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Justine Borrat-Michaud est la dernière de mes ascendants
suisses ayant vécu (et disparu) dans son pays natal. Je la connais
notamment grâce aux relevés de l'AVEG (Association Valaisanne d’Études
Généalogiques) puisque, étant Française, je n'ai pas eu accès
directement à l'état civil suisse.
Elle est la fille de Jean Maurice, que nous avons déjà rencontré lors du Généathème de mai M comme militaire.
D'après les relevés de l'AVEG, elle a donné naissance à un fils illégitime, Pierre Frédéric Borrat-Michaud, né de père
inconnu en 1844. Elle est alors âgée
d'environ 30 ans.
Pour mémoire, un enfant illégitime (dit aussi
adultérin ou naturel) est un enfant né hors mariage. Si aujourd'hui le
phénomène est courant et ne choque plus guère les esprits, autrefois il
n'en était pas de même. Dans des sociétés où les relations sociales et
religieuses étaient fondées sur le couple, faire une entorse à cette
structure de base était jugé très sévèrement. Rappelons que le mariage
chrétien est un sacrement ne pouvant être dissous que par la mort. Ces
enfants illégitimes illustrent l'irresponsabilité de leurs parents et
réaffirment le caractère de péché grave de l'adultère.
Ils avaient
aussi des conséquences non négligeables sur les héritages : on
distingue ainsi les enfants naturels des enfants adultérins, puisque les
premiers pouvaient, eux, succéder aux noms et aux biens de leurs
parents (entièrement en l'absence d'enfants légitimes nés du mariage des
parents, ou partiellement, s'ils en avaient); contrairement aux seconds.
C'est pourquoi, lors de mariages postérieurs, les parents
légitimaient automatiquement leurs enfants naturels, les rendant tout
aussi légitimes que les autres enfants nés au cours du mariage des
parents communs.
Près de 20 ans plus tard, naît Joseph Auguste en 1863; mon ancêtre. A nouveau, c'est un enfant illégitime : "Joseph Auguste Es Borrat Michaud, illégitime de Justine Es Borrat Michaud" (acte de naissance selon la transcription de l'AVEG); "Monsieur Borrat Michaud Joseph Auguste [...] fils majeur célibataire et illégitime de Borrat Michaud Justine" (acte de mariage). Il est le seul ancêtre direct de ma généalogie à être illégitime [ 1 ].
Et
en 1850, Justine donne naissance à un troisième enfant, prénommé Louis
Auguste. Cette fois, le père est connu : il s'agit de Pierre Julien
Rey-Mouroz. Cependant Ils ne sont pas mariés. Ils sont juste concubins.
Avoir un enfant illégitime n'est pas très courant, mais trois !
A
ma connaissance elle ne s'est jamais mariée. Est-ce que Pierre Julien
Rey-Mouroz est aussi le père de Pierre Frédéric et de Joseph Auguste ?
Nous ne le saurons probablement jamais.
Le nom du père de Joseph Auguste reste donc inconnu. Ce qui a
deux conséquences : une grande saignée dans mon arbre généalogique et un
patronyme, Borrat-Michaud, hérité d'un Claude vers 1650 et qui s'est
transmis jusqu'à ma mère.
Devenu adulte, Joseph Auguste épouse Antoinette Adélaïde Jay. Celle-ci est un peu à part dans ma généalogie. Il faut
dire qu'elle a eu une vie unique, comparée à celles des autres femmes
de ma parentèle.
Née en 1854 à Samoëns (74) on la voit
apparaître pour la première fois dans les registres en tant que mère en
1881 : elle a alors 26 ans et donne naissance à des jumelles, Félicie
Césarine et Marie Joséphine. Mais c'est la sage-femme qui déclare cette
double naissance : la mère est encore alitée, bien sûr, mais le père est
inconnu.
Antoinette Adélaïde est alors
"ménagère" et vit chez ses parents cultivateurs, au lieu-dit Lévy. Si
aujourd'hui ce métier désigne la femme qui s'occupe du foyer, autrefois
on l'utilisait pour qualifier l'agriculteur disposant d'une grande
surface de terres, qui est riche. Le "ménager" est le chef de maison.
Son épouse est donc la ménagère. Ici Antoinette Adélaïde n'est pas
mariée : ce terme doit renvoyer au métier de son père (et non à celui de
son époux) - qui sera d'ailleurs dit plus tard "propriétaire"; ce qui
démontre une certaine aisance.
L'officier d'état civil
qui remplit le double acte de naissance est assez indulgent : en effet
il utilise la formule "a accouché d'un enfant jumeau". Délicat, il ne
fait aucune mention de paternité. Il faut attendre le décès de Marie
Joséphine (lorsqu'elle a 3 semaines) pour voir la mention "fille
naturelle".
Le père d'Antoinette n'a pas l'air d'avoir
mal pris cette entorse aux règles de bonne conduite puisqu'il continue à
l’héberger après son accouchement.
Huit ans plus tard Antoinette Adélaïde donne naissance à deux autres filles
jumelles... et naturelles ! Marie Louise et Marie Joséphine ne survivent
que 3 jours. Mais à nouveau il n'y a pas de père dans le paysage. La
seule précision qu'apporte l'officier d'état civil c'est l'ordre de "sortie du sein de [leur] mère" (ordre de naissance de chacune des deux fillettes).
Cette fois on retrouve un même nom dans les déclarations de naissance et de décès de cette seconde paire de jumelles : Placide Burnod, menuisier âgé de 29 ans, voisin de la famille Jay. Est-il un simple voisin ou a-t-il été "un peu plus proche" de la fille de la maison ?
En 1892, âgée de 38 ans, Antoinette donne naissance à une cinquième fille, Marie Louise, alors qu'elle n'est toujours pas mariée. L'enfant est donc toujours illégitime, mais cette fois pourtant le père est (enfin) connu : c'est un jeune citoyen suisse âgé de 29 ans domicilié à Samoëns, Joseph Auguste Borrat-Michaud.
Trois semaines plus tard, les nouveaux parents vont officialiser leur union. "Et à l'instant les époux nous ont déclaré reconnaître et légitimer 1° Jay Félicie Césarine née à Samoëns le 17 février 1881 enregistrée à la mairie de Samoëns comme enfant naturel de Jay Antoinette Adélaïde 2° Borrat-Michaud Marie Louise née à Samoëns le 28 décembre dernier enregistrée à la mairie de Samoëns comme enfant illégitime de Borrat-Michaud Joseph Auguste déclarant et de Jay Antoinette Adélaïde."
Avoir un enfant illégitime n'est pas très courant, mais cinq !
Placide Burnod a disparu. Peut-être n'était-il qu'un voisin après tout... Joseph et Antoinette donneront encore naissance à un enfant, cette fois (enfin) tout à fait légitime.
Y a-t-il une prédisposition à la naissance illégitime ? Il est étonnant
de voir en effet autant d'enfants naturels/illégitimes en si peu de
naissances et aussi rapprochés.
C'est en tout cas un phénomène tout à fait à part dans ma généalogie.
[
1 ] A dire vrai, j'ai aussi un ancêtre dit "bastard" : Jacques Guibé, mais il n'y a
pas de registre à l'époque de sa naissance (vers 1612 à La Coulonche,
Orne) pour le confirmer.
Ca fait en effet beaucoup !!!
RépondreSupprimerJ'ai une ancêtre, veuve jeune fin XIXe à Paris et mère de deux filles légitimes, qui a deux enfants illégitimes... j'ai trouvé également que 2 c'était beaucoup, et me demande si Paris, le quartier des Halles, tout ça... je ne la retrouverai pas fichée dans les archives de la police pour prostitution !
Dans un de mes arbres, une situation se rencontre trois fois : une mère, sa fille, sa nièce ont un enfant sans être mariées avec le père biologique qui était leur amant connu. La mère et sa fille étaient mariées par ailleurs (et le mari informé !)
RépondreSupprimerJ'ai pensé à une série particulière qui se reproduisait dans l'histoire de cette famille.