Le roi Henri II institue, par un édit de février 1556, la
déclaration de grossesse obligatoire. Ce premier édit est reconduit sous Henri
III (en 1585) puis confirmé par une déclaration de Louis XIV (26 février 1708).
La réglementation restera en vigueur jusque dans les années 1830.
La déclaration vise à lutter contre les avortements et les
infanticides et à réduire les cas d’abandon d’enfants.
La déclaration de grossesse est donc l’acte par lequel
les femmes célibataires ou veuves font savoir à l’autorité judiciaire – le
greffe de la haute justice seigneuriale ou celui de la prévôté royale –
qu’elles sont enceintes. Le défaut de déclaration peut entraîner la peine de
mort.
Cet édit doit être lu tous les trois mois par le prêtre, dans
chaque paroisse de France, aux prônes des messes paroissiales.
Les curés de Conque se sont non seulement acquittés de cette
obligation, mais en ont consciencieusement rédigé la preuve, tous les ans, dans
les registres paroissiaux (sauf 1780 et 1781).
Certificat signé Verdier, 1783 © AD12
"Nous
soussigné curé de la ville de Conques certifions que nous avons publié cette
année au prône de notre messe de paroisse l'édit d'Henri Second concernant les
femmes et filles qui cachent leurs grossesses comme il est ord porté par
les édits et ordonnances. à Conques ce 2 janvier 1783. Verdier
curé"
"J'ai
l'honneur d'assurer de notre respect monsieur le juge mage de Villefranche de
lui certifier que je lui fais passer un double des registres de ma paroisse et
que j'ai publié l'édit d'Henri deux concernant les filles et femmes qui cachent
leurs grossesses pendant tous les trois mois ainsi qu'il nous est prescrit par
les ordonnances royaux [sic] à Conques ce 1er de l'an 1788. Aymé curé de Conques"
Certificat Aymé, 1790 © AD12
"J'ai
l'honneur de certifier a messieurs les juges du district d'Aubin que je publie
pendant le cours de l'année l'édit d'Henri deux concernant les femmes enceinte
qui recèlent leur grossesse et leur part et que je leur ai fait remettre ledit
registre de 1790. A Conques ce 2 de l'an 1791. Aymé curé"
Dans la décennie précédente, l’édit n’est signalé qu’à la
fin de l’année 1775 seulement.
Pour les curieux, voici le texte complet de l'édit :
Édit d'Henri II, 1556 © Gallica
"Édit du roi Henri II contre les femmes qui scellent leur
grossesse donnée à Paris au mois de février 1556
Henri, par la grâce de Dieu, roi de France ; à tous présents
et à venir, salut. Comme nos prédécesseurs et progéniteurs très chrétiens rois
de France ayant par actes vertueux et catholiques, chacun a son endroit, montré
par leur très louables effets, qu’à droit et bonne raison ledit nom de très
chrétien, comme à eux propre et péculier, leur en avoit été attribué : en
quoi les voulant imiter et suivre, et ayant par plusieurs bons et salutaires
exemples témoigné la dévotion qu’avons à conserver et gardé ce temps céleste et
excellent titre, duquel les principaux effets sont de faire initier les
créatures que Dieu envoie sur terre en notre Royaume, pays, terres et
seigneuries de notre obéissance aux sacrements par lui ordonnés : et quand
il lui plaît les rappeler à soi, leur procurer curieusement les autres
sacrements pour ce institués, avec les derniers honneurs de sépulture. En étant
dûment averti d’un crime très énorme et exécrable, fréquent en notre Royaume
qui est que plusieurs femmes ayant conçu enfants par moyens déshonnêtes ou
autrement, persuadées par mauvais vouloir et conseil, déguise, occulte et cachent
leurs grossesses sans en rien découvrir et déclarer. Et advenant le temps de leur
part et délivrance de leur fruit, occultement s’en délivre ; puis le
suffoquent, meurtrissent et autrement suppriment, sans leur avoir fait impartir
le saint sacrement de baptême. Ce fait les jette en lieux secrets et immondes,
ou enfouissent en terre profane, les privant par tel moyen de la sépulture
coutumière des chrétiens. De quoi étant prévenues et accusées par devant nos
juges, s’excusent, disant avoir eu honte de déclarer leur vice, et que leurs
enfants sont sortis de leur ventre morts et sans aucune apparence ou espérance
de vie : tellement que par faute d’autre preuve, les gens tenant tant nos
cours de Parlement, qu’autres nos juges, voulant procéder au jugement des
procès criminels faits à l’encontre de telles femmes sont tombés et entrés en diverses
opinions : les uns concluant au supplice de mort, les autres à question
extraordinaire, afin de savoir et entendre par leur bouche, si à la vérité le
fruit issu de leur ventre était mort ou vif. Après laquelle question endurée, pour
n’avoir aucune chose voulue confesser, leurs sont les prisons le plus souvent
ouvertes, qui a été et cause de les faire retomber, récidiver et commettre tels
et semblables délits, à notre très grand regret et scandale de nos sujets. A
quoi pour l’avenir nous avons bien voulu pourvoir.
Savoir faisons, que nous désirant extirper et du tout faire
cesser lesdits exécrables et énormes crimes, vices, iniquités et délits qui se
commettent en notredit Royaume et ôtez les occasions et racines d’iceux
dorénavant commettre, avons (pour ce obvier) dit, statué et ordonné ; et par
édit perpétuel, loi générale et irrévocable, de notre propre mouvement pleine puissance
et autorité royale, disons, flattons, voulons, ordonnons et nous plaît, que
toute femme qui se trouvera dûment atteinte et convaincue d’avoir scellé,
couvert et occulté tant sa grossesse, que son enfantement, sans avoir déclaré
l’un ou l’autre, et avoir prit de l’un ou l’autre témoignage suffisant même de
la vie ou mort de son enfant lors de l’issue de son ventre et après se trouve
l’enfant avoir été privé, tant du saint sacrement de baptême, que sépulture
publique et accoutumée, sont telles femme tenue et réputée d’avoir homicidé son
enfant. Et pour réparation, punie de mort et dernier supplice, et de telle
rigueur que la qualité particulière du cas le méritera : afin que ce soit
exemple à tous, et que si après n’y soit fait aucune doute ni difficulté.
Si donnons en mandement par ces présentes à nos âmes et
féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, prévôt de Paris,
baillifs, sénéchaux et autres nos officiers et justiciers, ou à leurs
lieutenants, et à chacun d’eux, que cette présente ordonnance, édit, loi et
statut, il fasse, chacun en droit soi, lire, publier et registrer ; et
incontinent après la réception d’icelui, publier à son de trompe et cri public
par les carrefours et lieux publics ; à faire cris et proclamation, tant
de notre ville de Paris, que autre lieu de notre Royaume et aussi par les
officiers des seigneurs aux justiciers en leurs seigneuries et justices, en
manière que chacun n’en puisse prétendre cause d’ignorance, et ce de trois mois
en trois mois. En outre, qu’il soit lu et publié aux prônes des messes
paroissiales desdites villes, pays, terres et seigneuries de notre obéissance
par les curés ou vicaires d’icelles, et icelui édit garde et observe, et fasse
garder et observer de point en point selon sa forme et teneur, sans y
contrevenir. Et pour ce que de cesdites présentes l’on pourra avoir affaire en
plusieurs lieux, nous voulons que aux vidimus d’icelles fait sous sceau Royal,
foi soit ajoutée comme au présent original : auquel en témoin de ce, afin
que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre sceau.
Donné à Paris, au mois de février, l’an de grâce mil cinq
cent cinquante six ; et de notre règne le dixième. Ainsi signé sur le
repli, par le roi en son conseil, Clause."