« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 8 novembre 2024

G comme giclures

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

Les gardiateurs, vers les sept heures la veille au soir 11 février, s’étaient fait la réflexion suivante : « puisque François JAY et la Françoise GUILLOT sa femme, de même que leur servante, ont quitté la maison et qu’on les taxe par là d’avoir procuré la mort audit soldat que l’on a trouvé dedans les communs de Bérouze, voyons voir si nous ne trouverions point quelques marques de sang, au cas que le meurtre ait été fait dans la maison ».

Ils prirent sur le champ une chandelle bénite et entrèrent dans la chambre qui est au levant de ladite maison. C’est là qu’ils découvrirent une tache de sang qui avait ruisselé jusqu’au plancher.


Giclure, création personnelle inspirée de Van Ostade
Giclure, création personnelle
inspirée de Van Ostade

 

Le lendemain, ils la montrèrent au juge. Après un examen attentif, celui-ci remarqua en fait deux taches de sang : l’une contre la muraille qui donne du côté de la cuisine et l’autre contre une paroi qui sépare l’allée avec la chambre. La première était à peu près de la largeur d’une bonne palme de main [7,36 cm] et l’on voyait que le sang avait coulé jusqu’au plancher. Cependant ils ne trouvèrent pas le moindre indice sur le plancher qui paraissait simplement mouillé en quelques endroits. Après discussion, ils estimèrent que ce plancher était plutôt mouillé par l’humidité du terrain sur lequel il était que par autre chose.

 

Ils remarquèrent aussi qu’il y avait au-dessus de cette tache de sang une grosse cheville de bois qui sortait de la muraille. De fait, la tache de sang pourrait bien avoir été faite par de la viande que l’on aurait pendue à cette cheville. Quoique cependant personne ne pouvait attester qu’on eut bien mis de la viande sur cette cheville.

Après un examen minutieux, il leur sembla qu’il y avait deux types de tache : la première leur paraissait être plus vieille que la seconde qui était sur la paroi près du plancher et qui avait coulé par deux endroits jusqu’au sol. Sur le plancher lui-même ils ne trouvèrent rien, mais sur la paroi ils distinguèrent sept à huit gouttes distinctes. 

 

Ils observèrent de plus qu’il y avait au dessus de ces taches une pièce de bois attachée par deux chevilles et qui paraissait avoir servi pour enchâsser des aches [haches] et autres outils semblables. En sortant de la maison, ils remarquèrent aussi une cuiller de bois à lait.

 

Et dans un endroit qui sert de réduit à bois, ils trouvèrent, au-dessous de différents sacs à charbons, un petit morceau de linge taché de sang en différents endroits. Le juge les fit mettre avec les chemises dans le seau de bois et les fit porter dans la maison de Laurent RENAND qui lui servait de quartier général. Il ordonna à Me VUARCHEX d’en rester saisi, de faire sécher lesdites chemises et d’en nantir le greffe pour conserver le corps du délit, après avoir apposé son cachet sur cire rouge, représentant un chevron tranchant trois liquernes [lignes ? licornes ?] dans le susdit chevron et l’autre dessous, sur du papier qui fut attaché avec du fil au bord des chemises et du morceau de linge.

 

Les gardiateurs déclarèrent que l’on ne savait point ce que le François JAY et la Françoise GUILLOT étaient devenus, non plus que la servante, que l’on n’avait pas vu, notamment ici dans la maison où ils étaient de garde. Le premier avait disparu depuis vendredi neuf du courant mois, la femme depuis le dixième sur environ le midi et la servante depuis la veille au matin. Cette dernière, en partant, avait laissé la maison ouverte, après avoir porté les enfants chez Nicolas GUILLOT père de ladite Françoise. Le bétail était dans l’écurie, sans que personne n’en prenne aucun soin.

 

Entendant cela, le juge ordonna à Me DUSAUGEY de procéder à une description exacte des effets, meubles, linges et bétail du couple JAY et de les confier entre les mains d’un gardiateur reconnu et solvable pour les conserver et que rien ne s’en écarte jusqu’à ce qu’autrement ne soit ordonné.

 

Ce fait, le juge se retira dans la maison de Me RENAND après avoir dressé son rapport, signé de lui-même et des témoins, sauf lesdits gardiateurs étant illettrés de ce enquis, « à Samoëns au village de Levy ce douzieme fevrier mil sept cent quarante huit ».

 

 

 

 

 

 

 

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