« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 25 décembre 2014

Un Noël à Noël

Il faisait froid ce soir-là. Le ciel cristallin était émaillé d'une myriade d'étoiles. L'air était fort vif. Toute la famille était dans la salle commune en train de s'habiller chaudement pour se rendre à la messe de minuit, fêter la naissance du Christ.

Charlotte peinait à habiller François, âgé de 5 ans, qui ne cessait de gigoter. Mais surtout, son gros ventre l'empêchait de se mouvoir comme elle le souhaitait. Son souffle était court, dès qu'elle faisait le moindre mouvement. Enfin, le garçonnet chaudement emmitouflé signala que toute la famille était prête à partir pour l'église. 

Embrassant tous ses enfants d'un regard, Charlotte eut une pensée émue pour le petit Jean, son premier-né, qui n'avait vécu que deux jours. Douze ans déjà étaient passés. Son second fils avait été aussi prénommé Jean, comme son père. Puis était venus René, François, Charles et la jeune Sébastienne, aujourd'hui âgée de deux ans et bien emmaillotée dans une chaude couverture. 

Alors que Jean, le père, avait une main sur la poignée de la porte, une violente douleur força Charlotte à s'assoir. Tout le jour elle avait eu mal au bas du dos. Reprenant son souffle, elle se releva et rassura son époux d'un regard. De toute façon, c'était bien trop tôt pour que le bébé arrive. Toute la famille sortit donc du logis et pris le chemin de l'église. Les enfants jouaient tranquillement le long du trajet, semblant ignorer le froid piquant. Au contraire, il sembla à Charlotte que l'église n'avait jamais été aussi loin. Elle avait l'impression de reculer au lieu d'avancer !

La messe de minuit était un moment qui plaisait beaucoup à Charlotte. La chaude voix du curé Pierre Michel qui s'élevait sous les voûtes de la vieille nef faisait naître chez elle une certaine émotion. Et elle attendait toujours l'instant où les enfants admireraient le petit Jésus enfin placé dans la précieuse crèche

Nativité, émaux de Limoges, vers 1500, © La Gazette de Drouot

Le curé parlait ce soir-là de la venue du Christ comme étant le plus beau des cadeaux qu'on pût recevoir. Mais Charlotte avait du mal à fixer son attention sur ses propos et la sainte messe toute entière. Même la joie des bambins de la paroisse eut du mal à lui arracher un sourire : au fil de la soirée, la douleur était devenue de plus en plus lancinante et rapprochée. Elle eut toute les peines du monde à regagner la maison, d'autant plus qu'elle devait porter sa fille tandis que Jean, lui, se chargeait de Charles qui s'était endormi sitôt le bout de la grand rue atteint.

A la maison, les enfants gagnèrent rapidement leurs lits, mais Charlotte ne se coucha pas. De toute évidence, l'heure était venue. Elle s'installa le plus confortablement possible devant la cheminée, tandis que Jean partit en quête de la sage-femme de la paroisse. Elle pensa un instant au berceau : celui que Jean avait fabriqué pour leur premier-né et qui avait accueilli ses six premiers enfants; il était désormais trop abîmé pour le septième. Jean devait en refaire un autre, mais ils pensaient qu'ils avaient encore un peu de temps pour cela. Où allait-on mettre ce petit pressé qui avait décidé d'arriver avant l'heure ?

Jean revint bien vite avec la sage-femme et heureusement tout se passa bien : même s'il était petit, le bébé était en bonne santé. Encore un fils, pensa Charlotte, en admirant le poupon tout fripé. A défaut de berceau, le petit garçon fut installé confortablement dans une caisse en bois garnie de linges.

Au petit matin, les enfants se réveillèrent. Jean et Charlotte leur présentèrent leur nouveau petit frère. Charles, du haut de ses trois ans, les mains agrippées à la caisse, son petit nez dépassant à peine du rebord du berceau improvisé, le regarda fixement. Puis il s'écria : "Mais ? C'est le petit Jésus !". Cela fit bien rire la famille et cette histoire se racontait encore à la veillée bien des années après. Chétif comme il était, on s'empressa d'aller le faire baptiser le jour même à l'église.

On ne l'appela pas Jésus, mais Noël... C'était bien le plus beau cadeau qu'ils pouvaient recevoir pour ces fêtes de la Nativité.


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Noël Le Boucher, 7ème fils (sur 15 !) de Jean Le Boucher et Charlotte Le Peintre, a été baptisé le 25 décembre 1625 à Jarzé (49). Il est mon ancêtre à la 11ème génération. Il fait parti des 12 ancêtres de mon arbre nés un 25 décembre (dont 5 ont été prénommés Noël).

390 ans après sa naissance, j'espère que vous avez passé un bon Noël (avec ou sans un Noël dans la crèche... vous me suivez ?) et je vous souhaite de joyeuses fêtes et une très bonne année 2015 !


vendredi 19 décembre 2014

#Généathème : l'histoire sans fin

Curieusement je ne me rappelle pas quand et comment cela a commencé exactement.

Mon grand-père paternel avait effectué des recherches généalogiques : il avait dessiné un arbre grâce à ses trouvailles. Il en a donné une copie à tous ses enfants, je crois. J'en ai eu connaissance alors.

Arbre réalisé par mon grand-père paternel, coll. personnelle

Il avait aussi réuni quelques notes de sa belle calligraphie soignée. Cela commençait ainsi :
"Antoine Astié est né très probablement à Conques en Rouergue dans la décennie de 1740. Sa famille était de la paroisse Saint-Marcel, dans les hauts de Conques, comme pour tous les descendants avant que l'un vienne habiter à Angers, vers 1904. Ceci nous permet de dire que c'est à Conques en Rouergue le lieu d'origine de notre famille. 
Nos recherches sur les registres paroissiaux, déposés en mairie de Conques, sont, au-delà de la Révolution Française, restées infructueuses. Pour avoir plus de précisions, il faudrait faire un véritable travail de généalogiste." [ 1 ]

Si cet arbre est indéniablement la clé, le début de tout, je ne sais pas quand néanmoins j'ai commencé véritablement à éplucher les premiers registres. Ce qui est sûr c'est que j'ai pu récupérer une copie des notes de mon grand-père, qui m'a servie de base à mes propres recherches. 

Sa généalogie ne concernait que sa famille et celle de son épouse, ma branche paternelle donc : je l'ai étendue à mes branches maternelles.

Il est décédé en 2001; parti trop tôt pour que je partage avec lui mes découvertes. J'ose croire qu'il aurait aimé connaître cette multitude d'histoires, plus ou moins détaillées, accompagnant chacun de nos ancêtres, et que j'ai découverte au fur et à mesure.

En fouillant dans les documents de mon ordinateur, j'ai retrouvé des pages sous Word avec quelques notes par générations, datés de 2002 : j'ai donc commencé avant cette date.

Mon premier logiciel de généalogie est une version 2003. Je suis tellement habituée à entrer mes données dans un logiciel adapté que je me demande comment je faisais avant ! Parce que franchement, illustrer les liens, parfois complexes, entre les différentes familles, sous Word c'est rapidement impossible.

En me renseignant dans ma famille (y a-t-il d'autres amateurs d'ancêtres par ici ?), j'ai découvert qu'une cousine de mon père et une tante de ma mère avaient aussi fait des recherches : elles m'ont permis de fouiller tout à loisir dans leurs classeurs volumineux. Ça a été l'occasion de découvrir des photos de familles inconnues, des documents notariés et, bien sûr des lignées entières déjà déchiffrées... Ce qui ne m'a pas empêché d'aller vérifier toutes les données, ne serait-ce que pour en récupérer toutes les sources !

Mais si les débuts sont si flous, une chose est sûre : le virus a bien été attrapé, lui !

C'est ce frisson, je crois... quand après avoir longtemps cherché un acte, parfois désespéré de le trouver, et qu'enfin la situation se débloque. Le goût de la recherche. La joie de la découverte. 

Et puis avec la diversification des ressources en ligne, on peut découvrir davantage la vie de nos ancêtres : les contrats de mariage, les registres militaires ou de succession nous détaillent les meubles, les particularités physiques ou le niveau de vie précis. Et c'est tout un autre monde qui s'offre à nous. 

Parfois la petite histoire rencontre la Grande : révocation de l’Édit de Nantes, rattachement de la Savoie à la France, Première Guerre Mondiale... La rédaction de billets sur le blog est l'occasion d'approfondir des sujets divers, qui nous entraînent parfois beaucoup plus loin que prévu; mais c'est ce qui en fait le sel. La surprise.

Et parce qu'on ne sait jamais sur quoi on va tomber : la généalogie, c'est comme une boîte de chocolats... (comme dirait l'autre). En tout cas, une chose est sûre, une fois adoptée, c'est difficile de lâcher prise. Une histoire sans fin, quoi.


[ 1 ] J'ai pu remonter trois générations supplémentaires, à un nouveau "plus vieil ancêtre" prénommé... Antoine ! En fait la famille arrive à Angers dans les années 1870.

vendredi 12 décembre 2014

Nouvelle ère

Avant la généalogie c'était les voyages à la mairie : secrétaires plus ou moins aimables, registres parfois fourrés n'importe comment dans une cave humide, consultation dans la salle du conseil municipal (au mieux).

Avec la mise en ligne progressive, on peut faire ça à son rythme, quand on a 10 minutes (ou plusieurs heures, parce que, moi, personnellement, je n'ai jamais pu m'arrêter au bout de 10 minutes).

On entre aujourd'hui dans une troisième phase, une nouvelle ère : l'indexation collaborative.

Grâce au travail formidable effectué par des bénévoles (et une volonté certaine des archives départementales), il est possible de taper le nom recherché et, avec un peu de chance, aussitôt le nom apparaît. Alors d'accord, le plaisir de la recherche c'est une part importante de la généalogie. Mais entre, compulser pendant des heures des registres (virtuels ou non), à s'user les yeux sur des encres pâlies, pour finalement s'apercevoir qu'il n'y a rien. Rien de rien. Et taper un nom et repérer immédiatement la paroisse, la date, voir même parfois la page directe du registre où se trouve l'acte longtemps recherché. Entre les deux mon cœur ne balance pas trop longtemps.

Quelle joie de trouver enfin un acte resté inconnu, tout simplement parce qu'il était dans la paroisse voisine sans qu'on puisse le soupçonner. Des situations se débloquent souvent à partir de là.
Je citerais par exemple l'excellente base Noms de Vendée.


 Formulaire de recherche Noms de Vendée, AD85

On peut y rechercher une personne, mais aussi un couple. La base donne alors tous les actes où les deux personnes sont citées : naissances ou mariages des enfants, etc... Ainsi quand on ne trouve pas directement la personne, on peut avoir de la chance par ses frères et sœurs. Cela permet aussi de faire des découvertes inattendues.

Par exemple, en faisant une recherche par couple avec Baudin René et Mousseau Marie Anne, deux types d'actes ressortent :
  • un acte de mariage : celui de leur fils René (mon ancêtre).
  • cinq actes de naissance : ce sont les naissances de cinq de leurs enfants (ils en auront dix au total : les relevés ne sont donc pas encore complets). 

Ce qui est intéressant c'est que tous sont inscrits dans les registres de Menomblet, sauf un qui se trouve dans celui de la paroisse voisine de Montournais (bien que les parents soient dits de Menomblet). Cet acte m'avait échappé. Coincé entre deux naissances à Menomblet, comment deviner qu'il y en a eu une autre dans une autre paroisse ? Sans ce type de relevé, impossible de le deviner. 

Bien sûr, on peut ajouter différents critères : dates, paroisse déterminée, orthographe exacte ou approchante...

Et en plus, pas chauvins les Vendéens : de nombreux relevés des communes limitrophes, notamment des Deux-Sèvres, figurent aussi dans la base (mais également de Charente ou Maine et Loire). Ce qui est très précieux pour moi, dont les ancêtres n'ont cessé de naviguer de part et d'autre de la "frontière" des deux départements voisins.

Noms de Vendée recense les informations issues de l'état civil (au sens large), mais a aussi la volonté de collecter celles d'une grande variété d'archives : minutes notariales, registres matricules militaires, recensements de population, papiers fiscaux d'Ancien Régime, tenanciers de seigneuries, archives judiciaires... Cette base est un outil participatif. Il évolue en permanence avec l’ajout progressif des contributeurs : ne pas hésiter à y retourner de temps en temps, donc.

Un accès totalement gratuit aux données est, faut-il le rappeler, d'autant plus appréciable.

Bien sûr chaque médaille a son revers. La puissance de la base nous fait parfois ressortir des actes qu'on n'a aucune envie de voir !

Par exemple, en tapant les noms du couple Landreau Mathurin et Morin Marie, je vois qu'ils ressortent sur un acte de décès : celui de leur fils Mathurin, âgé d'un an et demi en octobre 1706. Or, je tenais l'acte de naissance de Mathurin en février 1705 pour être celui de mon ancêtre. Cet acte de décès vient me prouver le contraire. J'ai donc découvert que mon ancêtre avait un frère homonyme (défunt). Mais il va falloir repartir à la pêche pour trouver la véritable naissance de "mon Mathurin"... (qui n'apparaît pas encore dans les relevés).

Heureux ou malheureux (après tout, ça fait partie du jeu), j'adhère totalement à ce nouvel outil généalogique.