« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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mardi 12 novembre 2019

#ChallengeAZ : J comme justaucorps et chemisette

Un autre mystère concernant Jean Avalon (voir l’article d’hier déjà) : ses vêtements

Son inventaire après décès recense :
- un chapeau,
- des gamaches grises (guêtre ou jambières en étoffe ou en cuir qui enveloppait le pied et la jambe jusqu’au genou),
- dix chemises,
- deux caleçons de toile,
- deux paires de hauts de chausse dont une de couleur,
- deux manteaux,
- un justaucorps,
- une paire de bas blancs
- deux chemisettes blanches.

On remarque des vêtements correspondant à une classe de gens plutôt aisés, notamment le justaucorps et les bas blancs. Mais hormis les chemises qui se trouvent en quantité, Jean n'avait qu'un ou eux exemplaires de chaque : était-ce juste le "costume du dimanche" ?

Il nous manque par ailleurs les chaussures : Jean n'allait sûrement pieds nus, mais que portait-il : chaussures de cuir ? Bottillons ? Bottes ?... Sabots ?

Outre le fait que les armoires ne sont pas très garnies en linge pour un homme aisé qui est à la fin de sa vie, c’est l’état des vêtements qui surprend. En effet la plupart sont dit, au mieux, usés, au pire « vieux ».


Linge © Pixabay

Et madame ? Décédée seulement quelques mois plus tôt (en janvier 1700), on ne trouve cependant pas de linge de femme dans l'inventaire : robe, cotillon, coiffe n'apparaissent pas. Les a-t-on déjà donnés ? Aux filles du couple ? Aux pauvres ? Mystère.

Quand au linge de maison, il comprend une vieille nappe de table et du linge de literie (détaillé avec les lits dans la lettre M). Sans trop dévoiler de secret, on peux déjà dire que ce linge est généralement dit usé ou vieux.

Donc cet homme qui a plusieurs maisons et entrepôts, terres et domaines, argent qui dort (chez ses créanciers), va vêtu comme un pauvre hère et dort dans du vieux linge. Est-ce qu’il était pingre ? Était-ce une nécessité (c'est-à-dire n’avait-il véritablement pas d’argent pour s’acheter des vêtements malgré toutes ses possessions) ? Ou bien est qu’il se fichait bien de sa mise ?

Là encore, difficile de répondre à cette énigme.


lundi 11 novembre 2019

#ChallengeAZ : I comme instruction paradoxale

On peut sans conteste classer Jean Avalon parmi les notables de sa ville : il est marchand boucher, parfois élu consul de sa communauté, et brasse une certaine fortune comme le montre ses 400 actes notariés.

On peut facilement supposer qu’il a donc de l’instruction. D’ailleurs, dans son inventaire après décès on trouve :
- « vingt petits livres partie en latin et partie en françois»
- « trois écritoires [et un] cornet de poudre » (la poudre était appliquée pour absorber le surplus d’encre afin d’éviter les bavures malencontreuses).
En tant que marchand il sait compter (et les actes notariés prouvent qu’il tenait bien ses comptes, notamment quand il fallait recouvrer une créance impayée). Les livres nous laissent supposer qu’il sait lire non seulement le français mais aussi le latin. Enfin les écritoires indiqueraient qu’il sait aussi écrire.

Or Jean Avalon ne signe aucun des actes qu’il passe car, lorsqu’on vient son tour, il déclare « ne sachant [le faire] de ce requis ». Voici donc un joli paradoxe d’un homme qui a tout l’air d’être instruit mais ne sait pas signer.


Plume et papier © pixabay

Peut-on savoir écrire et ne pas savoir signer ? Cela m’étonne car une fois que l’on connaît ses lettres, on peut mettre son nom au bas d’un document, même si la signature est malhabile et sans ruche ou autre fioriture.

Autrefois on pouvait très bien être marchand sans savoir lire : compter suffisait. Beaucoup savaient établir des prix « de gros » en multipliant des prix unitaires. Ces marchands, gros ou menus, devaient tenir des livres de comptes car la plupart des achats ne se réglait pas comptant mais, au mieux, à la fin de l'année ou quand le compte du client s'allongeait par trop [1]. Est-ce le cas pour Jean ?

Mais alors que font les livres et les écritoires dans ses possessions ? Est-ce juste pour la galerie ? Est-ce que ce sont des cadeaux (on sait qu’il fait souvent affaire avec la comtesse), dont il n’a pas (ne peut pas) avoir l’usage ?

Son épouse ne sait pas signer non plus : ce n’est donc sans doute pas elle qui passe ses soirées au coin du feu à tourner délicatement les pages d’un des petits livres.

Cette histoire d’instruction reste donc un mystère.


[1] Source : Alain Derville, L'alphabétisation du peuple à la fin du Moyen Age 


samedi 9 novembre 2019

#ChallengeAZ : H comme houe et valise

Si la plupart des documents notariés de Jean Avalon concerne des terres, deux documents principaux nous renseignent sur les possessions de mon ancêtre : ce sont l’inventaire après décès et le partage de ses biens entre ses héritiers.

On y trouve les objets en rapport avec son métier de boucher, qui sont essentiellement composés de poids à peser de différentes tailles (dont certains en étain), des balances « romane », des « ais » (planche de bois servant d’établi ou forte table pour couper des dépecer la viande) et un quart à mesurer. La boucherie contenait aussi « une ache à tuer les bœufs et vaches, un petit couteau pour la boucherie, trois autres méchants couteaux, 13 crochets à pendre la chair ». Sept chaudrons, de différentes tailles, sont comptés : sans doute servaient-ils aux préparations du boucher.

Tranchoir © dytic.over-blog.com

On trouve aussi divers outils qui nous renseignent sur sa vie quotidienne : une houe, des petites bêches de fer, des faux pour couper les buissons, une petite trémie (grand entonnoir destiné à recevoir et trier divers matériaux, comme le grain) et trois crible à cribler le blé (instrument percé d'un grand nombre de trous qui sert à trier, ici en l’occurrence du blé) ; outils servant au travail de la terre.

Sont recensés ensuite :
-  des charretées de bois (dont des merrains et des douelles) et un coin à fendre le bois : le bois était-il destiné à la vente ou à son utilisation personnelle (notamment la fabrication de tonneaux à vin) ?
- un peigne pour peigner le chanvre.
- des fossoirs de fer (houe généralement utilisées pour le labour de la vigne), une comporte (cuve de bois servant au transport des raisins), plusieurs paniers de vendange, et des récipients pour contenir le vin : une pipe, des grands tonneaux, trois barils, des barriques (vides ou remplies de vin).

Bien que boucher, il possédait en effet plusieurs parcelles de vignes. Visiblement il avait aussi des terres en culture, dont peut-être une chenevière, à moins qu’il achetait le chanvre déjà coupé car son inventaire fait mention de « trois balots de chanvre ».

L’un des paniers de vendange était rempli de « mechante laine » : de deux choses l’une ou on filait et tissait chez les Avalon ou on stockait dans l’intention de les revendre le produit de ses terres et les laines des moutons abattus pour la boucherie. Ou les deux.

Le recensement de ses possessions fait aussi mention d’un pistolet de ceinture et d’un fusil. Si la possession d’armes n’est pas très courante, elle n’est pas extraordinaire non plus. Cependant un doute subsiste quant au fusil : est une arme ou… la simple tige d’acier sur laquelle on aiguise les couteaux (de boucher) ?

Notre homme possédait aussi une valise, un sac et un petit sac : faisait-il de nombreux déplacements ? Il avait d’ailleurs une bride avec sa têtière, ainsi qu’un « estrier » (une paire d’étriers ?) et des « esperons », ce qui sous-entend cheval ; mais l’animal était-il destiné à se déplacer ou… à être débité, vendu et mangé ? De même les cordes étaient-elles destinées à mener le bétail acheté dans les fermes jusqu’au lieu d’abattage ou à tout autre emploi ?

Enfin, il y avait aussi des réserves : on a parlé du bois, du chanvre, de la laine, mais ont été dénombrés également des peaux de moutons, du foin, des chaumes, une caisse contenant des légumineuses (pois, fèves, vesces), des châtaigne séchées, de l’huile de noix et un quartier de lard.

Ces inventaires recensent aussi du mobilier, de la vaisselle, du linge, etc… que nous verrons aux lettres J, M et W.


vendredi 8 novembre 2019

#ChallengeAZ : G comme générations de généalogies


Évidemment, avec 400 actes, on retrouve un certain nombre de protagonistes tournant autour de Jean Avalon : débiteurs, créditeurs, vendeurs, acheteurs, etc… mais aussi témoins. On compte en général un ou deux protagonistes (en plus de mon ancêtre Jean Avalon), et deux ou trois témoins par documents. Ce qui fait théoriquement entre 1 200 et 2 000 personnes. Heureusement beaucoup apparaissent plusieurs fois, ce qui réduit ce nombre… à plusieurs centaines quand même !

Ils sont originaires d’Entraygues, comme Jean Avalon, ou des paroisses voisines : Banhars, Golinhac, Bez Notre Dame, etc…

Parmi eux je peux retrouver des fratries entières, comme par exemple les Lavaur :
- Jean Lavaur et son épouse Françoise Payron
- Jeanne Lavaur et son époux Geraud Delbes
- Françoise Lavaur et son époux Pierre Dangles

Et parfois ce sont de véritables généalogies sur plusieurs générations que l’on peut reconstituer car certains actes se transmettent de pères/mères en fils/filles (les obligations notamment) et donc les membres de la famille sont cités précisément, sans oublier les liens qui les relient (du gâteau pur beurre pour le/la généalogiste).

Il reste de temps en temps quelques « trous », comme pour les Rayrolles/Boissière où sont cités un homme (Burguière) et son épouse (Boissière) et le « parastre » de cette dernière (Rayrolles) : cependant il manque le prénom du père de ladite Boissière et l’identité de sa femme, visiblement remariée avec ledit Rayrolles.

Parmi ces protagonistes je distingue plusieurs de mes ancêtres (les liens de famille ne sont pas cités, mais on peut les supposer, notamment grâce à leurs métiers ou à leurs lieux de résidence) :
- Antoine Soulié l’aîné : il apparaît comme témoin signataire, mais aussi plusieurs fois en tant que protagoniste principal de l’acte, notamment une fois agissant comme consul de la ville d’Entraygues. Il est l’oncle maternel de Bonne Noël épouse Avalon.
- Guillaume Soulié (témoin), son cousin.
- Durand Soulié (cité lors d’un transport d’obligation), probablement feu le grand-père de Bonne Noël.
- Antoine Soulie le Jeune (témoin), probablement son cousin.
- Durand Soulie (témoin) probablement son cousin.

Parfois les liens sont complexes, comme Geraud Turlan qui apparaît dans un texte de 1689 : il mon ancêtre à la XIème génération, le cousin par alliance de Bonne Noël, l’épouse de Jean, et dont le fils Joseph Turlan épousera la petite-fille de Jean Avalon une vingtaine d’années après le décès du boucher !

Simon Mommaton et Antoine Soulié l’aîné  sont mes deux ancêtres qui reviennent le plus souvent dans les documents de Jean, en tant que témoins en particulier. Ce n’est guère étonnant car le premier est le gendre de Jean, le second l’oncle de son épouse.

Mais en partant à la recherche de tous les protagonistes, je me suis aperçue que ceux qui habitaient à Entraygues entretenaient presque tous des liens de famille, plus ou moins lointains. Par exemple le consul Brunet, avec qui Jean Avalon a eu maille à partir en 1679 (voir l’article A vendre ! sur ce blog), est en fait de sa famille (par alliance) : il est le fils de l’époux de la sœur de l’épouse de l’oncle de sa femme très exactement !

Arbre Avalon-Brunet

Et ainsi de sœur en frère, de mariage en en mariage, de cousin en cousine j’ai reconstitué un arbre de plus de trois cents individus où la plupart des protagonistes et/ou témoins des actes de Jean Avalon se retrouvent à un moment donné.


jeudi 7 novembre 2019

#ChallengeAZ : F comme fréquence

Donc j’ai retrouvé 400 actes concernant Jean Avalon. Je vous épargnerai le résumé de chacun d’entre eux, mais je dois avouer que leur présentation m’a donné du fil à retordre.

Finalement une infographie m’a semblé le moins barbant pour digérer tout cela : alors la voici !




On remarque que Jean n’hésite pas à passer des actes le dimanche (de même que le jour des rameaux ou de l’Assomption). Naïvement je croyais que c’était « relâche » ces jours-là, mais visiblement non. Je ne sais pas si le notaire prenait un supplément « jour chômé » ou pas !

Pour les plus curieux, voici son agenda des années 1679/1700 :



Si vous avez eu le courage de feuilleter cet agenda, vous avez sans doute constaté comme moi que certaines années ont la rougeole tellement il y a d’actes passés ! C’est (visuellement) très impressionnant je trouve. Bon, de toute façon 400 actes pour un seul homme c’est déjà impressionnant !

mercredi 6 novembre 2019

#ChallengeAZ : E comme Entraygues

Entraygues, en Rouergue, est la ville où a vécu mon ancêtre boucher Jean Avalon (aujourd’hui nommée Entraygues sur Truyère, au Nord du département de l’Aveyron). 

La ville est située sur un point de confluence, entre le Lot et la Truyère. C’est de là que lui vient son nom : Entraygues (prononcer "entraillgua", Entraigas en occitan rouergat) signifie entre deux eaux.


Vue aérienne d'Entraygues © chateau-entraygues.fr

La présence d’une cité gauloise puis gallo-romaine a été attestée par des fouilles. Mais c’est à partir du Xème siècle que la ville se développe véritablement avec la fondation d’un castrum* et d’une église par la puissante famille d’Entraygues. Cette place forte a la forme d’un triangle entouré par les deux rivières et dominé par trois sommets.

Jusqu’au XIIème elle connaît une première phase de prospérité. Cette phase d’expansion est quelque peu freinée par les guerres liées à la croisade des Albigeois, la région étant touchée par plusieurs vagues de conflits.

Les comtes de Rodez acquièrent le comté dans la seconde moitié du XIIIème siècle. Ceux-ci dotent alors la ville de tous les équipements « modernes » (pour l’époque) : un château, des murailles avec créneaux, tours de défense et porte d’entrée à pont-levis, le tout entouré d’un fossé ; et dans la ville un hospice et un marché couvert. Ils tentent de freiner l’emprise de la communauté des habitants, mais sans succès : le consulat* garde son influence et défend les droits individuels contre le pouvoir féodal classique que veulent imposer les comtes de Rodez.

La ville connaît une nouvelle phase de prospérité grâce notamment à la viticulture, la navigation sur le Lot et le commerce des coustoubis (maraîchers), du fromage, du bois et du seigle.

Au XVème siècle c’est la famille d’Armagnac qui possède Entraygues, grâce à un mariage avec une fille héritière du comté de Rodez. Mais suite au conflit qui l’oppose au roi, ce dernier lui reprend toutes les places du comté : Rodez, Séverac le Château et Entraygues, notamment. Cette dernière est alors confiée à la famille de Balzac.

Pendant les guerres de religions, la ville souffre à nouveau des conflits nationaux : la ville est prise par ruse par les protestants en 1558. Le château est pillé et gravement endommagé en 1587.

Au début du XVIIème siècle, c’est la famille de Montvallat qui règne sur Entraygues (voir la lettre C). Dans les années 1650 Henri Ier de Montvallat reconstruit le château, visible encore aujourd’hui. Si les remparts ont quasiment disparus (il ne reste que quelques pans de mur), on peut encore admirer les deux ponts du XIIIème siècle : le pont gothique sur la Truyère (dont les deux tours de péage à chaque extrémité ont aujourd’hui disparu) et le pont Notre-Dame sur le Lot. Le comte d’Armagnac le fit couper afin d’empêcher le passage des « routiers » (c'est-à-dire les pilleurs, pas les camionneurs !) ; il fut plusieurs fois réparé, notamment à cause des inondations fréquentes de la rivière.

Le bourg a conservé des rues et ganelles (ruelles) à caractère médiéval, des maisons des XV et XVIIème siècles, dont certaines à pans à bois et encorbellement. Ainsi la rue Droite (où Jean Avalon avait maison et boucherie) rejoignait en droite ligne (enfin presque) la place Majeure au Sud de la ville et le portail Nord : c’était la principale rue commerçante de la cité. La rue Esquerre (aujourd’hui rue du Collège) était celle où demeurait la bourgeoisie de la cité : Jean y acheta une maison en 1669.

L’église Saint Georges date du XIXème siècle. Elle est simple et dépouillée.

La chapelle Notre-Dame du Pontet (= petit pont) est située à l'entrée Sud Est d'Entraygues. Elle date primitivement de 1097. Un petit bâtiment est d'abord construit, servant de recluserie ou d’ermitage, dédié plus tard à Notre Dame. Agrandie en 1679, la chapelle devient un couvent d’Ursulines. Peu de temps après, la confrérie des Pénitents noirs de la Croix les remplace jusqu'au début du XXème siècle.

Au XIXème siècle la navigation sur le Lot cesse de façon importante à partir de 1835 à cause de l’ensablement de la rivière et de la concurrence du chemin de fer. La viticulture connaît une grave crise suite à plusieurs maladies de la vigne, entraînant une nouvelle phase de déclin de la ville.

Aujourd’hui Entraygues compte un peu plus de 1 000 habitants.


* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie de ce blog pour le découvrir !


mardi 5 novembre 2019

#ChallengeAZ : D comme désaccord

Si Jean Avalon passe souvent chez le notaire pour acheter ou vendre des biens (400 fois au total, rappelons-le), on le trouve mentionné aussi lors de mises en demeure ou procès. Bref, quand on ne peut pas régler l’affaire à l’amiable, on passe à la vitesse supérieure !

Dans son inventaire après décès on recense ainsi plusieurs « liasses de procès » (26 pièces au total, malheureusement le notaire n’a pas jugé bon d’en décrire le contenu…), des « mises en instance », « appointements de condamnations », etc...*


Sacs à procès © AD31

Par exemple, en 1694, on trouve une mise en instance de Jean Avalon contre Marguerite Boissière et son époux Jean Burguiere, demandant la condamnation des héritiers de Jean Rayrolles parastre (beau-père) de ladite Boissière en raison des impayés dudit feu Rayrolles : Jean Avalon avait fait un « prêt d'argent, viande de boucherie denrées, pain, vin et autres choses » équivalent à un total de 340 livres (soit près de 6 500 euros).

A l’inverse, en 1679 c’est une protestation* à l’encontre de Jean Avalon portée par le second consul de la ville, Bernard Brunet, pour taille non payée : après un dernier délai accordé, et une taille toujours non payée, un chaudron est confisqué au boucher pour être vendu en place publique (j'ai raconté cette histoire ici).

Dans ses disputes « notario-judiciaires », le marchand boucher n’hésite pas à faire face aux consuls de la ville ou bien… aux membres de sa famille ! En effet, dans ses papiers, figure par exemple un appointement de condamnation de Jean Avalon contre Meyric Pervenquières (1694). Et ce dernier n’est autre que son beau-frère  (le frère de feue sa première épouse Jeanne, très exactement).

Ou encore à mes propres ancêtres : Pierre Mayrinhac (sosa 2148, génération XII) figure parmi les condamnés !

On notera au passage que l’épouse de Jean Avalon, Bonne Noël, n’hésite pas elle aussi à faire valoir ses droits : à plusieurs reprises les appointements de condamnation sont en sa faveur.

Les sommes en jeu ne sont pas toujours des tas d’or : l’un des appointement de condamnation est de 6 livres seulement (un peu moins de 130 euros). Mais on n’hésite pas à lancer une procédure tout de même.


* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie de ce blog pour le découvrir !


lundi 4 novembre 2019

#ChallengeAZ : C comme comte

Entraygues, autrefois vicomté, a été achetée par les comtes de Rodez au XIIIème siècle. Ceux-ci font construire un château, puis des remparts pour fortifier la ville qui se trouve aux confluents des routes d’Auvergne et du Lot. Au gré des guerres, le comté changera plusieurs fois de mains.

A l’époque de « notre » Jean Avalon, c’est le comte Henri II de Montvallat et son épouse la comtesse Blanche de Castrevielle qui règnent sur la ville. Le couple se marie en 1668 à Jaujac, fief d’où est native la future comtesse, situé à 200 km à l’Est (en Ardèche actuelle). 

La maison de Montvallat est originaire d’Auvergne. Le grand-père d’Henri II épousa une dame d’Entraygues et c’est ainsi qu’ils arrivèrent en Rouergue.

Les Castervielle (ou Castrevielhe, Castervieille, Chastrevieille) « sont venus, on ne sait en quelle circonstance, mais très anciennement, au château de Castrevieille. Ce château est situé à l’entrée du bourg de Jaujac. […] Après sept générations, la maison tomba en quenouille (sic), en la personne de Blanche de Castrevieille, héritière de tous les biens de sa famille [Castrevieille, Jaujac, Rocles, Saint Pierre de Malet, etc…] dont le fils, François Gaston, vendit tous ses biens du Vivarais ».*

Ils auront huit enfants, dont seul l’aîné semble naître à Jaujac. Après cela la famille s’installe vraisemblablement à Entraygues, s’enracinant dans le comté. Henri de Montvallat acquiert, en 1685, la seigneurie de Montpezat (Ardèche, à une quinzaine de kilomètres de Jaujac), étendant ainsi le domaine. Il était aussi capitaine-lieutenant de la compagnie des Chevaux-Légers de Monseigneur le Duc d'Orléans (en 1656) et portait le titre de seigneur de divers lieux, en plus du comté d’Entraygues : Neuve-Église (aujourd’hui La Chapelle Neuve Église en Aveyron), Cornette, Unies, Montpezat et Castrevielle.

Henri décède en 1690 et son fils François Gaston lui succède en tant que comte. La comtesse douairière survit quelques années à son défunt époux : elle meurt en 1703.

Le nouveau comte d’Entraygues, François Gaston porte également les titres de seigneur de Montpezat et Castreveille (jusqu’à la vente de ce dernier tout au moins). Il fut page du roi dans la grande écurie avec son frère puîné Hyacinthe en 1685. Il servit ensuite chez les mousquetaires. Il porta successivement les titre d’enseigne, sous-lieutenant, lieutenant puis enfin capitaine dans le régiment des gardes françaises en 1700. Il quitta le service en 1704 (suite au décès de sa mère et de la vacance du comté ?). Entre temps il s’était marié en 1700 avec Marguerite de Pleure (en la paroisse de St Jean de Grève à Paris), fille d’un chevalier et seigneur de Romilly et divers autres lieux.

Dans les archives notariales concernant Jean Avalon, on voit régulièrement apparaître la Dame comtesse, en particulier après le décès de son époux. Je n’y ai pas rencontré son fils, qui devait alors se trouver en région parisienne.

Le château comtal est situé à l’extrémité de la ville, à la confluence des deux rivières qui entourent la cité (le Lot et la Truyère). La bâtisse médiévale fut pillée et dévastée en 1587, puis reconstruite par le grand-père d’Henri II de Montvallat. Des vestiges du XIIIème siècle il ne reste que la cage d'escalier, la salle voûtée gauche du rez-de-chaussée et les deux tours carrées. Le corps de logis a été édifié au XVIIème siècle. Il restera dans la famille de Montvallat jusqu’à la Révolution où il fut vendu comme bien national. Par la suite il changea plusieurs fois de propriétaire. Il appartient aujourd’hui à une communauté religieuse qui y a fondé une école.


 Château d'Entraygues aujourd'hui © Wikipédia

* (source : Revue historique, archéologique, littéraire et pittoresque du Vivarais illustrée)


samedi 2 novembre 2019

#ChallenAZ : B comme boucher

Jean Avalon est dit boucher et, plus souvent encore, marchand boucher. Le boucher était autrefois le marchand qui vendait principalement de la viande de bœuf ou de mouton.

Boucher © Wikipedia

En 1678 Jean afferme une boucherie, pour une durée de deux ans et un loyer de 2 livres par an. La boutique est située « dans la place publique de ladite ville » (il s’agit sans doute de la place Mage – aujourd’hui A. Castanié – la place principale de la forteresse). Ce n’est pas son seul établissement puisqu’il dispose aussi d’une petite boucherie située rue Droite près du portail de la ville. Cette dernière est sans doute celle dont il a hérité de son père.

D’après son inventaire après décès, elle comprenait des balances et leurs poids, des couteaux de boucherie, un grand quartier et un petit de viande de « pourceau » (lard ? jambon séché ?), un pressoir pour le suif, un coffre, un tour de fer à tourner la broche, etc…

On a vu dans la lettre A que Jean avait remporté le marché de fourniture de viande, avec son frère, auprès des consuls de la ville. Par contrat, ils sont tenus de « fournir ladite ville et habitants dicelle de la viande necessaire pour la subsistance diceux. […] A condition neanmoins quils soient surs quils puissent debiter et tenir boucherie dans ladite ville et fauxbourg dicelle sur le prix quils seront convenus [les] dites parties. » La viande vendue doit être de la viande de bœuf ou de veau et les prix en sont fixés à l’avance, de façon fort précise (15 deniers la livre de Pâques à la St Michel puis 1 sol la livre de la St Michel jusqu’au carême suivant). « La chair de motton », de veau de lait, de pourceau et de brebis sont réglementées de la même façon. Le contrat est signé pour une durée d’un an, commençant à partir de Pâques 1679. J’ignore s’il a été renouvelé ou non.

A travers les documents notariés, on voit régulièrement Jean vendre ou acheter des animaux :
- 2 vaches poil rouge l'une avec son suivant mâle et l'autre pleine, d'environ 6 et 4 ans (1680).
- une paire de bœufs de 3 ans (1693, 1694).
- une vache à poil rouge de 5 ans avec son suivant femelle de 3 semaines aussi poil rouge (1695).
- une paire de taureaux (1695).
Ces animaux sont sans doute destinés à son commerce. Plus rare, en 1695 il achète un cheval poil gris âgé de 3 ans. Je ne sais pas si à cette époque on mangeait de la viande de cheval, mais Jean possède aussi beaucoup de terre, qu’il faut travailler : le cheval est peut-être réservé à cet usage ?

On le voit aussi faire crédit à ses clients (devant notaire bien sûr), comme en 1694 où il fait crédit « pour viande de boucherie, pain et argent » pour une somme de 80 livres. Ses clients sont parfois prestigieux : la comtesse d’Entraygues elle-même lui doit 8 livres 16 sols « pour la viande de boucherie prise à la boutique ».

Grâce à ces documents notariés, nous avons un aperçu du quotidien d’un boucher au XVIIème siècle.


vendredi 1 novembre 2019

#ChallengeAZ : A comme Avalon

Jean Avalon est né sans doute au début des années 1640 (mais comme il n’y a pas de registre antérieur à 1662 dans sa ville d'Entraygues je n’en sais pas plus) de Guillaume Avalon et Izabeau Bosque. Ceux-ci demeurent rue Droite à Entraygues (la rue principale de la ville). Le père est boucher. Le couple aura deux autres enfants : Gabrielle et Louis.

Jean se marie une première fois avec Jeanne Pervenquieres. La date n’est pas connue, disons dans les années 1660. Des trois enfants de leur union (nés en 1669, 1672 et … ?), Eymeric et Anne sont décédés en bas âge; le sort de leur sœur Gabrielle reste incertain (décès pas trouvé mais elle n'est pas mentionnée dans le testament de son père en 1700).

En 1669 Jean achète une maison sise rue Esquerre (aujourd'hui rue du Collège), composée de deux étages et un « chay » (cave) ; elle est couverte de tuiles. Son prix est de 160 livres, payés en pistoles d’Espagne, louis d’or et d’argent (payable en plusieurs fois).

Le père de Jean est décédé avant 1669 et sa mère en 1670. Il reprend alors probablement la boucherie familiale avec son frère, lui aussi boucher (ensemble ils obtiennent le marché de la fourniture de la viande pour la cité d’Entraygues, contrat passé auprès des consuls de la ville pour l’année 1679, par exemple).

Le décès de Jeanne Pervenquières, épouse Avalon, se situe entre 1672 (naissance de sa fille Gabrielle) et 1675 ou début 1676. En juin 1676 en effet Jean fait rédiger un contrat de mariage pour lui-même et une dénommée Bonne Noël. Elle est aussi originaire d’Entraygues. Son père, Bernard, est déjà décédé, mais sa mère Bonne Soulié est encore vivante. Ce couple a eu 11 enfants, dont deux prénommées Bonne, deux Suzanne et un Durand.

J’espère que vous suivez toujours.

Le mariage de Jean Avalon et Bonne Noël doit probablement suivre de peu le contrat de mariage, mais là encore des lacunes m’ont empêché de le trouver. Ils auront eux aussi trois enfants (nés entre 1678 et peut-être 1687 ?) : Louis, Bonne l’Aînée et Bonne la Jeune. Mon ancêtre directe est Bonne l’Aînée.


 Arbre Jean Avalon via Généatique

Ce qui, au passage, nous fait 2 Gabrielle, 2 Louis, 2 Suzanne et 5 Bonne ! Une belle pelote à démêler…

La maison de la rue l’Esquerre est revendue en 1679, au prix de 253 livres, faisant là une belle opération immobilière.

L’épouse de Jean, Bonne Noël, décède le 28 janvier 1700, ab intestat, c'est-à-dire sans avoir eu le temps de faire un testament. Ce que ne fera pas Jean – et c’est pour cela que nous sommes là ! – faisant rédiger son testament le 27 décembre 1700. Il est alors « alite de certaine maladie corporelle [mais] toute fois en son bon sens entendement et parfaite mémoire ». Cependant « de laquelle maladie il croit mourir et afin quapres son deces il ny ait discussion parmy ses enfants bas nommes et autres ses heritiers » il a fait part de ses dernières volontés. Comme on l'a vu plus haut sa fille aînée Gabrielle n’y est pas mentionnée, ce qui peut laisser supposer qu’elle est déjà décédée, même si l’acte n’a pas été trouvé. Il ne resterait donc plus aucun des trois enfants de son premier lit.

Il donne a chacun de ses trois enfants du second lit 4 000 livres, « payables audit louys et bonne plus jeune la moity en biens fonciers [ ?] et lautre moytie en obligations quand ils marieront ou auront ateint laage de vingt cinq ans ». Louis et Bonne la jeune devront être logés et nourris jusqu'à ce qu'ils aient 25 ans ou qu'ils se marient. En échange ils devront participer aux travaux de la maison. Il « institue son heritier general universel le sieur simon mommaton son beau fils » (l’époux de Bonne l’Aînée).

Et finalement il aura bien fait de rédiger son testament car il décède 13 jour plus tard, le 9 janvier 1701. Il a probablement 60 ans ou environ. Son acte de décès est le seul document type BMS (baptême/mariage/sépulture : les « 3 actes de la vie ») que j’ai retrouvé le concernant directement. Un seul acte.

A la demande de Simon Mommaton, l’héritier désigné, un inventaire des biens laissés par le couple défunt est souhaité ; ce qui sera fait du 3 au 12 février 1701. Un conseil de famille a suivi début avril (pas trouvé), sans doute pour évoquer la situation des deux enfants orphelins mineurs. Puis finalement un partage des biens, qui a lieu le 20 avril 1701.

Et c’est à partir de ces trois documents (testament, inventaire et partage) que j’ai découvert… un total de 400 actes notariés concernant Jean Avalon !


vendredi 25 octobre 2019

#ChallengeAZ 2019 : Présentation

C'est la sixième année que je participe au #ChallengeAZ; d'ailleurs c'est la première édition qui m'a donné envie de créer ce blog. Pour mémoire, le but est de publier un article par jour (sauf le dimanche) pendant un mois, en suivant les lettres de l'alphabet, tout en ayant un rapport avec la généalogie, bien sûr.



En 2014, première participation, j'ai papillonné au hasard de ma généalogie.
En 2015 j'ai suivi un fil rouge : celui de mon arrière-grand-père parti de l'Ain pour se bouturer avec la branche angevine de mon arbre.
En 2016 je me suis intéressée aux dictons ayant un rapport avec des mots généalogiques.
En 2017 j'ai fait un challenge photographique.
En 2018, j'ai rendu hommage à un autre de mes arrières-grands-pères, Poilu de la Guerre 14-18.

Cette année 2019 le ChallengeAZ aura pour fil conducteur l'un de mes ancêtres... un peu particulier (sur une idée de Sophie alias @gazetteancetres bien sûr !).

La branche aveyronnaise - et paternelle - de mon arbre part de Conques. Mais plus on remonte le temps, plus elle se déporte légèrement à l’Est. C’est ainsi que je suis arrivée dans la ville d’Entraygues, à moins d’une trentaine de kilomètres de Conques. Ville située à la confluence de deux rivière, le Lot et la Truyère, elle comptait sans doute un peu plus d'un millier d'habitants au XVIIème siècle.

C'est là que j’ai notamment rencontré la famille Avalon : d’abord la fille, prénommée Bonne, puis les parents, Jean et Bonne, et les grands-parents, Guillaume et Izabeau.

Au fur et à mesure des recherches, j’ai étoffé un peu ce rameau : fratrie, premières noces, enfants du premier lit, belle famille… Peu à peu tout ce petit monde s’est organisé autour de Jean Avalon (ca 1640/1701), marchand boucher de la ville d'Entraygues, mon ancêtre à XIIème génération.

Faute d'actes paroissiaux (largement lacunaires pour cette période) pour me renseigner sur sa vie, je me suis tournée vers les archives notariées. J’ai commencé par trouver son testament, puis son inventaire après décès et enfin le partage de ses biens entre ses héritiers.

Et là, surprise, ces trois pièces m'apprennent que Jean avait en sa possession plusieurs centaines de documents notariés, soigneusement conservés et référencés !

 Archives © debaecque.fr

Et c’est ainsi que l’aventure a commencé. Petit à petit j’ai retracé son parcours et sa vie grâce à ces archives notariales. J'en ai beaucoup appris sur lui-même mais aussi sur le "fonctionnement" au quotidien d'un homme du XVIIème siècle dans une ville de province. Entre les lignes j'ai découvert son "pays" - la ville et les paroisses alentours - ses contemporains (environs 300 protagonistes) et les liens tissés entre eux.

Je dépouille et classe ces archives depuis le début de l'année. Pendant l'été, j'ai officiellement stoppé le décompte de ces pièces à 400 documents. Depuis, j'en ai trouvé quelques autres, mais ayant déjà rédigé plusieurs articles et réalisés les infographies correspondantes, je ne les ai pas inclues dans ces statistiques. Je pense que si je faisais un dépouillement systématique de tous les registres notariés de la ville, j'en trouverai d'autres. Mais pour l'instant je vais me contenter de cette masse de sources à traiter...


Et merci aux archives départementales de l'Aveyron dont le site internet est la mine que j'ai pu explorer et y trouver toutes ces pépites.


A noter : la modération des commentaires sera levée pour le ChallengeAZ, ainsi pour pourrez mettre un mot facilement quand vous le souhaitez...