Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT
L’Honorable Claude DUNOYER DUPRAZ était parti de Samoëns au début du mois de mars, avec Monsieur GUILLOT Procureur en Tarentaise, frère de Françoise GUILLOT femme de François JAY. Ils étaient arrivés le mercredi suivant dans un cabaret du bourg de St Maurice [Suisse] qui est sous l’enseigne « au lieu de Valais ». Et là étant, il apprit que François JAY et Françoise GUILLOT étaient à Bex [Suisse], ville éloignée du bourg de St Maurice d’environ une heure de chemin.
Il se rendit à Bex, et lorsqu’il les trouva il leur dit que Monsieur GUILLOT les attendait au bourg de St Maurice. Il venait pour leur donner des nouvelles de leurs effets et prendre une procuration pour l’administration de leurs biens.
Alors qu’il les abordait, ils lui dirent que lorsqu’on avait découvert le cadavre de Vincent REY, cavalier dans le régiment de Séville, ils s’étaient sauvés dans la crainte qu’ils fussent que la troupe ne se saisir de leurs personnes. François JAY ajouta qu’il revenait dessus ses pas, et qu’il était même parvenu jusqu’à Taninges, animé par l’empressement de voir comme les choses allaient. Mais ayant trouvés Messieurs CHOMETTY, le Révérend et son frère, ils lui conseillèrent de rebrousser chemin, et il s’en retourna en Valais.
Lorsqu’ils furent tous ensemble dans le cabaret « au lieu de Valais », François JAY conta naturellement à son beau frère GUILLOT comment les affaires s’étaient passées, les tourments qu'il avait subi.
Monsieur GUILLOT, frère de ladite Françoise GUILLOT, leur conseilla de rester au pays de Valais jusqu’à ce que la procédure fût finie. Il ajouta même que François JAY serait consigné en prison dès que la formalité serait finie.
François JAY dit encore qu’il avait reçu treize coups, desquels il en fit apercevoir plusieurs au bras et un à la cuisse qui le faisait boiter encore, et qui peut-être le laissera indisposé pendant sa vie entière. Le Révérend Sieur CHOMETTY lui avait donné une boîte d’onguent avec lequel il avait pansé ses plaies, sans que ce Révérend ne lui eut dit qui lui avait donné cet onguent. Françoise GUILLOT ajouta que la Claudine VUAGNAT leur servante avait reçu deux coups, sans avoir dit si c’étaient des coups de sabre ou de stylet, ni à quel endroit elle les avait reçu. Sitôt qu’elle les eut reçus, elle s’était allée cachée au poile.
Ce n’était pas la première fois que le cavalier venait ainsi chez les JAY. Une nuit de l’automne précédant, il était venu de Cluses ou de Scionzier son quartier, sur les onze heures. Il était entré par la fenêtre après l’avoir cassée. S’en étant aperçu Françoise GUILLOT s’était sauvée et cachée. Le cavalier, ne la voyant pas, excéda la servante d’un coup de sabre sur la main et lui donna divers coups contre la poitrine. Ensuite il prit du feu avec de la paille et feignit de vouloir l’allumer entre la maison et le grenier, sans doute pour qu’elle dise où était sa maîtresse. Mais ne cédant pas, le cavalier se retira.
Le cavalier avait aussi ordonné à Françoise GUILLOT, quelques temps avant la St André, d’aller à la foire de Cluses, qui avait lieu le lendemain de cette fête. N’ayant pas voulu y aller, elle avait envoyé sa servante. Ayant rencontré ce cavalier, apprenant que Françoise GUILLOT n’était pas venue, il lui avait dit, très en colère : « Vous faitte bien les fiers par la haut, il fautque jy monte pour vous tuer et vous bruler ».