« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 11 mars 2014

#Généathème : M comme métier

Ma généalogie compte 241 métiers différents. Comment n'en choisir qu'un ?

Il y a les métiers "rares", c'est-à-dire pratiqués que par une seule personne (164).
Il y a les métiers au nom poétique : maréchal en œuvres blanches, par exemple (forgeron fabricant des outils tranchants).
Il y a les métiers exclusivement féminins : mercière, ouvrière lapidaire, lingère . . .
Il y a les métiers "héréditaires" : praticien, cordonnier, concierge des prisons . . .
Il y a les métiers mystérieux, au sens variant selon les époques : travailleur, vacheron, "sans" . . .

Mais puisqu'il faut en choisir un, ce serait vigneron.
  • C'est le métier le plus pratiqué par mes ancêtres
  • C'est (probablement) le métier pratiqué par mon plus lointain ancêtre éponyme
  • C'est un métier "inter-branches" : pratiqué par mes ancêtres paternels et maternels 


Vignes, PhotoPin

Moi qui n'y connais rien en vin : un comble !

Mes ancêtres se répartissent sur quatre terroirs principaux :
  • l'Anjou 
Vers l’an 600, l’historien Grégoire de Tours est le premier à évoquer les vignes de l’Anjou. Au XIIème siècle, les rois Plantagenêt donnent un sérieux coup de pouce aux vins d’Anjou en leur ouvrant la Cour d’Angleterre et les marchés de l’Europe occidentale. À l’origine, la vigne, entre Saumur et Angers, longe la vallée de la Loire puis s’étend entre coteaux du Layon et Saumurois. En 1883, le phylloxéra ronge les trois-quarts du vignoble. Cette crise entraîne néanmoins une véritable mutation : la replantation privilégie les meilleurs terroirs du Saumurois, du Layon, de l’Aubance et des Coteaux de la Loire.

Pierre Clavier, les Bougard, vignerons sur plusieurs générations à Pellouailles-les-Vignes (la bien nommée * ) au XVIIème.
Marin Frémont, vigneron à Cornillé-les-Caves au XVIIème.
Pierre Clavier, les Galland, Guillaume Le Mesle, Jean Merceron, Mathurin Repussard, René Rohault, les Vaugoyau, vignerons à Villevêque aux XVII et XVIIIème.
Pierre Flon, Urbain Lecuyer, vignerons à Andard au XVIIème.
Michel Le Tessier, vigneron au Plessis-Grammoire au XVIIème.
Jean Lochet, les Peulier, vignerons à Brain-sur-l'Authion aux XVII et XVIIIème.

  • l'Ain
L'existence de la vigne en Bugey est relatée dès le Ier siècle après J.C.. Les Romains favorisèrent son développement en trouvant des débouchés à Rome, mais en concurrençant les vins italiens. L'arrachage des vignes ordonné par l'empereur Domitien stoppa le développement dans la région. Ce n'est qu'au Moyen-Age, sous l'impulsion des moines que la vigne va réapparaître. Ces derniers, grâce à leurs connaissances agronomiques approfondies, sélectionnèrent des terroirs de qualité qui furent exploités jusqu'au XVIIIème siècle. Secteur de Cerdon : Vignoble situé sur de très fortes pentes exposées au sud à des altitudes parfois élevées (plus de 500m). On y produit toujours du vin aujourd'hui : un vin mousseux rosé. 

Louis Bolliet, Jean Claude Barbier Colomb, Jean Baptiste Guilin, Nicolas Mollie, vignerons à Cerdon aux XVII et XVIIIème. 

  • la Seine et Marne
"Le vin de Brie n'est bon que pour les domestiques" Cette opinion de Boileau ne découragea pas la culture de la vigne sur les coteaux de la Marne jusqu'à la fin du XIXème siècle. Ils sont issus de deux plants : le plant de Brie (ou meunier) robuste  qui mûrissait de bonne heure, et le gouais à maturité tardive, acide et sans bouquet. Ce sont des vins blancs pour la plupart; ponctuellement on trouve du vin rouge. L'ensoleillement n'étant pas suffisant pour permettre aux raisins rouges d'atteindre la pleine maturité. La proximité de Paris favorisa le développement des vignes et autres productions vivrières. Guérard était une des paroisses de Brie comprenant la plus grande étendue de vigne. Le vin de Guérard était très réputé dans la région. C'est la construction du chemin de fer, en permettant d'acheminer vers Paris le vin de Bourgogne, qui ruina les vignerons de Guérard. Le Phylloxera donna le coup de grâce.

Les Becqué, les Couteau, les Gaudin, les Gibert, Nicolas Pottier, Pierre Raoult, vignerons à La Chapelle sur Crécy aux XVII et XVIIIème.
Louis Cardon, Pierre Grandhomme, vignerons à La Celle sur Morin au XVIIème.
François Beguin, les Bourjot, les Brunet, les Martin et Gaudin, les Testard et Hochet, les Leclerc et Pochet, les Lucas, les Macréau (sur six générations), Denis Marest, les Meheux, les Nicaise, les Noel, les Paveau, Jean Petit, les Thomeret, vignerons à Guérard aux XVII, XVIII et XIXème.
Les Mercier, vignerons à Saint Augustin au XVIIIème.

  • l'Aveyron
Au IXème siècle, tout commence à Conques avec la fondation du monastère par des moines venus de Bourgogne et les premiers greffons de Mansois qu'ils apportent avec eux dans la région. Jusqu’à la Révolution, l’église et la bourgeoisie de Rodez se partagent la majorité de la propriété des vignes. Après, les paysans continuent à cultiver ces vignes et à développer le vignoble, seule culture permettant de valoriser les coteaux. Les pieds sont implantés sur des petites surfaces, de pente plus faible, aménagées par l’homme et soutenues par des murets de pierre. Le vignoble aveyronnais connaît son apogée au milieu du XIXème siècle, puis le phylloxéra, l’exode massif, les guerres, l’arrachage des vignes mettent un terme à l’expansion du vignoble. 

Les Alary, Etienne Amagat, les Astié (ancêtres éponymes, sur trois générations), les Bonnefous, les Cussac, Jean Labro, les Mas, les Raolz, les Rols, Antoine Reboux, vignerons à Conques aux XVII et XVIIIème.


Difficile d'imaginer précisément les vies et conditions de travail de ces vignerons à travers les âges et les régions. Néanmoins, on peut esquisser un tableau, commun à tous les vignerons sans doute :
La véritable année viticole commence en mars car on attend la fin des gelées, qui peuvent détruire les bourgeons jusqu’à la fin mai, pour tailler la vigne, une taille courte qui assure la qualité en limitant la quantité. Le vigneron n’a ni cheval ni charrue, et il pioche sa vigne à la main (il faut attendre les années 1880 pour voir apparaître les vignes bien alignées sur fil de fer). Ces travaux de taille, le vigneron donne, de la fin mars à début avril, un premier labour. Ce travail extrêmement pénible s’effectue à la houe. 
Début mai, le vigneron fiche les échalas, pieux de bois de chêne ou de châtaignier, longs d’1,45 m environ, destinés à soutenir la vigne et à maintenir les grappes éloignées du sol. Les échalas plantés, le vigneron donne un second labour, plus léger, qu’il appelle le binage, et qui est terminé à la fin du mois de mai. 
Puis la vigne fleurit, courant juin, les grains commencent à se former, le verjus grossit rapidement et, dans le courant de juillet, de toute façon avant la moisson des grains, le vigneron donne un troisième labour : on dit qu’il rebine ou encore qu’il tierce ; ce travail a pour but essentiel de débarrasser la vigne des mauvaises herbes. Si la saison est très humide un quatrième labour peut être nécessaire en septembre, avant les vendanges, pour permettre une maturation plus parfaite des raisins. 
Si la vigne a été épargnée, le vigneron vendange fin septembre ou début octobre. Coupeurs et hotteurs parcourent alors la vigne. Les coupeurs, serpette à la main (le sécateur n’apparaît pas avant 1840 et se généralise tardivement), emplissent les paniers et les vident dans leurs hottes. Les hotteurs emplissent alors les bachoues, grandes hottes placées sur le dos des ânes, ou des cuves plus grandes transportées dans des charrettes en direction du cellier ou du pressoir.

Ce métier de vigneron était l'activité principale pour certains, mais une activité temporaire ou annexe pour d'autres : un certain nombre d'entre eux sont en effet alternativement qualifiés de laboureurs, tonneliers, cultivateurs, mais aussi sabotiers ou couvreurs. Enfin, certains sont également marchands.


* C'est Clemenceau qui, en 1919, fit rajouter "les Vignes" au nom de Pellouailles en remerciement de son effort de guerre. En effet, le vignoble de la commune fut entièrement destiné à la consommation des poilus; le vin devenant le pilier du moral des soldats dans les tranchées.


1 commentaire:

  1. Très bon choix (et je ne dis pas cela uniquement parce que c'est aussi le métier le plus pratiqué par mes ancêtres et qui l'est toujours par mes parents).
    Les ancêtres étaient en effet souvent notés vignerons dès qu'ils avaient une petite parcelle de vigne, ce qui peut expliquer que leur métier soit changeant dans le temps.

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