Suite de la série d’articles qui vous présente les coulisses du ChallengeAZ 2020 « polar ». Il n’est pas forcément nécessaire d’avoir lu le Challenge AZ avant de lire ce billet (pas de révélations fracassantes aujourd’hui : vous pouvez lire en toute quiétude). Le polar que j’ai écrit est une fiction, mais basé sur de nombreux faits réels…
Making of © Pixabay
Le dossier
Au centre de l’intrigue, se trouve un dossier mystérieux. La narratrice le découvre au chapitre F (à voir sur la page dédiée).
J’ai pris autant de plaisir à réaliser ce qui est devenu un véritable projet graphique (réalisé sous Photoshop) qu’à écrire l’histoire en elle-même. Pour moi, l'un de va pas sans l'autre. Voici comment j’ai détourné ou fabriqué certains des documents du dossier.
La photo n°1 (le couple) représente en fait mes grands-parents (le petit-fils d’Henri et d’Ursule et son épouse). Elle a été prise le lendemain de leur mariage, en 1945. Je l’ai choisie parce qu’on ne voyait pas bien leur visage et pour l’enquête il était important de ne pas pouvoir les identifier formellement. L’autre critère de choix est la coiffure de ma grand-mère, typique d’une époque et immédiatement reconnaissable.
La photo n°2 (le groupe) a été trouvée dans l’album de mariage de mes grands-parents. Je l’ai choisie parce qu’elle est floue (sic) et pour la tenue « années 1940 » des protagonistes. Cette dernière faisait assez tenue du dimanche (possiblement prise à la sortie de la messe du dimanche dans l’histoire), mais pas trop cérémonie (en tout cas pas mariage). L’église soi-disant non identifiée dans le polar est en fait Saint-Antoine à Angers.
La photo n°3 (le couple avec enfant) : toujours floue et impossible à localiser, cette photo était idéale pour mon projet. Elle a été trouvée dans la pile de photos « non identifiées » dont j’ai héritée. Mais à force de la regarder j’y ai reconnu mes arrière-grands-parents, Jean-François Borrat-Michaud et Marcelle Macréau et leur fils mon grand-père (ah ! ce que peut dire une simple silhouette quand on a d’autres photos pour la comparer). Un mystère résolu ! Dans le dossier il y a trois cartes postales (deux vierges et une écrite par Ursule).
Pour cette dernière, j’ai commencé par créer l’alphabet. Je cherchai une police de caractère typique des écritures des années 1940. Celles qui me rappellent mon grand-père. Celles du temps où on apprenait à former les lettres en même temps qu’on apprenait les mots. Ne trouvant pas ce que je cherchai sur le net, j’ai décidé de la créer moi-même, avec l’aide de mon défunt grand-père. [cette phrase est un peu bizarre : mais vous allez comprendre très vite]
Ce qui était compliqué il y a quelques années encore est désormais à la portée de tous. Il suffit de trouver un éditeur de police sur le net (il en existe plusieurs) ; au hasard j’ai choisi calligraphr.
Là, en trois étapes c’est fait :
- Remplir une grille de lettre avec les lettres choisies (en l’occurrence je me suis basée sur un texte écrit par mon grand-père : j’ai copié les lettres une par une dans la grille)
- Cliquer sur le bouton « créer votre écriture »
- Charger la police sur son ordinateur
L’opération, basique, est gratuite : il existe une version payante plus avancée.
La police de caractère est donc (presque) une véritable police de caractère.
Et voilà comment mon défunt grand-père a apporté sa contribution à la « création » d’une police de caractère toute neuve.
Dans un soucis de véracité, j’ai trouvé sur net des images de cartes postales anciennes avec un verso vierge.
Pour le texte, je voulais un texte assez impersonnel, qui ne donne aucun détail sur le lieu ou l’auteur du message (nécessaire pour l’enquête). J’ai repris le texte d’une carte postale dans la grosse pile écrite à mon arrière-grand-mère qui correspondait tout à fait. Bien sûr, j’ai appliqué la police « grand-père ». J’ai estompé un peu les caractères avec une gomme légère afin que les lettres perdent leur caractère trop « rigide » (quand on écrit, on n’appuie jamais de la même façon sur tous les caractères). J’ai choisi une teinte bleu-violet qui pourrait évoquer l’encre d’autrefois.
Le texte est donc un véritable texte. La signature est celle d’Ursule Le Floch : je l’ai trouvée sur son acte de mariage. Je l’ai juste colorisée pour correspondre à la teinte du texte.
Sa signature est donc sa véritable signature.
Concernant l’adresse, j’ai aussi cherché des exemples de cartes postales écrites dans les années 1940 pour voir comment était rédigées les adresses à l'époque, en particulier en Seine et Marne. J’ai exploré les sites vendant des cartes anciennes, puis j’ai adapté le libellé à mes personnages. Toujours sur le même type de site j’ai prélevé un timbre oblitéré suffisamment dégradé pour ne pas pouvoir identifier le lieu « d’envoi » de la carte, qui devait rester inconnu pour les besoins de l’enquête.
J’ai cherché un recto de carte postale raisonnablement neutre pour répondre à la même problématique. Avez-vous reconnu la « vue panoramique » dont il est question ?
Enfin j’ai assemblé le tout pour faire la carte postale d’Ursule.
J’ai trouvé sur net des images de cartes d’identité des années 1940. J’ai gardé le fond, les mentions « aryen/non aryen » et « Préfecture de Seine et Marne », la date, le signature et les tampons officiels.
J’ai effacé l’identité d’origine pour la remplacer par celle de mon aïeul. Pour cela, à partir de pièces qui le concernaient (état civil, recensements…), j’ai prélevé ses noms, date de naissance et adresse que j’ai reportés sur le modèle « vierge ».
La photo d’identité a été trouvée dans la pile de mes photos « non identifiés » : elle est extraite d'une photo de mariage prise devant un restaurant nommé les Champs Élysées, vantant ses bières fines au bord de la Meuse. Rien à voir donc avec notre histoire : le visage d’Henri restera inconnu car je n'ai aucune photo de lui.
Sa signature par contre est la véritable signature d’Henri : c’est celle qui figure au bas de son acte de mariage.
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Les pièces dactylographiées : ausweis, circulaire de recherche, pv et lettres administratives
Comme pour les autres documents j’ai trouvé sur internet des documents d’époque, effacé les textes avant de les remplacer par mes textes adaptés à l’intrigue. Cette étape me permet de garder les pliures du papier, déchirures ou autres trous d’épingle qui donnent une vie au document et qui m’ont servi dans l’histoire.
Pour tous ces documents dactylographiés, j’ai utilisé une police de caractère style machine à écrire. Plusieurs en fait : certaines sont plus rondes ou plus hautes ou plus abîmées. J’ai choisi la police en fonction du document d’origine car j’ai parfois laissé des mentions authentiques comme la date par exemple.
Comme pour toutes les autres pièces, j’ai estompé « l’encre » pour lui donner de la vie.
Sur les pv j’ai gardé les signatures originales des policiers ou juges et j’ai ajoutée celle d’Henri.
- Les lettres de dénonciation
Pour les lettres de dénonciation, j’ai navigué sur les sites d’archives avec deux types d’entrée :
- la Seine et Marne, puisqu’après tout l'intrigue se passe en Seine et Marne
- la Seconde Guerre Mondiale
J’y ai trouvé assez facilement (hélas ?) ce que je cherchai. Je voulais savoir ce qu'on pouvait trouver précisément comme contenu dans ce type de correspondance. Et bien on trouve de tout (re-hélas !) : de la dénonciation du voisin qui fricote avec des types jugés louches, au mari qui dénonce sa propre femme. A la fin de la journée j’avais l’impression d’avoir passé la journée dans un cloaque immonde.
Je me suis néanmoins appuyée sur ces écrits répugnants pour créer mes lettres fictives.
Ensuite, comme pour les autres documents, je me suis basé sur une pièce ayant existé pour faire mon fond : j’ai juste effacé les passages écrits pour obtenir un document « vierge ».
J’ai choisi une police de caractère manuscrite puis j’ai forgé un texte inventé pour les besoins de l’histoire mêlé à des phrases s'inspirant de la réalité.
J’ai utilisé différentes teintes pour chaque missive et, bien sûr, j’ai estompé un peu de texte selon une méthode déjà éprouvée.
Et voilà comment j’ai créé de faux vrais documents !