« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mercredi 13 novembre 2024

K comme Klak

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

Le juge apprit par ailleurs que le Révérend CHOMETTY possédait une arme. Son voisin, le Discret Claude François DUNOYER qui habitait une maison éloignée de trente à trente cinq pas de la sienne, et dont les fenêtres donnaient sur celles du Révérend, l’affirma en témoignant à son tour : Un soir il l’entendit depuis son lit. Se levant et se rendant à sa fenêtre, il le vit entrer chez lui et plus précisément dans sa cuisine, parce que la porte faisait du bruit et qu’on distinguait parfaitement ce bruit-là parmi plusieurs. 

 

Klak, création personnelle inspirée de M. Manara
Klak, création personnelle inspirée de M. Manara

Et avant d’entrer dans sa cuisine le Révérend lâcha un coup de pistolet. Deux heures sonnèrent immédiatement après. « Je ne sais point d’où le Révérend CHOMETY venait mais il ne pouvait venir que du côté de la place du présent bourg, suivant le bruit qu’il avait fait en venant qui provenait de ce côté. » Si le témoin ne se souvenait pas exactement de quelle nuit il s’agissait, il pensait que c’était trois ou quatre nuit avant la St François de Sales [24 janvier] précédente. En effet, c’était le lendemain, qu’étant allé à Taninges, on lui avait dit qu’ils avaient bonne compagnie à Samoëns, qu’il y était venu un maréchal des logis et deux soldats du régiment de Séville qui venaient chercher un autre soldat auprès de sa maîtresse, mais qu’il n’y était pas. Il devait avoir déserté.

Il entendait très souvent le Révérend CHOMETTY rentrer fort tard et même après minuit. Il savait bien qu’il portait des pistolets de poches et même qu’il en avait acheté un du brigadier nommé LA RAISSE pour le prix de huit livres.


Le Sieur Joseph GUILLOT natif de Charraz [Charrat, Suisse] et habitant de la paroisse de Samoëns, corrobora ce fait :

« J’habite et couche dans une chambre d’une des maisons du Sieur procureur RIONDEL d’Annecy qui m’a été louée par le Révérend chanoine CHOMETTY, que je say s’appeler Nicolas, lequel occupait cy devant l’appartement dessous de ladite maison. » Lui aussi avait remarqué le bruit particulier que faisait la porte de la cuisine du Révérend CHOMETTY et l’entendait souvent jusqu’à deux ou trois heures après minuit. Par contre, il ne savait pas qui ouvrait et fermait cette porte parce qu’il n’avait pas cherché à le savoir.

Contrairement à son voisin, il n’avait pas entendu tirer des coups de pistolet avant la St François de Sales précédente au devant de la maison. « Et quant même je l’aurais ouï, je ny aurait pas non plus fait attention parce que il y a des Valaisans qui en tirent beaucoup en venant se promener dans la paroisse. »

A l’heure où il déposait, cela faisait plusieurs jours qu’il n’avait pas vu le Révérend CHOMETTY. Le dimanche après midi, alors que des personnes le cherchait, il observa qu’il n’y avait plus personne dans la maison, que les volets des fenêtres en étaient fermés et qu’il n’y avait plus aucun meuble dans la cuisine, dont le plancher était tout sale et remplis de paille. La porte de la cuisine n’était pas fermée à clef. C’était peut-être pendant la nuit que tout avait été debagagé.

Le témoin précisa que le Révérend CHOMETTY ne confessait plus et qu’il y avait plus d’une année qu’on lui avait enlevé son admission.

Il confirma qu’un nommé LA RAISSE, brigadier des employés, lui avait vendu un pistolet de poche pour le prix de huit livres.

 

Me Noël DELACOSTE, le chirurgien avait lui aussi appris par le bruit commun qui se répandait depuis longtemps que le Révérend chanoine CHOMETTY fréquentait presque tous les jours la maison de François JAY située au village de Levy. Il l’avait vu aller très souvent pendant le jour mais jamais pendant la nuit. Il savait aussi qu’on lui avait enlevé la confession il y a plus d’une année.

Le jour de Notre Dame [Nativité de Notre-Dame, le 8 septembre] de septembre dernier, revenant de la foire de Megève il s’était arrêté à Magland [à 26 km de Samoëns] pour y entendre la messe. Il y rencontra Claude Joseph JACQUARD qui l’invita à aller boire un coup avec lui. En y allant ils croisèrent le Révérend chanoine CHOMETTY avec François BURNIER tous deux de cette paroisse, que ledit JACQUARD invita de même à déjeuner. Ils déjeunèrent sur environ les dix heures du matin. Et après déjeuner ils repartirent chez eux. Le Révérend CHOMETTY s’en fut à cheval. Il tira alors un pistolet de sa poche et lâcha un coup en l’air. 

 

 

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Pour en savoir plus
Le port d’armes

Il est codifié dans les Royales Constitutions de la façon suivante :

« Permettons à toutes personnes le port des armes longues à feu & des pistolets ; on ne pourra cependant porter les pistolets que dans les fourreaux […]  mais jamais sur eux & moins encore à la ceinture, sous peine de soixante écus, & subsidiairement de deux ans de galères.

On sera aussi censé abuser du port des armes, lorsqu'on les portera dans les bals ou noces, dans les endroits où il y aura concours de peuple à l'occasion de quelque Fête, ou pour d'autres motifs; comme encore lorsqu'on les portera de nuit en errant par les Villes, terres & autres lieux ; la peine de ceux qui en auront ainsi abusé sera de vingt ans de galères, s'ils sont mage urs.

Défendons non seulement de porter des pistolets courts, des balestrins, stylets, poignards, couteaux à la Génoise, & autres armes fuselées, mais encore de les retenir dans les maisons, sous peine aux contrevenants, quant au port, de dix ans de galères, & pour la rétention, de celle de cinq.

Nous défendons aussi le port des couteaux à pointe, vulgairement appelles couteaux à gaine […] à peine de cinq ans de galères. Nous exceptons ceux à qui ces couteaux sont nécessaires pour l'exercice de leur métier, pourvu qu'ils n'en abusent pas. »

 

 

 

mardi 12 novembre 2024

J comme jules

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT

 

De nombreux témoins déclarèrent attester des relations étroites qu’entretenaient Françoise GUILLOT avec Vincent REY. Ainsi le Sieur Victor ROUGE bourgeois de Samoëns, qui avait bien connu le soldat pendant l’hiver et le printemps où il avait été de quartier dans le bourg (il avait même eu son cheval dans son écurie) avait bien sûr reconnu le cadavre conduit sur un traîneau et mis dans la chambre où s’assemble le conseil de la paroisse. C'était celui de Vincent REY. Il déclara au juge que ce soldat fréquentait la maison de François JAY et il l’avait vu aller très souvent du côté de cette maison. Un bruit public disait qu’il aimait Françoise GUILLOT femme dudit François JAY.

« L’on m’a bien dit aussi, et je crois que c’est Antoine Joseph GERDIL du présent bourg de Samoëns, que le susdit soldat était venu de Cluses où il était de quartier dans le courant du mois de novembre proche passé pour voir la susdite Françoise GUILLOT. » Très en colère, Vincent REY avait alors déclaré audit GERDIL, entre autres, qu’il « fallait qu’il coupasse la soutane du Révérend chanoine CHOMETY si haute qu’il montra le cul ». Il n’avait pas su la raison de ce discours, mais comme il était aussi bien connu que le Révérend chanoine CHOMETTY fréquentait aussi la maison dudit François JAY, où on le voyait souvent, et qu’il était bon ami avec la Françoise GUILLOT femme dudit François JAY… Il n’était pas difficile d’imaginer les raisons de cette colère. 

 

Jules, création personnelle inspirée d’A. Juillard
Jules, création personnelle inspirée d’A. Juillard

 

Le Discret Joseph GERDIL, vers le dix ou quinzième du mois de novembre dernier, se promenait en effet derrière les asle [halles] du bourg, lorsque vers les dix heures du soir, il rencontra le soldat Vincent REY du régiment de Séville. Il était pour lors de quartier à Cluses. Le connaissant parfaitement, ils se saluèrent. « Après quoy je luy demanday par quel hazard il se trouvait icy. Il me dit qu’il était venu trouver la Françoise GUILLOT femme de François JAY de cette paroisse qui luy avait promis du beurre et pour luy rendre une chemise de son mary quelle luy avait porté. » Il lui demanda ensuite depuis combien de temps il était à Samoëns. Le soldat répondit qu’il n’y avait pas longtemps qu’il était parti de Cluses et qu’en arrivant il était allé chez ladite Françoise GUILLOT femme de François JAY au village de Levy. Là, ayant entendu la voix d’un homme qui parlait dans la maison, il était allé vers la fenêtre pour distinguer à qui appartenait cette voix. N’ayant pu le déterminer, il n’était pas entré. Vincent REY lui demanda si François JAY était dans la paroisse et si c’était lui qui était avec la Françoise GUILLOT sa femme. Mais Joseph GERDIL n’en savait rien. Il « luy demanday aussi en badinant s’il n’avait rien à craindre en venant ainsy trouver les femmes des autre et sil n’appréhendait rien de la part du Révérend chanoine CHOMETTY », puisqu’il savait qu’il fréquentait cette maison. Vincent REY répliqua en sortant son sabre de son fourreau : « Voilà ce qui est pour Monsieur CHOMETY si je l’y attrappe. Iceluy veux couper la robe si près qu’il montrera le cu et si l’on ne m’ouvre pas la porte je passeray par la fenestre et il y aurat du carillon. » Après quelques tours en parlant de choses semblables, ils se quittèrent et Vincent REY alla dans cette maison en disant : « Si l’on ne m’ouvre pas il ny aura que Monsieur CHOMETTY qui me le payera. »

 

Les témoignages firent valoir que non seulement Françoise GUILLOT avaient des relations avec Vincent REY, mais aussi avec le Révérend CHOMETTY. Ce que confirma notamment l’Honorable Jean Louis GRENAND, natif de la vallée delit [de Liddes ?] pays de Valley [Valais] habitant de la paroisse de Samoëns depuis environ six mois, au juge RAMBERT.

Il avait bien connu le Révérend chanoine CHOMETTY et se souvenait que plusieurs jours avant la St François de Sales [24 janvier], dans le mois de décembre dernier, en se retirant vers les neuf à dix heures avant minuit, il rencontra ce Révérend CHOMETTY qui allait du côté de la maison de François JAY marié à Françoise GUILLOT.

Et peu de temps après, c’est à dire vers la nuit du vingt cinq au vingt six janvier dernier, il le rencontra encore aux environs de minuit. Il était suivi d’une servante qu’il ne connaissait pas. Il allait vers la maison dudit François JAY. Jean Louis GRENAND se trouvait alors avec un nommé Joseph GALLEY, qui était à présent en Valais, qui lui dit que Françoise GUILLOT était sa maîtresse.

Lors de son témoignage, Jean Louis GRENAND ajouta qu’Anne Christine REY sa femme, ayant appris que le Révérend CHOMETTY s’était sauvé, lui avait dit que cela lui faisait bien plaisir. Elle espérait qu’il ne viendrait plus par ici car elle n’aimait pas les prêtres « qui aimaient à caresser les femmes ». En effet, un jour il était venu chez elle sous le prétexte de voir un tailleur qui travaillait chez eux et il avait voulu l’embrasser

 

 

lundi 11 novembre 2024

I comme investigations sanglantes

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT


Mais revenons un peu en arrière. Le Sieur Philibert BARDY, bourgeois de la paroisse de Samoëns, avait bien connu le soldat Vincent REY pendant qu’il était de quartier pendant l’hiver et le printemps proche passé. Il l'avait vu passer presque tous les jours, au devant de sa maison qui est au pied du bourg de Samoëns, allant au village de Levy. « Et comme le bruit était publique qu’il aimait la femme de François JAY appelée Françoise GUILLOT je ne l’ai pas suivi pour voir où il allait, persuadé qu’il allait dans cette maison et ne m’étant pas aperçu qu’il en aye frequenté d’autre. »

Il avait entendu dire aussi, peut-être de Me REVEL magasinier de Cluses, que ledit Vincent REY venait très souvent à Samoëns pendant la nuit pour voir la Françoise GUILLOT. Et que même cette dernière était allée le trouver une fois à Cluses.

 

C’était connu, aussi, que le Révérend chanoine CHOMETTY allait très souvent chez François JAY, tant de jour que de nuit, que ledit François JAY soit dans la paroisse ou non.

 

La rumeur se précisait sur le modus operandi du meurtre : d’après Josette DUC, la servante de BARDY, c’était le Révérend chanoine CHOMETTY avec François JAY qui avait tué le soldat Vincent REY et qu’ils l’avaient mis dans un grand seau pour le porter. Mais que n’ayant pas put y entrer on l’avait mis dans un pétrissoire [pétrin, maie] pour le transporter dans l’endroit où on l’avait trouvé et ce, afin que l’on ne voit pas les traces qu’aurait put faire le sang qu’il répandait.

 

Investigations, création personnelle inspirée de Van Ostade
Investigations, création personnelle inspirée de Van Ostade


Le juge fit donc venir Josette DUC et lui demanda comment elle savait que CHOMETTY et JAY avaient agit ainsi. Elle répondit que c’était Claudine DUC sa sœur qui le lui avait dit le dimanche précédent en sortant de l’église. Celle-ci, interrogée à son tour, expliqua comment elle l’avait appris : « Je passais dimanche dernier un peu avant la grand messe au devant du château de Madame la baronne de St Christophle et je vis une vingtaine de personnes assemblées qui parlaient sur la mort du cadavre du soldat que l’on avait mis dans la chambre où l’on tient le conseil. Et j’entendis que le fils de feu Claude BIORD, dont j’ignore le nom de baptême, disait aux autres qui étaient assemblés avec lui que c’était Monsieur le chanoine CHOMETY avec François JAY du village de Levy qui avait tué le susdit soldat et avait porté son cadavre dans les bois du commun de Bérouze. » C’est là qu’elle avait entendu l’histoire du seau et du pétrissoire.

 

Le juge remonta la source de la rumeur et fit venir le fils BIORD, qui se prénommait Pierre François. Celui-ci expliqua qu’il avait fait partie des gardes envoyés par le Sieur DUSAUGEY, châtelain, pour surveiller le cadavre qu’on venait de découvrir dans les bois, couché au dessous d’un sapin dans un petit buisson. Il s’y était rendu sur environ les dix, onze heures du soir et y releva Pierre Joseph BURNIER qui était de garde depuis l’après-midi. A dix pas du cadavre on avait allumé un feu pour se réchauffer. Et étant là, il se mit à discourir sur la mort de ce cadavre avec Claude EXCOFFIER, Joseph FAVRE et Joseph TRONCHET, qui étaient comme lui venus relever les autres gardiateurs. Après être tous convenus que le soldat n’avait pas été tué sur l’endroit, puisque l’ont n’y voyait point la neige foulée ni aucune marque de sang, et que de plus on ne voyait point de traces de sang tout le long du chemin, ils convinrent qu’il fallait que le cadavre eût été apporté là dans un seau. Ou dans un pétrissoire, parce que peut-être qu’il n’avait pas pu aller dans le seau et qu’il fallait bien qu’il eut été apporté dans quelque meuble semblable. « Ce que nous dimes par conjectures et sans aucun fondement que celuy dont je viens de parler » conclu le témoin.

- Et ce ne fut aussi que comme des conjectures et comme une simple imagination que vous avez répété cela dimanche passé, au devant de la maison de madame la baronne de St Christophle ? demanda le juge.

Acquiescement du témoin. « Mais je ne dis point que ce fut François JAY ny le Révérend chanoine CHOMETY qui eusse tué ledit cadavre. Il est bien vray qu’il y en eut un de la compagnie, sans me rappeler lequel c’est, qui dit que ce ne pouvait pas être autre que ledit Révérend chanoine CHOMETY et ledit François JAY qui eussent tué le susdit cadavre, puisqu’ils s’étaient sauvé dès le moment qu’on l’avait découvert. Et parce que ce cadavre avait beaucoup fréquenté en son vivant, pendant qu’il était de quartier icy, la maison dudit François JAY. Laquelle ledit Révérend CHOMETTY fréquentait aussi, ainsy que la chose est publique. Mais il ne parlait de même que sur ses deux conjonctures » admit-il.

 

Compte tenu de ces déclarations, le juge DELAGRANGE se transporta de nouveau jusqu’au village de Levy, accompagné de Me BIORD vice fiscal et Me VUARCHEX, assisté du Sieur Philibert BARDY et de Nicolas REMOND métral de la présente paroisse, pris pour témoins.

Après avoir fait prêter serment aux témoins, ils entrèrent dans la cuisine de la maison appartenant à François JAY, puis dans la chambre qui est au levant de ladite cuisine où avaient été remarqué lors de leur précédente visite deux pétrissoires. Les ayant retrouvés, ils les examinèrent de nouveau et en firent sortir un, de la longueur de cinq pieds et demi de Roy [167,64 cm] et large d’un bon pied et demi de Roy [45,72 cm], qui était fendu d’un côté à trois endroits et de l’autre d’un seul. Dedans ils remarquèrent que l’on avait pétri. Le juge le fit renverser, et remarqua que l’on avait appliqué une pièce de fer pour soutenir les trois fentes. Laquelle pièce ne tenait plus que d’un côté avec un clou. De l’autre, on avait bouché une fente avec de la peau blanche en façon d’emplâtre et quatre clous. Et du côté où était la pièce de fer, le pétrissoire était tout ensanglanté.

Le sang avait ruisselé par les trois fentes notamment auprès de la pièce de fer. On voyait qu’il était sorti de l’intérieur du pétrissoire vers le dehors, avec plus d’abondance à ces endroits là que dans les autres.

 

Ils s’accordèrent tous pour dire qu’il fallait que l’on eut renversé le pétrissoire pendant que le sang était encore frais pour qu’il eût coulé depuis le milieu jusqu’au bord. Et qu’il fallait encore que le sang eut été fort abondant pour se répandre de la manière constatée. Après quoi ils firent de nouveau tourner le pétrissoire pour observer s’ils voyaient des traces de sang en dedans, mais bien qu’ils l’aient correctement ratissé, ils n’y trouvèrent rien que de la pâte à pain sèche.

 

Cependant,  en se tournant à la droite de la chambre, du côté de la paroi, ils remarquèrent dans un vieux coffre de sapin couvert, plusieurs taches de sang. Et dans la chambre, une aisse [esse=objet, crochet, agrafe en forme de S] ensanglantée.

 

Ayant fait apporter l’autre pétrissoire, ils le trouvèrent de la longueur de trois pieds  [91,44 cm] sur un pied de large [30,48 cm], soutenu par quatre pièces de bois qui y étaient attachées. Dans ce pétrissoire, ils ne trouvèrent pas le moindre vestige de sang.

Ayant remarqué qu’il y avait un trou dans le plancher près de la paroi le juge le fit fouiller et y trouva une quantité de poils de cochons. Sur quoi il demanda si François JAY avait fait tuer un cochon mais aucun des témoins ne le savait. Claude DUNOYER DUPRAZ, qui était par hasard dans la cuisine, déclara avoir vu François JAY en faire tuer un, vers la saint Martin [11 novembre] proche passé. Sur cette déclaration, le juge enjoignit audit Claude DUNOYER DUPRAZ, à la réquisition dudit vice fiscal, de revenir en donner la déclaration authentique.

 

Ils ne trouvèrent aucune autre marque dans la chambre, nonobstant leurs diligentes recherches.

 

Le lendemain Claude DUNOYER DUPRAZ, revint déposer officiellement et déclara qu’il passait au village de Levy un matin quelques jours après la St Martin proche passé et, étant entré dans la maison du François JAY pour prendre du feu et allumer sa pipe, il vit que la Françoise GUILLOT sa femme « plumait un cochon » [sic] dans la chambre qui est au levant de ladite maison. Que ledit cochon était dans un pétrissoire qui était à peu près de la longueur de cinq pieds et demi et de la largeur d’un et demi, « qui est le même que celuy où nous trouvates du sang. […] Je puis vous assurer Monsieur que c’est bien dans ce même petrissoire où ledit cochon était. Je le reconnais à la longueur, largeur et aux deux extrémités par lequel on le porte. D’ailleurs l’autre est trop petit et le cochon n’aurait pas put y entrer parce qu’il était fort gros. »