« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 12 novembre 2024

J comme jules

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

De nombreux témoins déclarèrent attester des relations étroites qu’entretenaient Françoise GUILLOT avec Vincent REY. Ainsi le Sieur Victor ROUGE bourgeois de Samoëns, qui avait bien connu le soldat pendant l’hiver et le printemps où il avait été de quartier dans le bourg (il avait même eu son cheval dans son écurie) avait bien sûr reconnu le cadavre conduit sur un traîneau et mis dans la chambre où s’assemble le conseil de la paroisse. C'était celui de Vincent REY. Il déclara au juge que ce soldat fréquentait la maison de François JAY et il l’avait vu aller très souvent du côté de cette maison. Un bruit public disait qu’il aimait Françoise GUILLOT femme dudit François JAY.

« L’on m’a bien dit aussi, et je crois que c’est Antoine Joseph GERDIL du présent bourg de Samoëns, que le susdit soldat était venu de Cluses où il était de quartier dans le courant du mois de novembre proche passé pour voir la susdite Françoise GUILLOT. » Très en colère, Vincent REY avait alors déclaré audit GERDIL, entre autres, qu’il « fallait qu’il coupasse la soutane du Révérend chanoine CHOMETY si haute qu’il montra le cul ». Il n’avait pas su la raison de ce discours, mais comme il était aussi bien connu que le Révérend chanoine CHOMETTY fréquentait aussi la maison dudit François JAY, où on le voyait souvent, et qu’il était bon ami avec la Françoise GUILLOT femme dudit François JAY… Il n’était pas difficile d’imaginer les raisons de cette colère. 

 

Jules, création personnelle inspirée d’A. Juillard
Jules, création personnelle inspirée d’A. Juillard

 

Le Discret Joseph GERDIL, vers le dix ou quinzième du mois de novembre dernier, se promenait en effet derrière les asle [halles] du bourg, lorsque vers les dix heures du soir, il rencontra le soldat Vincent REY du régiment de Séville. Il était pour lors de quartier à Cluses. Le connaissant parfaitement, ils se saluèrent. « Après quoy je luy demanday par quel hazard il se trouvait icy. Il me dit qu’il était venu trouver la Françoise GUILLOT femme de François JAY de cette paroisse qui luy avait promis du beurre et pour luy rendre une chemise de son mary quelle luy avait porté. » Il lui demanda ensuite depuis combien de temps il était à Samoëns. Le soldat répondit qu’il n’y avait pas longtemps qu’il était parti de Cluses et qu’en arrivant il était allé chez ladite Françoise GUILLOT femme de François JAY au village de Levy. Là, ayant entendu la voix d’un homme qui parlait dans la maison, il était allé vers la fenêtre pour distinguer à qui appartenait cette voix. N’ayant pu le déterminer, il n’était pas entré. Vincent REY lui demanda si François JAY était dans la paroisse et si c’était lui qui était avec la Françoise GUILLOT sa femme. Mais Joseph GERDIL n’en savait rien. Il « luy demanday aussi en badinant s’il n’avait rien à craindre en venant ainsy trouver les femmes des autre et sil n’appréhendait rien de la part du Révérend chanoine CHOMETTY », puisqu’il savait qu’il fréquentait cette maison. Vincent REY répliqua en sortant son sabre de son fourreau : « Voilà ce qui est pour Monsieur CHOMETY si je l’y attrappe. Iceluy veux couper la robe si près qu’il montrera le cu et si l’on ne m’ouvre pas la porte je passeray par la fenestre et il y aurat du carillon. » Après quelques tours en parlant de choses semblables, ils se quittèrent et Vincent REY alla dans cette maison en disant : « Si l’on ne m’ouvre pas il ny aura que Monsieur CHOMETTY qui me le payera. »

 

Les témoignages firent valoir que non seulement Françoise GUILLOT avaient des relations avec Vincent REY, mais aussi avec le Révérend CHOMETTY. Ce que confirma notamment l’Honorable Jean Louis GRENAND, natif de la vallée delit [de Liddes ?] pays de Valley [Valais] habitant de la paroisse de Samoëns depuis environ six mois, au juge RAMBERT.

Il avait bien connu le Révérend chanoine CHOMETTY et se souvenait que plusieurs jours avant la St François de Sales [24 janvier], dans le mois de décembre dernier, en se retirant vers les neuf à dix heures avant minuit, il rencontra ce Révérend CHOMETTY qui allait du côté de la maison de François JAY marié à Françoise GUILLOT.

Et peu de temps après, c’est à dire vers la nuit du vingt cinq au vingt six janvier dernier, il le rencontra encore aux environs de minuit. Il était suivi d’une servante qu’il ne connaissait pas. Il allait vers la maison dudit François JAY. Jean Louis GRENAND se trouvait alors avec un nommé Joseph GALLEY, qui était à présent en Valais, qui lui dit que Françoise GUILLOT était sa maîtresse.

Lors de son témoignage, Jean Louis GRENAND ajouta qu’Anne Christine REY sa femme, ayant appris que le Révérend CHOMETTY s’était sauvé, lui avait dit que cela lui faisait bien plaisir. Elle espérait qu’il ne viendrait plus par ici car elle n’aimait pas les prêtres « qui aimaient à caresser les femmes ». En effet, un jour il était venu chez elle sous le prétexte de voir un tailleur qui travaillait chez eux et il avait voulu l’embrasser

 

 

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