« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 9 novembre 2018

#ChallengeAZ : H comme honneur

Lien vers la présentation du ChallengeAZ 2018
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L’horreur de la guerre est un instant rompu par l’honneur qui est fait au 23ème BCA : la garde du Drapeau des Chasseurs.

Ordre de bataillon n°14 (daté du 25 juillet 1915) :
« Chasseurs de la 4ème Brigade,
Notre drapeau – le glorieux Drapeau des chasseurs est confié à votre garde pendant quelques jours.
C’est un honneur qui vous rendra fiers et aussi une récompense qui vous est due.
Je n’ai pas besoin de vous dire ce qu’est notre Drapeau décoré de la Légion d’Honneur, de la Médaille Militaire, de la croix de guerre, lambeaux héroïques de soie tricolore qui renferment dans leurs plis toute la gloire du passé, toute celle du présent. [...]
Vous avez, depuis un an de guerre, forcé l’admiration du monde par votre énergie, votre courage et votre abnégation. […]
Réunis autour du drapeau des chasseurs, vous lui jurerez fidélité, vous ferez le serment non seulement de le défendre mais encore de le conduire, coûte que coûte, au bord de ce Rhin que nous voyons d’ici, au pied des dernières montagnes vosgiennes.
Et quand, votre tâche accomplie, vous défilerez sous l’Arc de Triomphe, au milieu des acclamations de la France entière, ne serez vous pas récompensés de vos peines et de vos fatigues en voyant flotter au-dessus de vos têtes notre glorieux étendard.
Signé : Lacapelle. »

Et le général Puydragin, commandant la 47ème DI y va aussi de son commentaire élogieux : « La 47e D.I. a brisé la résistance des troupes d’élite que l’ennemi lui a successivement opposées et maintenu glorieusement la vieille réputation des Chasseurs dont elle avait l’honneur de garder le drapeau ».

Les Chasseurs et leur drapeau, 1915 © lagrandeguerre.cultureforum.net

En effet, il n’y a qu’un seul et unique drapeau, commun à tous les bataillons et groupes de chasseurs à pied ou alpins. Autrefois chaque régiment d’infanterie, composé de plusieurs bataillons, avait alors son drapeau. Cependant à leur création il n’existait pas de "régiment de chasseurs" mais uniquement des bataillons. C’est pourquoi il n’y aurait donc qu’un seul drapeau, symbole de l’unité et de la cohésion de tous les chasseurs. Ce premier drapeau fut remis par le Roi, Louis Philippe d’Orléans, lors d’une cérémonie qui eut lieu le 4 mai 1841. Il fut confié au 2ème bataillon de chasseurs à pied pour tous les bataillons de chasseurs. 

Désormais la garde en est confiée, à tour de rôle et dans l'ordre croissant des numéros, à chaque bataillon pour la durée d’un an, mais en 1915 le 23ème ne l’a gardé que quelques jours. La passation se fait aujourd’hui au château de Vincennes, berceau des chasseurs, lors de la cérémonie nommée « les journées bleu-jonquille » (référence aux couleurs de l’uniforme des Chasseurs).

Ce drapeau des chasseurs a reçu de la Légion d’honneur pour avoir enlevé un drapeau autrichien, en 1859, à la bataille de Solférino. Il a aussi obtenu différentes décorations : la Médaille Militaire (c’est le seul de l’armée française à pouvoir la porter), médaille obtenue suite à la prise du drapeau au 132ème régiment Prussien le 14 août 1914 par le 1er bataillon de chasseurs à pied à Saint-Blaise-la-Roche (Vosges) ; La Croix de Guerre 1914-1918 avec palme qui rappelle, sur leur unique Drapeau, l’héroïsme des bataillons d’active et de réserve ; La Médaille Italienne du Mérite de Guerre qui marque la part éminente que prirent les Chasseurs dans les combats du front italien durant la Grande Guerre, etc…


jeudi 8 novembre 2018

#ChallengeAZ : G comme grades

Lien vers la présentation du ChallengeAZ 2018
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Les principaux grades dans l'infanterie sont les suivants :
  • Les hommes de rang :
- soldat de 2ème classe : Soldat
- soldat de 1ère classe : Distinction et non un grade ; permet d'accéder au grade de caporal
- caporal : Commande une escouade (composée de 10 hommes environ)
  • Les sous-officiers :
- sergent : Commande une demi-section (composée de 2 escouades soit environ 30 hommes)
- adjudant : Chargé des corvées et de l'organisation de la compagnie.
- major : Sous-officier chargé de l'administration
  • Les officiers supérieurs :
- lieutenant : Commande une section (composée de 60 hommes)
- capitaine : Commande une compagnie (composée d'environ 240 hommes)
  • Les officiers subalternes :
- commandant : Commande un bataillon (composé de 4 compagnies, 1100 hommes)
- colonel : Commande un régiment (composé de 3 bataillons, 3400 hommes)
  • Les officiers généraux :
- général de brigade : Commande une brigade (composée de 2 régiments, 6800 hommes)
- général de division : Commande une division (composée de 2 brigades, 16000 hommes)
- général de corps d'armée : Commande une armée (composée d'au moins 2 divisions)
- général d'armée : Commande un corps d'armée (composé d'au moins 2 armées)
- maréchal : Distinction et non un grade


Grades et insignes des Chasseurs © Wikipedia

Jean-François est resté toute la guerre un soldat de 2ème classe. Le soldat de 2ème classe constitue la base de la hiérarchie militaire française. Il se situe au-dessous du premier grade qui est caporal. Il peut obtenir la distinction de première classe qui n'est pas un grade de l'armée française mais une distinction attribuée aux hommes du rang.

Naïvement je pensais que le grade de caporal pouvait s’obtenir « à l’ancienneté », en particulier lorsque tous les gradés étaient morts sur le champ de bataille et qu’il fallait bien quelqu’un pour mener les troupes lors des assauts. Je pensais donc logiquement que Jean-François, ayant passé 4 ans aux armées, aurait eu cette « promotion » puisqu’il n’a semble-t-il pas démérité : lui-même a reçu une médaille et les bataillons auxquels il a appartenu ont souvent été cités pour leur bravoure (pour en savoir plus, voir la lettre M).
Cependant rien de tel.

Depuis les Lois Gouvion Saint Cyr et Soult de 1818 et 1832, le statut des officiers est précisément défini.
Le grade est propriété de son titulaire qui ne peut pas en être dépossédé, hormis dans quelques cas très limités (démission, perte de la qualité de français et certaines condamnations). La nomination au grade d'officier se fait soit par accès aux écoles (Saint-Cyr ou Polytechnique), soit par nomination au sein du corps des sous officiers, à condition d'avoir déjà deux ans de grade. Cette procédure favorise les jeunes gens de bonne famille, bénéficiant d'utiles relations et qui ne souhaitent pas (ou ne réussissent pas) passer par les écoles.
Pour devenir caporal, en plus de savoir lire et écrire, il faut maîtriser un socle de connaissances (service de place, service intérieur...) et il faut avoir "servi activement au moins six mois, comme soldat, dans un des corps de l'armée" (article 1er). Les hommes ayant obtenu le Brevet d'Aptitude Militaire peuvent de droit intégrer l'école des élèves caporaux et le devenir au bout de 4 mois de service. Pour tous les autres, il s'agit de soldats choisis pour leur moralité, leur conduite, leur aptitude au commandement et leurs connaissances professionnelles.
Une fois sous-lieutenant, la progression en grade se fait à l'ancienneté ou au choix de la hiérarchie.
Après 1834, la plupart des nominations aux grades de lieutenant et de capitaine et la moitié des grades de chef de bataillon ou d'escadron se fait à l'ancienneté, les autres au choix. Au-delà (colonel et général), toutes les nominations sont au choix.
Jusqu’au grade de capitaine compris, les promotions se font dans le corps (le régiment) pour l'infanterie et la cavalerie. Au delà de ce grade, l'avancement se fait au sein de l'arme. Cette procédure favorise les officiers servant dans des régiments engagés au combat qui, s'ils survivent, on plus de chance d'être promus en bénéficiant de la mort de leurs aînés.
Pour les officiers subalternes, les promotions sont décidées par l'inspecteur général, sur proposition des chefs de corps. Au delà, l'inspecteur général établit une liste qui sera décidée par le comité de l'arme en question (infanterie, cavalerie, artillerie, génie et état major) ou par le ministre.

Il semble que Jean-François avait les nécessaires requis pour devenir au moins caporal. Ce qui n’a pas été le cas. Peut-être qu’un élément m’a échappé ? N’avait-il pas les connaissances requises ? Ou peut-être le lui a-t-on proposé et a-t-il refusé ? Cela reste un mystère pour moi.


mercredi 7 novembre 2018

#ChallengeAZ : F comme formation militaire

Lien vers la présentation du ChallengeAZ 2018
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Paysans, ouvriers, marchands… il faut faire de ces hommes aux profils divers des soldats. 

La base de l’enseignement militaire commence par la connaissance des grades et des commandements.

Ensuite, la formation (nommée « école ») s’élargit pour passer de l’individuel au collectif : soldat, section, compagnie, bataillon. Elle comprend plusieurs volets :
  • L’éducation physique est évidemment primordiale dans la formation du futur soldat. Pour ceux qui en sont capable, s’y ajoute la « gymnastique d’application » constituée par des applications militaires et sportives, destinée à surmonter les difficultés rencontrées en campagne. Et enfin pour les élites, la « gymnastique de sélection » qui comprend certains exercices spéciaux aux agrès et certains sports exigeant des facultés particulières. Chaque recrue dispose d’une fiche individuelle de gymnastique où sont notées ses performances à la natation, au saut, à la course, etc…
  • Les manœuvres sont le second volet de la formation militaire : la mise au garde à vous, au repos, la marche (pas de gymnastique ou pas cadencé), les positions du fusil (à l’épaule, au repos, etc…). Les positions debout, à genou, couché.
  • Vient ensuite le tir, instruit de façon individuelle puis collective : chargement de l’arme, visée, feux dans différentes positions, cessez le feu, inspection des armes. Le combat à la baïonnette : la mettre et la défaire, charge. On considère encore à l’époque que la baïonnette est l’arme suprême du fantassin.
Quittant la caserne, les soldats commencent leur instruction sur le terrain : le « service en campagne ». Ils y apprennent la connaissance et l’utilisation du terrain, l’orientation, les missions des sentinelles, des éclaireurs. Un cours sur la Convention de Genève leur est apporté.
  • Les travaux de campagne comportent un volet sur les destructions, les travaux de camp ou de bivouac, des exercices pratiques d’embarquement en chemin de fer ou de ravitaillement en munitions. Les exercices se pratiquent de jour comme de nuit. La construction des tranchées y tient une place importante.

 Extrait du manuel d'instruction militaire, les positions dans les tranchées © Gallica
  • L’éducation morale leur inculque les notions de Patrie, de Drapeau, les principes de discipline et de solidarité. Ils doivent également connaître l’historique de leur Corps d’Armée.
  • Bien sûr, ils doivent reconnaître immédiatement les marques extérieures de respect, en particuliers celles dues aux supérieurs hiérarchiques. Les récompenses, certificats de bonne conduite ou permissions sont expliquées, de même que les punitions encourues.

  • L’alimentation (on dirait aujourd’hui la nutrition) est abordée, de même que divers programmes tels que le tabac ou le fonctionnement de la poste.
  • L’hygiène militaire fait l’objet d’un programme complet : on y aborde les soins de propreté corporelle (bien que finalement, beaucoup devront s’en passer pendant de longues périodes), mais aussi la tenue des chambres, la vie au bivouac, le paquet individuel de pansement. Enfin, les maladies contagieuses (en particulier syphilis ou tuberculose), et l’alcoolisme sont également abordés.
  • Le paquetage est soigneusement détaillé, notamment dans sa façon de le ranger afin que des éléments indispensables soient facilement accessibles et inversement.
  • Le code de justice militaire clôt la formation, avec ses obligations et cas particuliers (maladies, voyages, réformes…).

On notera que Jean-François est entré en formation début octobre 1914 : ses « classes » auraient dû durer 6 mois, mais ont été écourtées d’un mois : en janvier 1915 l’armée se considérait déjà en manque d’hommes et a fait abréger les formations militaires pour remplacer les – nombreux – soldats morts sur le front.