Qu'elle ne fut pas ma surprise de reconnaître, au détour d'une page, la signature d'un de mes ancêtres, Antoine Courtin.
Je feuilletais alors le cahier de doléances de la paroisse de Villevêque (49).
Les cahiers de doléances : vous vous rappelez ? Ce sont ces registres
dans lesquels les assemblées chargées d'élire les députés aux États
généraux notaient vœux et doléances. Cet usage remonte au XIVème siècle. Mais les cahiers de doléances les plus notoires restent ceux de 1789.
Les cahiers de doléances du tiers-états sont pour la plupart
rédigés le dimanche, jour de la messe, où tous les villageois se
retrouvent. Ils peuvent y exprimer, de manière plus ou moins personnalisée, les revendications et attentes des habitants des communautés rurales et des paroisses.
C'est d'ailleurs ce que nous indique le procès verbal d'assemblée de la paroisse : "en l'assemblée convoquée au son de la cloche, en la manière accoutumée,
sont comparus sous le parvis de l'église de ce lieu, ou se tiennent
ordinairement les assemblées de cette paroisse" devant le procureur de
la châtellenie. Une cinquantaine de personnes présentes sont listées. "Tous nés français ou naturalisés, âgés de vingt cinq ans, compris dans ledit rôle des impositions, habitants de cette ditte paroisse de Villevêque, composée de trois cent feux. Lequels
pour obéir aux ordres de sa majesté, portée par les lettres données à
Versailles le vingt quatre janvier 1789 pour la convocation et tenue des
Etat généraux de ce Royaume [ . . . ] dont ils nous ont déclaré avoir
une parfaite connaissance tant par la lecture et publication cy devant
faite au prône de la messe de paroisse de ce jour par monsieur le
vicaire de cette paroisse et l'affiche qui vient d'en être faite à
l'issue de la ditte messe de paroisse au devant de la porte
principale de l'église, nous ont déclaré qu'ils allaient d'abord
s'occuper de la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et remontrances, et en effet ayant vacqué, ils nous ont représenté ledit cahier qui a été signé par ceux desdits habitants qui scavent signer".
Ils
ont ensuite élu leurs députés, représentants de la paroisse et porteur
dudit cahier à l'assemblée qui se tiendra au palais royal d'Angers le 16
mars suivant afin de "proposer, démontrer [ . . . ] tout ce qui peut concerner
lesdits besoins de l'Etat, la réforme de l'abus, d'établissement d'un
ordre fixe et durable dans toutes les parties de l'administration la propriété générale du royaume et le bien de tous et un chacun des sujets de sa majesté".
Les États Généraux sont une assemblée composée des représentants des trois ordres (noblesse, clergé et tiers-état). Ils n'avaient plus été sollicités depuis 1614. En 1789, ils sont convoqués
pour trouver une solution à la grave crise financière, politique et sociale qui sévit dans le royaume.
Le cahier de doléances de la paroisse de Villevêque est composé de 16 pages.
"Cahier de vœux, plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Villevêque par eux rédigé dans leurs assemblées générales tenue ce jour dimanche huit mars mil sept cent quatre vingt neuf".
- la majorité des articles concerne les finances et les impôts (11 articles)
- 8 articles concernent la justice
- 6 articles concernent le clergé
- 6 articles concernent la tenue des États Généraux
- 5 articles concernent le commerce
Les autres sujets abordés sont la création des lois, l'administration, le commerce, la liberté, la presse, entretien des orphelins, la mendicité.
L'article 2 fait allusion aux catégories de personnes qui doivent composer ces État généraux : "Que des huit Députés que le tiers Etat a droit et nomme pour les Etats généraux, soient choisis, savoir deux dans la classe des notables bourgeois, deux dans celle des négotiants ou Marchands, deux dans celle des agriculteurs et deux enfin parmi les artisans, observant qu’il y ai au moins deux qui soient habitants de la campagne, en ce que soit des personnes honnestes, instruites et d’une Probité à l’Epreuve et connue sans que pour représenter le tiers Etat on puisse être aucuns nobles, anoblis, privilégiés ni financiers."
On notera que la royauté et la noblesse ne sont pas (encore) remises en question, puisque les articles 7 et 30 souhaitent "Qu’il soit fait une loi qui établisse et assure irrévocablement les droits du Roy et ceux de la nation" et "Que les nobles puissent faire toute Espece de commerce et exercer tout les arts libéraux, sans déroger ni être privé de leurs privilèges".
On retrouve des articles "classiques", sur la liberté de la presse par exemple : "Que la liberté de la presse soit établie à la charge par les auteurs de signer leurs manuscrits qui resteront entre les mains de l’imprimeur pour leur sûreté, et par les imprimeurs de mettre leurs noms sur les imprimés." (article 10).
On pense "Qu’il seroit avantageux pour tout le Royaume qu’il n’est qu’une seule loy coutumière qui seroit rédigée d’après l’Equité et la Raison pour cet effet il faudroit que chaque province fit le sacrifice d’une partie de ses us et coutumes anciennes à l’avantage d’avoir une loy unique" (article 21). C'est le début de la fin pour les langues régionales !
En dehors des grandes préoccupations sur les impôts ou les biens du clergé, on a aussi des préoccupations plus locales, comme : "Que les chemins publics soient entretenus et réparés par les municipalités, lesquelles aussi profiteront des arbres plantés sur iceux." (article 46).
Antoine Courtin est
tantôt qualifié de fermier ou closier. Son père était qualifié d'
"honnête homme marchand fermier", mais le fils ne semble pas avoir poursuivi les activités de marchand de son père. Il est mon sosa n°318.