« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 1 décembre 2016

#Centenaire1418 pas à pas : novembre 1916

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de novembre 1916 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er novembre
De retour dans les Vosges, si près de l’endroit où j’ai combattu si longtemps et où j’ai été blessé…
Tant de souvenirs me reviennent.

2 novembre
Le sous lieutenant Ajoux prend le commandement du canon de 57.

3 novembre
D’après la nouvelle organisation des bataillons de Chasseurs, le 51e reçoit une nouvelle Compagnie et un peloton de mitrailleuse.

4 novembre
Le bataillon doit recevoir un deuxième canon de 57.

5 novembre
Aujourd’hui au menu c’est rat des champs. Heureusement que Marius est devenu très habile à la chasse !
Chasse aux rats, 1916 © Gallica

6 novembre
Une chanson circule dans les tranchées :

Les sacrifiés
Lorsqu'au bout de huit jours,
Le repos terminé,
Nous allons reprendre les tranchées,
Notre tâche est inutile,
Car sans nous on prend la pile,
Mais nous en avons assez,
Personne ne veut plus marcher,
Car le cœur gros, avec des sanglots,
On dit adieu aux civlots ;
Et sans tambour, sans trompette,
Nous partons tous, en baissant la tête.

Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes,
C'est pas fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Verdun, sur le plateau
Qu'on va laisser sa peau.
Car nous sommes tous des condamnés,
Nous sommes les sacrifiés.

Nous voilà partis, et tous sac au dos,
On dit adieu au repos.
Car pour nous la vie est dure,
C'est terrible, je vous l'assure.
A Verdun, là-haut,
On va se faire descendre,
Sans pouvoir même se défendre,
Car si nous avons de très bons canons,
Les Boches répondent à leur son.
Forcés de se cacher
Au fond de la tranchée
Attendant l'obus qui viendra nous tuer.

Huit jours de tranchée,
Huit jours de souffrances,
Cependant on a l'espérance,
Car ce soir c'est la relève,
Que nous attendons sans trêve…
Tout-à-coup dans l'ombre et le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de Chasseur à pied,
Qui vient pour vous remplacer.
Doucement, dans l'ombre,
Sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leur tombe.

C'est malheureux de voir
Sur les grand boul'vards
Tous ces gens qui font la foire
Car si pour eux la vie est rose,
Pour nous ce n'est pas la même chose.
Au lieu de se cacher,
Tous ces embusqués
Feraient mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leur bien,
Puisque nous n'avons rien,
Nous autres les purotins,
Pour défendre les biens de tous ces gros-là.

Refrain
Ceux-là qui ont le pognon,
Ceux-là reviendront,
Car c'est pour eux qu'on se crève.
Mais c'est fini, tous les troupiers
Vont bientôt se mettre en grève.
C'est à votre tour, Messieurs les gros,
De monter sur le plateau.
Puisque vous voulez la guerre.
Venez la faire de votre peau !

Paroles : Pierre Chapelle (*)
Partition

7 novembre
Le nouveau tableau d’effectif est porté à notre connaissance : Etat-Major, Compagnie de mitrailleuses, Compagnies de Chasseurs.
Bataillon actif : 111 sous officiers ; 1 046 hommes de troupe ; 241 chevaux et mulets.
Compagnie de dépôt : 12 sous officiers ; 58 hommes de troupe.

8 novembre
Enfin quelques jours de tranquillité.

9 novembre
Aucune note pour ce jour.

10 novembre
Aucune note pour ce jour.

11 novembre
Plus de deux ans que je suis aux armées.
Combien de temps encore ça va durer ?
Combien sont tombés, le visage dans le sang et la boue, endormis à jamais ?
Combien de temps encore leur souvenir va-t-il perdurer ?

12 novembre
Aucune note pour ce jour.

13 novembre
Aucune note pour ce jour.

14 novembre
A 10 mètres de moi, deux gars s’empoignent pour une paire de godillots. Ils en viennent aux mains.
J’essaie de les séparer avant qu’un gradé arrive et les mettent aux arrêts. (**)

15 novembre
Aucune note pour ce jour.

16 novembre
Aucune note pour ce jour.

17 novembre
Aucune note pour ce jour.

18 novembre
Aucune note pour ce jour.

19 novembre 
Le capitaine Berlon est désigné pour suivre le cours d’Etat-Major à Senlis. C'est la valse des sous-off.

20 novembre
Aucune note pour ce jour.

21 novembre
Aucune note pour ce jour.

22 novembre
Reçu de la 10e Compagnie un renfort de 12 chasseurs.

23 novembre
Le sous lieutenant Morel venu du 16e Dragons est affecté au bataillon, 9e Compagnie.

24 novembre
Le sous lieutenant Bozon rentré de convalescence est affecté à la 8è Compagnie .
On reçoit aussi un renfort de 2 sergents, 18 caporaux et 53 chasseurs.

25 novembre
On bouge ! La Division se dirige vers le secteur de St Dié où nous devons relever la 76e Division.
Départ par voie de terre. Etape sur Taintrux. Reconnaissance des avant-postes le chef de Bataillon.

26 novembre
Etape à Taintrux, à Laveline devant St Dié, de 17h à 22h.

27 novembre
Après-midi. Relève du 6e Bataillon du 227e RI.
Dispositif du Bataillon : les différentes Compagnies partent en relève. Mais la nôtre, la 8e, reste en réserve.

28 novembre
6 bombes allemandes lancées entre 11 et 12h sur le Front III.
60 obus français de 90 entre 12et 13h sur le blockhaus de la côte 607.

29 novembre
Le capitaine Janin est désigné pour inspecter le matériel contre le gaz.
Soldats équipés de masques à gaz © passionmilitaria.com

En vue d’une modification de la répartition des troupes dans le secteur, le chef de Bataillon reçoit l’ordre de faire effectuer demain une reconnaissance dans le sous-secteur de Combrimont : il désigne la 9e.
Des roulements de voitures sont entendus sur la route de Provenchères vers 18h et entre 20 et 21h.
20 obus boches sont tombés vers 20h aux environs de la ferme Simon.
Les écoutes du génie signalent : travail actif dans la demi-lune de droite ; rien dans celle de gauche.
Soldat du génie à l'écoute © histoire-passy-montblanc.fr

30 novembre
La 9e part en reconnaissance.
Écoute du génie : comme la veille.
Nombreuses rafales de mitraillettes provenant des blockhaus de 607 et d’autres positions. Bruits de ravitaillement sur la route de Frapelle.



(*) Chanson qui a circulé après l'offensive de Nivelle en avril 1917. Elle témoigne de la lassitude envers la guerre des Poilus après 3 ans de combats et des grandes offensives très meurtrières à répétition. Lassitude qui a engendré les grandes mutineries de l'année 17.
(**) Inspiré d’A. Perry « au temps des armes »

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