« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 6 janvier 2020

#Généathème : Un mois pour lire

Retour sur le #ChallengeAZ qui s’est tenu en novembre 2019 (dont le principe est de publier un billet par jour et par lettre de l’alphabet) pour partager ses coups de cœurs… ou autres ! Un mois pour lire, découvrir et apprendre.




  • Mon coup de cœur

Mon coup de cœur va au Challenge de Pascale, alias @derouvex, qui nous a tenus en haleine avec les lettres d’Alexandrine. 

Pudique ( ?), elle a assez peu parlé du travail de déchiffrage des documents, qui a pourtant dû être ardu. En effet Alexandrine utilise la technique du croisement : lorsqu’elle atteint le bas de la page elle tourne le papier à 90° et poursuit sa rédaction. Pour lire le texte il faut donc se concentrer d’abord sur les lignes horizontales, en faisant abstraction des verticales – et inversement pour avoir la fin du texte.
Pour beaucoup d’entre nous, notre généalogie est composée de laboureurs, vignerons et autres domestiques. Mais grâce à cette correspondance c’est comme si nous avions le droit de regarder un instant entre les grilles du château d’à-côté afin d'apercevoir les lumières d'un monde que nous ne connaissons pas, auquel nous n’avons généralement pas accès...
Et c’est magique. Tout d’un coup notre vie est peuplée de bals, de soies froufroutantes, de potins mondains…
Même si cela ne dure qu’un instant, un instant seulement, cela reste très savoureux.

  • Mon coup de peur

Mon coup de peur va à Françoise, alias @feuilledardoise, du blog éponyme.

Pour ceux qui l’ignorent, Françoise est ma « multiple cousine » car nous avons de très nombreux ancêtres en commun, bien qu’assez éloignés dans le temps. Et pour ce mois de novembre Françoise a décidé de faire son petit ménage de printemps dans son arbre. Au fur et à mesure des jours, vu l’ampleur que prenait la tâche, je lui ai proposé une tronçonneuse plutôt qu’une balayette. Il faut dire que certaines branches sont passées chez le coiffeur et ont reçu une coupe franche et nette !
Et j’ai eu bien peur que Françoise finisse par couper nos liens. Heureusement il n’en est rien. Nous sommes toujours cousines !


  • Mon coup de fleurs

Mon coup de fleurs va à l'équipe de Gloria, alias @lulusorcière, du blog Lulu Sorcière Archive

Non pas parce que il vaut mieux compter les sorcières parmi ses amis que ses ennemis (quoique…), mais surtout parce ce challenge et l’exemple d’un challenge collaboratif. Si l’idée en est simple, ce n’est pas toujours facile à mener à son terme ; donc bravo à tous ceux qui ont pris part à l’aventure.
Par ailleurs, il traite d’un sujet que je trouve fort intéressant, bien que souvent mésestimé : les cimetières. Témoin d’un patrimoine trop souvent oublié, il est aussi un conteur d’histoires fabuleux à qui veut bien tendre l’oreille.


samedi 21 décembre 2019

#RDVAncestral : La tante insaisissable

- Mesdames !
J’arrivai en courant car j’avais peur qu’elle m’échappe encore une fois. L’une d’elle avait déjà la main sur la poignée de porte de la voiture.


Marcelle et Paulette © Coll. personnelle

Intriguée, les deux vieilles dames suspendirent leur geste et me regardèrent. D’évidence elles ne me connaissaient pas. J’hésitai un instant : elles se ressemblaient tant : les cheveux bouclés, les lunettes, le nez pointu, la bouche fine comme un trait… jusqu’au chemisier sur jupe droite ! Néanmoins celle de gauche avait les cheveux plus grisonnant que celle de droite : étant l’aînée, je supposai que c’était Marcelle, mon arrière-grand-mère et que l’autre était sa sœur, autrement dit c'était (enfin) mon insaisissable « tante Paulette ». Je l’avais tant cherchée. Elle était là.

Comprenant que mon silence devenant embarrassant, je les saluai à nouveau et me présentai… succinctement. Un peu ennuyée, je ne savais pas comment appeler la tante Paulette puisque dans mon entourage tout le monde l’appelait ainsi, mais s’ils n’étaient pas leurs neveux ou nièces stricto sensu. Madame Paulette faisait un peu « Madame Claude » si vous voyez ce que je veux dire… Bon sang ! Ça fait des années que tu la cherche et maintenant que tu l’as enfin trouvée tu risque de la laisser filer parce que tu ne sais pas comment l’appeler ! Mais secoue-toi donc, me sermonnai-je.
- Heu… pardon de vous demander cela, mais vous êtes bien Paulette, la sœur de Marcelle ici présente ?
- En effet…
- Excusez-moi d’arriver comme ça, mais je vous ai longtemps cherchée et…
- Ah ! oui, me coupa-t-elle, et pourquoi ?
Décidément, la tante Paulette faisait honneur à sa réputation acerbe et autoritaire.
- J’ai connu certain de vos proches : Camille votre époux (bon, je ne pouvais pas lui dire que c’était le parrain de ma mère), votre fils Jean, le fils de Marcelle André et son épouse Christiane… Enfin bref…
- Et vous me cherchiez pour …. ?
- Heu… Je sentais au fond de mes poches les photos et cartes postales la concernant. Aussitôt de bredouillai : J’ai quelques documents à vous remettre. Seulement j’ai eu du mal à vous trouver : les quelques informations que j’ai pu récolter étaient contradictoires. Vous permettez que je vous explique ?

Les deux sœurs s’échangèrent un coup d’œil et Paulette m’autorisa, d’un léger coup de tête, à continuer. Je réfrénai un soupir et repris la parole :
- Je ne trouvai pas votre acte de naissance, et donc votre ordre dans la fratrie, alors que j’avais découvert les sept autres frères et sœurs. Comme vos parents ont beaucoup déménagé, ça m’a fait voyager, mais bon.
Une mention au dos d'une photographie indiquait « sœur aînée de la mère d'André [Marcelle donc] », sans prénom, mais les dates de naissance de vos autres sœurs sont connues. Je n’ai pas trouvé votre naissance à Tigeaux ni Serris. Or vos parents se sont mariés en 1900, ont eu un fils en 1901 puis Marcelle en 1902 : j'avais donc écarté l'hypothèse que vous soyez soit l'aînée.
- Tu as bien raison : je ne suis pas l’aînée.
- Ouf. Cependant, dans une de vos cartes postales Paulette vous appelez Marcelle « ma petite sœur ». J’ai hésité à nouveau : est-ce un petit nom affectueux ou êtes-vous vraiment plus âgée ?
Silence de Paulette.
Je reprenais courageusement :
- Mais, contredisant cela, vous signez une autre carte « ta petite sœur » ! Je ne sais plus où j’en suis.
La bouche de Paulette s’étira légèrement. Je n’eus qu’une seconde pour me demander si c’était un sourire… ou autre chose :
- Alors : qu’as-tu fait ?
- J’ai dépouillé (plusieurs fois) les registres d'état civil, mais cela n'a rien donné. Par ailleurs, vous n'apparaissez jamais avec vos parents dans les listes de recensements. Pourquoi ?
- Ah ! Mais je ne vais pas tout te dire, ce serait trop facile !
Un peu dépitée, je repris :
- Une photo-carte postale vous représente, âgée de 17 ans : au verso votre adresse à Eaubonne. Vous habitez donc le Val d’Oise lorsque vous êtes adolescente alors que vos parents sont toujours en Seine et Marne.
- C’est vrai ! J’avais presque oublié !
La tante Paulette ne me facilitait pas les choses et restait avare en détail. Bon, autant pour moi...
- J’ignore la date et le lieu de votre mariage. De Camille, je n'ai même pas une photo. Je n’ai pas trouvé sa fiche matricule qui aurait pu m’indiquer une adresse. Ma mère pense que vous avez habité à Saint Ouen et/ou à Enghien avec Camille votre époux. Puis peut-être dans le Sud ensuite. Mais j’ai complètement perdu votre trace… C’est pourquoi je suis heureuse de vous voir aujourd’hui !
- Je vois qu’en effet que tu as beaucoup d’informations sur moi… Un peu beaucoup. Je me demande comment tu as eu ces cartes postales qui ne t’étaient pas destinées par exemple.
Je retins mon souffle.
- Je n’ai pas pour habitude de me confier à n’importe qui, mais tu as l’air d’être une fille sérieuse et d’y tenir, alors voilà… Elle ouvrit la portière de la voiture. Je ne suis pas l’aînée de la famille, mais la dernière !
Elle s’engouffra dans le véhicule où Marcelle l’attendait et elles démarrèrent en trombe.

J’en restai pantoise. La dernière ? Cela la faisait naître probablement en 1912, le dernier enfant que j’avais trouvé étant de 1910. Comment n’avais-je pas eu cette intuition ? Pourquoi voulais-je à tout pris la placer en tête de fratrie ? Je me précipitai sur le site des archives de Seine et Marne et là je crois que je trouvai la réponse. Il ne manquait qu’un seul registre : celui de 1912 !


lundi 9 décembre 2019

La Savoie, ce monde à part

Tout a commencé par un article d’Estelle lors du #ChallengeAZ sur son blog « Sur la piste de mes ayeuls ».
Elle a choisi de présenter la Savoie et ses particularités. En effet, longtemps la Savoie n’a pas été française (jusqu'au traité de Turin de 1860) et de ce fait, les sources généalogiques diffèrent quelque peu des sources « françaises ». 


Les états réunifiés à la France en 1860 © www.manuelweb.belin-education.com

Pour moi, assez peu de découvertes puisque j’ai de nombreux ancêtres en Haute-Savoie et je manie ces sources « bizarres » depuis un certain temps. Une exception toutefois : le jour de la lettre S avec un article au sujet du Sénat de Savoie.

En effet, mes ancêtres sont tous situés dans le département actuel de la Haute-Savoie et j’ai facilement tendance à oublier que des sources les concernant peuvent aussi se retrouver aux archives du département de la Savoie du fait de cette unité territoriale passée.

Les habitués de mon blog savent que j’habite très loin de mes ancêtres, si je puis dire ainsi : je ne peux donc me déplacer dans aucun dépôt d’archive directement. Je reste dépendante des archives en ligne. Heureusement de gros efforts ont été faits ces dernières années et ma généalogie a fait de grands bonds en avant au fur et à mesure des nouvelles rubriques sur internet. Un domaine reste néanmoins souvent oublié : les archives judiciaires. Cela reste complètement « terra incognita » pour moi. Je ne sais même pas à quoi cela ressemble.

Pour revenir à la Savoie, je cite Estelle : « Il [le Sénat de Savoie] exerce un rôle considérable : justice, pouvoir réglementaire et administratif, affaires politiques et religieuses. Ses archives sont une source historique majeure qui concerne aussi bien les particuliers que les communautés d’habitants. […] "Gabriel Pérouse […] entreprend […] d’en dresser l’inventaire au moyen d’innombrables fiches. Pierre Bernard, son successeur, continue cette tâche immense et André Perret pourra ainsi dresser le plan de classement précis et achever un répertoire numérique dactylographié."

Et d’ajouter que ces fiches sont consultables en ligne. Aussitôt je me précipite pour voir si mes ancêtres sont des brigands ! Au début je navigue un peu à l’aveugle, le temps d’apprivoiser l’outil, puis mes recherches s’affinent. Et là je kiffe grave !!! Vols, voies de fait, insultes, adultères, meurtres, etc… C’est super (oui je sais c’est mal : mais c’est quand même super !!!).

Je trouve deux affaires qui concernent de façon certaines mes ancêtres parce que leurs noms sont peu communs. La première : voies de fait dans l’église par l’épouse d’un notaire (1688). Je kiffe !
La deuxième concerne un de mes ancêtres dont je ne suis jamais parvenue à trouver le décès. Je vous livre le résumé de l’affaire tel qu’il se présente sur la fiche (1748) :
« Un soldat espagnol est retrouvé mort, son corps lardé de coups de couteau. L’enquête révèle qu’il était amoureux d’une femme marié de Samoëns. Le soldat menaçant a été tué un soir par le mari, aidé de sa femme. Un chanoine, ami du couple, et leur servante, ont aidé les époux à transporter le corps dans les bois. Mais ils n’ont pas pris part à l’assassinat. »
Et devinez quoi : le couple dont il est question ce sont mes ancêtres ! Je kiffe grave !
Sentence : Bannissement 10 ans pour l’épouse et condamnation aux galères 10 ans pour l’époux. Et moi qui ne trouvais pas son décès : tu m’étonnes ! Je kiffe grave grave ! Rebondissement inattendu : « couple gracié par le roi » !
Oh ! bon sang je veux voir les détails de l’affaire. Mais j’habite à 500 km.

Je fais appel au Fil d’Ariane (FDA : association d’entraide généalogique pour ceux qui ne connaissent pas) de Savoie. Comme dans les champs pré-remplis il n’y a pas « Sénat de Savoie » j’envoie un mail au coordinateur pour lui demander si ce type de recherche un peu extraordinaire (dans tous les sens du terme) est possible. Or l’affaire se passe en Haute-Savoie et non en Savoie : il me renvoie donc à ses collègues du FDA74. Là, même scénario : j’envoie mon mail. La gentille Kate qui a l’habitude de mes demandes se déplace aux archives (merci à elle) et, comme je le pensais, me dit qu’il n’y a rien en Haute-Savoie et qu’il faut que je m’adresse directement en Savoie puisque le fonds du Sénat de Savoie se trouve chez eux. Là, je comment à kiffer nettement moins. Ayant à faire à des situations toutes plus ubuesques les unes que les autres avec les diverses administrations actuelles, je crains que pareille mésaventure ne se reproduise ici.

Bref, j’envoie mon fameux mail (il aura été rentabilisé celui-là) cette fois directement aux archives de Savoie, expliquant ce que je cherche, est-ce que le personnel des archives peut faire cette recherche pour moi ou a-t-il d’autres solutions à me proposer et après les formules de politesse d’usage  je signe de mon nom et prénom (qui est Mélanie pour ceux qui l’ignorent).

Quelque jours plus tard je reçois la réponse des archives :
«  Monsieur (donc en Savoie Mélanie est un prénom masculin : OK, je le note pour plus tard), nous vous invitons à venir consulter ces cotes sur place en salle de lecture (comment dire…). En effet, s’agissant de pièces éparses de procédures judiciaires anciennes, nous ne sommes par sûrs de pouvoir déterminer précisément la pièce en question (jugement définitif). ( ??? bon mais si l’archiviste dont c’est le métier ne peux pas trouver une cote, moi je n’ai aucune chance !)
Dans l’attente de vous recevoir, nous vous prions de croire, Monsieur (qui ça ? Ah : oui, c’est moi !), à l’assurance de nos sentiments les meilleurs. »

Bon, OK c'est ma faute : je n'ai pas précisé que j’habite à 500 km et je suppose que le coup de "vous pourriez faire les recherches à ma place parce que je suis un flemmard" ça dois arriver souvent. Par ailleurs, comme je n'ai jamais eu d'archives judiciaires entre les mains je ne sais pas comment cela se présente; mais il me semble tout de même que l'archiviste doit être plus calé que moi en ce domaine (enfin j'espère). Et c'est aussi ma faute parce que j'ai pas précisé que Mélanie était un prénom féminin...

Donc, en conclusion, je peux affirmer que la Savoie est restée un monde à part et que jamais je ne trouverai les détails croustillants de mes supers affaires criminelles. Ah : oui, au fait, je ne kiffe plus. Du tout. Mais ça, vous l’auriez deviné sans doute…