« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 21 janvier 2022

#52Ancestors - 3 - Honoré Lejard

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 3 : Photo favorite 


Les photos de noces font partie de mes photos favorites. Ainsi la photo du mariage d’Honoré Lejard.

"1900, noces angevines" © Coll. personnelle

 

Ce cliché est issu de l’album réuni par mon grand-père Astié. Il couvre une période allant de 1871 à 1986.

 

En page 4 de cet album on trouve cette photographie légendée « 1900, noces angevines dans notre famille ». Seules trois personnes sont identifiées : Les parents du marié, Honoré Lejard et Louise Châtelain, et (par extension) le marié lui-même, prénommé Honoré comme son père.

 

Cet Honoré Lejard père est le grand-père maternel de mon grand-père Astié (mon sosa 18). Il est né en 1838 au Plessis-Grammoire (Maine et Loire). Il a épousé en première noce Marie Bienvenu, en 1863, dont il a eu trois fils. Seul l’ainé aura une postérité, les deux cadets étant décédés dans la vingtaine. La femme à côté de lui est en fait sa seconde épouse, Louise Châtelain.

 

Les Lejard sont les spécialistes du déménagement : il est très difficile de les retrouver, de génération en génération, voire même au cours d’une seule vie. Ainsi pour Honoré père j’ai recensé des domiciles dans 6 communes différentes. De ce fait, j’ai eu un peu de mal à trouver le mariage d’Honoré fils. Je l’ai finalement déniché à Sarrigné… en 1893. La photo est donc un peu plus vieille qu’estimée.

 

La noce se passe à la mi-janvier. C’est l’une des deux périodes privilégiées pour se marier : janvier-février et juin-juillet ; on évite ainsi les périodes de gros travaux des champs et les divers interdits religieux. On remarque d’ailleurs des vêtements assez couvrants, sans doute dus à la fraicheur du climat hivernal : les noceux se sont pouillancés (vêtus chaudement).

 

Honoré fils épouse une Marie Châtelain. Elle porte le même patronyme que la belle-mère d’Honoré, mais ne semble pas appartenir à la même famille. Le marié est alors âgé de 25 ans. Si en 1887 il a été désigné propre au service militaire, il a finalement été réformé en 1889 pour varices volumineuses à la jambe droite. En 1893 il est meunier à Brain sur l’Authion.

Il porte les grandes moustaches caractéristiques de cette époque (comme la très grande majorité des hommes sur le cliché). La pilosité faciale est alors vue comme un signe de virilité et de puissance. Mais attention : si vous portez la moustache il faut qu’elle soit bien taillée et entretenue, cela prouve que vous contrôlez l’animalité qui est en vous. Pommades et cires permet de leur donner une jolie forme. L’engouement pour la moustache dans la deuxième partie du XIXème est impulsé par Napoléon III. Symbole d’autorité elle est obligatoire chez les gendarmes, mais interdite aux garçons de café qui ne sont que des serviteurs. Cette mode passera avec la Première Guerre Mondiale (pas facile d’entretenir ses favoris quand on est dans la boue du matin au soir). Peu à peu, le symbole d’autorité de la moustache se transforme en marque de despotisme (Staline, Hitler…) : on se rase alors la moustache massivement à partir des années 1950.Avant d’en arriver là, il va de soit que différentes modes et tailles se sont succédées. Pour en revenir à nos moustachus, la majorité porte une moustache de style « morse », c'est-à-dire avec des poils assez longs, s’affaissant vers le bas et couvrant légèrement la bouche.



Le nocial du marié (vêtement de noce) est composé d’un costume noir. Il semble porter une cravate blanche (ou est-ce le col de sa chemine ? On ne voit pas bien). Dans sa main droite on distingue un chapeau haut de forme.


La mariée a 18 ans. Elle est issue d’une famille de cultivateurs de Sarrigné. Elle porte une robe noire. Un fichu blanc en dentelle vient agrémenter la robe. A cette époque les robes de mariée étaient réalisée en tissus noir : c’est une robe faite pour durer, elle devenait ensuite « la robe du dimanche ». Le jour de la noce on peut éventuellement l’agrémenter, comme ici avec le châle. Marie tient dans sa main gauche un bouquet rond. Une broche en forme de fleur décore son col. Et bien sûr elle porte la coiffe angevine caractéristique à tuyaux (pour en savoir plus sur les coiffes angevines, voir l’article Les coiffes de nos grands-mères).

 

A droite du marié se trouve la place traditionnelle des parents. Mais sa mère est décédée en 1882. Ce n’est donc pas Marie Bienvenu qui se trouve à la droite du marié, mais sa belle-mère, Louise Châtelain. En effet Honoré père s’est remarié en 1883. Louise a alors 36 ans. Elle porte elle aussi une robe sombre, sous lequel on devine des manches blanche. Elle porte au col un foulard à pompons. Sur sa tête une très jolie coiffe en dentelle surmonté d’un gros nœud porté en diadème.

A ses côtés Honoré père. Il est cultivateur à Corzé au moment du mariage de son fils. Il a 55 ans. Il est revêtu d’un costume sombre, une chemise blanche et une cravate. Sur ses genoux il tient un chapeau haut de forme similaire à celui de son fils.


A côté de la mariée sont sans doute ses parents. André son père, cultivateur à Sarrigné âgé de 54 ans, et Louise Désirée Lemet, sa mère, âgée de 52 ans. Lui porte un costume sombre avec un gilet. Elle porte une robe sombre sur une chemise blanche, un ample devantiau (tablier). Ses épaules sont couvertes d’une veste ou un châle sombre. Elle porte des gants sombres. Sa coiffe est moins développée que les précédentes : on y voit ni dentelle tuyautée ni nœud volumineux.


Au-delà se trouve deux enfants. La jeune fille pourrait correspondre à Lucie Châtelain, la jeune sœur de la mariée âgée de 11 ans. Et peut-être est-ce Auguste qui se tient au bout de la rangée. Le frère de Marie serait alors âgé de 7 ans.

 

Parmi les témoins figurent Pierre Lescieux, beau-frère de Marie, époux de sa sœur Louise, et André son frère aîné. Ce sont peut-être les jeunes gens assis derrière la mariée.


Du côté d’Honoré, l’identification est plus délicate. Son premier frère Louis est déjà décédé. Le second, Léon, est en attente de son affectation militaire (dont il ne reviendra pas) dans un bataillon de chasseurs à pied. Du second lit de son père sont issus plusieurs enfants : Jean Baptiste, âgé de 10 ans au moment de ce mariage, Louise (mon ancêtre), âgée de 5 ans, et Célestine, 2 ans. Ces enfants ne semblent pas avoir assisté à la noce.

Les témoins d’Honoré sont deux amis, tous deux meuniers. Est-ce l’un d’eux qui se tient derrière les parents du marié, habillé d’un grand tablier blanc ?


Je ne suis pas capable d’identifier précisément les autres personnes de la noce. On distingue toutefois deux personnages caractéristiques :

- un violoneux. Joueur de violon qui ne maîtrise pas forcément le solfège, mais joue à l’oreille des airs qui se transmettent oralement. Il accompagne la noce depuis le matin, où il est allé « chercher » la fiancé à son domicile, a donné le signal du départ du convoi vers la mairie et l’église et fait danser tous les « nociers » jusqu’à une heure tardive de la nuit.


- un beau militaire en dolman à la hussarde et casquette à plumeau. Difficile de déterminer son affectation précise, malheureusement, car la photo est trop floue.

 

On remarque que plusieurs hommes arborent une cigarette à la main. Si jusqu’au XIXème on préférait priser le tabac, à partir de 1830 se diffuse la cigarette, petit rouleau de tabac rapporté d’Espagne par l’armée de Napoléon Ier. Tabac et papier était alors vendus séparément et les cigarettes roulées manuellement. Cependant, la pipe garde la faveur des fumeurs jusque dans les années 1870. Ce n’est qu’à la fin du XIXème que l’industrialisation permet la fabrication de cigarettes industrielles et la démocratisation du petit rouleau.


La majorité des femmes portent la coiffe angevine. On remarque notamment quelques modèles dits des Pont de Cé (localité proche de Sarrigné), comme celui que porte la mère du marié.


On notera le geste original des deux couples en haut à droite de l’image : les garçons tiennent la main bien haut de leurs compagnes.


La photo a sans doute été prise dans une cour de ferme : on distingue une longue échelle fixée sur le mur à l’horizontale sous la toiture. C’est probablement la ferme de la mariée puisque ses parents sont cultivateurs.

Après ce mariage Honoré disparaît : je ne le retrouve que, brièvement, 5 ans plus tard à Beaufort en Vallée lors de la naissance de son fils. 

Mais ce jour de noce a laissé un souvenir dans l'album familial...


vendredi 14 janvier 2022

#52Ancestors - 2 - Aymée Perroud

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 2 : Découverte favorite 

Ma découverte favorite, c’est ce que j’appelle « le nid d’ancêtres ». Lorsque pendant longtemps, une branche s’est trouvée bloquée et qu'enfin, la recherche se trouve relancée (par une alerte automatique de Geneanet par exemple).

Ce fut le cas avec Aymée Perroux. Je ne la connaissais que par la naissance de ses enfants. Je savais qu’elle était l’épouse de Jean Pierre Perriere, maître cordonnier à Anthy (Haute Savoie) à la charnière des XVIIème et XVIIIème siècles. Un arbre en ligne mentionnait sa parenté mais trop peu de sources permettaient de s’en assurer.

C’est là que la quête commence. Pourquoi Jean est-il indiqué comme père d’Aymée ? Comment sa mère et son grand-père sont-ils connus ? Les registres paroissiaux sont lacunaires, il faut se tourner vers les actes notariés. Enfin un contrat de mariage est trouvé : en octobre 1697 Aymée et Jean Pierre se promettent l’un à l’autre. Les pièces du puzzle commencent à s’emboîter. Le nom d’Aymée s’orthographie Perroud. C’est la graphie que j’adopte désormais : selon mon habitude, je privilégie l’orthographe trouvée du vivant de la personne. Je garde en note que la forme Perroux existe dans certains actes, mais je corrige le nom dans mon logiciel.

Le contrat de mariage est en partie filiatif : Jean est bien le père d’Aymée. Nouvelle pièce du puzzle.

D’après ce document, l’identité de sa mère n’est pas connue. Comment prouver que Jeanne Françoise Voguet, citée dans un arbre en ligne, est bien celle qui a donné naissance à Aymée ? Je traque sa piste dans la fratrie d’Aymée. Je navigue dans les registres paroissiaux, parfois en latin, parfois lacunaires. Un mariage entre Jean Perroud et Jeanne est trouvé. Elle est dite fille de Philibert : ainsi l’identité du grand-père d’Aymée serait connue. De là je déroule la fratrie. Des frères et sœurs sont trouvés, mais ils restent à l’état de probabilité : tant que je n’ai pas sous les yeux  un lien officiel entre Jeanne et Aymée, je ne les adopte pas (encore). Mais ce Jean Perroud est-il bien "mon" Jean ou un homonyme ? Jeanne Françoise est-elle la mère d’Aymée ou une autre épouse de Jean ? La naissance d’Aymée m’échappe encore.

C’est finalement dans les actes notariés que je trouve ma preuve irréfutable : une procuration, passée en 1703 devant un notaire de Thonon par une Jeanne malade, est donnée à son gendre Jean Pierre Perriere.

Je peux donc officialiser :

- Jean Perroud, père d’Aymée,

- Jeanne Françoise Voguet, sa mère,

- Jacques, Claudine, Claude et Charlotte, ses frères et sœurs,

- Philibert Voguet, son grand-père.

 

Pixabay

C’est ainsi que j’ai trouvé un « nid d’ancêtres », une famille sur trois générations, une demi-douzaine d’individus supplémentaires. J’ai navigué d’Anthy à Allinges, berceau de la famille d’Aymé. J’ai complété le cadre familial de mon aïeule. Et grâce aux différents documents notariés trouvés pendant ma quête, j’ai reconstitué des petits fragments de vie (acquisitions, quittances), des proches qui ont compté dans sa vie.

 

 

vendredi 7 janvier 2022

#52Ancestors - 1 - Grand-père Astié

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 1 : Quelles sont les bases de votre généalogie ? Quel est votre point de départ ? Sur quoi vous appuyez-vous ? 


L’arbre dessiné par mon grand-père paternel fut le déclencheur. Il résultait de ses recherches menées sur sa branche agnatique et sur celle de son épouse.
Du côté paternel cet arbre plongeait ses racines à Conques, en Aveyron, vers 1740.
Du côté maternel il avait poussé depuis Le Poizat/Lalleyriat, dans l’Ain, vers 1660.
Les eux branches matrilinéaires n’avaient que peu été explorées. 


Arbre dessiné par grand-père Astié


C’est à partir de ces recherches que j’ai attrapé le virus de la généalogie, il y a une vingtaine d’années. 31 noms soigneusement calligraphiés à l’encre de Chine sur un arbre dessiné par mon grand-père. Le goût de l’Histoire (la « grande », ma formation première), des histoires (les « petites ») et de la quête ont sans doute fait le reste.

J’ai développé les branches qui ne l’étaient pas, élargi le champ des recherches à ma propre branche maternelle, plongé plus profondément encore que ne l’avait fait mon grand-père. Les recherches menées par d’autres membres de la famille (la tante Michelle, la cousine Bernadette) sont venues grossir le ruisseau de mes ancêtres – qu’elles en soient remerciées. 

Il va de soit que c’est grâce à la mise en ligne des fonds des archives départementales que j’ai pu explorer la vie des mes ancêtres. En effet, je n’ai aucune famille dans la région où je demeure et le fait d’avoir pu consulter ces fonds à distance m’a permis de progresser dans ma généalogie sans contrainte. Bien sûr, le revers de la médaille est que je suis dépendante de ces recherches en ligne : mon arbre se développe donc au rythme des numérisations, de la facilité (ou pas) d’utilisation desdits sites, des solutions techniques adoptées. Il est ainsi moins développé dans les départements où les visionneuses sont difficiles à utiliser, où les fonds en ligne sont moins riches. Et inversement. 

Aujourd’hui je compte 11 680 ancêtres (directs et collatéraux), 12 459 événements, 388 lieux répartis sur quatre pays (principalement la France et la Suisse), 18 régions, 37 départements français. 

Et c’est autant d’histoires, de fragments de vie, de joies et de drames qui me sont murmurés par mes ancêtres. Et que je vous fais partager à mon tour, grâce à ce blog. 

Mon seul regret est que mon grand-père ne soit plus là pour en discuter avec lui…