« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 17 juillet 2014

Quittances et obligations

Donc, c'est une évidence : nos ancêtres passaient leur temps chez le notaire ! Je le soupçonnais déjà, grâce aux archives notariales en ligne en Vendée, mais avec le répertoire des notaires en ligne de l'Ain, c'est devenu une certitude.

Inventaire du notaire Louis Guillermet, détail, AD01

En 10 jours j'ai déjà récolté plus d'une centaine de mentions de mes ancêtres passant des actes chez leurs notaires respectifs.

Bien sûr, j'avais connaissance des contrats de mariage, testaments ou inventaires après décès dont on notait scrupuleusement les termes chez un homme de loi. Mais il y a de nombreuses raisons qui poussent nos ancêtres dans les études les plus proches de chez eux.

Parmi ces raisons, certaines restent un peu mystérieuses, en particulier parce que je ne dispose que d'un inventaire et non des actes complets, et parce que les termes varient d'un notaire à l'autre, d'une forme ancienne à une autre.


  • Une demi-douzaine d'actes sont intitulés "achapt", probablement des actes d'achat, mais le détail n'est pas fourni dans les répertoires.
  • "Acte destat et vizitte d'une maison" : est-ce l'inventaire préalable à la vente d'une maison ?
  • Un certain nombre d'actes sont intitulés (selon les notaires ou les époques) cheptel, chatel, chastail, chetel, chaptel. Ils doivent recouvrir la même réalité : la convention, ou bail, d'un maître avec son fermier, lorsqu'il lui donne un certain nombre de bestiaux pour les nourrir et les soigner, avec partage du profit. Par extension, les bestiaux mêmes formant le fonds du cheptel.

Moins mystérieux, ou plus facilement identifiables : 
  • le bail à ferme : contrat de louage d'un fonds rural.
  • la cense : terre soumise au cens ( * ) ou redevance payée pour des terres, moulins, fours, etc.
  • le codicille : texte, clause, ajouté à un traité.
  • la cession : action ou acte de céder, d'abandonner quelque chose à quelqu'un volontairement ou non. 
  • l'échange : contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose ou un droit contre une autre chose ou un autre droit.
  • la licitation : vente aux enchères d'un bien indivis qui peut se faire à l'amiable ou en vertu d'un jugement. 
  • le transport : acte qui fait passer la propriété d’une chose incorporelle, comme un droit et une action, d’une personne à une autre; par la même la cession qui lui en est faite.

Les actes les plus nombreux sont sans conteste les suivants :
  • l'obligation : lien de droit par lequel une ou plusieurs personnes déterminées sont tenues, en vertu d'un contrat, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. 
  • la quittance : attestation écrite reconnaissant le paiement d'une somme due (dette, redevance, droit). 
  • la vente (qui se passe de définition, mais en l'absence des actes eux-mêmes on ignore les détails de ces transactions). 

Le record de procédure est détenu par Neymod Janney grangier (exploitant agricole) à Lalleyriat. Il passe 26 fois devant le notaire, en l'espace de 21 ans, dont 17 fois pour des obligations en sa faveur et contre différents de ses voisins.

Les quittances trouvées concernent la plupart du temps des sommes d'argent, mais sont parfois plus diverses, comme celle que passe Blaise Berthet Bondet à Jean Janvion (1793) : 174 livres, une vache, une chèvre, une garde robe.
Ou celle de Marie Françoise Alombert Goget (1783) citant une croix d'or d'une valeur de 23 livres.

On remarque d'ailleurs que les femmes sont nombreuses à passer devant le notaire. On les voit agir en tant que veuve ou "sœur de", mais aussi en leur nom propre.

Enfin, on voit régulièrement des actes notariés passés au nom d'une communauté toute entière :
  • Délibérations des habitants du Poizat par laquelle les habitants du village "nomment des gardes forets pour empecher le déboisement de leur montagne" (1761).
  • Délibération des habitants de Lalleyriat "aux fins de répondre aux demandes de cessation du rolle fait pour les reparations de leur eglise" (1767). 

Aux hasard des registres, j'ai aussi rencontré d'autres types d'actes (mais qui ne concernaient pas mes ancêtres) :
- abandon et permission de prendre l'eau
- procuration
- révocation de procuration
- sentence arbitrale
- assignat (ou assinat)
- ratification
- déclaration de grossesse
- contrat d’apprentissage
- grangeage ( * )

Les tabellions ne chômaient pas !

Il ne me reste plus qu'à attendre la numération des actes eux-mêmes, pour en savoir davantage sur ces différentes transactions.


( * ) pour les définitions précises, voir l'onglet Lexique de généalogie

samedi 12 juillet 2014

Pas de défunt !

Les curés sont parfois prolixes : en dehors des actes de naissances, mariages et décès qui font la raison des registres que nous compulsons, ils notent quelques observations diverses. C'est souvent des phénomènes météorologiques, parfois le baptême d'une cloche, plus rarement la naissance - ou le décès - d'un roi.

Personnellement, je savoure ces mentions qui émaillent les registres comme des petites douceurs. Parce qu'elles éclairent la vie de nos ancêtres, parce qu'elles nous font découvrir un pays, une époque qui sont plus ou moins éloignés de nous aujourd'hui.

Mais il faut le reconnaître, ce sont souvent des mentions assez noires : décès en nombres, pillages, avalanches . . .

Heureusement, enfin une bonne nouvelle nous est donnée par le curé de Noailhac (Aveyron) :


"Est a remarquer que depuis le 22 xbre [décembre]
de L'année 1677 Jusques au trentieme mars
de L'année 1679 personne ne mourust ny
 feut mesme malade dans pte [présente] parse [paroisse] de noalhac ainsi
je soussigné [ . . . ] l'atteste                Lacombe" [ 1 ]

Soit un an et trois mois sans décès ni maladie dans la paroisse. 


Même si on peut s'interroger de l'absence de malade pendant 15 mois successifs.
Même si la taille de la paroisse est réduite (un peu moins de 16 km²; on ne compte que 641 habitants à la Révolution, date des plus anciens recensements officiels).

C'est plutôt une bonne nouvelle, non ? 



[ 1 ] Extrait registres BMS Noailhac, AD12
 

lundi 30 juin 2014

#ChallengeAZ : Z comme Merci à tous...

... ou comme Zut c'est fini !
 
Billet rédigé à partir des articles du Challenge AZ 2014 : que leurs auteurs soient remerciés pour leur participation involontaire (et qu’ils me pardonnent pour les quelques libertés que j’ai prises, tordant parfois un patronyme pour le transformer en nom commun : nécessité de service ! * ).
Chaque mot en gras est le titre d’un article paru en ce mois de juin. Ils ont été regroupés anonymement avant d’être à nouveau tissés pour en faire une histoire. Certains d’entre vous se reconnaîtrons (je n’ai pas pu mettre tous les titres d’articles – on en compte plus d’un millier pour une soixantaine d'auteurs - j’espère que vous me pardonnerez).


The End © allthingsd

26 lettres pour 1 voyage
Franchement, ça sert à quoi la généalogie ?

On convoque le ban et l’arrière-ban des ancêtres. Ils sont tous là : les Antoine, les Bujaud, les oncles d’Amérique ; ceux dont les surnoms traduisent notre affection, et notre amour fraternel comme Badie ; ceux qui ont des prénoms bizarres comme Angevine ou Barbe. Qu’il soit Lozérien parti de rien ou soldat mort pour la France, qu’il ait un bras coupé, qu’il soit gros, grand, gras, gentil ou qu’il soit invalide bardé de décorations de la guerre de 1870 ou de la guerre de 1939-45. Ils sont tous là, on vous dit !

La méthode est simple : au début c’est juste un jeu de piste à la recherche des origines, du temps, des marques du passé. Wanted ! Il suffit de questionner, fouiller dans les archives et la bibliographie, transcrire, déchiffrer un document, jouer au détective, classer les cartes postales et les contrats de mariage. De cujus et implexe nous emmènent au BAVCC (Bureau des Archives des Victimes des Conflits Contemporains). Il faut avancer pour trouver l’aiguille dans la « botte de source ». Saperlipopette ! Trois mariages d’un coup ! L’information tant désirée tombe : on est en Liesse et on esquisse une danse artistique (une kas a-barh bien sûr), c’est la bénédiction des cloches ! Taïaut ! Epiphanie ! Youpi ! On peut jubiler et publier un faire-part pour annoncer la bonne nouvelle : rendez-vous en 2015 pour un repas de fête en fanfare, une joyeuse kermesse. Uniforme et robe perlée seront sortis de la remise. Préparons-nous à plonger la fourchette en fer dans le quart à boire.

Avec un peu de hasard, notre carnet de bal est complet. Yes ! Si on n’a pas de chance, c’est zéro . . . L’éclipse de mémoire : y’a un problème. C’est Waterloo. On se croit bon pour l’asile ou les hôpitaux du Xème arrondissement et on veut abandonner, crever en chemin (et/ou voir le docteur). On se trouve face à des blocages. Beaucoup de blocages. Questions sans réponse. Panne, pause et passe. Galères ! Mystère ! Misère ! C’est le naufrage. Mariage où es-tu ?

Et puis on a beau tout baliser, borner, on n’évite pourtant pas les surprises. Cachotier, va ! Soudain le destin des sœurs de Constantine se révèle à nous : ces dames déclarent leur dot avant de contracter une union avec des couvreurs à paille ou des charbonniers. Mais attention, les douairières veillent sur leurs oies comme Junon Moneta à Rome Roubaix ( ! ), leurs regards de dragons empêchant tout descendant de se faire déserteur. C’est l’histoire d’une découverte d’une branche généalogique, quoi. Zoom sur les us et coutumes d’une union dans le bocage Normand.

Au bout d’un temps x, on dispose d’un wagon  (ou un wagonnet) de source d’informations généalogiques à utiliser avec prudence. Car il faut rester méfiant : attention aux homonymes et erreurs de débutants. Ne pas confondre une habitation et un hôpital militaire. Relis-le encore ! Après tout, rien à voir entre un garde royal et un garde républicain ! Il ne faut pas s’emmêler les pinceaux. Pas de doute ! S’ouvrir pour se laisser pénétrer de l’orthographe des noms qui oublie le bon ordre et mélange marraine et neveux. Martin devient Martineau. Usurpation d’identité. Patronymes en X. Poser les bonnes questions : qu’est-ce que c’est que ce prénom ? Qui était Pétronille Le Quement ? Les « qui, quoi, quand » amènent le « qui je suis ».

Même si on ne reçoit pas que des monnaies royales en héritage : les histoires de dot et d’héritages sont toujours complexes. On fait x découvertes, mais on ne choisit pas plus de descendre des Habert, lignée de bouchers protestants à Sancerre, que de Georgette Brisbarre ; une fière famille fraxinienne ou une fille-mère ? Seigneurs et sieurs, garçons et filles, composent notre hoirie. L’hiver et la famine a décimé notre famille ? Ou bien est-ce la grève et la guerre mondiale ? Terreur, gueules cassées, vies brisées. Quelle connerie la guerre. Il faut gérer. On découvre que Isabelle Matey, enfant trouvée, a provoqué des hommes d’armes devant l’Hôtel-Dieu Saint Jacques un jour de noces à Ingolstadt. Elie Chaume, gendarme de l’empire l’a arrêtée. La voilà devenue hors la loi. La justice laisse des traces. Bon ou mauvais, notre genosociogramme est fécond. C’est l’illustration de nos héritages et successions. Houeran, Hiltiti et autres histoires hallucinantes peuvent aller se rhabiller.

Notre cadre de vie évolue avec nos recherches : on passe du cocon au camp d’extermination, du carnaval à l’atrocité des ancêtres. On voyage de l’Arverne à l’Armorique, de l’Algérie à la Belgique. On découvre des hameaux alternatifs qui nous étaient inconnus jusqu’alors et terriblement exotiques : Bonaventure à la pointe au Maquereau, Crespano ou Brens. Des lieux plein de Charmes. Entrons dans ces constructions habitées ou inhabitées, ces granges dîmières, ces domiciles entouré d’arbres. Découvrons des métiers disparus comme le droguetier ou le marcaire. Passons d’un curé contestataire à un chanoine honoraire, faisant leurs dévotions et liturgies dans les enclos paroissiaux.

Inutile de s’impatienter : petit à petit, les travaux d’aiguille généalogiques esquissent une carte de descendance, forment une dentelle de cousins et cousines remués de germain. C’est l’ivresse. La famille est dans la boîte. On peut alors cuisiner une bonne cousinade. Faire un véritable événement à Mellier, priant Saint Dieudonné qu’il n’y ait pas de catastrophe ce jour-là. On veut juste rencontrer Albert, le frère inconnu, laboureur à Nantua. Et fêter les retrouvailles du frère Gervais de Saint Ilpize et de l’oncle Orwell juge de paix aux tribunaux de Kerleux. Un Who’s who d’ancêtres. Leur lien ? Tous portent le même nom de famille. Ça alors : les ancêtres de Nathalie partagent l’origine de Jean-Louis Roy ! Ce rendez-vous est une ruche. Tous figureront sur les photos de famille, ces souvenirs d’une rencontre unique, ou sur un film partagé sur Youtube.

On se voit bouger sans quitter la bibliothèque : Depuis les quais de gare, monter dans une barque pour voyager à la Belle Epoque. Déposer un brevet d’invention surprenant pour sauter d’un baillage à une frontière, d’un four banal à une brasserie. Rencontrer un Cévenol en Dordogne, un Boche en Argentine.

Pour la gestion des recherches, chacun sa méthode : Georges l’octogénaire, trie ses fichiers, notant, fébrile, les informations sur les lieux d’implantation des ateliers monétaires royaux. Thérèse, la veuve, cherche des signatures dans tous les registres : « mes outils de recherche ? tables décennales, livret de famille, registre matricule, recensements, hypothèque, testament, inventaire après décès, succession. Oh ! il y a aussi la série J une série à ne pas manquer ». Pour d’autres, il y a internet : de la bibliographie on passe à Geneastar (site web de généalogie), des images pieuses à Instagram. Vive les échanges électroniques qui sont encore plus rapides. Le logiciel de généalogie édite la liste d’ancêtres, les statistiques des métiers depuis mil cinq cent soixante dix à aujourd’hui. Chic !

Mais attention à l’usure du temps. Préservez vos photos ! Car elles vous permettront de partager, de raconter votre histoire et leurs vies : Albert Prudhomme, mort pour la France, Papy et Mamie sont mariés au Plessis-Grammoire, les Optants d’Alsace Moselle... Ils sont tous aujourd’hui au Walhalla, paradis des guerriers.

Mes oncles d’Amériques, légende ou réalité ? Identifier un ancêtre que l’on n’a jamais vu sur une photo . . . Missions impossible ? Pas autant qu’un double mariage catholique et protestant. Il faut juste prendre du temps et, parfois, ajouter un jour complémentaire au calendrier. Faire travailler la mémoire orale pour éviter la noyade des souvenirs. Sinon c’est un code secret format XXL assuré. Et on peut faire une croix sur l’identification : inconnu à jamais.

Être méthodique et, tel un moine copiste, trier des kilomètres d’actes et de données : acte de naissance, avis de décès, inventaire, journaux, une kyrielle de prénoms, le Larousse familial, les listes nominatives de recensements de la population et le livret militaire du grand-père. Et les témoins : ne les négligez pas ! Et là tu te demandes : est-ce mon karma ou suis-je kamikaze ? Des kilomètres de livres et de revues dont les lectures nous font frétiller les moustaches. Plongeons dans la Mémoire des hommes tel un mineur de fond pour y déceler Legris, un maire assassiné, les cousins Jacquet en photo nés de père inconnu ou Louis Linard et sa particularité physique. Pas de trève pour les braves.

Asseyez-vous et écoutez : Il était une fois une histoire d’adoption, celle d’Olympe Desmarez, FFI à Gavarnie. Ou bien l’histoire d’un village : Magnagues (ça se fait aussi). Il y a 100 ans, des inconnus ont allumé des incendies. Nos recherches leur donnent l’immortalité. On ressuscite des instituteurs et des institutrices, pris dans une tempête de neige dans les Alpes ! mais surtout une kyrielle de travailleurs de la terre. "Iémai ! Arrête de iouquai dans la iôrbe !" ("Eh ! mais ! arrête de gesticuler dans l'escalier !") nous chuchote Henry Deschamps dans son idiome vosgien. Il était aussi maire d’Hagondage et les jours de foire ses jumelles s’échangeaient figurine ou poupée contre des jouets fabriqués à Istanbul en 1919. Pas de quoi jubiler ? Peut-être. Mais c’est notre histoire, et pas de celles qu’on raconte à la veillée. La vie d’autrefois. La vraie.

Le calendrier nous fait passer d’un baptême au cimetière, sans laissez-passer, ni procès verbal. Inhumation, monument aux morts et obsèques nous sont aussi familiers que mariage, sœur ou jumeaux. C’est le quotidien de notre quête.

Et nous voilà déclarante, d’un débit de chirurgien, qu’il n’y a pas de Chochot à Douzy ! Pas de quartier ! La Belgicité nous fait perdre la boule (ou la bocce, n’est-ce pas ainsi qu’on le dit en Català ?). Tout s’embrouille : l’abbé anglais à Amettes, le bourgeois de Paris donnant bail à sa bru bouquetière. Préfères-tu être coqueleux ou coulonneux ? Mais tout dépends si tu es de Carennac ou de Cassac !

Qui est M. X, tabellion à Yzernay ? Saint Yrieix n’est pas en Westphalie ? Ton association préférée est là, tel Zorro, pour résoudre cette épidémie d’épines. Une donation utile et des étrennes au cercle généalogique pour les remercier ? Bon, en attendant de leur décerner un blason, je retourne dans les Ardennes. L’entraide et le travail collaboratif nous débloquent sans délais : et voici la vie de Marie Bailly !

On y pense tout le temps. Je cherche donc je suis. L’hérédité sonne à nos oreilles comme l’horloge de l’Aïeul. Une mélodie entêtante au piano en ut ou la mineur.

Même si notre famille ne le comprend pas toujours. Les enfants naturels, ou non, partants à l’école, nous évoquent ces frères, au destin tragique ; l’épouse, la femme découverte sous un chêne, le grand-père ressuscite Guibert, soldat de la division d’Orient. Excuse-moi Claude . . . qu’est-ce que tu disais ? Joker. Vous avez beau vous excuser avec élégance, c’est la Révolution qui couve à Fresne sur Escaut, la foudre se fait entendre, le volcan gronde. La zizanie. Bientôt les dragonnades ! On s’y croirait : c’est la guerre, des ancêtres sur le champ de bataille. Mais le goût de(s) l’enquête(s) est plus fort. Après tout c’est l’histoire familiale, écume de l’océan.

Ôtez-moi d’un doute... vous y croyez, n’est-ce pas ? Et « t’as sans doute pas encore tout vu ! ».

Des images s’imposent. Eugénie la fileuse visitant l’exposition universelle de 1900, l’éclampsie de Catherine d’Espinal, la fiche individuelle de Felix Fournier à Faulx, Fernande Gallet partie trouver... son amoureux. Vous avez beau lutter, vous vous rêvez faiseuse de porte-plume, éleveuse de vers à soie, profession à risque si l’en est, ou bien employé des fermes du roi. On joue aux osselets avec la médaille de la famille d’Euphémie Duhamel et la légion d’honneur de Théodore Tocquart, le trisaïeul...

Des informations insolites, véritables incongruités, ont été trouvées. C’était dans le journal . . . Mais lequel ? Le journal de famille, le journal militaire, les JMO (journaux d’opérations militaires 14/18). Je le jure : jamais plus je n’oublierai mes sources ! Noter, numéroter, il en restera bien quelque chose. De l’organisation !

Et parfois, c’est l’inattendu : On cherche l’origine de Nîmes et on trouve l’origine d’une recette. Du registre apparaît un souvenir : une tante, servante chez Sébastien Loyauté, a noté ses recettes de religieuse et pets de nonne. Chouette ! Du pain béni. On va pouvoir l’utiliser pour ravir les triplés en villégiature à Vanves... « Sérendipiter » (faire une découverte par hasard) pour mieux trouver.

La vérification des sources nous amène à lire les archives judiciaires sur le web, à cause de quelques cas généalogiques, comme Raoul Servais, témoin dans une affaire criminelle : le cas de la « voisine assassinée en Vendée ». Thomas Gaillet, vigneron, père de quarante ans et soutient de famille, voit son union brisée par le geste de Sylvestre Cariou, de retour du service militaire en Suisse, réclamant la paternité et filiation de la petite Marguerite. Elisabeth, sa mère, obéissant à son instinct maternel, a l’a cachée derrière le four à chaux de Fontenay ; mais elle n’a pas pu éviter la querelle tragique, le coup mortel d’un ustensile appartenant à Xxx, cet inconnu. La véracité des faits ayant été établie, l’ouvrier criminel a été jugé coupable à l’unanimité par le juge-mage et son jury. Une vie bien courte. Une plaque commémorative en gardera le souvenir. Les amoureux seront à nouveau réunis en terre, dans leurs ultimes demeures. Comment rester les yeux secs ? Être zen ?

Alors, Denis Villecourt ? Tu ne veux pas être gratteur de pierre (pour avoir du lichen) à Issoire. Très bien : domestique tu resteras ! Après tout c’est naturel. C'est ton destin... De l’origine des choses. Mes ancêtres Mosellans de Plappeville ont eu nombre d’enfants. Qui s’en souvient ? A-t-on l’obligation de les faire revenir ? Question de transmission, de réhabilitation. Plusieurs possibilités s’offrent à nous : oubli (volontaire ?) ou partage ? La psychogénéalogie : généalogie comme thérapie ? La généalogie, une nourriture terrestre, les noces de la noblesse et de l’ouvrière papetière d’Ouroux dans le Rhone ?

Vérole ! Encore un vigneron ; Y’en a encore ? Parfois c’est la lassitude : Kesako ? Vous en avez assez des hiéroglyphes. Vous êtes noyé ! Denis est en difficulté. Géraud, Giraud se confondent. Ni Geneanet ni Heredis ne vous aident plus. Etre KO. Dire qu’il reste toute la génération 6 (à terminer). Y’a toujours à faire ! Vous cherchez Foudon en vain et le décès de Bernard Gardet reste un mystère. Claudine Massamier, disparue du Colombier, est nulle part. Il faut prendre des vacances. Alors c’est juré : cette fois c’est fini ! Elophe peut bien repartir en Espagne.

Mais… rapidement vous ressentez une étrange et étonnante absence. Il vous manque quelqu’un ou quelque chose. Qui, quoi, qu’est-ce... 

Et c’est plus fort que vous : la noble Dame de Pen Bizien vous rappelle. Les patronymes oubliés ressurgissent. Pas besoin d’avoir fait ESM (Ecole Supérieure Militaire) de St Cyr. La généalogie vous tient ! C’est un non-choix parce que c’est votre nature. Où faut-il signer ? Et vous voilà à nouveau replongé dans l’état civil et les BMS. Vous redevenez écoliers en 1905, fermiers généraux à Genouilly ou greffier à Germolles sur Grosne (Saône et Loire). Le gendarme Braillard et sa famille vous racontent des histoires de loup, et vous vous replongez dans l’histoire du siège de Paris en 1871, rien que pour le plaisir. Comment résister à Hautemayou et l’étrange épitaphe du cimetière St Simon ? Quand le vin est tiré il faut le boire. Y a-t-il une fin en généalogie ? Mais peut-on se satisfaire d’avoir des branches à tout jamais inconnues ?

Soudain, on se retourne : dix ans déjà ! On est que des amateurs, mais on reste amoureux de l’aventure, une passion dévorante... que l’on transmet à nos enfants, bien sûr ! Alors il ne faut plus hésiter. Même si ce n’est jamais fini. Tant qu’il en restera un...

Généalogiquement votre,

Xxx, les auteurs du ChallengeAZ 2014



Pour retrouver tous les articles du ChallengeAZ 2014, cliquez ici

* J’ai néanmoins laissé l’orthographe des titres telle quelle, ce qui a pu amener de jolies fautes dans mon texte : comme dans un document d’archive, je ne les renie pas . . .