« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 9 novembre 2023

H comme Hebdomadier

Dans les registres de Conques, bourgade ecclésiastique, on trouve de nombreux chanoines, bien sûr.  J’ai déjà évoqué les curés et vicaires de la paroisse à la lettre C (voir ici), voici donc maintenant les chanoines et autres clercs. 

Ch. Nodier, J. Taylor et A. De Cailleux, Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France © Gallica

Au sein du clergé catholique, il existe une hiérarchie. On distingue le haut chœur qui comporte les dignitaires hiérarchiques et le bas chœur c'est-à-dire le bas clergé, les clercs.

Si l’église des moines s’appelle une abbatiale, celle des chanoines est dite collégiale. Les chanoines ont presque les mêmes fonctions que les moines mais ils diffèrent de ces derniers sur le fait qu'ils sont prêtres. Une de leurs fonctions essentielles est de réciter l’office divin. A Conques, l’accueil des pèlerins est aussi important bien sûr. Ils vivent en communauté, que l’on appelle le chapitre. Ce qui ne signifie pas qu’ils vivent sous le même toit : nombreux sont ceux qui ont des demeures individuelles autour de l’église.
Chacun des chanoines a une fonction particulière, pour laquelle il touche une pension.

 

Lors d’une visite pastorale au milieu du XVIIIème siècle (soit quelques années avant la période étudiée) le chapitre de Conques est composé de :

  • un abbé séculier obligé à résidence
  • un prévôt, qui n'y réside pas forcément
  • un doyen
  • 21 chanoines

 

Dans les registres de Conques on trouve :

- des chanoines « simples »

  • André Benazech

"…son parrain a été Me André Benazech chanoine"

Ce chanoine est l’un des acteurs majeurs du sauvetage du trésor de Conques pendant l’époque révolutionnaire : en 1792 un arrêté de la Convention ordonna la réquisition de toutes les matières précieuses pour les envoyer à la Monnaie. "Le chanoine Benazech résolut de sauver le trésor. Il organisa un pieux complot, de concert avec la sœur Labro, supérieure du couvent, et trois prêtres de Conques : les deux frères Labro et Costes. Anterrieux, carillonneur et portier de l'église, Nolorgues, du hameau de l'Herm, et Bories, tous trois hommes sûrs prirent une part active à l'exécution de l'entreprise. Un violent orage se déchaîna sur le bourg. Les conjurés, sous la conduite du chanoine, se dirigèrent vers l'église, munis de corbeilles. Au moyen d’un vilebrequin, ils ouvrirent la porte, afin de faire croire à une effraction criminelle; ils forcèrent de même la porte du Reliquaire placé au-dessus de l'autel, enlevèrent toutes les pièces qu'il contenait, et sortirent de l'église par la porte située au bas de la tourelle du clocher. Puis ils se partagèrent le butin et se hâtèrent de l'enfouir; qui dans son séchoir, qui dans son jardin, qui dans quelque autre cachette. Lorsque les mauvais jours furent passés, ceux qui avaient en leur possession les objets sauvés, les rapportèrent fidèlement au sanctuaire de Sainte Foy." (in "Sainte Foy vierge et martyre" de A. Bouillet et L. Servieres)

 

- et ceux qui ont des « spécialités », comme les hebdomadiers

Religieux qui, dans une communauté, est chargé de présider l'office ou d'exercer une autre fonction pour une durée d'une semaine (par exemple pour lire les oraisons de l'office.).

On trouve plusieurs hebdomadiers à Conques :

  • Joseph Beteille, décédé en 1781

"Messire Maitre Joseph Beteille hebdomadier et sous sacristain du chapitre de Conques âgé d'environ soixante quatre ans est décédé le jour d'hier deux décembre et a été enseveli le quatre dudit mois mil sept cent quatre vingt et un par moi Guillaume Toussaints Pons curé de Montignac à la prière qui mène, a été faite par monsieur Benoit vicaire de la paroisse de Conques, à l'absente de Monsieur le curé de ladite paroisse, présents messieurs Jean Paul Malaval et François Labro hebdomadiers du chapitre soussignés"

  • Jean François (ou François) Labro, fils de mes sosas 278 et 279

"… présent Mr Me François Labro hebdomadier soussigné" 

D’après les sources, il devait aussi être chantre (religieux qui entonne et préside au chant dans un monastère ou une église), mais aussi en 1790 responsable des enfants de chœur de la maîtrise de la collégiale Sainte-Foy (il est payé pour cela la somme de 90 livres). Il reçut, au grand séminaire où il fit ses études, les appréciations suivantes : « faible pour l'esprit, le jugement, la capacité, très bon pour le reste ». Il meurt en 1820 dans sa maison de Conques.

Vis-à-vis du transept septentrional de l'église, s'élevait une chapelle dédiée à St Thomas de Cantorbery (détruite dans les années 1820/1840) séparée de la basilique par la faible largeur du cimetière. Les notables s’y faisaient enterrer. Elle appartenait aux prêtres de la Fraternité de Conques. Jean François Labro en faisait partie. 

Décès Anne Raynal, 1782 © AD12

"… presens Messieurs J. François Labro prêtre fraternisant et hebdomadier..."

 

- des prêtres obituaires

Ils sont des membres du clergé catholique voués à la célébration des obits (= messes anniversaires dites pour les morts), les messes et prières collectives pour le salut des défunts. Ils étaient rétribués par des dons ou des fondations annuelles ou perpétuelles prodiguées par des croyants soucieux du salut de leur âme après leur mort.

  • Jean François Labro, cumule les fonctions : il est aussi prêtre obituaire.

"… parrain Me Jean François Labro prêtre et obituaire de st thomas" 

 

- des clercs

Sont appelés clercs les fidèles ayant reçu l’ordination de diacre (ordination qui confère le pouvoir de baptiser et de prêcher) ou de prêtre (ordination donnée par l’évêque conférant la mission de rendre présent le Christ parmi les hommes, en célébrant l’eucharistie, en pardonnant les péchés, en instruisant et guidant le peuple qui lui est confié..).

  • Geraud Anterrieux

 "...present Geraud Anterrieux clerc du chapitre..."

Dont des clercs tonsurés :

La tonsure est le signe visible de passage à l'état clérical. Certains clercs de Conques sont dits « clercs tonsurés »

  • Jean Baptiste Costes
 
Décès Antoine Selves, 1785 © AD12

"… present [...] Jean Baptiste Costes clerc tonsuré"

Plus tard il sera qualifié de « prêtre obituaire de St Thomas » (décès d’Anne Besse, 1788). Selon la tradition il prit une part active dans le sauvetage des reliques organisé par le chanoine Benazech lors de la période révolutionnaire, avec la sœur Labro, supérieure du couvent, les deux frères Labro, Anterrieux le carillonneur et portier de l'église ainsi que Nolorgues du hameau de l'Herm.

Il est le neveu de mon sosa 128 Antoine Astié.

  • Guillaume Comte

"Guillaume Comte clerc tonsuré Me de musique du chapitre âgé d’environ soixante six ans, décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui cinq avril mil sept cent quatre vingt quatre"

  • Louis Charles Labro

"… présents messieurs Jean François Labro prêtre fraternisant et Louis Charles Labro clerc tonsuré"

Louis Charles Labro est le jeune frère de Jean François.

  • Jean Fabre

"… en présence de Jean Baptiste Fabre clerc tonsuré régent des écoles"

Jean Baptiste Fabre est le témoin de nombreux actes. Il est le régent des écoles. Puis, à partir de 1788, on le voit qualifié de clerc tonsuré (il reste régent).

 

- les sacristains

Personne (laïque ou religieuse) employée par la paroisse, chargée de la sacristie, de préparer les objets nécessaires au culte et aux cérémonies, d’entretenir et d’orner l’église.

  •  Me Bes (prénom inconnu)

"Me Bes sous sacristain du chapitre"

 

- les chapelains

Prêtres chargés de façon stable d’assurer le service religieux dans une église non paroissiale (communauté religieuse) et ceux chargés d’un sanctuaire (comme Lourdes par exemple).

C’est le cas de Jean Vernhes, dit chanoine du chapitre en 1784 et, après la Révolution et la suppression des ordres religieux, ex chapelain.

"…Jean Vernhes ex chapelain domicilié à Conques âgé de 46 ans est décédé ce jour d’hui…"

 

- le prévôt

Chef ou doyen du chapitre d'une cathédrale ou d'une collégiale.

  •  Nicolas de Turine

"…la bénédiction nuptiale leur a été donnée par Mr Jeanne Marie Joseph Louis Philippe Nicolas de Thurine prévôt du chapitre de Conques…"

 

 

 

mercredi 8 novembre 2023

G comme Griffe

Les signatures sont nombreuses sur les registres de Conques. La noblesse, les gens du droit et les clercs signent bien sûr, mais aussi :

- des  maçons, charpentiers, menuisiers, sabotiers

Signature Pierre Doumergue, garçon charpentier, 1789 © AD12


- des vignerons, fermiers, cultivateurs

- des brigadiers, employés

- des chapeliers, tailleurs, 

- des aubergistes, marchands

- des domestiques

- des sages femmes

Signature Magdalene Vernhes, 1787 © AD12


Des signatures qui nous tiennent à cœur : celles de nos ancêtres.

Signature François Rols, sosa 136, 1787 © AD12


Signature Pierre Jean Martin, sosa 138, 1787 © AD12


Signature Antoine Mas, sosa 132, 1780 © AD12

Un autre type de signatures émouvantes : celle où l’on devine une écriture laborieuse.


Signature Joseph Carles, vigneron, 1781 © AD12


Signature Jean Fabre, employé, 1780 (signe Faure) © AD12

 

Les femmes sont beaucoup moins nombreuses à signer.

Signature Elisabeth Ytié, 1781 © AD12

 

Les mariages contiennent parfois plusieurs signatures :


Mariage Antoine Lagarrigue et Marianne Cussac, 1781 © AD12
Signatures  du marié, cordonnier ; François Rols mon sosa 136, propriétaire ; Jean Antoine Raynal, aubergiste ; Jean Benoit, le vicaire de Conques ; et d’autres témoins non listés : Pradels, Raynal, Anterrieux.

 

C’est en particulier le cas lorsqu’un avocat en parlement, fils d’un autre avocat en parlement, épouse une fille d’avocat et notaire royal, la bénédiction étant donnée par un doyen du chapitre de Conques, en présence d’un autre avocat en parlement, d’un conseiller du roi, d’un juge, et d’un notaire.



Mariage de Joachim d’Albusquier et Françoise Garrigue, 1782 © AD12

 
"L'an mil sept cent quatre vingt deux et le seizième jour du mois d'octobre après la publication d'un banc de mariage entre Mr Antoine Joachim d'Albusquier avocat en parlement habitant de la ville d'Entraygues fils légitime à feu Mr Henri Antoine d'Albusquier aussi avocat au parlement de ladite ville d'Entraygues et à dame Elizabeth de Julien mariés de ladite ville d'une part, et demoiselle Françoise Garrigue fille légitime à feu Mr Jean Baptiste Garrigue, avocat et notaire royal, et à demoiselle Marie Girou, mariés du lieu de Bournazel, ladite demoiselle Garrigue résidant actuellement en la présente ville, ladite publication ayant été faite tant au prône de notre messe de paroisse qu'à celle d'Entraygues comme il conste par le certificat de Mr le prieur en date du 14 octobre Palangié prieur curé d'Entraygues signé, et à celle de Bournazel comme il conste aussi par le certificat de Mr le curé dudit lieu daté aussi du 14 dudit mois Moysset curé signé, et les parties ayant obtenu la dispense de deux bancs en date du 15 octobre 1782 Frijol vicaire général signé, contresigné par le secrétaire de l'évêché signé Dajol, dûment insinué le jour et en que la date de la dispense sans qu'il soit venu à notre connaissance aucun empêchement civil ni canonique non plus qu'à celle de Monsieur le prieur d'Entraygues et de Mr le curé de Bournazel comme il conste par leur certificat ci-dessus mentionnés ; la bénédiction nuptiale leur a été donnée par Mr Jeanne Marie Joseph Louis Philippe Nicolas de Thurine prévôt du chapitre de Conques délégué par nous curés dudit Conques tant de notre chef que du chef de Mr le prieur d'Entraygues et de Mr le curé de Bournazel, en présence de nous susdit curé de Conques, de Mr Me Antoine Flaugergues avocat en parlement curateur de ladite demoiselle Garrigue, de messire François […] de Baldit conseiller du roi et son assesseur civil et criminel au sénéchal et présidial de Rodez, de Mr Joseph Adrien Ferrières juge de Conques, de Jean Benazech notaire, et de Mr Joseph Flaugergues avocat en parlement soussigné avec l'époux et l'épouse"

 

 

 

 

mardi 7 novembre 2023

F comme Feu

Les vicaires et curés de Conques sont assez avares en mentions complémentaires au décès.

 

HFE Philippoteaux, Enterrement en Bretagne © Louvre


Sépulture Pierre Astié, 1786 © AD12

"Pierre Astié veuf de Catherine Soutouly âgé d’environ 90 ans est décédé le jour d’hier, a été inhumé ce 12 mai 1786…"

Bon, en fait mon sosa 256 avait 85 ans, mais peu importe...

 

"Le 13 de novembre mourut et le 14 fut ensevelie Jeanne Bousquet épouse de Rols de Conques âgée d’environ 68 ans…"

Le prénom de mon sosa 272 n’est même pas mentionné dans l'acte de décès de son épouse en 1781, tout aussi lapidaire.

 

De même, les lieux de décès, sont très rarement mentionnés.

Si on a de la chance, le village est nommé.

 

"Jean Clerc […] mourut au village de la Crousette présente paroisse"

 

Il y a à Conques en ces temps de misère, comme on le verra plus tard, de nombreux enfants exposés. Mais ces enfants sont tous élevés à l’hospice. Je n’en ai trouvé qu’un seul décédé en dehors : a-t-il été mis en nourrice ? Est-ce que ses parents seraient revenus le chercher, de manière officieuse puisqu’il n’a pas été reconnu ? Quoi qu’il en soit, cela ne lui a guère porté chance : il est décédé à l’âge de 5 mois.

 

Sépulture Jacques, 1788 © AD12

"L'an 1788 et le 13ème juillet est décédé Jacques, fils à père et mère inconnus, au village de Lapade paroisse de Montignac âgé d'environ cinq mois, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse en présence de Jacques Alran et de Joseph Delannes qui n'a su signer"

 

"François Contour du village del Cade paroisse de St Cyprien âgé d'environ soixante trois ans décédé le jour d'hier dans la maison de Bernard Rouannes charpentier le vingt neuf mars mil sept cent quatre vingt cinq, a été inhumé ce jourd'huy trente mars, présents Antoine Puech gendre du défunt, Jacques Alran soussigné"

 

Je n’ai pas retrouvé l’histoire de ces personnes : qui était Bernard Rouannes par rapport à François Contour ? Pourquoi était-il chez lui ? Mystère.

 

Petits ou grands, si les paroissiens ne sont pas décédés chez eux, ils sont décédés à l’hôpital.

 

"Marie Ourgouilloux… âgée d’environ 66 ans décédée le jour d'hier à l'hôpital de Conques…"

"… a été inhumé Jacques Carles … décédé de la veille à l’hôpital de cette ville…"

 

Sépulture Jeanne Labro, 1781 © AD12
 

"… est décédée à l’hôpital de Conques Jeanne Marty fille légitime à Pierre Marty et à Anne Labro… âgée d’environ 2 ans…"

 

Je compte 67 mentionnés morts à l’hôpital, soit 19% des décès sur la décennie.