« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 22 novembre 2024

S comme servantes

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

Le matin du vingt six janvier, l’Honorable Claude JAY, cousin au troisième degré et voisin immédiat de François JAY au village de Levy, vit que Claudine VUAGNAT la servante, qui mettait dans la grange de François JAY un traîneau. Celui-ci avait une branche rompue. Lorsqu’il le lui fit remarquer, elle lui dit : « c’est mon maître qui at gaté ce trainaux hier en apportant, de Taninge, des raves pour le Révérend CHOMETTY. »

Claude JAY était bien chez lui la nuit précédente, mais il ne s’aperçu pas que l’on fit le moindre bruit dans la maison de son cousin, ni même que l’on en sortit aucun cadavre ni autre chose pendant la nuit, ni qu’aucun traîneau ne fut conduit de la maison par le chemin d’en haut allant aux Bérouze. 

 

Servantes, création personnelle inspirée d’A. Juillard
Servantes, création personnelle inspirée d’A. Juillard


Si les JAY entretenaient une servante à demeure, la Claudine VUAGNAT aussi accusée, ils faisaient aussi appel à du personnel occasionnel. C’était le cas de Marie Michel PELLISIER, journalière chez Nicolas GUILLOT qui battait le blé depuis la St André [30 novembre], par exemple. Le samedi matin 10 février Jeanne Antoine VUAGNAT femme dudit GUILLOT lui ordonna d’aller laver la lessive à François JAY son beau fils.

Ce qu’elle fit, bien sûr. Vers les dix heures du matin, Françoise GUILLOT femme JAY lui dit : « Allé toujours, la servante et vous, laver la lessive. Je men vay faire un tour, je reviendray pour apporter a goutter. » Marie PELISSIER s’y rendit donc avec la Claudine VUAGNAT la servante de la maison. Et un moment après la Jotte [Josette] PIN femme de Claude SAUGE vint laver avec elles.

En effet, Françoise GUILLOT le lui avait demandé. Comme elle n’avait pas de liaison avec elle, elle ne voulait pas y aller, mais sur son insistance, la jeune femme s’y résolut. Françoise GUILLOT prit le chemin du bourg en lui disant qu’elle allait vers le pont de Clevieux. On ne la revit plus, bien que les servantes restèrent jusqu’à trois heures environ à laver la lessive.

 

Vers les deux heures, quand elles eurent fini de laver, elles retournèrent à la maison JAY, mais elles n’y trouvèrent ni Françoise GUILLOT ni les enfants.

Elles allèrent étendre la lessive dans la loge [galerie en bois placée, comme un balcon, sur la face la mieux exposée d'une maison] qui est devant de la maison. C’est là que Josette PIN fit observer à Marie PELISSIER une chemise de femme et une d’homme qui étaient toutes ensanglantées. Marie PELLISIER remarqua que celle d’homme était fendue sur le devant et entre les deux épaules. Un moment après la PIN lui fit observer une paire de culottes qui étaient sur une planche au soleil et toute ensanglantée.

Elles demandèrent à la servante des JAY « de quel mal guerissait ces chemises ». Celle-ci répondit : « Laisse les, quelles craivent ».

Elle ajouta quand même que François JAY et Françoise GUILLOT avaient été malades quelques temps auparavant, sans leur dire de quelle maladie il s’agissait. Effectivement Josette PIN avait vu que Françoise GUILLOT avait une plaie à la main au dessus du petit doigt, bien qu’elle ne se souvenait pas dans quelle main. Elle ne lui avait pas demandé comment elle s’était fait mal.

 

Après avoir étendu la lessive Marie PELISSIER retourna chez Nicolas GUILLOT son maître où elle trouva les deux enfants JAY. Mais elle ne s’informa pas de qui les y avaient portés ni de ce que la Françoise GUILLOT était devenue. 

 

Le 15 février elle fut auditionnée par le juge DELAGRANGE qui lui présenta une paire de culottes de toile en drap de pays couleur minime, ainsi que deux chemises, l’une d’homme et l’autre de femme. Il lui demanda si c’était les mêmes linges ensanglantés qu’elle avait vu dans le logis JAY et s’ils appartenaient aux mariés JAY. La servante répondit c’étaient bien les mêmes que ceux qu’elle avait vu le jour de la lessive. Elle les reconnaissait aux taches de sang, aux endroits où elles étaient situées, aux boutons, à l’étoffe de drap de pays et la façon. Par contre elle ne savait pas si ces linges appartenaient aux mariés JAY car elle ne leur avait jamais vu porter. 

 

Josette PIN confirma ce qu’avait dit Marie Michel PELLISIER au juge et identifia aussi les linges qui lui furent présentés.

 

Plusieurs personnes croisèrent Claudine VUAGNAT qui se lamentait, comme l’Honorable Jeanne GAUDY veuve de Charles JAY qui l’avait rencontré le samedi 10 février, toute désolée, qui disait : « Hé mon Dieu nous sommes tous perdus ». Entendant cela, elle lui demanda ce qu’il y avait. Elle répondit qu’il n’y avait que trop. Elle se chargea ensuite avec sa mère de deux trousses de linges et se retirèrent toutes les deux. 

 

L’Honorable François Joseph JAY, maçon âgé dix neuf ans, ne la vit pas partir mais quand il la croisa ainsi troublée et la questionna, elle répondit qu’elle ne pouvait le dire mais cependant qu’il y avait bien du mal.

 

Les jours passaient et Claudaz Françoise PARCHET s’inquiétait du sort de sa fille. Le bruit public la disait en Valais. Or, vers la fin du mois de février, elle apprit que François SIMOND allait s’y rendre accompagné de Jean François BURNIER qui se rendait sur un chantier qu’il avait à Bex. Elle vint le rejoindre et le chargea de s’informer de ce que faisait Claudine VUAGNAT sa fille en Valais. Celui-ci accepta la commission. Arrivé au bourg de St Maurice, il s’informa où il pourrait rencontrer la servante. Et ayant appris qu’elle était dans un moulin qui était à côté du bourg, il s’y rendit. L’ayant trouvé il lui dit : « votre mere m’at chargé de vous voir et de minformer de ce que vous fesiez dans ce pays ». L’ayant remercié, elle lui demanda ce que l’on disait à Samoëns. Il lui répondit : « Hé là ! on dit que le cavalier a été tué chez François JAY ». Ce qu’elle nia. Mais il lui répliqua que c’était inutile de nier parce que l’on n’en accusait pas d’autre et que d’ailleurs ils ne se seraient pas sauvés comme cela les uns et les autres.

C’est alors qu’elle lui en fit l’aveu. Elle fit le récit des événements tel que Jean François BURNIER le rapporta au juge mage RAMBERT qui l’auditionna le vingt neuf mars mil sept cent quarante huit, à Bonneville dans sa chambre d’étude et maison d’habitation…

 

 

 

jeudi 21 novembre 2024

R comme relevé

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

Joseph BIORD notaire collégié de Samoëns, suite à la demande de Monsieur PRESSET substitut de l’avocat fiscal de le commettre pour procéder à l’annotation des meubles, immeubles, effets et bestiaux de François JAY et de la Françoise GUILLOT mariés, s’attela à la tache. Il devait en outre procéder à la vente de leurs meubles et bestiaux. L’avant-veille, les biens lui avaient été officiellement remis par Me Jean François GUILLOT frère et beau frère des mariés JAY. 

 

Relevé, création personnelle inspirée de Van Ostade
Relevé, création personnelle inspirée de Van Ostade

Il se transporta donc avec Me Pierre GERDIL, représentant le fisc, et accompagné de Jean Pierre SIMOND et de Jean François RUIN, pris pour témoins, depuis le bourg de Samoëns où il demeurait jusqu’au lieu de Levy où étaient situées les maisons et biens des JAY. Là, il procéda à l’annotation des biens, qui consistaient ainsi :

  • Premièrement une maison, composée de deux chambres, une grange, une écurie, le tout situé à Levy, avec un jardin au dessous un grenier et un verger contigu, contenant un demi journal [surface labourable par un homme en un jour] ;
  • Cinq pièces de terre situées à Lachat, aux Esserts, aux Fates, etc…
  • Plus une grange et une écurie au lieu de Lachat et un pré verger contenant un journal et demi.
  • S’ensuivirent les biens qui étaient situés rière les territoires des Rosses et de Lattey [le Latay] qui étaient dans des endroits très éloignés et dans des lieux de montagne et presque inaccessibles à cause de la grande quantité de neige « ce qui nous ayant empeché de nous y transporter, je me les suis fait indicquer par des voisins desdits biens ». Il vérifia ensuite sur la mappe [cadastre] de la paroisse comment ils étaient situés. Il s’agissait de prés et pacquages ou de bois et broussailles. Soit 7 parcelles.
  • Plus encore audit lieu de Lattey une grange, une écurie et une chambre faisant feu [pièce avec une cheminée].

Carte de Samoëns et ses environs

« Ce sont tous les biens appartenant audit François JAY ». Il ne fit pas l’annotation des bestiaux, meubles et effets des mariés JAY et GUILLOT parce qu’une requête avait été présentée à Monsieur le juge mage par Nicolas GUILLOT père et beau père des mariés JAY.

 

En effet Nicolas GUILLOT avait rédigé une requête pour que les biens de sa fille et de son beau-fils ne soient pas vendus aux enchères au profit du fisc « pour sureté des frais de justice auxquels les susnommés pourraient être condamnés ». Il fit valoir que leur fuite n’avait eu lieu qu’à cause de la crainte de tomber entre les mains de la troupe qui avait formé le soupçon contre eux.

Et qu’en général, suite à une telle annotation, la vente des meubles bestiaux et autres effets s’expédiaient ordinairement à vil prix. C’est pourquoi le suppliant, autant animé par des sentiments de charité que par le lien du sang, s’était déterminé à se rendre caution du prix que pourraient se monter les susdits meubles et effets suivant l’estimation qu’en serait faite par l’expert juré de la paroisse de Samoëns.

 

Vu qu’il était notoire dans Samoëns et alentours que le suppliant était solvable au-delà du prix auquel pourraient revenir les meubles bestiaux et effets appartenant aux mariés JAY, le substitut avocat fiscal émit un avis favorable pour qu’il se porte caution. Néanmoins à cause des charges qui incombaient au notaire commis pour l’annotation il accorda la somme de cent livres pour être employée à donner un cours aisé à la procédure. La somme devant ensuite être déposée par ledit Sieur commissaire entre les mains du greffier de la judicature mage, moyennant reçu de la part de ce dernier.

« Bonneville ce second mars mil sept cent quarante huit
Signé par Monsieur PRESSET substitut avocat fiscal
 »

 

Le même jour le juge mage, vu les conclusions du substitut avocat fiscal, accepta que le suppliant soit regardé comme caution. Me BIORD fut autorisé à poursuivre l’estimation des meubles, effets, bestiaux.

 

« État des meubles, bestiaux et effets portés par l’inventaire pris par Me DESSAUGEY avec l’estime de chaque espèce faitte par Honorable Guillaume SIMOND expert juré de la paroisse de Samoëns. »

Le bétail (des vaches, dont « une vache d’environ sept veaux », une génisse de deux ans, un veau, un cochon et trois brebis) fut estimés à 153 livres. Le linge (drap, couverte, tours de lits…) et vêtements (chemise, veste, bas, jupe…) souvent usés et de peu de valeur, furent évalués à 13,8 livres. La vaisselle, ustensiles et ornements (chaudron, pot, tour à filer, « tableau à cadre de noyer représentant la figure du St Esprit »…) valaient 8,9 livres. Les outils (haches, pioche, cardes à carder la laine…) 3,2 livres. Le mobilier (coffres de sapin ou de bois dur) 5,1 livres*. Les récoltes (chanvre, avoine, pois, « prune et cerises séchées ») 21,4 livres.

Soit un total de deux cents huit livres deux sols, « sauf erreur de calcul »**.

 

 

 

 

* Ni table ou chaises ne sont mentionnées, de même qu'aucun lit (alors que draps et couvertures sont décrits). Il devait pourtant bien y en avoir...

** Bon, l’addition que j’en fais donne un résultat de 205,40 livres. Il doit donc bien y avoir une erreur de calcul !

 

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Pour en savoir plus
Les confiscations

Elles sont codifiées dans les Royales Constitutions de la façon suivante :


« La confiscation des biens aura non seulement lieu dans les cas où elle est imposée par nos Constitutions ou par le Droit commun ; mais encore pour raison de la contumace dans tous les délits pour lesquels on prononcera une Sentence de mort ou des galères perpétuelles.

Lorsqu'il y aura lieu à la confiscation pour raison de la contumace, Nous voulons que si les accusés sont arrêtés dans le terme de six mois après la publication & intimation des Arrêts, ou s'ils comparaissent volontairement dans celui de deux ans, ils puissent recouvrer la propriété de leurs biens avec les fruits ; mais s'ils font arrêtés après les six mois, ils recouvreront seulement la propriété, & si on les arrête, on qu'ils comparaissent après les deux ans, ils ne pourront recouvrer ni la propriété ni les fruits.

Dès qu'on aura fait la réduction des biens confisqués, on le notifiera par cri public à son de trompe, ou de tambour, ou d'autre instrument équivalent, devant la porte du Tribunal où la Sentence a été rendue. »

 

 

mercredi 20 novembre 2024

Q comme querelle

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

Les deux juges successifs continuaient d’auditionner les témoins. Mais comme dans toutes les procédures, parfois, ils n’avaient pas grand-chose à dire.

Ainsi Jean François AMOUDRUZ, laboureur de la paroisse, déclara ne rien savoir sur l’affaire, si ce n’est qu’il a ouï dire publiquement, sans savoir de qui, que c’était le Révérend chanoine CHOMETTY et François JAY qui avaient tués le soldat. « Cela est si publique que je n’ay pas daigné faire attention à ceux qui me l’on dit. » De la même manière, il savait que le soldat était venu de Scionzier pour tuer ledit chanoine mais qu’il avait subit le sort qu’il lui préparait. « Comme je suis d’un village assez éloigné de celuy qu’habitait ledit François JAY au village de Levy, je n’ay pas appris et ne sais pas autre que ce que je vous dit. »

 

L’Honorable Perrine VIOLLAT avait elle aussi entendu la rumeur de querelle. Elle relata le bruit selon lequel François JAY était alité dans sa maison pour diverses blessures qu’il avait reçu fin janvier, sans savoir qui lui avait fait ses blessures. C’est quelque temps après, le dix du mois de février, que le bruit se répandit que l’on avait trouvé un cavalier du régiment de Séville mort plié dans son manteau dans les bois de Bérouze. Et comme sur ce bruit, le même jour, François JAY, ainsi que Françoise GUILLOT sa femme, et quelque temps après eux, Claudine VUAGNAT leur servante, et encore le Révérend Sieur CHOMETTY chanoine de la collégiale de Samoëns, prirent la fuite et se retirent du côté du pays de Valais.

« L’on a dit publiquement dans le bourg de Samoëns que ces plaies avaient été faites par le cavalier dans le débat qu’il eut lorsqu’il fut tué ». Et depuis l’on n’a pas hésité de dire que tel homicide avait été commis dans la maison de François JAY, et par celui-ci, sa femme, sa servante, et d’accuser le Révérend CHOMETTY de complicité. « Parce que celuy cy, suivant la voye publique, fréquentait lesdits mariés JAY. »

 

Querelle, création personnelle inspirée de Van Ostade
Querelle, création personnelle inspirée de Van Ostade 


Elle confirma qu’elle avait bien vu le cavalier aller plusieurs fois du côté de la maison de François JAY, mais elle ne l’avait pas vu ni entendu y entrer. Comme elle n’était pas entrée dans la maison dudit JAY depuis les fêtes de Noël dernières, elle n’avait pas eu l’occasion de lui parler, ni à sa femme. De cette manière, elle n’avait pas vu les plaies qu’il avait pu recevoir dans le débat qu’il avait eu avec ce cavalier.

 

L’Honorable François Joseph DUNOYER DUPRAZ, le meunier de Madame de St Christophle, était chez lui, au moulin situé auprès de Vallon distant d’environ un quart de lieue du village de Levy : il ne s’était donc aperçu de rien la nuit du vingt cinq au vingt six janvier proche passé. Mais quelques temps après le meurtre du soldat, soit dans le commencement du mois de février dernier, il avait eu l’occasion de voir François JAY dans le bourg de Samoëns. Il l’entrevit marcher tout autrement qu’il faisait auparavant et d’une « fisionomie toute melancolique », comme une personne qui est malade. Il lui demanda ce qu’il avait. Il lui répondit que ses affaires n’allaient « rien qui vaille », qu’il était bien malade, sans savoir l’issue de sa maladie. Il dit qu’il avait entre autres reçu un coup de pied du cheval de Monsieur le chanoine CHOMETTY au côté qui lui faisait bien mal. Le meunier se contenta de lui dire qu’il fallait se conserver.

Et quelques temps après, soit le dix dudit mois de février, le bruit s’étant répandu que l’on avait trouvé ce cavalier mort et plié dans son manteau dans le bois de Bérouze. La fuite des accusés les fit envisager publiquement dans la paroisse qu’ils étaient responsables du meurtre de ce cavalier. Et c’est alors que le meunier se rappela de ce que lui avait dit François JAY au sujet de sa blessure : il pensa que n’était point l’effet du coup de pied du cheval du Révérend CHOMETTY mais plutôt de la querelle ou les débats qu’il avait pu avoir avec le cavalier.

Il se representa [rappela] alors que l’automne précédent, sans qu’il ne se rappela de quel jour ou nuit, ce cavalier était venu à la maison dudit JAY, sur les onze heures de la nuit. Et y ayant trouvé les portes et fenêtres fermées, il brisa les fenêtres, enfonça les volets ou ventaux et entra par une des fenêtres dans la maison. N’ayant trouvé que la servante, il lui lâcha un coup de sabre sur une des mains, qui lui fit une grande plaie qui l’avait laissée très longtemps indisposée. Et la Françoise GUILLOT s’étant allée cacher dans un cavot qui est au dessous du poile [chambre, salle commune], le cavalier, piqué de ne pas la trouver dans la maison, s’en fut chez Nicolas GUILLOT son père où ladite servante lui avait dit qu’elle était allée. A nouveau ne la trouvant pas, il se mit à faire grand carillon [crierie, grand bruit]. Le meunier l’avait entendu depuis sa maison d’habitation éloignée de celle de GUILLOT d’environ une vingtaine de pas. Il voulu même donner des coups de sabre audit GUILLOT, qui fut obligé de se réduire [cacher] sous un lit pour échapper à sa fureur. Et comme il ne pu pas excéder [frapper] ledit GUILLOT, il se mit à battre le briquet en menaçant de vouloir mettre le feu à la maison. Comme personne ne lui forma aucun obstacle ni réponse, il sortit ensuite de la maison, menaçant d’aller mettre le feu dans la maison de François JAY au village de Levy. Jeanne Antoine VUAGNAT femme dudit GUILLOT, avec Françoise GUILLOT sa fille, fut obligée d’aller garder la maison dudit JAY jusqu’au jour. Le meunier pensa que si ce cavalier avait voulu rentrer de la même façon chez François JAY et l’excéder, il aurait pu être, dans une légitime défense, commis et homicidé lui-même.