« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

dimanche 11 novembre 2018

#Centenaire1418 pas à pas : novembre 1918

Suite – et fin du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de novembre 1918 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
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1er novembre
Tirs exécutés : 55 coups.

2 novembre
A 14h le groupe prend part à l’attaque de la 33ème DI qui doit s’emparer des organisations à l’Ouest de Guise. Tirs exécutés : 213 coups.

3 novembre
Tirs exécutés de nuit : 45 coups.

4 novembre
Opération du 36ème CA qui doit franchir le canal de la Sambre et s’établir à la Maison Rouge. Cette attaque est appuyée par le 31ème CA qui déclenchera à son tour une attaque générale dans le secteur de Villers lès Guise. Tirs exécutés : 129 coups.

5 novembre
Une reconnaissance faite dans la matinée pour trouver des positions dans la région de Crapilly devient inutile du fait du recul de l’ennemi. Le colonel charge de faire quotidiennement des reconnaissances pour le tenir au courant de la construction des ponts sur l’Oise et de l’état de routes direction de La Capelle.
Une pièce de la 1ère batterie est évacuée sur le PRA ; le tube 498 et l’affût 97 sont échangés pour le tube et l’affût 13.

6 novembre
Après la reprise de Guise, sur les ordres du colonel, les pièces sont mises hors batterie dans le courant de l’après-midi.
Guise © herv.demoulin.pagesperso-orange.fr

7 novembre
Le groupe est rassemblé tout entier à Noyales, sauf l’atelier qui reste à Regny. A date de ce jour, le régiment n’appartient plus au 31ème CA.

8 novembre
L’ennemi chancèle, il recule, perd pied. Bientôt il est hors de portée.

9 novembre
Les pièces sont en position de route, prête à poursuivre l’ennemi.

10 novembre
L’ennemi abandonne dans sa retraite un matériel considérable (voitures, wagons, approvisionnements de toute nature).

11 novembre

11 h :




A midi, coup de téléphone du PC du colonel qui nous apprend que l’Armistice a été signé et est entré en vigueur à 11h.

Armistice, la Dépêche © historyweb.fr

La guerre est finie.


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L’Armistice signé le 11 novembre 1918 surprend Jean-François dans le secteur de Guise (Aisne), à la poursuite des Allemands, entre deux coups de canons. Savait-il que la fin de la guerre approchait à grands pas ? Était-il au contraire coupé du monde sur le front ? Entend-il les volées de cloches à 11h ? Reste-t-il seulement un clocher capable de les faire sonner ? D'après le JMO, son régiment ne reçoit la nouvelle qu'à midi : était-ce l'espoir qui occupait les hommes durant cette heure intermédiaire, ou bien simplement la routine de tous les jours ? Nous ne le saurons probablement jamais...

Quoi qu'il en soit, cette signature est un soulagement pour tous : « la guerre est finie ». 

Cependant… elle n’est pas véritablement finie ! Si les combats ont cessé, cela ne signifie pas pour autant la fin de la guerre et le retour immédiat des hommes.

L’armée doit faire face à un immense chantier : rapatrier tous ses soldats, armes, véhicules, etc… disséminés à travers le monde. Les Français choisissent la démobilisation à l’ancienneté : l’idée est donc de commencer par démobiliser les soldats des classes les plus anciennes.

Jean-François n’avait que 20 ans en 1914 : c’est une des classes mobilisées les plus jeunes. Le retour à l’ancienneté signifie que, pour lui, la démobilisation n’est pas prévue pour tout de suite…

Une double démarche vient clore cette aventure "pas à pas" commencée en 2014 : le ChallengeAZ de généalogie, qui se déroule durant tout le mois de novembre, d'une part, puis un article à paraître le mois prochain pour en savoir plus sur l’après-guerre sous les drapeaux, en ultime hommage à Jean-François.


samedi 10 novembre 2018

#ChallengeAZ : I comme Italie

Lien vers la présentation du ChallengeAZ 2018
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Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, l'Italie qui jusque-là était alliée de la Triplice (Autriche-Hongrie, Allemagne, Italie) décide de rester neutre. Finalement elle s'engage auprès de la Triple-Entente (France, Russie, Royaume-Uni) en échange de la promesse de nombreuses concessions territoriales en cas de victoire (mai 1915). Les opérations italiennes resteront limitées à un front qui les oppose, la plus grande partie de la guerre, à l'Autriche-Hongrie. De 1915 à 1917 l'armée italienne, mal équipée et mal commandée, arrive néanmoins à pénétrer de quelques kilomètres en territoire ennemi, les Autrichiens restent en général sur la défensive. Cependant à l'automne 1917 les Italiens subissent une cuisante défaite à Caporetto.

C’est alors que le bataillon de Jean-François est envoyé en renfort sur le front italien, face aux austro-hongrois. Il participe à une vaste opération d’aide, composée de troupes françaises et anglaise : du côté français, c’est la Xème Armée qui est envoyée, avec des régiments d’artilleries mais aussi différents bataillons de Chasseurs Alpins. Ceux-ci, habitués aux combats à flanc de montagne, vont combattre l’ennemi sur les sommets qui surplombent la vallée du Piave (Vénétie). Ils volent au secours de leurs homologues italiens, les Alpini, démoralisés après leur récent désastre de Caporetto.  En décembre 1917 ils prennent le nom de Forces Françaises en Italie. Les Anglais sont sous le commandement du général Plummer.

Le 51ème BCA, auquel appartient Jean-François, embarque de Champagne où il était positionné début novembre 1917. Il est convoyé par train jusqu’à Turin, où les Italiens leur réservent un accueil chaleureux. Après une courte pause, ils poursuivent leur voyage vers Peschiera près de Vérone (Vénétie) puis des camions les conduisent vers Cedegolo et Edolo, région montagneuse près de Brescia (Lombardie).
La neige a déjà envahi les cols et les Alpins doivent développer tout leur savoir-faire pour empêcher l’ennemi de progresser.
A la mi-novembre on les rapatrie déjà vers Vicense (Vénétie). Leurs missions sont de renforcer l’armée italienne, contre-attaquer l’ennemi s’il se présente, couvrir un repli éventuel de l’armée italienne.

Début décembre ils rejoignent Castelcucco, au Nord Ouest de Trévise (Vénétie), au pied du massif montagneux surplombant la Piave qu’ils sont chargés de défendre. Pendant un mois, ils vont se battre férocement, sans cesse harcelés par l’artillerie et l’aviation ennemie, subissant de lourdes pertes. Mais les Chasseurs savoyards contribuent finalement à colmater la brèche. Le 30 décembre 1917, ils enlèvent avec brio la position clé du Monte Tomba aux Autrichiens. Cette bataille mémorable vaudra au 51ème BCA une citation à l’ordre de l’armée et une décoration de son fanion par le Général Fayolle, alors commandant supérieur des Forces Françaises en Italie (voir la lettre M).

Collection "patrie" © forum.pages14-18.com

Le 51ème se retire ensuite plus bas dans la plaine, faisant différents exercices, notamment des marches de manœuvre. Est-ce le froid ? La fatigue ? Jean-François tombe malade et doit être hospitalisé pour bronchite. Il reste 6 semaines éloigné du front, avant de pouvoir enfin rejoindre son bataillon.

Puis les Alpins doivent rentrer d’urgence en France au printemps 1918 car l’Allemagne a rompu le front (certaines troupes restent cependant en Italie, intégrées à la 12ème Armée Italienne en octobre 1918). Jean-François effectue son étape la plus longue de toute la guerre : près de 1 400 km, de la Vénétie à la Somme (voir la lettre D).


vendredi 9 novembre 2018

#ChallengeAZ : H comme honneur

Lien vers la présentation du ChallengeAZ 2018
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L’horreur de la guerre est un instant rompu par l’honneur qui est fait au 23ème BCA : la garde du Drapeau des Chasseurs.

Ordre de bataillon n°14 (daté du 25 juillet 1915) :
« Chasseurs de la 4ème Brigade,
Notre drapeau – le glorieux Drapeau des chasseurs est confié à votre garde pendant quelques jours.
C’est un honneur qui vous rendra fiers et aussi une récompense qui vous est due.
Je n’ai pas besoin de vous dire ce qu’est notre Drapeau décoré de la Légion d’Honneur, de la Médaille Militaire, de la croix de guerre, lambeaux héroïques de soie tricolore qui renferment dans leurs plis toute la gloire du passé, toute celle du présent. [...]
Vous avez, depuis un an de guerre, forcé l’admiration du monde par votre énergie, votre courage et votre abnégation. […]
Réunis autour du drapeau des chasseurs, vous lui jurerez fidélité, vous ferez le serment non seulement de le défendre mais encore de le conduire, coûte que coûte, au bord de ce Rhin que nous voyons d’ici, au pied des dernières montagnes vosgiennes.
Et quand, votre tâche accomplie, vous défilerez sous l’Arc de Triomphe, au milieu des acclamations de la France entière, ne serez vous pas récompensés de vos peines et de vos fatigues en voyant flotter au-dessus de vos têtes notre glorieux étendard.
Signé : Lacapelle. »

Et le général Puydragin, commandant la 47ème DI y va aussi de son commentaire élogieux : « La 47e D.I. a brisé la résistance des troupes d’élite que l’ennemi lui a successivement opposées et maintenu glorieusement la vieille réputation des Chasseurs dont elle avait l’honneur de garder le drapeau ».

Les Chasseurs et leur drapeau, 1915 © lagrandeguerre.cultureforum.net

En effet, il n’y a qu’un seul et unique drapeau, commun à tous les bataillons et groupes de chasseurs à pied ou alpins. Autrefois chaque régiment d’infanterie, composé de plusieurs bataillons, avait alors son drapeau. Cependant à leur création il n’existait pas de "régiment de chasseurs" mais uniquement des bataillons. C’est pourquoi il n’y aurait donc qu’un seul drapeau, symbole de l’unité et de la cohésion de tous les chasseurs. Ce premier drapeau fut remis par le Roi, Louis Philippe d’Orléans, lors d’une cérémonie qui eut lieu le 4 mai 1841. Il fut confié au 2ème bataillon de chasseurs à pied pour tous les bataillons de chasseurs. 

Désormais la garde en est confiée, à tour de rôle et dans l'ordre croissant des numéros, à chaque bataillon pour la durée d’un an, mais en 1915 le 23ème ne l’a gardé que quelques jours. La passation se fait aujourd’hui au château de Vincennes, berceau des chasseurs, lors de la cérémonie nommée « les journées bleu-jonquille » (référence aux couleurs de l’uniforme des Chasseurs).

Ce drapeau des chasseurs a reçu de la Légion d’honneur pour avoir enlevé un drapeau autrichien, en 1859, à la bataille de Solférino. Il a aussi obtenu différentes décorations : la Médaille Militaire (c’est le seul de l’armée française à pouvoir la porter), médaille obtenue suite à la prise du drapeau au 132ème régiment Prussien le 14 août 1914 par le 1er bataillon de chasseurs à pied à Saint-Blaise-la-Roche (Vosges) ; La Croix de Guerre 1914-1918 avec palme qui rappelle, sur leur unique Drapeau, l’héroïsme des bataillons d’active et de réserve ; La Médaille Italienne du Mérite de Guerre qui marque la part éminente que prirent les Chasseurs dans les combats du front italien durant la Grande Guerre, etc…