« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 4 novembre 2024

C comme connaissance

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

Le 11 février 1748, lendemain de la découverte du cadavre dans les bois de Bérouze, le juge François Joseph DELAGRANGE s’installa dans la maison de Laurent RENAND, située au bourg se Samoëns, pour mener à bien la procédure criminelle. Toujours assisté de Me BIORD, le vice fiscal, et Me VUARCHEX qui prenait note des témoignages, il commença les auditions.

 

Afin d'identifier le cadavre, le juge fit comparaître deux soldats espagnols, les Sieurs Noël SERRANOZ et Joseph RAMOZ ; le premier brigadier du régiment de Séville, de quartier à Scionzier, et le second carabinier, cantonné à Taninges. Les deux hommes reconnurent au premier abord le cadavre découvert la veille.

Après leur avoir fait prêter serment sur les saintes écritures, en conformité des Royales constitutions [voir intro de ce ChallengeAZ pour en savoir plus sur ce sujet], il leur demanda s’ils reconnaissaient le cadavre et s’il pouvaient en dire son nom, surnom, âge, patrie et tout autre moyen de reconnaissance qu’ils pouvaient avoir.

 

Le cavalier du régiment de Séville, création personnelle inspirée d’un dessin trouvé sur anargader.net (source inconnue)
Le cavalier du régiment de Séville,
création personnelle inspirée d’un dessin trouvé sur anargader.net (source inconnue)

 

Lesquels, parlant très bien la langue française, déclarèrent qu’ils reconnaissent très bien le cadavre qui était là étendu plié dans son manteau : c’était celui d’un nommé Vincent REY. Il était peut-être natif de Mallagoz [Malaga ?] dans l’Andalousie. Mais ce qui était sûr, c’est qu’il était soldat dans le régiment de Séville depuis environ une année et demie. Il était de la même compagnie que le premier témoin, celle du Sieur capitaine MINDOZ, qui était de quartier à Scionzier. Il se rappelait lui « avoir toujours donné la paye pendant qu’il était dans le régiment et l’avoir vu tous les jours à toutes heures matin et soir ». Et qu’il était absent de la compagnie depuis la nuit du vingt cinq au vingt six janvier passé. Il était parti après avoir fait boire et donné l’avoine à son cheval, d’après les rumeurs.

 

Le deuxième témoin confirma les dires du premier et ajouta qu’ils étaient « même assez amis ensemble quoy qu’il fut de la compagnie de Monsieur MINDOZ et que je sois de celle D’AGUILLARD ». Il le reconnaissait « aux traits du visage et en toute sa personne ». Il savait bien qu’il était de l’Andalousie, mais pas de quelle ville exactement. 

 

Le Sieur Jean François FERRIER, menuisier natif de Faucognan en Franche Comté, désormais habitant au bourg de Samoëns (l’un de ceux qui ont été envoyés pour vérifier s’il y avait bien un cadavre dans les bois de Bérouze – voir à la lettre A de ce ChallengeAZ) reconnu lui aussi le soldat REY. Il l’avait vu très souvent chez lui pendant les cinq à six mois qu’il avait été de quartier au bourg de Samoëns. Il venait faire l’ordinaire chez lui avec les autres soldats, ses camarades. Lorsque l’on a découvert le visage du cadavre qui était plié dans son manteau au pied d’un sapin dans le bois, il l’a reconnu à l’instant.

 

Le Sieur François Joseph ROUGE, avait vu passer le matin sur un traîneau un cadavre qui était plié dans un manteau blanc. Il avait suivi toute la compagnie jusque dans la chambre où le conseil de paroisse s’assemblait, et dans laquelle on avait reposé le cadavre. Et après l’avoir examiné il avait reconnu que c’était celui de Vincent REY, soldat dans la compagnie de Monsieur MINDOZ capitaine du régiment de Séville. Il l’avait reconnu parfaitement parce que Vincent REY venait faire ordinaire chez lui de quinze en quinze jours, et quelques fois de dix jours en dix jours. Outre cela, il l’avait logé pendant environ six semaines pendant le courant de l’hiver précédent lorsqu’il était de quartier en cette paroisse avec son régiment. « De sorte que je vous assure que c’est bien le cadavre dudit Vincent REY que l’on a porté dans la maison de ville du présent lieu. »

 

 

7 commentaires:

  1. Le cadavre a désormais un nom... On avance !

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  2. L'identification n'a pas posé de problème. Alors que va-t-il se passer ensuite ?

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  3. Bien évidemment on sait maintenant qui c'est !

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  4. L’affaire avance, les témoins sont formels, il s’agit de Vincent Rey… l’enquête continue.

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  5. Ils ont l’air parfaitement intégrés ces espagnols

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  6. Bon, il avait des amis sympathiques.

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