J'étais là le jour du mariage de Perrine, en 1696, en l'église d'Andard. Elle, si heureuse, aux côtés de Jean Launay, son époux, un marchand vigneron. A 21 ans elle quittait la fratrie pour s'installer à la Roche Tinard avec lui. Les années se sont écoulées, rythmées par les naissances et les déménagements.

Les quatre premières années de leur mariage, Perrine a donné naissance à quatre enfants. A chaque fois Jean était absent. Mais il était là pour déclarer le décès du troisième, prénommé Jean comme lui, et qui n'a vécu qu'un seul jour.
Ensuite la famille a déménagé à Sarrigné. Entre 1701 et 1710, Perrine a donné naissance à 5 enfants supplémentaires.
Puis ils se sont installés à Bauné, à la ferme de Saint Victor.

C'est là que Jean nous a brutalement quitté, à l'âge de 42 ans seulement. J'étais là pour assister ma sœur lors de l'enterrement de son époux en l'église de Bauné, ce jour froid de janvier 1713. Perrine était alors en fin de sa dixième grossesse. Marguerite est née un mois plus tard, une nuit de février. Fille posthume, elle ne connaîtra jamais son père.

Ma courageuse petite sœur se retrouvait, seule, à la tête d'une famille de 9 enfants, âgés de 16 ans à quelques heures. Je l'ai accompagnée du mieux que j'ai pu.

Ainsi j'étais présent en 1716 lorsque Perrine, sa fille aînée âgée de 18 ans, a épousé Pierre Basset, un fermier de la paroisse. Bien qu'il soit âgé de dix ans de plus, j'espère qu'ils connaîtront un heureux mariage.

Même si nous n'habitons pas la même paroisse, j'ai heureusement pu lui rendre visite régulièrement. C'est pour cela que j'ai rapidement deviné qu'elle projetait de se remarier. Son choix s'était porté sur Jacques Le Breton, un jeune laboureur de la paroisse âgé de 26 ans. Et visiblement il n'avait pas peur d'épouser une veuve, mère de 9 enfants encore vivants (même si tous n'habitaient plus le foyer) et de 17 ans son aînée. Le mariage a eu lieu en décembre 1718. Pourtant ce mariage a failli ne pas se faire : il a fallu obtenir, non seulement, une dispense de deux bans (puisque seul le premier ban a été officiellement publié, sans opposition connue) par Monseigneur l'évêque d'Angers, mais encore une dispense de parenté du deux au troisième degré (à cause d'ancêtres communs) accordée par notre Saint Père Clément XI lui-même. Celle-ci, il a fallu l'anticiper : elle a été signée par le Saint Père en août et vérifiée au greffe des insinuations seulement sept jours avant la noce !

Ensemble, ils eurent un fils, prénommé Jacques - comme son père - né en 1720. Perrine avait alors 45 ans pour cette onzième grossesse.

Les années ont passé. Les enfants ont grandi, puis se sont mariés : Nicole en 1731, Marie en 1734, Michel en 1735, Marguerite en 1737. On a connu des deuils aussi, comme le décès de Laurent en 1719 qui n'avait que 16 ans.

Malgré les difficultés, les joies et les peines, nous avons traversé la vie.
Une vie simple, de modestes laboureurs et vignerons de l'Anjou. Notre vie.


Perrine Dibon est mon sosa n°1227, ancêtre à la 11ème génération. Née le 28 décembre 1674 à Villevêque, mariée le 7 mai 1696 à Andard avec Jean Launay, puis le 13 décembre 1718 à Bauné avec Jacques Le Breton. Je perds sa trace après 1737 : malgré de longues et patientes recherches, je n'ai pas (encore) trouvé son acte de décès... Je descends ensuite de sa fille Perrine (sosa n°613), épouse de Pierre Basset (sosa n°612).
Son frère Pierre Dibon est aussi mon ancêtre, sosa n°1194.

Ce récit est basé sur ses actes de naissance et mariages, ainsi que sur les actes de naissances et mariage de ses enfants.


Pour voir Pierre avec les yeux de sa sœur Perrine, cliquez ici.

© Delcampe